Le parole lontane

Le parole lontane

All the world I've seen before me, passing by
Silent, my voice, I've got no choice
@ezio sanna

Cela avait été un Noël comme les autres à la Fawkes. L’ambiance n’était pas véritablement à la fête, mais on avait fait de son mieux pour apporter un peu de convivialité. Un gros sapin bien fourni avait été installé au centre de la salle à manger. Les plus jeunes élèves s’étaient chargés de la décoration. Quant à toi, tu avais profité de l’une de tes sorties pour te procurer un petit train moldu, mené par la locomotive du père Noël. Tu avais enchanté le circuit, afin que le convoi tourne sans interruption tout autour du sapin. Et si de nombreux regards avaient brillé d’enthousiasme et de joie devant cet ensemble, tout ceci ne restait qu’artifice. C’était encore un Noël de plus sans Fred, un Noël de plus passé dans la peur de voir un autre de tes enfants disparaître. Mais aussi, le tout premier Noël où Ginny avait perdu une partie de sa mémoire. Encore un drame supplémentaire lié aux horreurs de Gracefield. Aujourd’hui encore, la découverte de ces jeux macabres t’inspirait un incommensurable dégoût à l’égard de tes pairs, de ces sorciers qui se permettaient le pire, sous prétexte que leur sang était aussi pur que le tien.

Perdre un frère était un traumatisme difficilement surmontable, auquel Ginny devait à nouveau faire face aujourd’hui. Lui annoncer une nouvelle fois la mort de Fred vous avait déchiré le cœur. Combien de drames votre famille devrait-elle encore surmonter ? La réponse à cette question t’obsédait depuis des mois, elle t’oppressait, elle te faisait suffoquer dans ton sommeil. Jour et nuit, tu ne pensais plus qu’à cela. Qu’à ta famille et à ton échec pitoyable. Tu n’avais pas su protéger Fred du destin funeste qui l’attendait. Tu avais failli à assumer ton rôle de père comme tu l’aurais dû. Et depuis lors, tu ne cessais de te laisser ronger par la culpabilité. Tu en avais bien parlé à Molly, tu avais tenté de lui faire entendre raison, de la persuader de tout quitter pour la survie de votre famille. Tu ne voyais aucun autre moyen de protéger les tiens. Mais la mort et les drames semblaient abreuver ton épouse d’une énergie vengeresse que rien ne pouvait réfréner. Si tu avais longtemps contesté sa décision de rester et de s’investir de plus belle dans la cause des Phénix, la libération des Battues avait quelque peu changé ta vision des choses. Tu ne pouvais plus fermer les yeux sur les massacres que commettait le gouvernement sorcier, par peur qu’il arrive quelque chose à ta famille.

L’état de Ginny te préoccupait depuis des semaines. Tu te sentais parfaitement impuissant face à sa perte de mémoire, qui entraînait inévitablement une détérioration de sa santé mentale. Il y avait des moments où elle ne voulait tout simplement pas se confier à toi, te montrer qu’elle n’allait pas aussi bien que tu l’aurais souhaité. Tu savais bien que cela prendrait du temps, et que rien ne redeviendrait exactement comme avant. Mais tu ne pouvais pas te résoudre à l’observer souffrir en silence, et encore moins à attendre sans rien faire. C’est lorsque tu avais aperçu Ezio Sanna parcourir les couloirs de la Fawkes, que tu avais eu l’idée de faire appel à lui. Tu avais entendu dire qu’il s’occupait du suivi psychologique des rescapés des Battues, et voyageait ainsi de planque en planque. Tu ne le connaissais pas véritablement, mais tu savais qu’il avait justement été dans la promotion de Ginny à Hogwarts. Et tu espérais que cela suffirait à la mettre en confiance. Il serait peut-être plus aisé pour elle de se confier à quelqu’un d’extérieur à la famille, mais qu’elle avait néanmoins connu à une époque plus paisible.

C’est ainsi, qu’en ce début du mois de janvier, tu attendais patiemment l’arrivée du jeune homme dans ton bureau. Comme à ton habitude lorsque tu recevais des visiteurs, tu avais veillé à préparer ton meilleur thé, ainsi qu’à disposer de bons petits gâteaux sur une assiette en porcelaine. Ce n’était peut-être qu’un petit geste, mais cela te procurait une délicieuse impression de normalité, en ces temps si troublés.

Invité Invité

Reprendre du service n'a pas été chose facile.
Si les fêtes s'étaient plutôt bien passées (personne n'était venu te hanter, toi, ce qui était plutôt rassurant de se dire que les tiens étaient sans doute encore en vie quelque part) le kaléidoscope émotionnel n'en avait pas moins été assez chargé, pour ne pas changer. La lune avait éprouvé ton père, auprès duquel tu étais resté sagement pour pouvoir t'en occuper, mais aussi profiter de sa présence que tu avais encore cru perdre dernièrement. Sans doute as-tu développé trop d'attachements excessifs, ou bien sans doute n'as-tu seulement jamais vraiment digéré ces tristes années où il courait comme le gibier sur cette île de malheur. Sur le sujet, tu étais encore peu lucide, si bien que tu subissais plus que tu ne conscientisais la situation. Ca en a été de même avec Vanessa, à qui tu as offert son cadeau, ayant été désigné comme Secret Santa. Quelque chose qui t'avait fortement bousculé sur le moment, jusqu'à te ronger d'anxiété. Ce n'est qu'au moment où elle t'a remercié, en te prenant dans ses bras, que tu as ressenti un soulagement. Celui de l'avoir fait, mais aussi d'avoir réussi à lui faire plaisir. Et pour toi, y'avait que ça qui comptait.

Il a donc fallu slalomer entre les vivants troublés ou encore galvanisés par la fête, mais aussi ceux qui revenaient. Tu n'en avais vu qu'un, à ta connaissance, mais tu n'en as jamais parlé autour de toi. Un revenant. Un être qui n'aurait pas dû être là par essence. Face à cette nouvelle dissonance universelle, qui s'accompagne toujours de bugs magiques certains, tu n'as trouvé qu'une seule issue : la fuite.

Tu t'es remis à faire tes exercices d'occlumancie, mais tu as aussi repris les visites pour pouvoir aider ceux qui en avaient besoin. Trois jours à la Fawkes, pas plus, ni moins. On ne pourra pas nier que ce train de vie n'est pas simple, et chaque déplacement se révélait être un vecteur d'angoisse supplémentaire. De fait, tu étais bien incapable de te défendre, information que ton père savait et préservait, et qu'il finirait probablement par refuser d'accepter complètement, pour ensuite te mettre à l'entraînement. Dans ce monde de chasseurs, cela paraissait évident que tu étais le faon.

C'était plutôt bien parti, donc ; même si pas simple.

En filant dans les couloirs élégants de la Fawkes, un homme, et pas des moindre, t'a arrêté. C'était en début d'après-midi, et si ce n'est te signifier qu'il avait besoin de te voir pour cueillir ton aide d'une certaine façon, le patriarche Weasley n'avait pas été plus en détail. Il n'en fallait pas plus pour que tu acceptes, car tu sais que les personnes en détresses étaient parfois bien plus silencieuses qu'on se l'imaginait. C'est donc sans trop t'avancer que tu songeais à un de ses enfants, ceux qui restaient du moins. A moins qu'il ne s'agisse d'un élève ? Dans tous les cas, tu ferais ton possible pour apporter le soutien qu'iels demandaient, si cela était juste.

Les cours sont terminés et la plupart des élèves vont et viennent, lorsqu'ils ne sont pas dans leurs dortoirs. C'est étrangement calme, ce soir. Il doit être dix-huit heures quand tu frappes à la porte du bureau d'Arthur, qui t'ouvre la voie avec une prévenance délicate qui te touche particulièrement. Tu as toujours eu bonne impression de cet homme, qui inspire confiance et respect.

"Bonjour" tu te rattrapes aussitôt avec un grand sourire doux, "Ou bonsoir, je sais pas trop... !" à partir de quelle heure passe t-on de l'un à l'autre ? Tu te sens soudainement prit du besoin d'être un peu protocolaire avec lui, alors que tu n'as pas tant besoin de l'être. Vous vous ne vous connaissiez pas, pas plus que de vue ou de on-dit en tout cas, mais cela ne justifiait - normalement - pas tant d'être tatillon de la sorte.
Sans doute que cela remontait aussi parce qu'il t'inspirait une prestance que tu n'avais pas, et où tu te sentais déjà amoindri. C'est ainsi.
"Vous préférez qu'on se tutoie ?" lui demandes-tu alors qu'il te fait rentrer, et où tu le remercies gentiment. "En tout cas vous pouvez m'appeler Ezio, ce sera plus simple que Chiron" au moins c'était posé, et vouvoiement ou pas, il valait bien mieux partir sur des bases saines. "C'est un plaisir de pouvoir enfin vous rencontrer" tu appuies son regard, sincère. Tu allais ajouter "monsieur Weasley" à la fin de ta phrase, ce que tu ravales assez tôt, bien heureusement. Il ne s'agirait pas d'ajouter de la dose d'awkwardness dont cette scène disposait déjà.

Le parole lontane

All the world I've seen before me, passing by
Silent, my voice, I've got no choice
@ezio sanna

Lorsque tu avais aperçu Ezio dans les couloirs en début d’après-midi, tu lui étais un peu tombé dessus comme la neige en plein mois d’avril. De façon tout à fait inattendue, tu l’avais hélé au passage pour l’inviter dans ton bureau après sa dernière consultation. Après coup, tu avais pas mal cogité et avais réalisé que tu lui avais sûrement donné l’impression d’être quelque peu insistant, voire même malpoli. Et parce qu’il était hors de question qu’il demeure sur cette éventuelle première impression, tu comptais bien te donner du mal pour lui laisser entrevoir le véritable Arthur Weasley, sorcier prévenant et courtois.
Alors que l’on frappe quelques coups à la porte, tu te diriges posément vers l’entrée de ton bureau et accueilles ton visiteur à l'intérieur. Devant son ton quelque peu maladroit, tu affiches un franc sourire, comme pour le rassurer. “Bonsoir, Ezio. Je n’ai rien contre un “bonjour” à dix-huit heures. Cela apporte même un peu de lumière en cette fin d’après-midi hivernale.” Tu jettes un coup d'œil par la fenêtre, mais ne parviens à distinguer rien que l’obscurité de la nuit, qui venait envelopper le jardin de la Fawkes. Reportant ton attention sur Ezio, tu souris une nouvelle fois devant ses excès de politesse. “Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je pense que l’on peut volontiers se tutoyer. Cela facilitera sûrement les choses.” Inutile d’accentuer la lourdeur de votre futur sujet de conversation en usant de conventions superficielles, comme la haute-société sorcière en raffolait. “Tu peux bien évidemment m’appeler Arthur.” Tu n’avais jamais été un sorcier de sang-pur comme les autres. Il ne te serait pas venu à l’esprit d’user de ce privilège archaïque pour t’acheter le respect apeuré de tes pairs.

Tendant le bras en avant, tu invites Ezio à venir prendre place sur l’un des deux fauteuils que tu réservais à tes visiteurs, avant de prendre toi-même place sur la chaise de ton bureau. “J’espère que tu aimes le thé. Je viens juste d’en refaire. Et n’hésite pas non plus à prendre des gâteaux, si cela te fait envie." Le pauvre garçon, il devait être affamé après avoir passé l’après-midi à travailler avec les élèves de la Fawkes. Et voilà que tu rajoutais du poids à son fardeau en le faisant rester sur son temps libre. Et tout ça dans le plus grand des secrets. Tu n’avais pas parlé à Molly de ton idée, tu craignais qu’elle ne soit contre ou qu’elle estime que tu n’avais pas à intervenir dans la convalescence de Ginny. “Navré de te faire rester après tes heures de service. Mais, vois-tu, le cas de Ginny m’inquiète de plus en plus. Alors je me disais que je pouvais peut-être t’en toucher un mot.” Pour l’instant, tu n’en dis pas plus. Peut-être qu’il préfèrera revenir te voir un autre jour, quand il aura plus de temps ou d’énergie. Après tout, tu imaginais qu’avec tous les patients qu’il côtoyait, cela devait probablement influer sur son état émotionnel. Du moins telle était l’idée que tu te faisais de son métier. Et même sans beaucoup le connaître, tu l’admirais déjà pour cela.

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