24 Décembre 2007, The Iron Institution. ça s'est pas franchement bousculé au portillon pour être de garde ce soir mais, si Venus est honnête, c'est pas plus mal. Les fêtes de fin d'années, ça fait un bon moment qu'elle ne prend plus aucun plaisir à les célébrer, et elle est aussi bien ici qu'à St James ou l'on ne sait où encore à prétendre pour un soir que tout va pour le mieux. Elle est même mieux ici, peut être, avec assez de travaille pour s'occuper jusqu'au nouvel an.

Vu qu'elle est de garde ce soir, elle a eu sa journée de libre. Elle a donc pu aller voir Irene, mais aussi Jenny, probablement les deux seules personnes avec qui elle pourrait avoir envie de passer les fêtes justement. (Venus n'est pas très juste envers l'Ordre, envers Dani, par exemple, et d'autres, mais voir tout le monde se réunir pour une parenthèse festive ne fait que lui rappeler sa propre solitude, la mort de son frère, les choix qu'elle a pu faire et honnêtement, ça lui donne le cafard.

En arrivant à l'Iron, elle prend la relève de Buffy, qui doit maintenant se rendre à Sweet River. Comme quoi, y a vraiment pire que de passer son réveillon dans une prison.

Elle croise deux autres gardes, Steeve et Tannis, l'un sur le point de partir, l'autre qui vient d'arriver. Effectif un peu réduit ce soir, parce que c'est Noël et parce que c'est assez calme depuis le dernier incident (ou alors depuis que Venus a repris les rennes de la prison. Ce n'est pas elle qui se prononcerait officiellement dessus mais elle a sa petite idée.)

Elle pourrait tout de suite se rendre là où elle a prévu de se rendre, mais elle se force à retarder l'échéance. Tannis ne prête aucunement attention à elle, vient d'attraper son magazine et est posée sur l'une des chaises dans la salle de pause, mais Venus se sent quand même obligée de montrer l'exemple. Alors elle s'affaire pour remettre un peu d'ordre, vérifie le registre et le calendrier, commence un semblant d'inventaire, avant de finalement attraper deux plateaux repas, l'air de rien, et de s'éclipser en direction des cellules.

Elle ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre quand elle ouvre la porte, Peter oscillant sans vraiment de logique entre calme déconcertant et agitation presque hantée.

"I brought you diner," elle annonce sans autre préambule, en entrant dans la cellule et en refermant la porte derrière elle. "Hope you're hungry." Elle jette un coup d'œil a la cellule, se tâte a ajouter un peu de décoration mais décide finalement que c'est peut être pousser le bouchon un peu trop loin. Elle agite tout de même sa baguette - sa vraie, l'autre étant encore dans son holster, accroché à sa cuisse - pour attirer une table et de chaise au centre de la pièce. "Merry Christmas," elle ajoute, un peu nerveusement, mal à l'aise à l'idée d'aller autant à l'encontre du protocole.  "Thought you might want some company," elle finit en posant les deux plateaux sur la table. Un pour elle, l'autre pour lui.

C'est Noël Peter... T'as entendu les gardes. Ils croient peut-être que tu ne les entends pas mais toi, tes oreilles sales trainent partout. Où que tu ailles, tu entends tout. Tapis dans l'ombre, personne ne te regarde. Nuisible invisible. Ils sont bien trop absorbés par l'idée de revoir leur famille, leurs amis, qu'ils en oublient d'être discrets. Mais toi Peter, où est ta famille ? Où sont tes amis ? Ils sont tous morts ou bien ils t'ont renié. Le rat dont tout le monde s'est débarrassé. Alors quoi Peter ? Toi aussi tu aimerais sortir ce soir ? Pour fêter Noël, c'est ça ? Pour rejoindre une grande tablée et manger du pudding et faire comme si tout était normal ? Comme si tu ne les avais pas tous trahis ? Non, Peter, tu es plus intelligent que ça. Voilà bien longtemps que tu ne nourris plus ce genre d'espoirs vains. Alors pourquoi veux-tu partir ce soir ? Est-ce que ce serait pour les retrouver ? Les voix ? Celles qui t'appellent dans la nuit ? Celles dont le cri étouffant d'agonie répète ton nom, encore et encore ? Et pourquoi courir vers elles si elles ne sont que promesse de mort et de souffrance ? C'est bien tout ce que tu as toujours fuis, non ? Tout ce pourquoi tu as vendu ton âme et celle de tes amis ? Mais tu le sens, n'est-ce pas ? Tu les vois, toi aussi ? Ils sont là, ils sont plus nombreux que jamais. Les morts. Et ils t'appellent.

La porte s'ouvre, interrompant la logorrhée nauséabonde de Rick. Peter ne relève pas tout de suite la tête, son crâne bourdonnant encore de murmures inquiétants, de plaintes écœurantes qui lui donnent l'impression d'avoir une dague plantée dans la tempe. “ I brought you dinner. ” La voix de Venus lui apparaît comme un écho lointain et il se force à s'accrocher à elle, à s'ancrer dans la réalité, dans le présent. “ Hope you're hungry. ” Il ne l'est pas. Qu'importe. Il relève la tête douloureusement et ça lui coûte visiblement. Il laisse échapper un petit grognement. Il la voit s'affairer à installer table et chaises et ses yeux tombent finalement sur les deux plateaux repas qu'elle a apporté. Ses sourcils se froncent imperceptiblement. Elle a l'air nerveuse. “ Merry Christmas. ” Il reste figé encore un instant, scrutant de ses petits yeux sombres la scène improbable qui se déroule devant lui, à se demander s'il n'est pas devenu fou, si Rick n'a pas finalement eu raison de lui. “ Why are you doing this, demande-t-il, involontairement ingrat. ” “ Thought you might want some company. ” Il la fixe quelques instants, avant de s'approcher lentement de la table.

Pettigrew aime Noël. Ce n'est pourtant pas une fête qu'il a souvent célébrée chez lui. Par faute de moyens, le plus souvent. Peter se souvient de toutes ces fois où James et Sirius revenaient avec de beaux habits ou des gadgets fascinants. Il adorait découvrir leurs cadeaux avec eux. Mais il ne parlait jamais de ses vacances à lui, et on ne lui posait pas de question. Mais il aime Noël, pour la féérie de Poudlard, pour toutes ces traditions qu'il a pu observer à travers l'Europe. Chacun le célèbre à sa manière, avec des couleurs différentes, des chants différents, et plats différents. Et d'autres ne le célèbrent pas, car ils ont d'autres traditions, d'autres fêtes. Mais l'esprit de Noël est là, partout, des grands centre commerciaux moldus scintillants de mille feux, aux églises décorées d'or, aux appartements qui sentent la cannelle, jusqu'au plus profond du grand cloaque, où résonnent encore les cantiques et où les rats se disputent quelques reliquats de dinde fourrée au marrons.

Peter effleure du bout de ses doigts la fourchette en plastique, comme s'il n'osait pas la saisir, comme s'il ne savait pas s'il avait vraiment le droit, si ce n'était pas un piège pour le tester. Mais Venus n'est pas comme ça. Elle ne lui ferait pas ça, elle n'est pas comme Lui. Il frissonne. Il lève ses yeux noirs vers elle et finit par s'asseoir en face d'elle, à la manière d'un chien battu à qui l'on tend pour la première fois une gamelle. Toujours en silence, il vient poser ses deux mains frêles sur les couverts. Il les caresse un instant, incertain. Ce n'est bien sûr pas son premier repas en prison mais c'est le premier qu'il passe assis autour d'une table, en compagnie de sa geôlière. Le premier repas "normal" depuis bien longtemps. “ Merry Christmas, finit-il par dire avant de prendre une bouchée de son plat. ” Il se nourrit ainsi en silence pendant quelques secondes. Il mastique et se concentre sur la sensation de la viande et de la purée sur sa langue. Sur l'eau qui coule dans sa gorge. Sur tout ce qui peut lui faire oublier Rick et les voix qui hurlent sans cesse depuis quelques jours (semaines ?).

Quelque chose ne va pas, il le sait. Quelque chose ne va pas dans le royaume des morts puisqu'ils sont tous là, avec lui. Leur présence résonne partout dans sa cellule, partout au-dehors. “ Aren't you supposed to celebrate with your family? With your friends, demande-t-il pour ne plus y penser. ” Mais au fond la réponse l'intéresse. Il se doute bien que certains sont bien obligés de rester pour surveiller les prisonniers. Mais il a fallu que ce soit elle qui reste. Elle avec qui il a passé tant de temps à parler, ces dernières semaines. Elle qu'il a appris à apprécier, ces derniers temps. Elle qui lui rappelle une époque aussi révolue que douloureuse, mais avec qui il est ravi de se replonger. Comme une thérapie qui soigne le mal par le mal. Une amie. C'est sans doute ce qu'elle est devenue à ses yeux. Même si c'est inapproprié. Même s'il sait que ce n'est pas réciproque, du moins jamais l'avouerait-elle. Mais une amie tout de même. Avec qui il est content de partager ce repas, qui a plus que jamais le goût de Noël. “ Is it standard procedure around here? To have dinner with your prisoner? ” Il enfourne une nouvelle bouchée de son plat. Il songe, avec une forme de soulagement, qu'il était bien chanceux que ce genre de pratiques ne soit pas mise en place avec les gardes d'Azkaban.

Alors Peter ? Tu vas lui dire ? Tu penses qu'elle va accepter ? Ta grande amie, ma chère Venus ? Tu penses qu'elle t'apportera encore des bons petits plats quand elle se rendra compte qu'elle aussi, tu vas la trahir ?

Pettigrew lâche ses couverts et il donne un coup rageur dans sa propre tête, pour faire taire les rires aigus de Rick. Il inspire longuement avant de jeter un nouveau regard à Venus. “ Sorry about that. ” Il sait qu'il a l'air fou. Sans doute l'est-il un peu, après toutes ces années. Il a honte et il sent ses joues s'empourprer légèrement. “ Something's wrong out there. ” Comme si le problème était pas principalement dans sa tête. Mais il sait qu'il y a plus. Que dehors les morts hurlent en retournant dans le monde des vivants. “ I know- I know I look like a crazy man Venus. But I know you've learnt to know me a little more these past few weeks. I'm telling you, we're not safe here anymore. ” Il ferme les yeux, sent l'appel du gouffre obscur qui grandit à Godric's Hollow. “ Death is coming for us. ” Sa voix tremble un peu. Il a peur. Il ne peut plus rester ici.

On a souvent pu reprocher à Venus son manque d’empathie mais cette tournure de phrase n’a jamais été très exacte. Venus ne manque pas d’empathie. C’est plutôt qu’elle a du mal à la gérer, à l’orienter. C’est un peu comme sa magie, un flux irrégulier qu’elle tente de maîtriser mais qui reste bloquer dans certaines situations ou qui déborde avec fracas d’en d’autres. Ce n’est marrant ni pour elle, ni pour les autres, mais ce n’est pas vraiment quelque chose que les autres ont pu essayer de comprendre ou d’excuser et cela fait bien longtemps que Venus a arrêter d’essayer de s’expliquer. Elle a juste l’air de se trouver des excuses.

Avec Peter, il est clair que les robinets sont grands ouverts.

Vu de l'extérieur, la scène pourrait être presque comique; les deux n'osant pas faire de geste trop brusque, regardant la table entre eux comme s'il s'agissait d'un piège prêt à exploser à chaque instant et non pas une simple table en plastique avec un repas de Noël de fortune qui les attend.

Mais Venus ne rit pas, attend simplement que Peter fasse quelque chose, n'importe quoi, pratiquement en apnée alors qu'elle le voit examiner son offrande, effleurer du bout de ses doigts les couverts. Puis, il s'assoit et c'est une première victoire (qu'elle se réprimande à voir comme telle.) "Merry Christmas," il ajoute et un spasme se saisit du visage de Venus, un sourire, qu'elle hésite à lui adresser et qui finit par être un simple, bref, étirement de ses lèvres.

Peter commence à manger et Venus commence à se dire que c'était une très mauvaise idée. Une idée stupide et dangereuse et qui ne risque pas du tout d'améliorer l'image que la plus part de ses collègues ont d'elle. Elle devrait partir d'ici, se rendre dans une autre planque d'astreinte, aider l'Ordre plutôt que de-

Venus s'assoit. Elle ne réalise même pas ce qu'elle fait mais à un moment elle est debout, et l'instant d'après, elle est assise sur une chaise dure et froide.

"Aren't you supposed to celebrate with your family? With your friends?"

Venus arrête sa fourchette à hauteur de sa bouche et grimace, offre un rire sans joie en guise de réponse. Une réponse complètement invraisemblable et ridicule lui vient à l'esprit mais elle arrive heureusement à la garder pour elle, répondant finalement avec un haussement d'épaule, "I drew the short straw," elle prétend d'abord, un peu cruellement, avant de se raviser et d'adoucir sa réponse. "I've never been one to celebrate Christmas anyway. Better me here than someone who will resent that decision and make it difficult for everyone."

Ce n'est pas entièrement vrai. Venus aimait Noël, avant, quand elle était jeune fille et que les fêtes de fins d'années rimaient avec d'épaisses robes en velours rouge ou violette ou verte, de fins canapés à déguster directement depuis les plateaux qui lévitaient dans les sals de bal du Ministère ou des riches demeures des gens importants. Venus adorait ça. Mais en vieillissant Noël est devenu synonyme de stress puis de solitude et honteusement, elle se voit reconnaître que le dernier Noël qu'elle a apprécié est le dernier qu'elle a passé en Suisse.

"Is it standard procedure around here? To have dinner with your prisoner?"

Une nouvelle fois, Venus se surprend à rire, un peu plus franchement cette fois, et elle secoue la tête parce que imaginez si c'était le cas ? "No. No, no," elle avoue, sans vraiment réfléchir aux conséquences qu'admettre cela aussi directement pourrait avoir. Elle s'expose ici, révèle plus qu'elle ne voudrait et pourtant ne s'en empêche pas, comme si elle avait renoncé à tout semblant de professionnalisme en s'asseyant sur cette chaise. (Quelque part, c'est un peu le cas.) "But I thought... No matter how... sucky Christmas can be, I know I wouldn't want to spend it alone in a cell." Un nouveau sourire tordu, similaire au premier, étire ses lèvres, puis elle se reprend et se reconcentre sur sa nourriture. Le plus tôt elle finira son assiette, le plus tôt elle pourra sortir de là et oublier qu'elle a fait ce qu'elle a fait.

A peine a-t-elle ramener sa fourchette à sa bouche que Peter lâche soudain brusquement ses couvert. Venus reporte alors son regard sur lui, à temps pour le voir se taper sur la tête. "What- Peter, are you alright?" Elle avance une main vers lui mais s'arrête avant de le toucher, net au dessus de la table.

"Sorry about that," Peter répond et Venus a un air de déjà vu mais ce n'est pas vraiment ça. Ce n'est pas qu'une impression, c'est réel, des heures passées en sa compagnie à observer ces réactions étranges sans savoir ce qui les provoque. Peter rougit face au regard de stupeur que Venus lui jette et Venus ne dit rien, continue de le regarder, la bouche entre ouverte. Elle ne sait pas quoi penser, ne sait pas ce qu'elle ressent, si c'est du malaise, de la peur, ou de l'inquiétude, mais c'est bien là, un sentiment d'inconfort qui la fige sur place. "Something's wrong out there." Venus ne bouge pas, ne dit rien, Peter poursuit. "I know- I know I look like a crazy man Venus. But I know you've learnt to know me a little more these past few weeks. I'm telling you, we're not safe here anymore." Il marque une pause avant d'ajouter, "Death is coming for us."

That's... new. C'est surprenant mais assez pour tirer Venus de sa stupeur. Les sourcils froncés, elle lie ses mains sur la table en face d'elle pour appuyer son sérieux. "Death- What? Peter, I told you, no one can come here," Venus lui assure, se demandant si 'Death' n'est pas un nouveau petit nom que le Lord se donne. "You're safe, here. I... I know, it's rich coming from me but the Order... They won't let anyone come here, least of all... him. If that's what scares you..." Logiquement, Venus sait qu'il n'y a pas d'espoir pour Peter. L'Ordre voudra faire un exemple de lui. Remus et Sirius, peu importe où ils puissent se trouver, demanderont une sentence lourde et Sofia et les autres auront bien du mal à ne pas leur accorder. Mais Venus a toujours cru au pouvoir de la politique et de la diplomatie et ose espérer que la Résistance compte bien se démarquer de la cruauté du Lord et du nouveau régime. Et c'est là que réside son espoir pour Peter. Si le Lord le terrifie autant, si son état psychologique et sa détresse peuvent être examinés et confirmés par les derniers arrivés à l'Ordre, il pourra peut être bénéficier d'une certaine clémence. "Tell me. What's going on, what scares you?"

“ I drew the short straw. ” Peter accueille cette réponse avec une impassibilité à toute épreuve. C'est qu'il n'est pas surpris, c'est sans doute la raison la plus logique de sa présence. Ce n'est pas un choix de sa part, juste qu'il faut bien quelqu'un pour surveiller la prison pendant les fêtes. Un des désavantages à ne pas employer de détraqueur pour cette mission. “ I've never been one to celebrate Christmas anyway. Better me here than someone who will resent that decision and make it difficult for everyone. ” Pettigrew acquiesce sans cesser de manger. Il ne peut s'empêcher d'avoir un pincement au cœur à l'idée que Venus ne partage pas la magie de Noël mais soit, il n'ira pas s'en plaindre alors qu'il en tire un peu de compagnie.

Le plat est bon. Bien meilleur que tout ce que Peter a pu manger depuis quelques années, du moins. A Gracefield, il n'avait pas à se plaindre. Dissimulé sous sa forme de rat parmi les prisonniers, il se sustentait de quelques graines et des restes (peu conséquents) laissés par les autres. Largement de quoi satisfaire la faim d'un aussi petit rongeur. Au manoir Malfoy, il devait se contenter d'une version appauvrie du plat que les autres partageaient, nourri comme on nourrit un chien ou un elfe de maison. Après tout le monde. Dans la cuisine. Loin des regards. Azkaban, bien sûr, était de loin la pire cantine qu'il ait pu tester. Il n'avait pas de quoi manger tous les jours et les rations parvenaient à être à la fois écœurantes et sans goût. Il tombait souvent malade, sûrement à cause de produits avariés. C'est durant cette période qu'il a perdu les quelques kilos qui lui valaient bien des quolibets à Poudlard. Avant cela, il y a eu les Weasley. Là, bien sûr, il mangeait à sa guise et même sans doute un peu trop. Ron lui faisait tester tout un tas d'aliments réservés aux humains et Peter ne s'en trouvait que plus épanoui encore. C'est lorsqu'il a fuit dans les égouts que Peter a vu sa vision de la nourriture changer. Devenant une nécessité plus qu'un plaisir. Voilà bien longtemps qu'il n'a plus éprouvé de plaisir à manger. Mais ce soir-là, le mangemort retrouve un goût d'enfance. Une version largement édulcorée des banquets de Poudlard, mais pas moins réconfortante. Une satisfaction à goûter chaque partie du plat en en savourer les nuances. Pour cela, Peter est très reconnaissant.

“ But I thought... No matter how... sucky Christmas can be, I know I wouldn't want to spend it alone in a cell. ” Peter relève la tête juste à temps pour découvrir un mince sourire étirer les lèvres de la sorcière. Ses propres lippes, encore barbouillées de sauce, se déforment à leur tour, mais Venus détourne le regard et il se replonge aussitôt dans son assiette. “ That's... nice, thank you, souffle-t-il enfin. ” Il sent une chaleur naître dans sa poitrine, un sentiment longtemps oublié depuis qu'il ne foule plus les bancs de Poudlard avec James, Sirius et Remus. Un sentiment qui renaît parfois quand son maître est content de lui, quand Harry lui sourit, quand Venus le traite comme un homme et non comme un monstre.

Mais le monstre se réveille tandis que Rick lui susurre une nouvelle litanie perfide et que les fantômes se mettent à hurler un peu plus fort autour de lui. Il a l'air fou, il le sait. Il en a terriblement honte parce qu'il n'a pas envie que Venus le regarde différemment. Cela fait si longtemps qu'on ne le considère plus comme un être humain doté de sentiments. Il n'est plus qu'un rat, un traitre, un serviteur tout au plus. Mais elle, elle le voit comme il est. Elle a de l'empathie pour lui. Il ne veut pas perdre ça.

C'est pour ça qu'il tente de lui expliquer. De lui dire ce qui ne va pas. Afin qu'elle comprenne, elle aussi, qu'elle sente autour d'elle le voile entre la vi e et la mort s'effriter jusqu'à laisser glisser parmi eux les esprits venus de l'au-delà.

“ Death- What? Peter, I told you, no one can come here. ” Peter secoue la tête. Elle ne comprend pas. “ You're safe, here. I... I know, it's rich coming from me but the Order... They won't let anyone come here, least of all... him. If that's what scares you... ” Peter secoue la tête de plus belle. “ No no no... You don't understand. You don't understand. ” Il tape légèrement du poing sur la table, de frustration, et pour faire taire toutes les voix dans sa tête.

Viens nous voir Peter. Viens avec nous. Ta place est parmi nous.

“ Tell me. What's going on, what scares you? ” Pettigrew a juste envie de courir. De fuir, comme à son habitude. Le plus loin possible, là où les morts ne pourront pas l'atteindre. De fuir pour le retrouver Lui, qui pourra le protéger. Il trouvera un moyen de se racheter. S'il s'échappe. S'il aide le garçon à s'échapper lui aussi. Il lui a promis. Il ira retrouver le Seigneur des Ténèbres, il ira lui ramener le garçon et il sera pardonné. Pour tout ce qu'il a fait et pour tout le reste. Il sera à nouveau le sauveur. Et le Seigneur des Ténèbres le protègera. Il le protègera des morts, de leurs griffes qui l'entraînent jusqu'au cœur de Godric's Hollow. Qui lui hurlent de revenir à Rothiemurchus. C'est sa chance, son unique chance. Et il n'y a plus que Venus qui se tient entre lui et sa liberté.

Il prend une grande inspiration. “ It's not Him. I'm not afraid of Him. ” C'est faux, bien sûr, mais Peter a développé un certain talent pour se mentir à lui-même à ce sujet. “ I- I've always had- a gift. ” Mad man le retour. Peter tente de poursuivre en ignorant la stupidité de ses propos. “ I- I know how it sounds but, I hear them. I hear people who died, yet never left this world. ” I hear Rick, aimerait-il ajouter, mais il se contente d'une pause durant laquelle il rassemble ses idées. Il n'en a jamais parlé à personne. Du moins pas vraiment, si on ignore les intrusions forcées du Lord dans son esprit, qui doit donc bien se douter de quelque chose à son sujet. Il lui a fallu tellement de temps pour comprendre ce qu'il lui arrivait, quand il entendait ces voix. Il se croyait juste fou. Et puis il a entendu parler de l'Outre-tombe, à travers les murmure du grand cloaque. Personne ne lui a jamais appris à maîtriser ce "don". Il s'est contenté d'observer des cours par la petite lorgnette, et d'essayer de les appliquer à ses propres pouvoirs. De maîtriser les voix. Il n'y est jamais vraiment parvenu. Sans doute parce que sans ses amis, il n'est pas un sorcier très brillant. Et puis, ses nombreux séjours en captivité ou en fuite ne lui ont pas vraiment laissé l'espace nécessaire pour apprendre. “ What I'm saying is- Something happened. Out there. The dead they're- There's a lot more of them. They're- here, they're shouting, they're screaming, they're crying for help. And I can hear them. I can hear them all. ” Sa voix tremble, la peur l'étrangle. “ I'm scared Venus. They're calling for me. ” Il n'y a que Lui qui peut l'en protéger. Les murs de cette cellule ne les empêchent pas de venir. Ils l'empêchent seulement lui de s'enfuir. “ I'm going mad Venus. I can't stay here. ” Sa peur, de plus en plus palpable, se loge dans sa gorge pour y former un nœud. Les larmes ne sortent jamais pourtant elles sont bien là. “ Don't make me stay here. ” Il lève les yeux vers elle, l'implore du regard. Le rire de Rick lui glace le sang. Sa marque lui brûle l'épiderme. Il doit les fuir. Il doit le sauver. Il doit le retrouver.

Il ne l'entend pas. Il ne l'entend plus. Les mots de Venus se font dévorer par une masse compacte de murmures et de cris qui l'écrasent avec la force d'un rouleau compresseur. Tout ce qu'il peut faire, c'est essayer de lui dire, par tous les moyens. Il faut qu'elle comprenne. Il faut qu'elle l'aide. Alors que sa tête s'effondre entre ses mains et qu'il tente vainement de boucher ses oreilles pour faire taire l'appel des morts, il implore sa geôlière, mais celle-ci ne comprend pas. “ Peter, Peter, il l'entend l'appeler comme dans un brouillard, sa voix étouffée et lointaine lui parvenant à peine. ” Il secoue sa tête de plus belle. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas.

Deux mains viennent soudain saisir son visage et le voilà qui fait à nouveau face à la sorcière. Elle est plus près que dans ses souvenirs. Ses joues sont humides sans qu'il n'ait senti les larmes couler. “ Peter, talk to me. Help me understand. Who is calling you? What do they want? ” Pendant quelques secondes, leurs regards sont accrochés l'un à l'autre. Cet instant suffit à calmer la cacophonie qui siffle à ses oreilles. “ Them, il souffle enfin. The dead. They are calling for me. ” La peur étrangle sa voix. “ They're not ghosts, précise-t-il. Not quite. They're... shadows. ” Le souvenir encore vivace de la créature de Rothiemurchus danse derrière ses pupilles. La ressemblance entre les ombres qui hantent à présent son quotidien et le monstre de son enfance est plus que saisissante. “ They're shadows on the wall, screaming in agony. They're actual people. People who died but never left. ” Sa voix s'étrangle à nouveau. Sa main tremble légèrement. “ They want to come back. They want me to help them. They want me to join them. ” Il lui saisit le bras avec plus de force qu'il ne voudrait. “ I don't want to die- ” Un sanglot l'interrompt et il relâche sa prise. Il se dégage des mains de Venus et recule sur son siège.

Un grand rire lui parvient, son écho se répercutant sur toutes les parois de la cellule. You're so weak Peter.

Pettigrew ferme les yeux. Il inspire longuement.

VIENS DE L'AUTRE CÔTÉ J'AI SI FROID IL FAIT FROID J'AI PEUR JE DOIS RETROUVER MON FILS TU ES SI FAIBLE PETER VIENS DE L'AUTRE CÔTÉ J'AI PEUR VIENS AVEC NOUS SI FAIBLE S'IL VOUS PLAÎT JAMES VIENS DE L'AUTRE CÔTÉ A L'AIDE J'AI SI FROID IL NOUS A TUÉ SI FAIBLE PETER VIENS LE RAT DE L'AUTRE CÔTÉ JAMES LILY J'AI MAL S'IL VOUS PLAÎT IL FAIT SI FROID J'AI PEUR SI FAIBLE PETER

SO WEAK PETER

“ Do you know how I know, interrompt-il les cris. Do you know how I know they're real? How I know I'm not just- imagining this? ” Il désigne d'un geste les murs autour d'eux. Les murs sur lesquels il voit danser des ombres difformes. Des ombres qui continuent de hurler. “ Because he's one of them. ” Il marque une pause et ose enfin recroiser le regard de Venus. “ Rick is one of them. ”

Venus tient le visage de Peter fermement, pour qu’il ne puisse pas fuir à nouveau, pour qu’il reste là, présent, avec elle, et qu’il réponde à ses questions. Ses doigts maintiennent sa tête en place, peut-être avec force, mais elle n’en est pas là pour l’instant. Peut-être qu’elle le regrettera plus tard, peut-être pas. Probablement pas. En tout cas, il est hors de question qu’elle parte sans avoir eu une explication claire.

Des larmes glissent sur les joues de Peter, Venus les sent couler le long de ses doigts. La sensation la surprend un peu et quelque chose se sert dans sa poitrine mais c’est bref, lointain, comme un écho d’une vie passée - Poudlard est tellement loin, Rothiemurchus est tellement loin. Venus a vécu mille vies depuis. Le Ministère, la Suisse, le Ministère à nouveau, son arrivée à l’Ordre, la France, et maintenant ça. La prison. Un endroit étrange, peut-être le plus étrange de toute la liste, où il se passe des choses étranges…

"Them. The dead. They are calling for me. They're not ghosts. Not quite. They're... shadows." La voix de Peter s’étrangle, Venus relâche son visage, remet une certaine distance entre eux. Le mur qu’elle remet en place est si évident qu’il en devient presque visible. Elle croise les bras.

"What are you talking about?" Elle demande encore, ne sachant même plus vraiment ce qu’elle attend comme explication. Visiblement, Peter est réellement en train de perdre la raison. Même sii Venus n’avait pas elle-même vécu ses propres troubles de stress post-traumatiques, elle en a de toute façon assez vu à l’Ordre et dans cette prison pour savoir reconnaître les signes. La paranoïa, la perte de repères, le désespoir. Tout cela ne va que trop bien à Peter.

"They're shadows on the wall, screaming in agony. They're actual people. People who died but never left. They want to come back. They want me to help them. They want me to join them. I don't want to die-"

"No one is going to die, Peter," Venus essaye de le rassurer à nouveau, même si cette fois, c’est sans grande conviction. C’est peine perdue de toute façon. Peter est persuadé de ce qu’il raconte et ce n’est pas Venus qui va le sortir de là. "Not here. I told you. You’re safe. There’s no one else here, nothing-"

Peter ferme les yeux, respire comme pour se recentrer. Il peut encore le combattre donc, se concentrer. Il n’est pas totalement perdu. La mâchoire serrée, Venus se sent tout de même un peu soulagée.

"Do you know how I know? Do you know how I know they're real? How I know I'm not just- imagining this?" Le changement de ton prend Venus au dépourvu. Elle garde ses mots pour elle mais acquiesce, regarde Peter, toujours plus frustrée et hésitante, pour l'inciter à parler - elle ne sait pas à quoi aurait dû ressembler son réveillon, mais sûrement pas à ça.

"Because he's one of them." Venus est tellement habituée à entendre Peter parler du Seigneur des Ténèbres en utilisant he qu’elle ne pense pas une seule seconde entendre un autre nom. Et encore moins celui-ci. "Rick is one of them."

Le réflexe de Venus est de faire un pas en arrière. Puis un autre. Elle met de la distance entre elle et Peter comme si maintenant qu’il a prononcé le mot magique, elle aussi, elle va voir apparaître ces fameuses ombres, ces âmes en peine qui veulent les emmener. "What are you talking about?" elle répète, la voix tremblante. "Rick’s dead," elle ajoute, inutilement. Bien sûr que Rick est mort. Peter est au courant. Il lui assure justement que c’est parce qu’il est mort qu’il est capable de le voir. "He died. He died. Ages ago. And I-" And I promised I would burn that memory to the ground, destroy every part of myself linked to this so that I would never have to face it again, tear and scream and fight so that I could live.

"What is he saying?" Les mots sortent presque tout seul et Venus est terrifiée de s’entendre posée la question, se sent pâlir et frissonner avant même que Peter ne réponde.

Elle ne le croit pas.

Elle ne le croit pas. Elle aussi pense qu'il est fou. Peter Pettigrew est fou. Il parle aux voix imaginaires dans sa tête et trahit ses meilleurs amis.

Il la sent s'éloigner. Il la sent partir dans un mouvement de recul instinctif, comme tant d'autres avant elle. Même sa voix se fait plus distante alors qu'elle tente en vain de le rassurer une dernière fois. Mais ça ne sert à rien. Parce qu'elle ne comprend pas. Comment pourrait-elle ? Elle ne les entend pas. Elle ne voit pas leurs ombres danser sur les murs. Elle ne sait pas qu'ils sont là, avec eux, dans cette cellule. Qu'aucun mur ni aucun sortilège ne parvient à les repousser. Il le sait, il a essayé. Peter ne sera jamais un grand sorcier mais, poussé par la peur, il est capable de grandes choses. Pourtant rien y fait. Ils sont là, partout où il va, ils le suivent comme autant de parasites qui s'accrochent aux poils des rats.

Peter n'a pas envie que Venus l'abandonne. Qu'elle le voit comme un monstre, comme un lâche, comme tous les autres. Il ne peut pas se le permettre non plus. Elle est sa seule chance de s'en sortir. Sa seule chance de sortir le garçon d'ici et de le ramener au Seigneur des Ténèbres. Elle est sa seule chance pour qu'Il lui pardonne. Alors il tente le tout pour le tout.

“ What are you talking about? ” La geôlière recule de plus belle. Peter lève ses deux yeux sombres vers elle. Elle a peur. “ Rick’s dead. ” Il ne cille pas. “ He died. He died. Ages ago. And I- ” Peter a de la peine pour Venus. Pour sa propre souffrance. Ils ont tous tellement perdu ce jour-là.

“ What is he saying? ” Une lueur renait dans le regard de Pettigrew. Il ferme quelques instants les yeux. Il laisse la voix enfantine de Rick résonner dans son crâne jusqu'à ce qu'elle se réverbère comme dans une cathédrale.

She wants to know what I have to say, Peter, you hear that? Hi Venus...

Peter laisse échapper un frisson, comme s'il avait le souffle de Rick juste dans son cou. “ He- He says hi. ”

You've grown so much. Puis, en aparté à Peter. She looks way better than you do little rat.

Avec un soupire, Peter poursuit. “ He says you've grown up. ”

Aren't you supposed to tell her everything I say? How do you want us to discuss otherwise?

“ Oh, shut up. ” Peter ferme les yeux, agacé.

Tell her what I said. Go on.

Rick aime jouer à ce genre de jeux. Il aime torturer Peter pour lui faire payer de l'avoir laissé aux mains de la créature. Parfois Peter le laisse faire. Un moyen pour lui de supporter le poids de la honte et des remords. Non, pas des remords, de la honte seulement. Pettigrew sait que s'il pouvait réécrire l'histoire, il ne changerait rien. Peter a appris à détester Rick, au fil des années. Il le déteste et en même temps... Rick reste un enfant. Un enfant de dix ans éternellement bloqué entre la vie et la mort. Par sa faute. Il souffle. “ He says... Growing up suits you. Better than it does me. ”

Peter entend le rire du fantôme. You see? T'wasn't hard? Le mangemort ignore la remarque. Ask her about Marco. “ Who? ” MARCO. La voix de Rick résonne dans sa tête maintenant douloureuse.

“ He wants to know about someone named... Marco? How's Marco? ”

Peter n'a, évidemment, aucune idée de qui il parle mais il imagine que c'est un avantage des êtres ayant traversé le voile. Ils savent des choses que les simples mortels ignorent.