"J’en remets cent." Ses yeux verts vont à un et l’autre des occupants de la table alors qu’il glisse ses jetons au centre. Il garde un visage impassible. Il observe le moindre signe d’hésitation, de peur ou même de victoire sur les traits de ses adversaires. Le type aux lunettes rondes recule légèrement, il va abandonner. Ce qu’il fait deux secondes après. La femme aux cheveux ébène le fixe avec un sourire satisfait et le suit. Ses gestes sont langoureux et il peut sentir sa jambe remonter le long de la sienne. Il n’esquive pas. Deux autres se couchent alors que les deux autres se joignent à eux. Il cesse de respirer. Le fait est que ses cartes sont vraiment de la merde et qu’il n’a aucune chance. Il a espéré très fort que tous les autres lâchent devant sa relance, mais encore une fois, son lumie semble faire défaut. Tous les joueurs encore debout montrent leurs cartes et c’est la femme qui remporte la mise. Et lui, il perd tout. Encore. C’est fréquent ces derniers temps et il n’arrive pas à comprendre pourquoi. Sans doute qu’il aurait quelques pistes s’il avait été plus attentif lors de ses études au Swamp. Sans doute qu’il connaitrait les raisons s’il avait cru et embrassé de bon cœur son lumie. Sans doute que d’avoir imaginé que tout son ancien syscrew est au Royaume-Uni présentement y est pour quelque chose. L’anxiété d’être retrouvé et d’être trainé au banc des accusés d’un tribunal improvisé lui mange l’intérieur. Son lumie, au lieu d’être plus puissant alors à proximité des siens, lui tourne, au contraire, le dos.  Sans parler de ce mystérieux mal qui est apparu en début d’année qui le désoriente.

Il se frotte les yeux de dépit. Il ne démontre pas sa colère et son énervement, mais il boue de rage. Il a envie de tout envoyer valser au sol et de mettre le feu à la table de jeu. Que va-t-il dire à Iris? Quelle autre raison va-t-il pouvoir lui sortir pour expliquer ses longues absences, son haleine de whisky, l’odeur du parfum luxueux qui se colle à sa peau et la baisse de leurs économies qui s’évapore comme l’eau au soleil? Il sourit pourtant à la gagnante qui ramasse son butin avec un rire qui lui vrille les tympans. Heureusement qu’elle est bonne au lit. Elle lui lance d’ailleurs un de ses regards invitant et il ne sait pas s’il doit accepter ou non. Elle vient quand même de le plumer. Il est tout de même tenté. Il s’approche d’elle, un sourire mielleux aux lèvres, lorsqu’il reçoit un message sur sa boule de cristal. « Plainte pour intrusion de créature non-identifiée. Quartier de Brighton. » Il soupire lourdement. Il n’a vraiment pas envie de s’occuper d’une plainte, un vendredi soir à près de minuit. Mais, il ne peut pas l’ignorer. C’est lui qui a fait les plans des aménagements paysagers et qui a introduit les différentes espèces de faune et de flore. Depuis que les nouveaux quartiers démoldulisés sont ouverts aux sorciers, il est chargé de veiller à ce que la faune ne dérange pas les habitants et qu’il n’y ait pas d’intrusion indésirable. Il hausse les épaules à l’intention de la femme et disparait sans plus de cérémonie. Il n’est pas du genre à s’expliquer et encore moins à s’excuser auprès d’une femme qui ne compte pas vraiment pour lui.

Il quitte donc Blackpool et atterrit à Brighton près de la rue qui borde la forêt. Son message lui indique que c’est une femme au numéro douze qui a vu la créature. Il sonne. Il lui pose des questions, un peu saoulé. Au bout d’une dizaine de minutes à discuter, il sait un peu plus ce qu’il recherche. Enfin si on veut. Un truc noir ou peut-être gris, qui marche sur quatre pattes, mais peut-être deux, avec des yeux rouges, mais peut-être jaune, assez gros, mais pas certain.  Wylan se rend près des arbres pour observer les alentours. Il s’aventure dans la forêt, le bout de sa baguette allumée par un Lumos. Il écoute les bruits environnants et essaie de trouver des traces inhabituelles. Il n’est pas un traqueur. Il ne connait pas si bien les animaux et autres créatures et il se dit qu’il aurait peut-être dû venir avec un spécialiste. Une branche craque derrière lui et il se retourne vivement, sa baguette bien tendue devant lui. Un autre homme est présent, il fronce les sourcils puis son cœur manque un battement. Il recule. Impossible, pense-t-il. Mais, c’est le seul qu’il n’avait pas encore croisé au Royaume-Uni. Azariah.