Keep it together (sweeney)

Keep it together

Ateliers de la branche métallurgie des Travellers, 5 décembre 2007
@sweeney o'shea

Maureen n’a rejoint les ateliers de métallurgie que tard dans la journée, à un horaire où les visages se font moins nombreux, si ce n’est totalement absents des lieux. Le genre d’horaires où elle a compris qu’elle allait pouvoir travailler sans avoir à craindre qu’on ne pose les yeux sur le triangle qui n’a pas quitté sa joue depuis le jour où on le lui avait mis. Les autres ne pensent pas à mal, ils n’y sont pour rien, elle le sait bien. Seulement, quand ils sont là, elle a l’impression qu’ils ne la quittent pas des yeux. Elle pourrait presque imaginer les commentaires qu’ils se font – même si tous ceux qu’elle a connu avant leur arrestation étaient déjà au courant de son ascendance. Mais entre Gracefield et le Triangle, même après deux mois, les murmures sont encore présents. Et elle ne se défait pas de cette impression d’être sans cesse sous surveillance, comme lors des battues. Glenn la rassure, lui assure que ce n'est justement qu'une impression et qu'il n'en est rien, mais cela ne suffit pas. Il y a toujours cette petite voix qui lui souffle à l'oreille qu'on l'observe, ce courant d'air qui se fraie un chemin dans son dos, pour raviver les vieux souvenirs.

Depuis leur grand retour, elle s’efforce de retrouver un semblant de normalité. Mais ce n’est qu’une illusion, un enchaînement de gestes et d’habitudes destinées à la garder occupée. Parfois, elle envie un peu Glenn qui malgré quelques soucis, parvient à sortir au grand jour que ce soit sous ses véritables traits ou non. Elle, non. Son triangle la contraint – à moins qu’elle ne s’impose ça, elle-même ? – à rester à l’écart de tout cela. Le ranch est loin d’être un endroit désagréable, elle peut sortir prendre l’air, s’enfermer dans le séjour avec une tasse de café fumante, lire, dessiner, parler à sa famille, essayer les sacs de vêtements que Remy lui ramène de temps en temps quand elle passe. Mais il lui arrive de se sentir à l’étroit, comme un oiseau en cage.

Alors comme ce soir, elle pousse parfois la porte jusqu’aux ateliers pour se changer les idées, pour essayer de reprendre et conserver le contrôle sur sa magie. Là-dessus, l’île ne leur a fait aucun cadeau, même là-bas, ses sorts étaient de maigre qualité. La fin de l’été a été ponctué d’échecs, avant que la fin de l’autonme ne se montre plus généreux, rendant plus de régularité et de fluidité à ses sorts. Une chance pour elle. Elle s’était alors mise en tête de reprendre le travail, des petits exercices qu’elle s’imposait : de l’association de runes à l’enchantement du métal, toutes ses compétences y passaient. De toute façon, malgré ses gentils sourires, Keith ne semblait pas prêt à la laisser reprendre la main.

Avec l’arrivée des fêtes – les premières vraies fêtes depuis ce qui lui paraît être une éternité – elle s’est penchée sur des projets plus précis. Plus chers à son cœur aussi. Des petits cadeaux pour leur famille. Rien de bien extravagant, elle ne sort pas, n’a plus d’argent, il ne lui reste que son imagination et sa magie. En souvenir de ce qu’elle lui faisait quand il était petit, elle avait – après une floppée d’échecs et de jurons en plusieurs langues – recrée pour Dee quelques animaux enchantés qui s’animaient dès qu’on les sortait de leur boîte. Il a bien grandi, ses goûts ont évolué avec les années et si elle culpabilise de ne pas avoir été là pour le voir, elle ose espérer que ces petites créations lui feront tout de même plaisir. Le second cadeau, celui dont elle a entamé la préparation la semaine dernière, lui pose déjà plus de soucis. Plus volumineux, déjà, il nécessite des alliages qu’elle doit d’abord tester sur d’autres supports afin d’être certaine de ne pas risquer d’endommager l’objet qu’elle compte offrir à Fiona.

Darragh qu’elle avait mis dans la confidence avait eu la gentillesse de lui fournir le matériel et lui dupliquer en quelques exemplaires le coffre – au cas où, elle en aurait besoin. Intention très appréciée, malgré la fierté piquée.

La pointe de son crayon quitte la surface du carnet sur lequel elle glissait, au moment où, son attention est attirée par le bruit particulier de pas qui résonnent sur le sol des ateliers. Un bruit qui fait naître un sourire sur son visage, dès que son idée quant à l’identité de l’intru est confirmée. « Hi Paddy!» Face à un tel accueil, le gros chien ne se fait pas désirer pour trottiner joyeusement jusqu’aux genoux de Maureen et venir réclamer son lot de caresses, une fois ses pattes bien installées. Il a très vite compris qu’elle serait la dernière à lui refuser ce qu’il réclame. “Are you here to see me?" Le chien vient lui lécher la joue, probablement en guise de réponse affirmative. "Did you miss me ?” Ses doigts se perdent dans les poils gris du chien qu’elle gratifie d’une longue liste de qualificatifs espagnols tous plus flatteur les uns que les autres. Lui, en tout cas, lui aura certainement manqué. “So, tell me, where’s your – sa question ne trouve pas de fin, car la réponse à cette dernière se présente dans le cadre de la porte. Il aurait été étonnant que Paddy soit arrivé seul jusqu’ici, surtout sans son maître. "There he is! " L'intonation de sa voix redevient naturelle face à lui, même si elle conserve l'enthousiasme. Dès que l’animal consent à la libérer, elle se relève, frotte ses jambes pour faire tomber les poils qui s’y seraient accrochés et va accueillir Sweeney. Toujours aussi tactile, surtout avec son entourage, elle n’attend pas l’autorisation pour le prendre dans ses bras. Il y a plusieurs jours déjà qu’elle ne l’a pas vu une semaine peut-être même ? Elle commençait à s’inquiéter, Exactement comme lorsque Glenn et elle n’étaient pas parvenus à le trouver à la Fawkes. Les autres lui avaient dit de ne pas trop s’en faire, que ce n’était pas nécessaire, mais ça n’était pas parvenu à la calmer. Il finirait par revenir, il avait peut-être besoin de temps pour lui. Oui, peut-être … Mais et s’il ne revenait pas ? Et si, et si ? Maureen avait avec le temps développé un lien fort avec Sweeney, comme tous les Travellers coincés à Gracefield. Ils étaient son seul lien avec leur vie d’avant. Depuis l’été, elle se rend compte que si l’un d’eux disparaît du paysage, les angoisses reviennent sans qu’elle ne puisse rien y faire. “It’s good to see you.” Alors qu’elle libère le maître-runiste, Paddy abboie doucement, comme pour signaler qu’il était toujours présent. ”And it’s good to see you too, of course! ” qu’elle ajoute presque aussitôt, dans un sourire à l’adresse du compagnon à quatre pattes. Visiblement satisfait, il s’assoit au pied de Sweeney.

“¿ Cómo estas ?” La question se veut sincère, et n'appelle pas nécessairement le classique bien, et toi ? qu'ils servent généreusement aux autres. Sweeney est l’une des rares personnes avec qui elle peut se permettre d’être tout à fait honnête sur le sujet, parce qu'il sait ce que c'est. Il comprend. D’un geste, elle l’invite à la suivre jusqu’à l’établi où elle se trouvait encore avant son arrivée et à prendre place sur l’un des sièges. “I didn’t know you were coming today.” Pas qu'elle ne soit pas contente de le voir, bien au contraire. Au moins, elle sait qu'il va bien, qu'il est toujours vivant.

KEEP IT TOGETHER

5 décembre 2007 - ATELIERS DE LA BRANCHE MÉTALLURGIE DES TRAVELLERS - @Maureen Ward

TW / CW : MORT, TRAUMA, NAUSÉE

Les nuits suivent toujours le même schéma.

Le sommeil est d'abord silencieux, calme - comme la mort.
Viennent ensuite les vagues, et les cris, et le sang, et les visages, et les cercueils, et les cadavres.
Les arbres, les sortilèges, la douleur - la bile qui lui remonte l'oesophage sous l'effet de la terreur alors qu'il passe les corps disséminés sur son chemin, pâquerettes d'un sentier morbide.
Tout s'empile, tout l'étouffe - et Sweeney se réveille avec des sueurs froides, les draps collés contre sa peau comme une seconde peau.
Paddy l'observe depuis son panier avec des petits couinement et un regard larmoyant.
Il prie fébrilement, serre entre ses doigts les vestiges de son chapelet qui a à peu près autant souffert que lui - le bois cliquète dans le silence de la nuit, rythmé par les spasmes qui tordent le corps du maître-runiste en perdition.
Le front baigné de sueur, il entame alors une litanie fiévreuse; les lèvres à la recherche d'oxygène embrassent La Croix.

Our Father, Who art in heaven, hallowed be Thy name; Thy kingdom come;
Thy will be done on earth as it is in heaven.
Give us this day our daily bread; and forgive us our trespasses as we forgive those who trespass against us; and lead us not into temptation, but deliver us from evil.

Hail Mary, full of grace.

Alors il se lève, les membres s'entrechoquent et il traîne sa carcasse jusqu'à son bureau où il se met à griffonner fébrilement des runes, des mots, n'importe quoi pour arrêter de penser jusqu'à ce que le soleil se lève.

L'ardoise s'efface, tout recommence à zéro le soir d'après.

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Lorsque Sweeney met un pied dans l'atelier de metallurgie, y a une sorte petite pointe amère qui lui retourne l'estomac, mais il la fait taire bien assez vite. Les lieux n'ont pas changé depuis sa capture et pourtant, tout lui semble étranger autour de lui; ou peut-être n'est-ce qu'une impression? Maybe I lost myself somewhere on that cursed Island, who knows. Le Traveller chasse les pensées d'un haussement d'épaules, shrugging the damn voices away quelque part entre les étalages, les livres et les gadgets magiques.
Paddy s'agite à côté de lui, comme souvent lorsqu'ils sont de passage. Les oreilles de la bête s'agitent et la truffe hume l'air fébrilement tandis que les pattes trépignent sur le sol, créant toute une cacophonie que le survivant ne met pas beaucoup de temps à déchiffrer. He smelled her, this fecker. Le regard de l'animal va de la porte qui mène à un des ateliers à son maître, presque suppliant. Et il couine un peu plus fort, agite sa queue si fort qu'il manque de renverser une boîte (Sweeney l'a rattrape de justesse, non sans pousser une flopée de jurons). "Fine, go." fait-il, exaspéré mais tout de même avec l'ombre d'un sourire affectueux sur les lèvres - il ne faut pas en dire plus au canidé qui s'élance dans l'atelier.
Sweeney, lui, range d'abord le bazar qui a été laissé par son chien (parce qu'il reste un propriétaire responsable - enfin, juste à moitié, parce que ça n'est définitivement pas safe de laisser un chien dans un atelier de métallurgie mais que voulez-vous, Paddy has separation anxiety.

Lorsque le vieux va pour entrer dans l'atelier, la voix affectueuse de Maureen à l'attention de Paddy et les petits aboiements/couinements de ce-dernier lui arrachent un sourire. Does he like her more or what? s'est-il souvent offensé avec un sourire depuis son retour au sein des Travellers . Il faut dire que le chien lui offre un certain ancrage dans la réalité, et le pousse à garder un rythme de vie plus ou moins régulier. Un soutien émotif, aussi, beaucoup. Il entre dans la pièce alors que la vélane est occupée à nommer son chien d'une demi-douzaine de surnoms espagnols aussi mielleux les uns que les autres - il reste dans le cadre de la porte à observer la scène. "So, tell me, where’s your-" Maureen lève la tête et croise le regard de Sweeney, tout sourire - il ouvre légèrement les bras avec un petit clin d'oeil. "There he is! " La sorcière se lève et commence par se débarrasser de la quantité astronomique de poils laissés par Paddy sur ses vêtements (un des inconvénients à avoir une grosse bête). "¡ Sorpresa !" s'exclame Sweeney d'un ton jovial, la barbe un peu en pagaille et les sourcils toujours aussi broussailleux (on ne change pas un homme de son âge, que voulez-vous)(il a déjà un pied dans la tombe).
Lorsque la vélane s'élance vers lui pour le prendre dans ses bras, Sweeney l'accueille avec une certaine affection est la soulève brièvement du sol tout en lui tapotant le dos. Il a toujours éprouvé une certaine affection pour Maureen, et ce depuis son arrivée dans le gang - peut-être parce qu'elle est importante pour Glenn, ou peut-être parce qu'ils sont faits de la même veine tous les deux: des chercheurs, des travailleurs, et qu'il s'est vu en elle. Ou peut-être parce qu'elle est intelligente, et brillante. Sûrement un peu de tout ça à la fois. Il a été dévasté d'apprendre son arrestation à Glenn et elle, et a été (malheureusement) soulagé de la retrouver sur Gracefield, car la voir vivante lui avait ôté un poids immense du coeur. "It’s good to see you. - Pleasure's mine, smart brain." Ils se relâchent, reculent un peu. Paddy aboie, toujours aussi vocal et prêt à rappeler sa présence à quiconque oserait ne serait-ce que l'oublier. "And it’s good to see you too, of course!" Nouveau petit "woof" en guise de réponse, Sweeney caresse le sommet du crâne de Paddy qui halète et finit par s'assoir à ses pieds (à force de sauter partout ..).

"¿ Cómo estas ?" La fameuse question. Celle à laquelle ils se retrouvent régulièrement à mentir pour rassurer leur entourage, ceux qui ne peuvent pas comprendre, ceux qui n'y étaient pas. Mais question à laquelle ils ne peuvent que répondre sincèrement, lorsqu'ils se retrouvent entre survivants. How are you? Cette question qu'il a fini par redouter - mais pas quand elle vient de Maureen, ou de n'importe qui d'autre avec qui il a foulé l'île. Il ne répond pas tout de suite et marmonne un peu dans sa barbe, s'installe sur un des sièges qu'elle lui montre - le meuble grince un peu lorsqu'il s'y repose. "I didn’t know you were coming today." Il chasse ses paroles d'un petit geste de la main avec un sourire - pointe son index droit dans sa direction, l'oeil complice. "Had to surprise the most talented woman on Earth, don't ye think so?" Pause. "And this wee lad missed his favorite pet giver." Il jette un regard vers Paddy, qui s'est allongé entre eux-deux et continue de les observer. "I'm flyin' it." Il mime un avion avec ses mains mais le laisse retomber sur ses cuisses dans un claquement. He's knackered.
Le ton se fait soudainement moins léger, un peu plus honnête - à quoi bon mentir à Maureen? Elle le comprend mieux que quiconque. "Ye know how it is. Sleep's a curse. We like to stay busy." Sweeney se désigne ensuite d'un geste de la main excédé. "These bones are gettin' too damn old for this shite." Le runiste s'accoude sur la table à côté d'eux, sonde les traits de son amie en prenant bien soin à ne pas laisser son regard s'arrêter sur le triangle doré qui y a été apposé contre son gré (une horreur du gouvernement). Maureen, comme lui, a cet air un peu hagard, un peu ailleurs - mais terriblement lucide. Le regard des hantés. "Bout ye?" qu'il demande, prenant le même ton qu'elle quelques secondes plus tôt. "Were ye workin' on somethin'?" qu'il demande ensuite en repérant le carnet ouvert, le stylo et les croquis, les notes. Un petit sourire fait bouger les multiples rides qui forment son visage: "Never slackin' off, ay?" That's the Maureen I know.

Keep it together

Ateliers de la branche métallurgie des Travellers, 5 décembre 2007
@sweeney o'shea

L’arrivée de Sweeney et Paddy lui fait l’effet d’une bouffée d’air frais, un renouveau plus que bienvenu dans l’air de l’atelier, alors qu’elle n’en attendait pas. Il avait fait, avec Daithi, parti de ces personnes qui avaient voulu dès le début qu’elle se sente ici comme chez elle. Qu’elle voit dans l’atelier et dans l’organisation autre chose qu’une simple collaboration professionnelle. Et si elle avait pesté un moment sur l’accent du vieil irlandais parce qu’elle ne comprenait à l’époque pas la moitié de ce qu’il racontait, jamais méchamment cela-dit à son sujet, celui-ci s’était toujours montré extraordinairement gentil à son égard. Il avait même été de la petite équipe envoyée sécurisée davantage sa galerie et son appartement, peu de temps après son arrivée en Irlande. C’était probablement ce qui l’avait motivée à s’ouvrir davantage à ce clan. La gentillesse, le fait qu’ils soient prêts à l’aider sans vraiment la connaître, elle qui débarquait de nulle part. Depuis, elle avait appris à le connaître, à apprécier ses connaissances et sa passion du travail bien fait. De collaborateurs, ils étaient devenus amis, jusqu’à ce qu’elle en vienne à le considérer comme un membre de sa famille, à moins que ce ne fut l’inverse ?

A sa première question, il répond vaguement. Marmonne. Mange des mots qu’elle ne discerne pas … De ce constat, elle déduit, peinée, qu’aujourd’hui n’aura pas été particulièrement une bonne journée pour lui. Pourtant, contre toute attente, un sourire revient malgré tout éclairer son visage. "Had to surprise the most talented woman on Earth, don't ye think so?" Flatteur. Mais l’effet recherché ne se fait pas attendre puisqu’un sourire vient faire écho à celui de l’irlandais. "I’ve always liked surrprises." Surtout les bonnes.

"Ye know how it is.” Elle le sait, oui. Un peu trop bien même, pourtant la question a été posée, comme si entendre de vive voix quelqu’un d’autre qu’elle l’exprimer allait changer la donne. Dans le secret des ateliers, en l’absence des autres, il n’y a pas besoin de filtres pour adoucir la réalité. “Sleep's a curse. We like to stay busy." Le sourire s’est fané bien vite, elle se retrouve trop facilement dans ses mots, sans savoir si elle doit encore en être rassurée ou non. "These bones are gettin' too damn old for this shite." Gracefield ne l’aura pas épargné, non plus. Enfant, femme, homme, aucune différence de traitement n’était faite là-bas. A part entre eux, les plus forts prenaient soins des autres. "Bout ye?" Elle pourrait lui répondre tout pareil, ce ne serait pas mentir. D’ailleurs le début s’en approche. "Pretty much the same." L’île maudite l’aura marquée de bien des façons. Elle le sent bien, son regard est différent sur les choses qui l’entourent, sur les situations. Elle se montre moins patiente, plus intransigeante aussi dans certains cas. A cela s’ajoute également la peur de voir ses proches disparaître. Sur l’île, il y avait un règlement qui interdisait la mort des prisonniers (même si dans les faits, ils avaient bien perdu des gens là-bas …), mais ici, dehors ? Des sorciers, des hybrides comme elle, pouvaient bien être exécutés que le ministère ne bougerait pas le petit doigt. Alors lorsque Glenn s’éloigne des limites de la propriété de son cousin, lorsque Diarmuid sort, même simplement pour aller travailler, elle ne peut s’empêcher de s’inquiéter, de s’imaginer le pire avant d’être rassurée en les voyant passer le cadre de la porte. La charmeuse de métal a changé et ses sources de préoccupation aussi. A se replonger comme elle le fait dans des travaux personnels, elle espère se refaire la main rapidement. "I still got pesadillas. Nightmares, siento. I still hear the bell, I still hear the voices, see the faces. I can almost feel the pain sometimes too ... " Elle a l’impression de passer plus de nuits à revivre leur enfer qu’à profiter de doux rêves. "And I can’t focus on my work or anything else, if I don’t know where Glenn is and if he’s safe, and if Dee’s too. " Ça, elle ne l’avait jamais dit encore à qui que ce soit. Probablement parce qu’elle n’a réussi à mettre des mots sur les causes de ses angoisses que très récemment. “I know, that’s stupid, but I – I just can’t." Ces années passées sur l’île avaient généré une forme de dépendance qu’elle n’aurait jamais imaginé possible, chez elle.

Toujours aussi attentif, Sweeney redirige la conversation sur ce qui les garde connectés à la réalité. Le travail. L’activité. "Were ye workin' on somethin'?" Un sourire de gratitude timide vient chasser les émotions négatives, avant d’être suivi d’un signe de confirmation. "Never slackin' off, ay?" " Never. " Reconnaissante, elle pivote vers la table où sont posées ses dernières créations. Ca la ramène bien dix ans en arrière, peut-être même plus. "Christmas gifts for the kids.” C’est de saison, et puisqu’elle n’en a pas reçu la demande encore, elle n’a pas repris le travail pour le gang, quand bien même l’envie la démange parfois. Keith est fier, il tient la branche a bout de bras depuis qu’elle est partie, et elle devine dans ses regards qu’il n’est pas particulièrement ravi de ses critiques silencieuses. Dans ces moments-là, elle préfère encore quitter les lieux et aller passer du temps dans les écuries. “These are for Dee.” D’une petite boîte ronde, elle sort trois sombrals aux reflets métalliques, métaphore probablement trop évidente de leur famille et des épreuves traversées. Elle avait hésité à en faire un quatrième, hésite encore aujourd’hui alors qu’elle les a sous les yeux, se demandant si ce ne serait pas remuer le couteau dans cette plaie qui ne s’est, comme tant d’autres, jamais refermée ? “I know .. – elle marque une pause, essayant d’anticiper ce qu’il pourrait lui dire - he’s not a kid anymore but I used to love making tiny animals.” Elle a toujours eu un faible pour les animaux, Paddy l’aura senti à leur première rencontre, mais ses engagements l’avaient toujours dissuadée d’en prendre un. Et si elle n’avait pas le temps ? Et si elle ne s’en occupait pas bien ? Et si, et si, … Du temps où elle avait sa galerie, elle avait réalisé un paon qui se promenait, guidant les visiteurs à travers les œuvres sans qu’ils ne s’en rendent toujours compte. Il n’avait pas la sensibilité d’un compagnon, mais sa présence était déjà mieux que rien.

Sur le carnet qu’elle lui fait glisser, des dessins, des notes, rien de bien concret encore. “And this, this is for Fiona.” Elle n’en est qu’à l’étape de réflexion. “Megan can be a real pain, I’ve heard.” Mélanger autant de magie sur un seul objet, quelle idée ! Et s’ils en avaient bien rit à l’époque, Maureen pouvait entendre qu’après toutes ces années, sa nièce puisse en avoir assez parfois. “So I may have found a solution to her problem.” Un coffre. Insonorisé, bien sûr. Mais qui permettrait également à Fiona de la garder enfermée, tant qu’elle penserait à le verrouiller. "What do you think?” Est-ce que c’était une bonne idée ? Ou valait-il mieux qu’elle arrête et se concentre sur autre chose ? "And I still need to find something for Connor.” Impossible pour elle de ne pas offrir un cadeau à chacun des enfants.

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5 décembre 2007 - ATELIERS DE LA BRANCHE MÉTALLURGIE DES TRAVELLERS - @Maureen Ward

TW : TRAUMA, CHASSES HUMAINES

Le sourire de Maureen est toujours aussi délicat et agréable, tout comme ses traits qui ne semblent pas faner avec les années, contrairement à lui. Leurs lippes à l'un comme l'autre se muent plutôt en un air grave et sérieux - comme à chaque fois que les souvenirs de l'Île reviennent les torturer. "Pretty much the same." Il n'est pas surpris. Ni l'un ni l'autre n'a été épargné par le cauchemar qu'ils ont vécu. Ce même cauchemar qui s'accroche à eux, plante ses griffes dans leur chair châtiée qui a déjà trop souffert. Bouts de chair qui sont disséminés derrière eux, morceaux d'un puzzle - leur puzzle - qu'ils tentent désespérément de reconstruire. "I still got pesadillas. Nightmares, siento. I still hear the bell, I still hear the voices, see the faces. I can almost feel the pain sometimes too ... " Les mots visent juste, et ils sont douloureux. C'est exactement pareil pour lui. La vision des tombes de fortune creusées dans la terre gorgée de sang au pied desquelles il a prié, pleuré, veillé continuent d'occuper ses songes. Sweeney n'ose pas regarder Maureen tout de suite et admire plutôt le bout de ses vieilles chaussures usées. La tête de Paddy, sa gueule ouverte d'où pend sa langue lui arrache l'ombre d'un sourire et il a enfin le courage de croiser le regard de la vélane.
Une lueur affectueuse et compatissante anime les yeux entourés de rides du vieux né-moldu. Maureen n'en dit rien, mais il comprend sans mots: elle aussi, a beaucoup souffert. They all did. They lost bits of themselves along the way. "And I can’t focus on my work or anything else, if I don’t know where Glenn is and if he’s safe, and if Dee’s too." Maureen reste une mère, malgré tout ce qu'elle a subi, tout ce qu'elle a vu, et tout ce qu'elle a enduré. Sweeney reste les bras ballants à l'écouter exprimer ses peurs et ses angoisses. Il ne peut que s'identifier à ce qu'elle lui confie - lui même se réveille encore avec des sueurs froides, au milieu de la nuit. Chaque tintement qui ressemble de près ou de loin à une cloche le plonge dans une horreur qu'il ne pensait pas ressentir un jour. "I know, that’s stupid, but I – I just can’t." Il secoue la tête. "Yer not stupid." Elle a souffert. Et elle est traumatisée. Et elle est terrifiée pour sa famille. Elle peine, comme tous-t-es, à sortir de l'île.

"Never." Maureen se tourne vers la table qu'il observe. Sweeney a un vieux sourire chaleureux collé sur les lèvres - quand le vieux runiste la regarde, il repense au passé. À quand elle a rejoint les Travellers. Elle en a fait du chemin, le bout de vélane. Elle s'est faite sa place dans leurs rangs, dans la grande famille rapiécée de tous les coins qu'ils sont. Même si elle n'a pas choisi la baguette la plus poncée d'Ollivanders comme mari (love you Glenn, c'est son côté vieux ronchon qu'il parle)(et aussi parce qu'il reste persuadé qu'il aurait pu trouver un mari cent fois mieux que Glenn à Maureen)(once again, just kidding). Sweeney a, après tout, été le premier à fondre en larmes à leur mariages(l'image d'une montagne rousse dégoulinante d'émotion) et Niallan s'était bien moqué de lui, l'enfoiré (affectionnate). "Christmas gifts for the kids." Comment ça Noël?
Sweeney porte une main à son front (ça claque, et ça fait sursauter Paddy qui couine à ses pieds). "Feckin' hell. I completely forgot Christmas was aroond the corner." Ils sont en décembre depuis quelques jours, et il a complètement oublié. Il a encore du mal avec le temps qui passe, Sweeney. Depuis son retour de l'Île, son monde entier semble être emballé dans du coton, tout semble abstrait: le temps, l'espace, son corps, les autres .. "These are for Dee." La petite voix de Maureen le tire de ses tribulations. Le vieux Travellers s'approche, penche sa carcasse avec une grande prudence au-dessus des objets qu'elle lui montre. Sweeney a toujours été deux fois plus attentif à ce qu'il faisait de son corps: il a toujours eu l'impression qu'il pourrait tout casser en un tour de bras. Et les petites sculptures (trois sombrals) le font presque transpirer tant elles semblent fragiles. C'est à peine s'il ose respirer dans leur direction.

On sent tout le travail qu'elle a mis dedans. Maureen a toujours été une métallurgiste hors pair - ça n'est pas pour rien qu'elle a été à la tête de la branche (ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle la reprenne, il n'en doute pas). Glenn n'a jamais tari d'éloges à l'égard de sa compagne. "I know .. La vélane s'arrête un instant - il darde sur elle ses grands yeux bleus curieux. he’s not a kid anymore but I used to love making tiny animals." À ces mots, Sweeney agite la tête pour exprimer son désaccord. "That's not whit I was gonnae say." Il passe une main dans sa barbe. Ses gros doigts abîmés se perdent dans les poils mi roux, mi grisonnant. "They're beautiful. 'am sure Dee will love them. He might ha'e grown, but he's still yer son, aye?" Le temps a passé, cependant, et il ne peut pas être complètement sûr de ses mots. Et puis, il a bien vu que les gosses ont continué à avancer sans eux. Fiona, Dee, Connor: ils sont bien grands, maintenant. C'est sûr que leurs goûts ont changés avec eux. Mais les souvenirs, eux, restent les même: et un peu de nostalgie ne fait pas de mal, il en est certain (ou peut-être est-ce l'âge qui le rend émotif).
Un carnet est glissé dans ses mains par les doigts délicats et précis de la métallurgiste. Sweeney est soudain beaucoup plus à l'aise avec les pages que les statues - un peu moins délicat, mais toujours prudent dans la façon dont il tourne les pages. "And this, this is for Fiona. Megan can be a real pain, I’ve heard." Il adresse à Maureen un regard surpris (et un peu horrifié aussi). "She's still havin' it aroond? Thooght she might get rid of it at lest, but she keeps draggin' it." Un frisson lui parcourt l'échine en repensant à l'objet qui a, pendant si longtemps, malmené ses tympans au point que son épouvantard aurait pu en devenir sa copie conforme. "So I may have found a solution to her problem." Sweeney hoche vigoureusement de la tête, avec tant d'entrain qu'il se cogne presque le front contre une étagère (tout est trop bas ici). "It was abit time ey. It's only a matter of days before it makes 'er go deaf." Serait-ce la raison pour laquelle la petite Fiona lui a toujours crié dans les oreilles? (Non, c'est juste la façon dont les Travellers communiquent les uns avec les autres). "What do you think? - Ye did a station' job as always." Un large sourire se noie dans sa barbe désordonnée et trouée par endroits (merci le stress, merci Gracefield, merci l'alcool). "I scribbled some runes 'at might help if ye want to ha'e a look, but yoo're fine without it." Il lui montre tout de même l'endroit où il a annoté lesdites runes (il s'est totalement servi sur le bureau à côté d'eux) par pure déformation professionnelle. Sa magie lui fait défaut mais sa mémoire est intacte, elle. Comme pour Maureen, travailler lui change les idées et lui donne l'impression d'être utile. Sweeney n'est plus le maître runiste des Travellers, mais il reste un maître runiste malgré tout quand bien même il semble l'oublier.

"And I still need to find something for Connor." Le petit Connor! Evidemment que Maureen ne laissera aucun sans rien pour Noël. Il reconnaît bien là la vélane. Aussi loin qu'il se souvienne, elle a toujours fait en sorte de penser à tout le monde. Back in Gracefield, she would always nag me for not taking care of myself et ce à gros coups de sirop pour la toux amers (à croire que Glenn et elle se mettaient à deux sur son dos pour le tourmenter). "Back in me days, kids were not as spoiled." fait-il dans un petit rire. Il est à moitié sincère, cependant - il faut dire que la Seconde Guerre Mondiale faisait encore rage lorsqu'il est né. Son enfance a été rythmée par les rationnements, et la prudence - sans oublier la haine envers sa communauté. Les Noël se faisaient exclusivement à l'Église, et les présents étaient très éloignés de ceux qui se font maintenant (ça n'est pas plus mal pour la nouvelle génération). "Do ye plan to wear a white an' red suit too?" Nouveau rire. Il imagine Maureen en tenue de père Noël et se demande si elle lui ressemblerait avec une barbe blanche, un gros manteau et des bottes . La réponse est non, bien évidement: il faudrait avoir un scroutt à pétard dans l'oeil pour pouvoir ne serait-ce que leur trouver un détail physique en commun.
Sweeney se fait soudain plus sérieux. Il se laisse à nouveau tomber sur une chaise et Paddy vient poser sa tête sur ses cuisses. La queue du chien frappe le sol au rythme des gratouilles (brutales, mais affectueuses) que lui adresse le vieux sorcier. "I ha'e no idea whit kids their age like nowadays. I willnae be no help." laisse-t-il tomber avec un long soupir. Sweeney est totalement perdu, et il le reconnaît - lui demander conseil serait se tirer un bombarda maxima dans le pied. "Ha'e ye seen his wardrobe? I couldn't e'en name all th' colors on his clothes." Pure détresse dans les prunelles claires aussi épuisées que son propriétaire. Connor et ses chemises fleuries .. Connor et ses tee-shirt colorés ... Juste, Connor. Le gamin a au moins ses goûts musicaux pour le sauver aux yeux du pauvre runiste désabusé qu'il est. "Ye shood just gift him a bigger magical closit!" Mi-sérieux, mi-désespéré. Encore un petit rire qui agite ses épaules - se mue en une quinte de toux qu'il ravale difficilement.

Keep it together

Ateliers de la branche métallurgie des Travellers, 5 décembre 2007
@sweeney o'shea

Il y a quelque chose de réconfortant à parler avec Sweeney, quand bien même les sujets peuvent parfois être lourds. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, passées les premières minutes d’observation mutuelle, elle l’a toujours vu comme une espèce de gros ours en peluche. Un grand-père qui grogne parfois plus qu’il ne mord. Quelqu’un de confiance, aussi. Alors, elle en avait pris soin de cet ours fait de chair et d’os, même lorsque tout autour d’elle aurait pu la pousser à abandonner. Et elle continue encore aujourd’hui, en lui rappelant qu’ils ont de nouveau droit de passer du temps en famille, de profiter des fêtes.

Sa réaction lorsqu’il admet ne pas avoir pensé à Noël l’amuse, alors qu’elle devrait peut-être y voir un signe inquiétant. Lui non plus n’est pas totalement revenu de l’île. Là-bas, le calendrier était régi par les battues aléatoires et les caprices de Zabini. C’est une des premières choses demandées à Grainne quand celle-ci lui a offert de lui rapporter ce dont elle avait besoin. Un calendrier. Un calendrier et des vêtements. A aucun moment, elle n’avait précisé quel type de vêtements elle voulait, elle ne voulait juste plus de ceux donné par l’Ordre. Tout comme à son arrivée à la Fawkes, dès qu’elle en avait eu l’occasion, elle s’était débarrassée de sa tenue précédente. Le besoin d’aller de l’avant, d’essayer d’oublier le cauchemar de ces dernières années avait été fort. Elle qui s’était toujours réfugiée derrière bijoux et tissus pour dissimuler ce qui pouvait l’inquiéter, avait bien vite reprit cette habitude une fois rentrée. Grainne lui en avait d’ailleurs trouvé quelques-uns pour compléter ses tenues. Juste ce qu’il fallait pour créer un artifice. Mais pas assez pour tromper Sweeney, et encore moins Glenn.

L’attention de l’irlandais est attirée vers ses dernières créations. Il n’ose pas toucher les créatures de métal qui trottinent doucement sur le plan de travail. Il pourrait, pourtant, elle s’est assurée de la résistance de ceux-ci. Savant mélange de son côté artistique et de son métier, avec une pointe de sensibilité. "That's not whit I was gonnae say." L’a-t-il pensé ? "They're beautiful.” Ça, elle le sent, il le pense. “'am sure Dee will love them. He might ha'e grown, but he's still yer son, aye?" Et ça, elle a envie d’y croire aussi. Elle hoche la tête, positive. Dee est toujours leurs fils. Dans ses yeux, elle voit encore ce gamin qu’elle a rencontré, à l’orphelinat, quand elle y animait des ateliers artistiques. Le temps a passé trop vite, chaque fois qu’elle le voit, elle ne peut s’empêcher de penser que Glenn et elle ont manqué trop d’évènements dans la vie de leur fils. Rien ne pourra compenser la perte de ces années. Et face à ce constat qu’elle se fait régulièrement, ses petits sombrals lui semblent un peu ridicules finalement. Aucun cadeau ne saura compenser cette absence.

Pour ne pas se laisser engloutir par l’émotion, elle décide finalement d’éloigner les créatures en les redirigeant vers leur petite boîte. Là, où elle rompt le sortilège qui les animait jusqu’à présent. Le carnet a glissé jusque dans les mains de Sweeney. "She's still havin' it aroond? – elle confirme d’un signe de tête – Thooght she might get rid of it at lest, but she keeps draggin' it." “Megan loves her, it seems she’s learned some new songs. Didn’t know it was even possible. ” Mais à l’époque, ils n’avaient pas non plus envisagé que le mélange de leurs magies respectives mènerait à la création d’un instrument aussi passionné que pouvait l’être la cornemuse de Fiona. Lorsqu’elle lest avaient vus – Merlin, est-ce qu’ils lui avaient aussi attribué des sens ?? – Megan s’était mise à jouer toute une série d’airs différents, tous plus enjoués les uns que les autres. "It was abit time ey. It's only a matter of days before it makes 'er go deaf." Maureen réprime un rire, le regard perdu sur ses propres notes, si la tornade rousse devenait un jour sourde, ce ne serait probablement pas à cause de Megan. ‘Ye did a station' job as always." Elle lève les yeux vers lui, touchée du compliment. Elle n’a pas totalement perdu la main. "I scribbled some runes 'at might help if ye want to ha'e a look, but yoo're fine without it." Le carnet lui revient, avec les ajouts du maître runiste. Elle savait que c’était une bonne idée de le lui montrer. “Smart." Les suggestions sont pertinentes, preuve irréfutable que le génie de l’irlandais est toujours intact. "I like it." Et elle ne manquerait de préciser qu’il aura participer à l’élaboration du coffre. Le carnet retrouve le froid de la table, elle l'emmènerait avec elle en partant, et ses doigts viennent jouer avec son alliance. Autre vieille habitude dont elle ne s'est jamais défaite.

"Back in me days, kids were not as spoiled." Elle n’a pas d’idée quant à la période à laquelle il fait référence, n’en sait que ce que les rumeurs ont bien voulu lui partager. Mais Sweeney est vieux. N’a pas grandi dans une famille dont le coffre était rempli de gallions à ne plus savoir qu’en faire et à une époque où cela pouvait se faire. "Do ye plan to wear a white an' red suit too?" Cette fois elle éclate de rire. "Nah, I’ll let you have that honor. You’ll be perfect for the job." Il a davantage la carrure du Père Noël, qu’elle, même si les enfants ont passé l'âge de le voir se déguiser. "And I’d look ridiculous with a beard!" Absolument ridicule, alors que lui l’a déjà cette barbe.

"I ha'e no idea whit kids their age like nowadays. I willnae be no help." Parce qu’elle est supposée avoir une meilleure idée de ce qu’ils peuvent aimer ? "Ha'e ye seen his wardrobe? I couldn't e'en name all th' colors on his clothes." Le sourire est tendre, il est vrai que Connor a un goût prononcé, qui ne semble qu’avoir augmenté avec les années, pour les couleurs et les motifs originaux. Elle ne pensait pas qu’il était possible de porter autant de couleurs à la fois, sans avoir l’air totalement ridicule. Connor lui aura prouvé le contraire. "You’re right. He must have more clothes than I used to!" Avec des couleurs qu’elle ne se serait probablement jamais risquée à porter. "Ye shood just gift him a bigger magical closit!" L’idée est loin d’être mauvaise, mais il faudrait prendre en compte le déplacement, l’espace dont il dispose chez lui et encore bien d’autres détails. Non, il faudrait qu’elle trouve autre chose. Plus compact, peut-être ? Mais coloré ! Les couleurs s’imposent dans le cas du jeune Flowers. "I‘ll come up with something! I still have time to think about it." Au même titre que Fiona, il mérite un cadeau. Plus que la simple habitude d’offrir un présent pour les fêtes, il s’agit aussi de remercier ces deux gamins, sans aller jusqu’à mettre des mots dessus. Ils ne verront probablement même pas le lien, et tant mieux en un sens s’ils n’y voient qu’un simple geste. Mais elle saura, gardera en mémoire qu’ils sont restés aux côtés de Dee pendant toutes ces années, et semblent bien partis pour continuer à le faire. "And what about you? What would such a wise – elle n’a pas dit old ! - man like you want for Christmas? I’m pretty sure Aodhan will bring us all some of his finest bottles." Il va lui répondre qu’il ne veut rien, qu’il n’aura pas besoin de quoi que ce soit, elle le voit venir. "Come on! It’s our first real Christmas, in a long time. Tell me." Elle l’aura, à l’usure très certainement, mais elle finira pas savoir ce qui pourrait bien faire plaisir à Sweeney. "Oh, I know ! Maybe you’d like some of that wonderful cough syrup I made you when you were sick.” Merveilleux, l’exagération est grande. Fait avec les moyens du bord, soit absolument rien, le mélange était tout sauf agréable à la dégustation. Maureen avait bien tenté d’améliorer la recette qu’une autre prisonnière lui avait transmise, mais en vain. Ça avait presque été pire la première fois. Les effets étaient loin d’être exceptionnels, mais la solution avait eu le mérite de calmer les quintes de toux de plus d’un résident. Les grimaces et protestations de Sweeney les avaient plus d’une fois bien amusés avec Glenn, à croire que les rôles avaient été inversés, eux s’occupaient de lui et plus l’inverse dans ces moments-là. De retour chez eux – enfin, presque chez eux – elle avait de bien meilleures options à lui proposer : des infusions, des sirops au goût plus agréable aussi. Il n’aurait qu’à demander ou à attendre qu’elle s’inquiète de trop et finisse par lui mettre dans les mains une tasse fumante. "Promise me – ses mains viennent se poser autour de celle de Sweeney – Promise me you’ll be there for Christmas dinner." Elle sait qu’il a besoin de se mettre à l’écart, que Paddy l’aide à garder les pieds sur terre, mais elle sait aussi que ce genre de repas les rassemblant tous lui fera du bien. Elle n’ose pas le presser à se joindre à eux chez Darragh, ça ferait peut-être trop, mais au moins pour Noël. "It would mean a lot to us, and of course, you’ll bring Paddy with you !”

KEEP IT TOGETHER

5 décembre 2007 - ATELIERS DE LA BRANCHE MÉTALLURGIE DES TRAVELLERS - @Maureen Ward

Maureen sourit. Ça rappelle à Sweeney à qui il a à faire. Son aura est toujours aussi intacte, malgré les années qui lui ont été arrachées par l'île, malgré la marque dorée ornant son visage. Rien de tout ça ne lui a enlevé sa superbe de vélane: Maureen est toujours aussi éclatante. Sa présence attire encore toujours autant le regard. "You’re right. He must have more clothes than I used to!" Cela ne l'étonnerait pas : on parle de Connor, tout de même. "Lookin like a bowfin numpty if ye ask me!" Le runiste laisse échapper un gros rire tonitruant qui fait presque trembler les murs, et agite sa bedaine bien chargée d'alcool.
Paddy couine à ses pieds : il le caresse encore, gratouille son menton sans payer attention au filet de bave qui coule des babines du gros chien gris. Rien à quoi il n'est pas habitué. Ces mains ont vu bien pire. "I‘ll come up with something! I still have time to think about it." Sweeney n'a aucun doute que Maureen parviendra à se pointer le jour de Noël avec un cadeau pour tout le monde. "I know this pure dead brilliant mind o'yours will bless us once more." À les entendre, on croirait que la guerre est finie. Que rien n'a réellement eu lieu. Sweeney a l'impression d'être coincé dans une bulle temporelle faite d'un semblant de normalité fragile, à l'intérieur de laquelle aucun soucis ne peut l'attendre. Une illusion délicate qui ne survivrait pas à un nouveau de ses gros rires. "And what about you? What would such a wise man like you want for Christmas? I’m pretty sure Aodhan will bring us all some of his finest bottles - A dinnae neit nothin- - Come on! It’s our first real Christmas, in a long time. Tell me."

La vérité, c'est que la question le prend de court. Il n'a pas de réelle réponse à apporter à Maureen. Un cadeau? Quelque chose qui lui fait envie? Rien ne lui vient à l'esprit. Rien que Maureen ou qui que ce soit ne puisse lui offrir, en tout cas. Ce que Sweeney souhaiterait réellement avoir, aucun Noël ne pourra le lui donner. Alors, il préfère ne rien dire. I wish I were more than a rotting body. "Oh, I know ! Maybe you’d like some of that wonderful cough syrup I made you when you were sick. - Yer bum’s oot the windae! I'll dei before I drink this shite again. It gies me the boke." Le regard s'illumine, et un sourire complice vient effleurer le visage ridé du vieux sorcier. Sourire qui se mue en une grimace aussitôt. Il n'oubliera jamais le goût amer des premiers essais de ses sirops, ça, c'est un fait. Ils n'avaient malheureusement pas le luxe du choix sur Gracefield, ni le luxe d'avoir énormément de stock: raison pour laquelle Sweeney a si longtemps refusé de voir qui que ce soit à cause de ses sales quintes de toux à Gracefield. Mais Glenn a toujours été là pour le traîné par le col jusqu'à Maureen pour qu'elle puisse s'occuper de ses vieux os.
Nul doute que s'il est encore en vie aujourd'hui, c'est en partie grâce au couple qui ne l'a pas laissé baisser les bras. Tout particulièrement Maureen, son ange gardien comme il l'appelle. "Promise me La vélane pose ses mains sur les siennes: il lève la tête après une courte hésitation. Sa peau est toute douce, n'a rien à voir avec la sienne toute ridée et aussi fatiguée que lui. Promise me you’ll be there for Christmas dinner." Sweeney ne répond pas tout de suite. Il n'a même pas pensé aussi loin. Le temps, c'est devenu flou pour lui. Demain, la semaine prochaine, hier, dans deux ans ... Qu'est-ce que ça veut dire dans le fond? "It would mean a lot to us, and of course, you’ll bring Paddy with you !” Le chien se redresse et aboie joyeusement. La grosse comprend très bien qu'on parle d'elle, et en profite pour réclamer de l'attention à foison - tout particulièrement auprès de Maureen, si douée pour le cajoler.

Sweeney soutient le regard de Maureen, presque hypnotisé. Il sent soudain ses yeux s'humidifier, sans aucune raison apparente (quelque chose de plus profond à creuser). Il se défait délicatement (aussi délicatement qu'un ours comme lui le peut) du contact des main de Maureen et renifle, se passe une main sur le visage pendant que l'autre se perd dans la fourrure de Paddy. "Merlin, look at ye. How could I say na tae this face?" Il y a un petit rire qui agite sa carcasse en long et en large, fait craquer la chaise sur laquelle il est assis. Lorsqu'il relève la tête et plante ses yeux dans ceux de Maureen, il fait mine de gonfler ses biceps. "A'v still got party tricks up ma sleeves." C'est un mensonge éhonté. Ses petites blagues, ils les a usées et abusées au fil des années, saignées à blanc si bien qu'il n'a plus grand-chose à proposer. Tout le monde est habitué à ses interminables récitations de tous les pays du globe ... it's getting old (comme lui). "Dinnae ye regret invitin me when I drop mad wi’ it !" Ça, ça n'est pas un mensonge. Il risque très certainement de finir ivre mort dans un coin (la seule médecine qui marche, et qui fait taire les sales voix, les mauvais souvenirs). "Ye sure now how tae make yer way tae someone's heart." Pause. "Alrigh' I'll come." Il n'aime pas trop s'engager (pour la simple et bonne raison qu'il ne sait pas dans quel état il sera d'ici là, s'il aura la force de mettre un pied dehors) mais pour Maureen, il peut bien faire l'effort. Paddy lui met un coup de patte sur le genoux, comme pour lui rappeler sa présence. Le né-moldu se gratte la barbe, ricane doucement. "Aye, aye. Ye'll come too." Il lui tapote affectueusement le dos. Le ruiniste reporte son attention sur sa vieille amie, coule un regard entendu (et faussement menaçant) vers elle. "Now, if ye ask me tae dress up lik' Santa ... that wull be a kinch." Il a passé l'âge de se déguiser pour amuser la galerie et faire plaisir aux enfants - et puis, eux aussi ont grandi.

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