Leonora a prétendu ne pas voir l'éclat douloureux dans les yeux d'Esteban quand elle lui a dit qu'elle ne resterait pas au Théâtre ce weekend, qu'elle avait un rendez-vous (date) ailleurs. Elle a gentiment refusé quand il a proposé de l'accompagner à la gare, et lui a embrassé la joue quand il lui a ouvert la porte d'entrée avec des yeux de chien battu. Et puis, quand elle a cessé de sentir son regard sur sa nuque, que la porte s'est refermée et que Leonora s'est assise dans le train, elle a complètement oublié jusqu'à sa tristesse épaisse et envahissante.

Le trajet s'est passé en un clin d'oeil. Elle n'a pas dormi (ou peut-être que si?), ses pensées tournées vers Shepherd et le rendez-vous (date... date!) qu'il lui a donné à Londres. Il a été élusif et charmant (comme toujours), lui a vendu des merveilles et Leonora a hâte.
Leonora a hâte pour quelque chose, pour la première fois depuis des semaines, des mois. Au fil de ses conversations avec Shepherd, elle s'est découverte curieuse et intéressée par ce qu'il avait à lui dire et lui faire découvrir. Ils sont allés à plusieurs exposition ensemble; se sont retrouvés autour de cafés; ont beaucoup ri. Il est prévenant, intelligent, cultivé, drôle, gentil, attentionné, curieux. Parfait. Un peu trop peut-être, mais Leonora n'a pas envie de trop y penser. Elle-même, à son contact, s'invente douce et attentive, légère et ouverte. Les autres membres de la planque ont remarqué ces changements, que la plupart attribue à Esteban. Même à Angèle, Leonora n'a rien dit.

Shepherd est un secret qu'elle veut garder pour elle. Elle a le droit d'en avoir un, non?

Il neige quand elle arrive à Londres et Leonora se sent sourire avant d'embarquer dans le tube. Officiellement, elle est en mission ravitaillement. Il faudra qu'elle pense à faire quelques achats avant de revenir au Théâtre... même si pour être honnête, elle espère ne pas y retourner avant le lendemain.
Quand elle arrive à l'endroit que lui a indiqué Shepherd - avec quelques minutes de retard -, Leonora s'arrête et se force à expirer. Museum of British Folklore, Supersitition and the Occult. Une vague de malaise lui remonte l'échine mais Leonora l'ignore. Shepherd lui a expliqué qu'il louait un petit atelier à l'étage... pas de quoi s'inquiéter. Il est un moldu. De ce qu'il sait, elle est une moldue elle aussi.
Leonora jette un regard alentours, se passe une main dans les cheveux, vérifie son maquillage dans la vitrine d'un magasin voisin puis inspire profondément avant d'entrer.

"Hello?" L'endroit est désert, rempli de babioles qu'elle est trop supersitieuse pour approcher, sombre. Leonora s'approche d'une sonnette antique sur le comptoir et appuie dessus une fois. Quand Shephed apparaît au sommet de l'escalier, elle se redresse, se sent sourire, et rougit légèrement. "Hi! Sorry I'm late." Elle a envie de s'approcher, de le prendre dans ses bras, de l'embrasser - faire un truc. Mais elle se sent un peu bête, les bras ballants, les joues roses, se passe une main nerveuse dans les cheveux et s'approche timidement. "This is an... interesting place. You said your studio was upstairs?"

Il l’a invitée chez lui alors qu’il n’invite d’ordinaire jamais personne. Préfère de loin les draps étrangers, la possibilité de s’échapper une fois la raison de sa venue accomplie, qu’on n’ait aucun moyen pour le retrouver, le suivre, l’attraper.

Une précaution des plus rationnelle quand on fraie avec des gens de la mafia et qu'on est recherché par tout un tas de personnes en colère. rien à voir avec de la paranoïa.

Cependant, Leopold octroie à Leonora des privilèges, trouve des excuses pour la revoir encore et toujours, se fait surprendre lorsqu’elle accepte à chaque fois. Des expositions aux musées, en passant par une séance de cinéma une fois. Elle rit à ses blagues, écoute ses dissertations sur les arts, ose de plus en plus donner son avis. Ils discutent, marchent ensemble, partagent des silences, se frôlent parfois sans jamais laisser le contact perdurer.

Plus ils se fréquentent, plus son obsession s’intensifie et moins il se sent rassasié. L’alchimiste en délaisse même ses recherches par moment, tant il se perd en songes et en fantasmes. Sa statue est toujours immobile, mais ses traits ressemblent de plus en plus à ceux de Leonora. Là où des différences existaient, il ne reste maintenant que l’absence des battements d’un coeur ainsi que toutes les parties qu'il n'a pas eu le loisir d'étudier. Certaines personnes lui diraient que c'est malsain peut-être, cette obsession incessante, mais ceux qu'ils côtoient sont habitués à tellement pires qu'il ne trouve aucune voix de raison pour l'écarter de ce chemin qu'il emprunte.  

Et puis, fait encore plus étrange que les précédents, en face d'elle Leopold n'est pas pris des mêmes impulsions. Cette voix qui gratte la couche superficielle de son assurance à chaque seconde est étouffée par les grands yeux noisettes, par la douce voix aux lentes inflexions, par sa seule présence.

Il se sent plus lui-même qu'à tout autre moment, ce qui est risible quand on sait qu'elle ne sait rien de lui. rien de toi, de ton réel prénom, de ta nature magique. Et tu l'invites dans l'antre tout de même, foolish boy. Elle a du retard, la voix se calmera quand il pourra la contempler, l'écouter, lui parler. Il doit simplement attendre. si elle décide de venir, elle a peut-être enfin compris le pot aux roses. elle ne veut plus te....

La sonnette retentit. Sauvé. Et Leopold s'élance, descend les marches en la cherchant du regard, un sourire franc sur le bas de son visage. Il s'arrête à quelques pas d'elle.  — It's okay. I'm glad you could make it. Hope it wasn't too hard to find. Et il continue de sourire presque bêtement en oubliant toutes les marques de politesse dont on est censé se parer quand on est hôte. Elle a tendance à lui faire cet effet aussi. — Oh. Yeah. Sorry! Do you want to go there now or maybe see the place before? It's ... full of surprise. Rien qui ne viendrait rompre le Secret, à cet étage, juste de quoi rassasier le regard des curieux. Il ne risque rien. — I-It's go-ood to see you. Un instant, Leopold croit que la rune apposée sur sa nuque déraille et il passe une main mais en ressent bel et bien la magie rassurante.

Get a grip. It's just a woman.
C'est peut-être cela le problème, c'est que dans son esprit tortueux elle est bien plus ; une Idée, un Idéal, un quelque chose à atteindre.

Les yeux de Sheppard brillent d'un éclat lumineux et tendre - Leonora aimerait qu'ils ne se détachent jamais d'elle, et qu'il ne cesse jamais de sourire comme il le fait quand il la regarde. Peut-être qu'il y a un angle de son coeur qui devrait se sentir coupable de ce qu'elle ressent avec l'artiste, par égard à Esteban, mais no strings attached, right? Et puis, jusqu'à maintenant, il ne s'est rien passé entre Sheppard et elle. Ce n'est pas qu'elle n'en a pas envie; mais juste qu'il a été prévenant, galant et presque trop cordial à chacun de leurs rendez-vous, au point où Leonora n'a pas voulu tenter quoique ce soit de peur de le faire fuir. Il est l'une des seules choses plus ou moins normales dans sa vie et qui lui donnent envie de faire quelque chose de sa carcasse. Elle n'a pas envie de gâcher ça.

"Oh. Yeah. Sorry!" Leonora rit malgré elle, très légèrement - quand a-t-elle ri en dernier? "No need to apologize. I like interesting things. - Do you want to go there now or maybe see the place before? It's ... full of surprise." Ça a l'air. Mais maintenant que Sheppard est là, Leonora a du mal à véritablement s'intéresser à ce qui les entoure et elle sait qu'elle aura du mal à se concentrer. Il a ce talent-là, aussi, celui de lui faire oublier le monde extérieur et ce qui se trouve aux limites de sa vision. "Maybe later," convient-elle d'une voix douce. "I-It's go-ood to see you." L'hésitation dans sa voix, pas timide mais presque, fait se répandre une chaleur agréable dans la poitrine de Leonora qui s'approche d'un pas vers lui. "It's very good to see you too." Elle attendait ce rendez-vous avec impatience et, ses yeux plantés dans les siens, elle n'a pas envie de le lui cacher. "Let's go see your studio," propose-t-elle d'un ton définitif, avant de le suivre à l'étage. Elle espère

Le vieux bâtiment est plus grand à l'intérieur qu'il en a l'air de l'extéieur, mais Leonora met ça sur le compte qu'elle ne soit pas très familière avec l'architecture de Londres. Elle suit Sheppard dans les escaliers étroits et grinçants jusqu'à un long couloir à multiples portes. Elle se rappelle qu'il a mentionné qu'il partageait l'endroit avec d'autres artistes comme lui... "Have you been working here for a long time?" Chaque porte est gravée de signes qu'elle ne comprend pas, des alphabets qu'elle ignore ou des symboles qu'elle n'a jamais vu. Une ou deux fois, elle est persuadée de reconnaître des runes magiques, avant de se rappeler que ces dernières partagent les runes du Futhark et que ça ne veut rien dire.

Sheppard est un moldu. Leonora l'aurait su, si il était un sorcier, elle l'aurait vu venir. C'est un moldu, et un homme charmant, attirant et intelligent. Malgré ses réponses parfois évasives - elle en fait de même après tout -, Leonora a l'impression de bien le connaître. De le comprendre, presque, peut-être... Elle a terriblement hâte de voir ce sur quoi il travaille. Admirer le travail d'un artiste, c'est un peu comme regarder dans son âme, non?

Ils s'arrêtent devant une porte et Leonora jette un regard à Sheppard, qui a l'air particulièrement nerveux. Sans réfléchir, elle tend la main et la pose sur son bras. Depuis leur rencontre et leurs nombreux rendez-vous, ils se sont à peine touchés, par pudeur peut-être. Leurs doigts se sont frôlés une ou deux fois quand elle lui passait le sucre dans un salon de thé; elle a senti sa main effleurer le bas de son dos une fois où ils sont allés boire un verre dans un bar et qu'il lui a tendu la porte; leurs coudes se sont cognés, par hasard et puis de manière volontaire, lorsqu'ils sont allés au cinéma une fois.
Cette fois, le contact est prolongé et sûr de lui. Leonora serre brièvement le bras de Sheppard en lui adressant un regard qu'elle espère rassurant. "We can grab coffee somewhere else if you prefer," propose-t-elle simplement, sans le lâcher du regard. Il est tellement grand, et il est tellement beau. Elle se sent légèrement sourire en maintenant ses yeux dans les siens. "You don't have to show me. I'm not fussed, as long as we spend some time together."