a breath of life (Sinead)

Invité Invité

Etrangement et alors qu’il se sent très agité depuis des jours, George éprouve un soulagement retentissant dès l’instant où il atteins sa destination. Il a délaissé la rue voisine du Saint James Manor et se trouve désormais sur le pont du Tempest. Il se fige un instant dans la contemplation de la mer. De là où il se trouve, il n’entrevoit soudain plus que du bleu. Le ciel, les flots et la séparation quasi gommée entre les deux. Une sensation de liberté enfle en lui et timidement les coins de ses lèvres se soulèvent. Il se sent curieusement bien. Pas tout à fait heureux, encore moins extatique. Il est stressé, mais il est aussi indiscutablement apaisé d’être capable de se tenir sur le pont de ce bateau après des jours d’emprisonnement au Saint James Manor. Les jours passés en étant confiné ont été (à l’instar d’à peu près tout pour George depuis la mort de son frère) une véritable épreuve. Contraint à l’immobilité, il a passé le plus clair de son temps à essayer de s’isoler (comme de coutume, là encore). Il a lu aussi et ça en revanche ça sort de ses habitudes. Il a sacrément lu même, plus qu’il ne pouvait jusqu’alors prétendre l’avoir fait en quasi-trente ans d’existence. Il a tourné pages sur pages, avec une concentration souvent limitée malgré tout. Surtout, il s’est fait beaucoup de soucis et Sinead, plus particulièrement, n’a eut de cesse d’occuper ses pensées durant les jours qu’il a passé cloitré entre quatre murs, incapable de la contacter.

Il a beaucoup réfléchi. Allongé sur son lit, la tête bourdonnante et un livre à la main, il a songé à l’avenir. A son avenir. Et il n’y a vraiment rien à faire à ce sujet : ça lui fait tout simplement mal. Il en a mal de songer à ce qui pourrait l’attendre dans le futur car il ne se sent pas légitime à être toujours là. A avoir une chance de connaître un « après ». Quoiqu’il dise, quoiqu’il fasse, cette culpabilité est présente, occupée à lui labourer le ventre. La culpabilité du survivant. Le sentiment d’avoir trahi Fred, même si c’est résolument absurde. Fred, s’il était toujours là, serait assurément le premier à s’énerver de voir George se condamner à cette vie qui n’en est pas une alors qu’il peut aspirer à mieux. A plus. Même si ce n’est pas gagné. Même s’il y a toujours une foutue guerre à toutes les portes. Une guerre qui a pris Fred, Lee et bien d’autres gens. Une guerre qui prend et ne donne pas. Une guerre dans laquelle George se perd et dont il ne sortira peut-être pas vivant.

Une partie de lui ne parviens pas à songer à l’avenir tout simplement car cette même partie pense qu’il n’y survivra pas. Sauf qu’il se peut que ce ne soit pas le cas. Il est possible qu’il voit un jour la fin de tout ce cauchemar. Et la grossesse de Sinead progresse. Un petit bébé qui sera là d’ici quelques mois. Un être innocent qui ne verra clairement pas le jour dans les meilleures circonstances. C’est effrayant. Une nouvelle vie à ruiner, une nouvelle vie à prendre. George a envie de se protéger de tout ça, de cette douleur qui va invariablement de peine avec l’attachement, sauf que ce n’est pas si simple. Ça ne l’est jamais. C’est franchement impossible en fait. Toutes les murailles qu’il peut bien tenter de fortifier autour de son coeur sont vouées à s’effriter avant de tomber.

George pousse un soupire, figé face aux flots, avant de se mettre en action. Il n’a pas transplané sur le Tempest pour rester planté sur le pont, avec l’océan pour seul horizon. Il commence à marcher, à presser le pas pour se mettre à la recherche de Sinead. Il a déjà laissé passer trop de temps. C’en est assez. Il en a fini d’attendre.

@sinead bullstrong - a breath of life

Heureusement que ce foutu confinement est terminé. Un peu plus longtemps et Sinead aurait perdu la raison. Entre l'impossibilité de partir, son ventre qui grossit et tous les tracas qui vont avec (qui aurait cru qu'un foetus pourrait autant appuyer sur sa vessie ugh) et son père qui a pris la fâcheuse habitude de mettre la musique à fond à toute heure du jour (parfois de la nuit), Sinead était à deux doigts de pousser une gueulante (okay, elle a peut-être gueulé une ou deux fois, mais bon, fallait s'y attendre).

Elle n'a pas vu Gabriel depuis deux semaines et c'est toujours compliqué entre eux, comment lui en vouloir, et George n'a toujours pas donné de nouvelles. Sin n'est pas du genre à foutre la pression, mais être dans l'attente n'a jamais été son fort, ptêtre bien qu'elle est un peu émotive en ce moment aussi. C'est ce que ses pères lui ont plus ou moins sous-entendus pendant ces deux semaines d'enfermement. Fuck them. She's not. And even if she is, not her fault.

Donc voilà, le confinement est levé et tout peut redevenir comme avant, petit hic cependant - outre le fait que rien sera comme avant - Sinead a passé tellement de jours à tourner en rond que pour l'instant le moindre effort lui coûte beaucoup d'énergie. Prendre un peu plus son mal en patience, pester contre tout le monde et dormir beaucoup (vraiment beaucoup) en faisant régulièrement des petits tours sur le Tempest.

Elle en est là, coincée avec ses pensées et ses inquiétudes qui enflent sans grand monde avec qui les partager, pas que ses pères ne sont pas de bons conseils mais ils ont déjà eu assez de merde à gérer et puis elle veut leur laisser un peu de temps pour se retrouver. La dernière discussion avec George tourne dans sa tête, malgré l'assurance qu'elle avait ce soir-là, elle s'demande de plus en plus si elle fera une bonne mère. Et si elle fait n'importe quoi ? Et si elle sait pas comment s'en occuper ? Et si, elle s'énerve trop vite ? Et si ... Et si, et si... aaaaaah, ça sert à rien de se monter la tête comme ça. Sinead se tourne dans son lit, pose une main sur son ventre, le petit aussi bouge. Est-ce qu'il est aussi un peu inquiet ? Ou alors il veut la rassurer ? Pff, sans doute qu'il cherche juste une position plus confortable, mais le sentir contre sa paume l'apaise malgré tout.

"Eh ! Y'a quelqu'un pour toi !" La voix d'Ed se fait entendre, vient rompre le silence et les pensées chaotiques de Sin qui se lève presque rapidement - aussi rapidement que son corps lui autorise - c'est la première visite depuis la fin du confinement et Sid s'demande bien qui ça peut être ? Gabriel ? Lena ? Dae ? Elle n'prend pas le temps de se changer, son vieux pyjamas fera l'affaire puis c'est pas comme si ses amis allaient s'en offusquer ; et se dirige vers le pont du Tempest. Sinead s'attend à tomber sur le visage d'un de ses amis, à entendre leur voix qui l'appellent : Lena trop forte et confiante, Gabriel plus douce et hésitante. Mais ce n'est pas du tout sur eux qu'elle finit par tomber. Elle s'arrête dans son élan, une main toujours posée sur son ventre qu'on aperçoit très bien sous le long t-shirt, une autre qui se pose instinctivement contre le bois du bateau. "Oh... OH ! Euh, Salut." Sans doute le pire début de conversation, mais pour tout dire Sinead ne s'attendait plus trop à revoir George ici. Ou tout court. Y'avait des jours où elle imaginait quelqu'un venir la trouver pour lui annoncer qu'il avait disparu, qu'il s'était cassé. Elle aurait compris.

Mais nan, il est là devant elle. Et bon, Sinead sait pas encore ce que ça veut dire, mais ça doit bien vouloir dire quelque chose. Son cœur s'accélère, une note d'espoir qu'elle ne peut expliquer. Le bébé qui bouge un peu plus avant de s'arrêter comme s'il avait trouvé la place qu'il voulait. Et un long silence chargé. Un léger sourire de sa part, qui se fait presque invisible, qui hésite à éclore sur ses lèvres. Faut dire qu'après leur dernière rencontre, Sinead veut pas trop s'avancer et a un peu peur de le faire fuir si elle dit n'importe quoi. Parfois, mieux vaut un long silence que trop de mots.