Débordé par le nouveau climat tombé sur la château, surchargé par la montagne de travail imposé, occupé à gérer les élèves de sa maison en mettant à bien ses responsabilités de préfet. Le sentiment s’était amplifié sans qu’il ne puisse le contrôler, Chester, il s’était retrouvé dos au mur face aux mesures prises par la nouvelle équipe pédagogique soumise par la direction du château sans être en état de les remettre en cause. Continuer sans subir, obéir sans s’écarter des cadres précisément fixés, autoriser les discrets chuchotements des quelques courageux encore en mesure d’exprimer leur contestation. L’équilibre était bancal et ce qui faisait de Poudlard un endroit autrefois rassurant semblait depuis longtemps oublié. Une situation compliquée pour le Woolridge qui n’avait pas eu d’autre choix que celui de demander conseil auprès d’un autre préfet histoire de commencer un début de sixième année le plus efficacement possible. Et pas n’importe quel préfet de son âge, non. Felix, celui des verts et argents. Ensemble, ils avaient fini par trouver un certain rythme dans ce qui était possiblement faisable compte tenu des circonstances, ils avaient repris leur autorité en tentant de faire éviter les séances de torture aux plus audacieux – ou imprudents, rebelles, voire stupides selon les points de vue. Un rythme qui s’était transformé en habitudes prises en forme de rondes plus régulières notamment. Ce n’était toujours pas optimal, les bavures étaient toujours nombreuses et en coûtaient pas mal aux autres élèves, mais c’était encore tout ce qu’il était en mesure de pouvoir faire à son niveau.

Cette fois-là, il n’avait pourtant rien eu le temps de voir venir. Une blonde, une brune, deux corps enragés qui se livraient à une bataille, méthode moldue, avec hargne. Accompagné de Felix, le Serdaigle n’avait pas mis bien longtemps à reconnaître l’identité des deux battantes jonchées sur le sol. Hannah Abbott, Millicent Bulstrode. Deux personnes qu’il connaissait plutôt bien et qu’il appréciait sincèrement. « Arrêtez ! » L’ordre lâché à leur attention s’était élevé avec calme avant de se faire accompagner par un sortilège de repousse combiné avec l’aide du préfet des Serpentard. Il se mêlait rarement personnellement aux différends qui éclataient dans les couloirs de Poudlard, Chester, pourtant cette fois-ci il voulait en savoir plus. Comme pour s’assurer que rien de sérieux ne se passait, que tout allait encore bien. Et là où il les aurait naturellement abandonnées après les avoir emmenées jusqu’à l’infirmerie, il était revenu dans le coin quelques heures plus tard comme pour être sûr de croiser l’une des deux concernées. « Hannah ! » La Poufsouffle venait sortir et elle paraissait encore bien remontée. « …C’était quoi, ça ? » Il ne voulait pas porter de jugement, Chester, il ne voulait pas lui demander si elle allait bien ou encore lui souligner que ni Felix ni lui avaient décidé de les punir davantage pour cette altercation. Seulement il ne comprenait pas vraiment et il ne savait surtout pas quoi dire d’autre sans l’exprimer maladroitement.

Encore tremblante, Hannah sort de l’infirmerie sans un regard en arrière, ses poings serrés alors qu’elle se mord l’intérieur de la joue. Evidemment, Madame Pomfresh a soigné ses blessures en un rien de temps, les coups et morsures échangées avec la Bulstrode ne sont plus qu’un simple souvenir maintenant, mais il n’empêche que la blonde reste à cran. Cette année semble être la plus difficile, déjà le régime sous les Carrow ne lui fait pas le plus grand bien, mais avec le départ des nés-moldus il y a quelque temps, dans la précipitation et dans la peur, Hannah se sent plus que jamais seule. Elle ne l’est pas pourtant, le reste de l’Ordre est là, certains sont dans la même année qu’elle maintenant - Ginny, Luna - et tous les autres sont en septième année, tous sauf Ron et Hermione. Elle est loin d’être seule, c’est juste que c’est ce qu’elle ressent, sans doute à cause de cette année qu’elle a dû refaire, sans doute, oui.
Il n’empêche que si Chester et Felix n’étaient pas intervenus, Millicent et elle seraient dans un état encore plus pitoyable. Elle ne sait pas ce qu’il lui a prit, de lui sauter à la gorge comme ça, et elle ne sait pas non plus ce que les sanctions vont être… après tout, elle s’en était prise à une Sang-Pur et c’est ce qui était le plus protégé à présent au sein de l’école. Tant pis pour la justice. “Hannah !” Son prénom lancé dans le couloir la fait sursauter et la Poufsouffle se mord rapidement l’intérieur de la joue en se tournant vers la source, sa main plongeant par réflexe dans sa robe pour agripper sa baguette. Le visage de Chester se dessine alors et elle inspire légèrement, il lui faut quand même quelques secondes pour le reconnaître, sous les battements trop rapide de son coeur et de la colère qui semble l’habiter encore.

“…C’était quoi, ça ?”, demande le Préfet de Serdaigle alors qu’il arrive à sa hauteur et, pendant une seconde, elle ne répond pas, son regard fixé sur la broche qu’il porte sur le revers de sa robe de sorcier. Ce “P” symbolique de son rang, qu’elle pouvait encore afficher l’année dernière, qui maintenant ne fait que lui rappeler qu’elle n’est plus préfète, qu’elle n’est plus rien au sein de Poudlard mise à part une faible partie de la Résistance. “Rien,” finit-elle par répondre, peut-être un peu trop sèchement, son regard remontant vers celui de Chester. Elle ne sait pas pourquoi il est là, à nouveau. Elle sait que c’est son ami, qu’il a été d’une aide plus qu’utile depuis le début de l’année, mais elle se sent dépassée par les événements. Tout est devenu bien trop compliqué maintenant et elle se doute qu’il est là pour lui faire part de la sanction - certainement devoir prouver sa résistance au sortilège doloris.
La Poufsouffle finit par se détourner pour reprendre sa marche, serrant ses doigts sur la hanse de son sac à défaut de pouvoir sortir sa baguette, et elle jette un simple coup d’oeil par-dessus son épaule pour observer Chester. “Bon, c’est quoi cette fois-ci? Je suppose que les Carrow ne se sont pas montrés les plus tendres, je me trompe?” Hannah rajoute dans un léger ricanement moqueur avant de replacer l’une de ses mèches blondes derrière son oreille. Elle devrait sans doute parler plus doucement mais elle se fiche bien de se mettre en danger ou pas, elle a une dent contre eux, contre tout ce monde là, depuis qu’ils ont tués sa mère l’an dernier. Elle les hait.
Elle inspire lentement finalement et s’arrête dans le couloir pour se tourner vers Chester, elle l’observe un instant et finit par laisser un sourire sur ses lèvres. Elle a beau sentir tout s’écrouler autour d’elle, ce n’est pas pour autant qu’elle refuse qu’on l’approche, au contraire, elle a besoin de pouvoir se reposer sur quelqu’un depuis le départ de Jo. “T’es qu’un messager, l’autorité tout ça, je ne vais pas t’en vouloir.” Elle lui assure dans un sourire, comme pour lui montrer qu’il n’a pas à s’inquiéter.

Il était facile de voir l’inquiétude sur le visage du préfet. Ses yeux bleus, plantés dans ceux de la Poufsouffle, cherchaient désespérément à se raccrocher à une once d’explications sur l’altercation provoquée entre elle et la Bulstrode. La reprise scolaire n’avait été simple pour personne, et encore moins pour Hannah avec le récent assassinat de sa mère et son retour forcé au château dans de telles conditions. L’arrivée des Carrow comme tortionnaires, le changement de direction, les crimes extérieurs provoqués par les mangemorts au sein de cette nouvelle suprématie puriste qui régnait. Le nouveau climat politique laissait des traces sur les corps, dans les esprits, et la sécurité d’autan s’effaçait sans pouvoir être retenue d’une quelconque façon. Chester en avait parfaitement conscience ; il se battait au sein de Poudlard sans avoir les armes nécessaires pour le faire, il maintenait un équilibre instable qu’il contrebalançait qu’avec la seule aide de Felix. Une instabilité dans laquelle il arrivait pourtant à évoluer sans gros dommages, contrairement à d’autres. L’insigne de préfet aidait, la neutralité également. Pourtant, en l’instant, seule Hannah comptait. Son amitié, son bienêtre, sa survie au sein du climat de dictature. Il faisait de son mieux pour être là pour elle, Chester, et ne pas réussir à lui venir en aide lui arrachait le cœur. Rien. La réponse de la blonde était loin d'être convaincante. Il ne pouvait pas ne rien avoir pour qu’elle se jette avec autant de hargne sur le corps de Millicent. « Hannah…je t’en prie. » Il répétait son prénom avec douceur, lui faisant comprendre par la même occasion qu’il n’était pas prêt à accepter un tel mensonge de sa part. Il ne savait pourtant pas comment s’y prendre pour la mettre à l’aise, pour la faire parler sans crainte de quelconques représailles qui échapperaient à leur contrôle. Alors il se contentait de la regarder, sans aucune agression dans le regard. Il n’avait pas le droit de la forcer, il ne pouvait pas la suivre indéfiniment dans les couloirs du château sans son consentement. Elle finit pourtant par se détourner vers lui, lui donnant le signe nécessaire qu’il attendait pour se replacer à sa hauteur. “Bon, c’est quoi cette fois-ci? Je suppose que les Carrow ne se sont pas montrés les plus tendres, je me trompe? ” , qu’elle lui demanda dans un rire qui n’avait rien de jovial. Elle était en droit de se poser la question, de s’attendre à une quelconque sanction pour les événements qui venaient de se produire. Ce n’était pourtant pas le cas, non, il était venu simplement en tant qu’ami et non en tant que préfet. Dans leur excès d’agressivité, les deux jeunes filles avaient au moins eu la chance de n’avoir que Felix et Chester comme témoins, ce qui était plutôt rare pour le souligner. « Je ne viens pas pour eux. Mais parle plus fort pour les faire venir histoire que je sois obligé de t’envoyer te faire torturer par leurs soins pendant une heure. » Il avait répondu dans un murmure qu’elle était la seule en mesure d’entendre. « On a décidé de ne pas aller plus loin avec Felix. » Traitement de faveur peut-être. Millicent et Hannah avaient la chance de toutes les deux faire partie du cercle des proches des deux préfets. Puis au final, ils ne punissaient auprès des Carrow que lorsqu’ils n’avaient vraiment pas d’autre solution, ce qui se faisait de plus en plus rare ces derniers-temps. « T’es qu’un messager, l’autorité tout ça, je ne vais pas t’en vouloir. ” La voix de la Poufsouffle lui avait affirmé la chose dans un sourire qui n’avait rien de moqueur cette fois-ci. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de le percevoir comme un reproche. Un messager de l’autorité, une marionnette laissée entre leurs mains sans pouvoir s’opposer librement. « Je fais ce que je peux, tu sais. Je n’approuve pas leur façon de faire mais je ne peux pas…leur dire. Personne ne peut. » Il continuait de lui répondre dans ce même murmure, dans la peur d’être entendu, de se faire surprendre. Pourtant le couloir était toujours aussi désert. « Sache juste que je suis là si t’as besoin. » Il ne voulait toujours pas rentrer dans le jugement, ce n’était pas ses histoires et il n’était là qu’en tant que soutien. Il faisait simplement de son mieux.

“Hannah…je t’en prie.” Les quelques mots semblent flotter dans l’air sans que Hannah n’y réagisse réellement, malgré l’intonation qu’elle semble percevoir dans la voix du Serdaigle, malgré l’atmosphère ambiante. Elle se détourne alors pour commencer à marcher dans le couloir, sentant sa gorge se serrer - une sensation devenue bien trop courante maintenant - mais elle se tourne rapidement vers Chester pour lui faire signe de la suivre. Il ne se fait pas prier plus longtemps et la rattrape dans le couloir alors que son regard se pose sur lui, elle l’observe un petit peu et finit par lui demander la situation actuelle, c’est-à-dire la fameuse retenue qu’elle va devoir essuyer après s’être battue avec une Sang-Pur. Après tout, c’est pour ça que Chester est là, non ? Du moins dans l’esprit de la Poufsouffle c’est ce qui semble être le plus clair. “Je ne viens pas pour eux. Mais parle plus fort pour les faire venir histoire que je sois obligé de t’envoyer te faire torturer par leurs soins pendant une heure,” annonce-t-il finalement et Hannah ne peut s’empêcher de lui jeter un coup d’oeil amusé en l’entendant, elle laisse même un rire échapper ses lèvres alors qu’elle vient lui donner un léger coup de coude. “Pourquoi tu chuchotes comme ça ? Ils ne vont pas débarquer de derrière une armure pour nous attaquer.”
Malgré tout, Hannah relève son regard pour jeter un coup d’oeil dans le couloir, malgré le ton de la plaisanterie, elle ne peut s’empêcher d’être tendue. Chester ne sait pas, ne connaît pas la résistance qui grouille dans le château, qui se retrouve dans la Salle sur Demande qui est devenue quasiment inaccessible pour tous les autres grâce à Neville. D’un point de vue extérieur, ils sont des élèves qui n’hésitent pas à répondre et à se dresser contre les Carrow et leurs manières drastiques alors que de l’intérieur, ils sont une vraie fourmilière, s’occupant des blessés dans le plus grand secret et apprenant aux plus jeunes à se défendre.

“On a décidé de ne pas aller plus loin avec Felix.” La voix de Chester la fait doucement sortir de ses pensées et elle l’observe en silence, surprise qu’ils aient décidés ça avant de laisser passer un petit reniflement moqueur. “Merci de me protéger.” Malgré le ton, Hannah est réellement contente de ne pas avoir à supporter une heure de torture supplémentaire en plus de ce qu’elle reçoit déjà quotidiennement, la seule chose qui la fait tilter c’est que cette initiative la protège elle complètement. C’est sûr que Millicent aurait été récompensé de montrer le bon exemple en tapant sur une sang-mêlée qui donne du fil à retordre à la direction. “Mais j’espère que tu ne te voiles pas la face en pensant qu’elle aurait été punie aussi.” Elle ne peut s’empêcher de rajouter, les sourcils froncés alors qu’un soupir menace de passer la barrière de ses lèvres. A la place, elle resserre ses doigts sur la hanse de son sac et presse un peu le pas, se décidant que traîner dans les couloirs lui était soudainement devenu insupportable. En temps normal, c’est la direction de la Salle sur Demande qu’elle prend mais, pour le coup, elle ne sait pas réellement et jette un coup d’oeil vers Chester. “Tu fais quoi pendant tes heures de libre ?”
Et alors qu’elle lui assure qu’elle ne lui en veut pas, Chester semble vouloir se défendre quand même. “Je fais ce que je peux, tu sais. Je n’approuve pas leur façon de faire mais je ne peux pas…leur dire. Personne ne peut.” Hannah hausse un sourcil en entendant la réponse du Serdaigle et elle s’arrête net dans le couloir alors qu’il continue à murmurer, dans la peur de se faire attraper et qu’elle sent une certaine colère se réveiller à nouveau en elle. “Personne, t’es sûr ? C’est pourtant ce que la plupart essaye de faire ici.” Par plupart, elle parle évidemment des élèves qui se prennent une tonne de sortilèges par jour en pleine figure, ceux qui affichent déjà un nombre incalculables de cicatrices, elle pense à Ginny et à Luna qu’elle voit tous les jours en cours et avec lesquelles elles font front, elle pense à l’Ordre, aux septièmes années qui rusent par tous les moyens pour éviter aux plus jeunes les souffrances, à commencer par les remplacer en cours à l’aide de polynectar. “Mais je pensais ce que je disais,” reprend-elle dans un soupire avant de se remettre à marcher. “Je disais ça parce que l’insigne de Préfet me manque, voilà tout.”

Une simple vérité avouée, même si de nos jours être Préfet ne semble plus vouloir dire grand chose, pas avec les Sang-Pur qui se pavanent comme si tout le château leur appartenait. Ce qui semble être le cas maintenant, à dire vrai. “Sache juste que je suis là si t’as besoin.” La voix de Chester se fait entendre à ses côtés et elle se tourne vers lui pour le regarder avant de sourire légèrement dans sa direction. “C’est gentil, je vais noter ça dans un coin de ma tête alors, Chester.” Hannah souffle avant de venir lui redonner un léger coup de coude et hausse finalement un sourcil dans sa direction. “Alors, tu vas où dans tes moments libres ?” Parce que oui, elle n’a pas envie de traîner dans les couloirs et murmurer pour ne pas se faire entendre, ne pas attirer l’attention sur eux, elle n’a pas envie d’attirer des ennuis au Serdaigle non plus.

Revenir près de l’infirmerie n’était peut-être pas la solution pour obtenir une réponse de la blonde. La prendre en filature, lui imposer de nouveau sa présence en cherchant maladroitement à comprendre les événements des dernières heures. Ce n’était pas très malin, juste impulsif. Il aurait pu s’y prendre autrement, Chester, comme attendre que le premier geste vienne de la Poufsouffle par exemple. Alors en la regardant s’éloigner au loin, un début de regrets se formait au fin fond de son crâne. Peut-être qu’il était encore plus perdu que la grande majorité des élèves sur le rôle qu’il avait à jouer, sur le moyen de se montrer présent pour ses proches tout en se montrant serviable auprès des tortionnaires à la tête de Poudlard depuis peu. Hannah avait pourtant fini par lui faire comprendre qu’elle n’était pas contre l’idée de sa présence. Premier soulagement pour le Serdaigle qui ne se fit pas attendre pour la rejoindre. Du moins, ce fut avant de l’entendre parler de sanction. Une question qui se multipliait dans la bouche des élèves à force d’arrêter des querelles ridiculement dangereuses dans les couloirs du château. Pourtant cette fois, les deux préfets ne leur avaient accordé qu’un simple avertissement sans de plus amples conséquences auprès des Carrow. Ce n’était pas utile, pas nécessaire. "Pourquoi tu chuchotes comme ça ? Ils ne vont pas débarquer de derrière une armure pour nous attaquer.” , s’était d’abord contenté de répondre son amie dans un rire qui était loin d’être aussi discret que les murmures du Serdaigle. S’il chuchotait, c’était simplement par mesure de précaution. « Tu ne sais jamais où ils peuvent se trouver ni qui se promène dans le coin. », qu’il répondit en autorisant un début de sourire dans le coin de ses lèvres. La prudence était de mise depuis le début du règne suprématiste des sang-purs et il comptait bien le montrer à Hannah. Combien de fois les avait-il vus débarquer sans annoncer leur présence au préalable, combien de fois avait-il pu voir des élèves se faire coincer pour avoir échanger qu’un regard allant à l’encontre du régime en place. S’il avait bien retenu une chose d’Alastor Maugrey – ou de son imposteur – lors de sa troisième année, c’était sa devise : vigilance constante. Deux mots qui n’auraient pas pu être plus adaptés à la situation du moment.

Puis il avait poursuivi de manière claire en lui confirmant de nouveau la décision prise avec le préfet des verts et argents. Une nouvelle qu’il pensait plutôt bénéfique pour la blonde – qu’il savait régulièrement torturé – mais qui s’en éloigna presque au vu de sa réaction. Des remerciements pour la protéger délivrés sur un ton de moquerie. Il ne comprenait qu’à moitié où elle voulait en venir. Une fois encore, il faisait de son mieux de son niveau, sans savoir quoi faire autrement et plus efficacement sans s’engager trop politiquement.  “Mais j’espère que tu ne te voiles pas la face en pensant qu’elle aurait été punie aussi.”, avait-elle rajouté à ses remerciements. Une remarque qu’il savait juste et qu’il accueillit avec une grimace sur le visage. Cette suprématie des sang-purs, ce passe-droit en toute épreuve peu importait le contexte. Hannah exagérait à peine, il était parfaitement bien placé pour le savoir. « Je sais bien.», qu’il se contenta simplement de dire plus pour lui-même que pour elle. Il ne savait pourtant pas comment rebondir davantage sans se mettre en porte-à-faux. C’est pourtant ce qu’il fit en ignorant la première question de son amie pour venir déclarer qu’il faisait de son mieux pour combattre les Carrow sans montrer signe de rébellion. “Personne, t’es sûr ? C’est pourtant ce que la plupart essaye de faire ici.” Nouvelle grimace à l’écoute des paroles de la Poufsouffle. La plupart. Ceux qui étaient d’ores et déjà perçus comme des opposants, ceux qui avaient le courage de perdre le peu qui leur restait. Chester n’en faisait pas partie et se doutait bien que ça ne changerait probablement pas. Il se contenta d’un simple silence face à sa remarque ; un silence qui en disait plus que les mots qu’il aurait pu choisir et qui l’empêcha de débattre en sachant qu’il avait d’ores et déjà perdu. Hannah avait dû le ressentir et, d’une voix plus douce, elle lui reconfirmera les sincérités de ses mots. Un simple messager des dictateurs. « J’aimerais parfois avoir une autre position, crois-moi. Je ne peux même pas me plaindre des regards haineux et des reproches. Je les mérite d’une certaine manière. Penser être capable de rassembler au mieux n’est qu’une utopie ridicule à ce stade. » Il lui avait les pensées qui le tourmentaient dans un demi-ton. Il n’y avait aucune recherche de pitié, non. Au final ce n’était qu’un exposé rapide de sa réalité à lui. 

Sa volonté initiale de l’épauler en tentant de l’éloigner des problèmes revint ensuite dans une nouvelle et brève déclaration d’amitié. Il serait là pour elle, du mieux qu’il le pourrait. Une réalité acceptée par la blonde qui sembla se détendre davantage en lui glissait un petit coup de coude en changeant de sujet. “Alors, tu vas où dans tes moments libres ?”  Il la regarda en arquant un sourcil, ne sachant pas tellement où elle voulait en venir. « Quand je n’arbitre pas les querelles de couloirs ou que je ne me livre pas à des discours ridicules pour l’union de chacun face à l’adversité, je… » Il s’arrêta net, ignorant bien ce qu’il allait lui dire. La vérité, c’était qu’il ne faisait pas grand-chose de ses moments de libres parce qu’il n’en avait pas des tonnes. Et dernièrement, il les passait tous avec Felix pour tenter de trouver des solutions pour la survie de chacun face à la torture. « Pour être parfaitement honnête, je ne fais plus grand-chose. Ça fait une éternité que je ne suis pas aller à Pré-au-Lard pour boire une bièraubeurre avec des amis. », reprit-il ensuite dans un sourire discret. « T’aurais quelques suggestions peut-être ? » Il se doutait bien qu’elle ne posait pas la question innocemment après tout, elle devait bien avoir une idée en tête.

“Tu ne sais jamais où ils peuvent se trouver ni qui se promène dans le coin,” lui répond alors Chester et Hannah se tourne un petit peu vers lui pour l’observer, souriant doucement sans réellement répondre à ça. C’est juste qu’elle, elle n’a plus rien à perdre, alors si elle peut faire comprendre que ce nouveau système mis en place par les Carrow est la chose la plus stupide au monde, que le retour de Voldemort est la pire chose qui puisse arriver, elle ne va pas s’en priver. Donc s’ils débarquent maintenant et les surprennent, elle s’en fiche un peu, en revanche elle n’est pas sûre de vouloir entraîner Chester dans ses bêtises, alors elle se tait. Elle sourit juste vers le Serdaigle et hoche un peu de la tête, comme pour lui dire qu’elle a compris.
Son pas devient plus pressant dans le couloir alors qu’une seule idée semble germer dans son esprit: quitter cet endroit le plus rapidement possible, mettre une distance entre l’infirmerie et le potentiel danger de se retrouver à se promener dans les couloirs. Et Hannah le remercie pour la séance de torture qu’il lui a évité sans pouvoir empêcher de petit goût amer dans sa bouche, celui qui lui rappelle que Millicent va s’en sortir sans rien elle, dans tous les cas. “Je sais bien.” Chester lui répond et son visage prend une légère grimace qui souligne bien ce qu’elle pense: cette histoire de suprématie est pire que bidon.  “C’est bon, arrêtons de parler de ça sinon ça risque de nous attirer des ennuis.” Et c’est bien ce qu’elle cherche à faire en s’éloignant d’ici, ne pas laisser les ennuis trouver son ami et la seule personne qui s’est décidé à l’aider.

Mais il parle à nouveau et cette fois elle ne peut s’empêcher de s’arrêter subitement, Hannah, alors qu’elle sent cette pointe de colère percer en elle. Ils sont déjà plusieurs à faire quelque chose, plusieurs à se monter contre les Carrow et cette autorité, ils sont plusieurs à croire qu’ils gagneront la guerre. “J’aimerais parfois avoir une autre position, crois-moi. Je ne peux même pas me plaindre des regards haineux et des reproches. Je les mérite d’une certaine manière. Penser être capable de rassembler au mieux n’est qu’une utopie ridicule à ce stade.” Elle l’écoute alors lui dire qu’il mérite les regards haineux, qu’il mérite tout ce qui peut lui tomber dessus, elle l’observe un peu et bat des cils alors qu’elle sent son coeur se serrer. Comme à chaque fois que son souffle retombe et qu’elle sent que la bataille va être longue. “Tu peux l’avoir secrètement.” Cette fois c’est elle qui murmure parce qu’elle ne veut pas le pousser dans quelque chose qu’il ne trouve pas sain, elle ne pousse personne à se battre, mais elle lui rappelle juste qu’il y a toujours cette possibilité.
Sans pour autant rester sur le sujet, Hannah vient glisser son bras sous celui de Chester pour commencer à l’emmener ailleurs, laissant un sourire sur ses lèvres. Comme si tout allait bien. Et elle s’empresse de lui demander ce qu’il fait de son temps libre parce qu’elle est pas sûre que le ramener dans la Salle sur Demande soit la meilleure des solutions. “Pour être parfaitement honnête, je ne fais plus grand-chose. Ça fait une éternité que je ne suis pas aller à Pré-au-Lard pour boire une bièraubeurre avec des amis.” Un rire s’échappe des lèvres de la Poufsouffle qui soupire doucement en regardant devant elle. “Me parle pas de Pré-au-Lard, c’est tellement devenu quelque chose de surnaturel. C’est triste.” Parce que sous le régime des Carrow, les sorties à Pré-au-Lard étaient évidemment loin d’être d’actualité, à moins d’être sang-pur et pour la nouvelle direction. On allait pas laisser les opposants s’amuser au village voisin quand même.

Hannah s’arrête brusquement lorsque l’un des fantômes traverse le mur face à eux et elle le regarde passer avec un petit sourire en coin, si elle pouvait éviter la sensation de cascade glacée, elle n’allait pas s’en priver. Et elle se remet en marche aussi, ses pas l’emmenant déjà vers les sous-sols. “T’aurais quelques suggestions peut-être ?”, lui demande Chester et elle hausse un sourcil vers lui avant de sourire un peu, murmurant cette fois. “Peut-être qu’on peut amener Pré-au-Lard à nous ?” Et elle s’avance dans les cachots, remonte un couloir pour se retrouver face à un tableau de fruits, elle vient chatouiller la poire qui se transforme rapidement en poignée. La seconde d’après, ils entrent dans la cuisine et elle referme doucement la porte derrière elle. Les elfes de maison relèvent la tête pour juger la nouvelle visite et leurs visages semblent assez soulagés, en général l’uniforme jaune et noir aide pas mal pour se faire apprécier dans les cuisines. Alors que l’un d’entre eux s’approche pour demander ce qu’ils aimeraient, Hannah le regarde en se mordillant la lèvre. “Je me demandais… est-ce-que vous aurez des bièraubeurres par hasard ? Et de la tarte à la citrouille ?” Après avoir hoché de la tête, l’elfe disparaît aussitôt et Hannah entraîne Chester avec elle sur l’une des longues tables, s’asseyant à celle matchant celle de Poufsouffle sans même s’en rendre compte. “Bon, pour Zonko et Honeydukes il va falloir être plus inventifs.” Elle fait alors remarquer dans un rire et remercie l’elfe qui vient déposer les bièraubeurres et les parts de tartes avant de disparaître.

Contrairement à la jeune femme, Chester avait encore beaucoup à perdre s’ils se faisaient surprendre par les Carrow. Sa position de préfet et son futur en dehors du château n’en étaient que les exemples les plus évidents, mais les quelques privilèges auxquels lui et sa famille avaient encore accès n’étaient pas non plus négligeables. Et sa position était peut-être légèrement égoïste, mais se mettre à dos ses chances de survie dans ce climat étouffant pour quiconque n’était pas de sang-pur ne lui était pas non plus rendu possible. Puis la résistance, aussi discrète soit-elle, lui aurait demandé une prise de position qu’il n’était pas encore prêt à prendre. Pourtant il se tut face à la réaction de la Poufsouffle, lui adressant un simple sourire reconnaissant pour prendre en compte sa demande de discrétion. Elle était si douce, la blonde, si ouverte.
La discussion reprit pourtant sur ce terrain-là quelques secondes plus tard alors qu’ils continuaient de longer les couloirs. Il y avait toujours cette culpabilité qui le rongeait au quotidien depuis le début de la rentrée ; cette même culpabilité provoquée par l’autorité excessive qu’il représentait aux yeux des autres élèves sans réussir à s’en défaire. Il n’avait pas le courage qu’avait Hannah et ceux qui osaient montrer leur désaccord pour prendre une autre position, il le savait et ne s’en était pas caché devant elle. “ Tu peux l’avoir secrètement .”, lui affirma pourtant la jeune fille dans un murmure aux allures de sous-entendu. Une résistance sous forme d’organisation secrète. Sans en connaître les détails, ce n’était pas la première fois que Chester en entendait parler. Padma s’était déjà chargé de le lui faire comprendre. Soit. Son avis sur la question n’avait pas vraiment changé et devoir expliquer ses raisons à quelqu’un qui avait d’ores et déjà tout perdu n’était pas vraiment une partie de plaisir. Alors il se tut et se contenta d’une simple crispation sur le visage pour mettre fin au débat. C’était simple de se croire incapable de prendre des mesures, savoir qu’une option était possible… ça l’obligeait à rompre le peu d’équilibre qu’il avait réussi à trouver.

L’ambiance s’était ensuite allégée, leur amitié reprenant vite le dessus presque comme si rien ne s’était passé. La bagarre avec Millicent, la discussion rapide sur la suprématie puriste et les choix qui s’offraient à eux. Il n’y avait maintenant plus qu’eux et leur présence pour l’autre, comme autrefois. Hannah s’était rapprochée de lui pour venir glisser son bras dans le sien et lui avait ensuite demandé quelles étaient ses occupations dans son temps libre, laissant Chester quelque peu hébété face à la question. Le Serdaigle n’était pas préparé à un changement de sujet aussi radical sur ses nouvelles habitudes prises pour le plaisir et la réponse qu’il lui donna n’avait rien de très enjoué.  Car il ne sortait plus vraiment, Chester, l’ambiance du château avait bien trop changé pour qu’il puisse le faire et ses tentatives de regroupement et de solidarité entre les élèves via des discours engagés lui prenaient bien trop de son temps et de son énergie pour qu’il puisse de toute façon faire autre chose. Puis il y avait Felix aussi, et ça il n’avait pas tellement envie de l’expliquer à la blonde. “ Me parle pas de Pré-au-Lard, c’est tellement devenu quelque chose de surnaturel. C’est triste. ” Il grimaça à la remarque de la blonde. Il n’était pas vraiment surpris, non. La totalité du château avait changé en si peu de temps, il ne pouvait pas s’attendre à ce que Pré-au-Lard ait pu s’en détacher. Il se sentait presque bête d’avoir fait référence au village sorcier désormais, et se rendre compte de la réalité qui se dessinait devant lui provoqua un pincement au cœur de manière instantanée. Au moins, ça avait pu faciliter la proposition d’Hannah de faire venir Pré-au-Lard à eux. «  J’aime cette spontanéité, tu ne me déçois jamais. », lui répondit-il en la suivant dans les cachots du château. Il se doutait bien de son plan, il n’y avait pas des tonnes de possibilités pour ramener des bièraubeurres à eux en se dirigeant vers les sous-sols du château. Les cuisines. «  Ça va peut-être te surprendre, mais je n’ai jamais mis les pieds ici. J’en entends beaucoup parler mais…je n’ai jamais pris le temps. » Il lui faisait des confidences en la regardant chatouiller la poire du tableau devant lequel ils s’étaient arrêtés. Non, vraiment, il y avait beaucoup de choses qu’il n’avait encore jamais faites à Poudlard et il se sentait encore plus stupide. Les elfes de maison, eux, n’avaient pas semblé le moins du monde surpris en les voyant rentrer. À croire qu’ils n’étaient jamais seuls lorsqu’ils préparaient les plats.  «  Il ne manque pas grand-chose pour se croire aux Trois Balais. », qu’il glissa ensuite à son amie alors qu’ils s’assirent à une table. «  Bon, pour Zonko et Honeydukes il va falloir être plus inventifs. ” Chester la regarda avec un sourire, avant de remercier l’elfe de maison et de prendre une gorgée de sa bièraubeurre. «  J’ai confisqué quelques produits Zonko un peu plus tôt… produits que je n’ai pas encore confiés à Filch si ça t’intéresse. » Ouais, il y avait quand même encore quelques avantages à être préfet même s’il ne voyait personnellement pas d’intérêt à se trimballer avec des frisbees à dents de serpent ou des bombabouse. Mais pour Hannah, c’était peut-être utile. «  Quant à Honeydukes, il doit bien avoir du chocolat qui traine dans le coin. » Non, il ne manquait pas grand-chose pour se croire à Pré-au-Lard et sur le moment il pouvait presque encore se croire dans le Poudlard d’antan. «  On devrait venir plus souvent. », finit-il par dire comme pour lui faire comprendre sa gratitude pour le moment qu’il lui offrait.

Hannah s’est résignée tant bien que mal à ne pas mentionner plus que ça la résistance qui se forme en secret dans Poudlard, surtout après avoir vu l’air de Chester. C’est un ami et sa loyauté est évidemment bien placée, c’est sans doute pour ça qu’elle ne se risque pas à en dire plus, pour la loyauté qu’elle éprouve pour tous les autres, quelques étages plus hauts, installés dans le dernier secours qu’est la Salle sur Demande. A la place, la Poufsouffle s’est décidé à tout effacer, tout autant que la dispute quelques heures plus tôt avec Millicent, Padma collé à Anthony, ou encore le départ de Jo et la peur de le savoir tout seul là-dehors. Trop de choses qui se pressent dans son esprit mais qu’elle refuse de laisser sortir, du moins pour l’instant, où elle décide de s’accorder une trêve, de ne plus laisser la Hannah soucieuse, les sourcils froncés et le regard absent, se promener dans le couloirs. A la place c’est la Hannah d’avant qui revient en force, la douce et gentille Hannah, dont le seul stress se résumait à passer ses OWLS sans problème. Un passé qui fait presque mal à présent.
Son bras vient se glisser sous celui du Serdaigle et elle l’emmène dans les différents couloirs en lui demandant ce qu’il fait de ses journées pour s’occuper - et occuper son esprit, aussi. La réponse tombe rapidement sur Pré-au-Lard et la réalité la rattrape instantanément, la faisant grimacer en se rappelant l’interdiction à ses sorties. C’est alors avec un certain automatisme qu’elle décide de faire venir le fameux village sorcier jusqu’à eux, de quoi s’amuser un petit peu malgré les heures sombres, d’avoir quelque chose qui occupe leurs esprits.

Elle prend le chemin des cuisines, un chemin qu’elle a souvent emprunté pendant ses années, à commencer par les fois où elle descendait prendre quelques parts de tartes pour Millicent. La pensée lui fait alors serrer les dents, elle se trouve stupide à présent d’avoir été aussi naïve et, même si elle n’arrive pas à se détacher de ce trait de caractère complètement, il s’est bien atténué avec les années. “J’aime cette spontanéité, tu ne me déçois jamais.” C’est la voix douce de Chester qui la ramène un peu sur terre et elle sent ses muscles se décrisper alors qu’elle tourne son regard vers lui pour lui sourire doucement. “Je fais de mon mieux,” assure-t-elle finalement dans un léger rire tout en pressant le pas. Elle n’a pas envie que cette bonne idée ne soit justement mise à rude épreuve par quelqu’un du personnel.
Une fois devant le tableau de la cuisine, Hannah vient chatouiller la poire pour pouvoir entrer et elle glisse un regard amusé vers Chester. “Ça va peut-être te surprendre, mais je n’ai jamais mis les pieds ici. J’en entends beaucoup parler mais…je n’ai jamais pris le temps.” La confidence alors étalée entre eux, la Poufsouffle se met à rire et elle ouvre la porte de l’antre, passant la première pour pouvoir lever sa main dans la direction de la salle gigantesque. “Je ne suis pas surprise, il y a énormément de Poufsouffles qui traînent ici et rarement ceux d’autres maisons. Les jumeaux Weasley venaient pas mal aussi, si je me souviens bien, mais sinon…” Les paroles de la blonde restent comme suspendues dans l’air, laissant à présager que peu d’élèves des autres maisons ne venaient là, en même temps c’est vraiment que la salle commune des Poufsouffles qui donnent juste à côté. Il n’y a qu’eux pour être attirés tout le temps par la délicieuse odeur des cuisines ou l’envie d’un chocolat chaud en pleine nuit.

Après avoir passé commande, Hannah s’installe à l’une des tables et attend que les elfes apportent ce qu’elle a demandé, souriant un peu face aux tartes et aux bouteilles qu’on pose face à eux. Discrètement, elle remercie les elfes et attrape automatiquement sa bièraubeurre d’une main, impatiente d’en boire une gorgée, il faut dire que dernièrement elle n’a pas eu l’idée de venir en demander une en cuisine et ça fait longtemps qu’elle n’en a pas bu. Sa dernière doit remonter à sa quatrième année, à dire vrai. “J’ai confisqué quelques produits Zonko un peu plus tôt… produits que je n’ai pas encore confiés à Filch si ça t’intéresse.” Hannah prend une gorgée de sa boisson en faisant mine de réfléchir et replace une longue mèche blonde derrière son oreille. “Ca m’intéresse plutôt mais… tu ne devrais pas les confisquer à nouveau si c’est le cas ?”, demande-t-elle, l’air malicieux, avant de se mettre à rire doucement. “Combien de fois j’ai arrêté Jo et Jack lorsqu’ils revenaient de Pré-au-Lard pour vérifier qu’ils emmenaient rien avec eux de chez Zonko avant de craquer finalement et de leur offrir moi-même un assortiment à Noël.” Son sourire s’évanouit presque aussitôt.
Penser à Jo est dur. Penser aux moments partagés avec les garçons semblaient même surnaturels à ce stade, comme si Noël avait été une invention de son esprit. “Quant à Honeydukes, il doit bien avoir du chocolat qui traine dans le coin.” La voix de Chester la ramène une nouvelle fois et Hannah sourit un peu en regardant autour d’elle, faisant mine de réfléchir alors qu’elle porte une nouvelle fois sa boisson à ses lèvres. Finalement, la bouteille reposée sur la table, elle hausse des épaules. “Je pense oui, je pense même qu’il doit venir de chez Honeydukes, il faudrait leur demander. Mais pour l’instant je vais m’attaquer à cette part de tarte à la citrouille, elle me fait tellement envie.” Elle passe sous silence une nouvelle fois le genre de repas qu’on leur offre maintenant à Poudlard, retient juste une grimace et récupère finalement un bout de tarte pour le mettre dans sa bouche. Le goût délicieux vient rapidement imprégner ses papilles et elle ne peut s’empêcher de soupirer. “Ca ne me déçois jamais.”

Tout semblait s’être suspendu en un instant. Plus d’étudiants à gérer, de disputes à arrêter, de Carrow à amadouer. Les inquiétudes que Chester avait pour la survie des uns et des autres, ses responsabilités de préfet ; tout s’était instantanément dissout dans le sourire de la Poufsouffle, dans sa volonté de passer un moment comme avant loin de l’agitation des couloirs et de leurs problèmes respectifs. Une tentative audacieuse de la part de la jeune fille, mais qui s’avérait efficace sans avoir besoin de forcer. C’était comme si le Serdaigle n’avait pas remarqué depuis combien de temps les moments de détente avaient disparu de son quotidien avant qu’elle lui pose la question. Ces moments qui se faisaient à la vue de tous et qu’il n’était pas obligé de retrouver en secret, de part qu’ils sont trop polémiques. La simplicité à Poudlard, le bien-être. C’était si éloigné, si effacé. Et peut-être bien qu’il ne s’était pas attendu à un tel changement de situation aussi agréable en abordant Hannah après sa dispute avec Millicent – après tout il n’avait pas forcément su ce qu’avait recherché la blonde en lui demandant quelles étaient ses nouvelles habitudes – mais il était bien loin de s’en plaindre. Passer un moment de simplicité avec son amie à l’abris de tous, découvrir les cuisines de Poudlard pour se recréer l’atmosphère de détente de Pré-au-Lard, ne plus devoir se retrouver confronté aux conséquences directes de la politique imposée par la direction. Il en avait étrangement besoin. Même pour une heure.
Il l’avait suivi en se contentant de souligner de manière positive sa spontanéité, attendant seulement de se retrouver devant le tableau de la corbeille de fruits pour lui révéler qu’il n’avait jamais franchi la porte des cuisines. Une habitude la plupart du temps réservée aux Poufsouffle et aux jumeaux Weasley d’après la blonde. Sa remarque le fit simplement hocher la tête, sans qu’il ne vienne y accompagner un mot de plus en guise de commentaire.

L’agitation des elfes de maison pour exprimer leur volonté de les servir en plats et boissons avait été immédiate. Hannah avait sans aucun doute l’habitude mais pour Chester, un léger sentiment de malaise se ressentait. Puis ils s’installèrent discrètement, n’attendant que quelques secondes avant de recevoir la commande passée par la blonde. Les Trois-Balais n’étaient plus si loin désormais, il pouvait presque revoir l’agitation au sein de l’auberge et la rapidité de Madame Rosmerta pour servir les bièraubeurres commandées par les élèves du château. Ce n’était pourtant pas le cas de Zonko et d’Honeydukes. Le magasin de farces et attrapes et les confiseries qui complétaient les boutiques faisant la célébrité du village sorcier seraient plus compliqués à recréer. Néanmoins la position de préfet de Chester avait encore quelques avantages et confisquer des produits de chez Zonko en faisait encore partie. Produits qui pouvaient peut-être…tomber dans des meilleures mains, comme celles d’Hannah. “ Ca m’intéresse plutôt mais… tu ne devrais pas les confisquer à nouveau si c’est le cas ?”, l’entendit-il répondre malicieusement avant de reprendre aussitôt. “ Combien de fois j’ai arrêté Jo et Jack lorsqu’ils revenaient de Pré-au-Lard pour vérifier qu’ils emmenaient rien avec eux de chez Zonko avant de craquer finalement et de leur offrir moi-même un assortiment à Noël.” La nostalgie était très clairement perceptible et Chester ne pouvait s’empêcher de la comprendre. Boire une bièraubeurre suffisait pour suspendre le temps, mais certainement pas pour faire oublier ce qui se passait autour d’eux. Il n’y avait plus de Jo, plus de Jack, plus de produits de chez Zonko à leur offrir désormais. Il n’y avait que les contrebandes de bombabouses et autres produits du genre que le Serdaigle était obligé de confisquer et reporter à la direction. « J’imagine que ce serait assez étrange de ne plus rien confisquer sans que ce soit remarqué mais je peux toujours te glisser…certains produits avant que ce soit remis plus haut. », qu’il se contenta de lui répondre dans un haussement d’épaules. Il ne savait pas tellement dans quoi il se lançait, ni même pourquoi il le faisait, mais pour Hannah tout semblait se justifier.

Il se rendit bien compte du changement d’air qui s’était glissé sur eux, de la nostalgie qui venait de réapparaître d’un coup. Et les forcer à se rappeler de l’illusion qu’ils essayaient de créer n’était pas le plus agréable et le reconnaître aurait été une manière de tout réduire en cendre instantanément. Merde. C’était vraiment impossible de se couper du monde, d’oublier le présent, de ne pas s’inquiéter du futur. Pourtant le préfet s’y risqua une nouvelle fois en rebondissant sur Honeydukes et Hannah sembla jouer le jeu. “ Je pense oui, je pense même qu’il doit venir de chez Honeydukes, il faudrait leur demander. Mais pour l’instant je vais m’attaquer à cette part de tarte à la citrouille, elle me fait tellement envie.” Elle n’avait probablement pas tort, le chocolat venait certainement de là-bas. Seulement au lieu de poser la question aux elfes prêts à leur répondre, Chester se contenta d’une affirmation silencieuse en lui tendant une fourchette à gâteau. “ Ca ne me déçoit jamais.”, que la blonde affirma ensuite après avoir goûté le dessert devant elle . Son ton parut une fois encore quelque peu nostalgique. « Il n’y a rien de mieux, oui, c’est presque…comme avant. », renchérit-il à son tour en portant sa propre fourchette à sa bouche. Il ne savait plus vraiment comment rebondir, Chester, tout avait presque le goût de mélancolie et sous-entendre qu’un bout de tarte était suffisant à effacer le reste était indélicat.