tw : chasses humaines, violence, mort, harsh language

Dire que Lottie a rapidement pris ses marques une fois sur l'île serait passer sous silence la réalité de la situation qui était la suivante: elle n'a pas eu le choix. Sa rencontre brutale avec Simon lors de sa première Battue a été une véritable claque dans la gueule qui lui a fait comprendre qu'elle ne serait pas épargnée ici, que ça n'était pas une blague, et qu'elle risquait la mort à chaque seconde. Un constat qui l'a clouée sur place et qui lui a fait fermer sa gueule bien assez vite - sans ça, elle aurait certainement continué à insulter son sauver jusqu'au coucher du soleil. In my defense, he caught me off guard. And what was I supposed to do? Entrust a stranger with my life?
Toute seule, elle pouvait pas faire grand-chose pour sauver sa peau la môme: pas face à des mangemorts armés jusqu'aux dents, ni aux autres prisonniers aussi désespérés qu'elle. C'est pour cette raison qu'elle a fini par rejoindre le groupe de Faye (avec de grandes réserves, et beaucoup de méfiance: mais c'était sa meilleure option au vu de la situation dans laquelle elle se trouvait). It's better than starving. Better than dying like a fucking rat. I don't want to die. I want to get out of here. La née-moldue s'est donc retrouvée à réellement fonctionner en groupe pour la première fois de sa vie, elle qui n'a été habituée qu'à agir seule, ou en duo sa main fermement plantée dans celle d'Ocean. I have no idea how to do this.

C'est peut-être un peu bizarre à dire, mais elle a l'impression qu'elle s'est fait des potes ici. Ou plutôt, des camarades de fortunes - des gens qui ont pas envie de crever, des gens qui ont la haine et qui veulent tout faire pour retourner chez eux. La survive, ça rapproche - ça, elle l'a bien vu dès qu'elle a rejoint le groupe. Ils partagent leurs provisions, celles envoyées par leurs sponsors inconnus, et font au mieux pour se protéger mutuellement. Y en a qui sont là depuis quelques années - et ça lui a gelé le sang de l'apprendre, Lottie. Elle n'est là que depuis quoi, un mois? Deux mois? (Elle a perdu la notion du temps). Pourtant, elle a l'impression que ça en fait six.
Comment ont fait les autres pour survivre aussi longtemps ici? Ça fait naître une question morbide dans son esprit. Will I ever be able to leave this place, or am I going to fucking die in a ditch? What will they do with my body if I die here? Throw it into the sea? Fuck, I don't even wanna know. La vérité, c'est qu'ils vont sûrement passer le restant de leurs jours ici - et chaque jour qui passe, la rouquine peut sentir les derniers fantômes de ses espoirs s'évaporer dans l'atmosphère morbide de Gracefield.

La gamine jette un coup d'oeil à Mallory à côté d'elle. Elles sont toutes les deux allongées sur le sol d'une des baraque du village. Ça fait quoi, une quinzaine de minutes? Elle s'ennuie comme un rat mort, et il fait super froid. Y a même pas Andy avec elles - elles ont personne à entraîner dans leur plan foireux du jour comme elles savent si bien le faire. La née-moldue compte les lattes sur le plafond - observe les volutes de fumée blanche qui s'échappent de ses lèvres à chacune de ses expiations. So fucking cold. Ils sont en plein hiver - c'est un vrai supplice. Mallory lui a dit que ça serait bien pour elles, de se mettre en situation de battues: que comme ça sera sa deuxième, bientôt, faut bien qu'elle se fasse la main. Or else, you'll die fast enough. Lottie a pas trop résisté: faut dire qu'elle se laisse porter par le courant, ici. Pourtant, elle arrive pas à rentrer dans la simulation; faut croire qu'elle se sent pas suffisamment en danger (ce qui est complètement faux, elle a l'impression que chaque jour est un clou de plus autour de son cercueil). "Il fait putain de froid sur cette île de merde." qu'elle fait, en écho à ses pensées. Malheureusement, les petites maisons qui nombrent le village improvisé (que dis-je, les cabanes bancales) ne sont pas super bien isolées.
Un frisson la prend - elle s'entoure de ses bras, emmitouflée dans un pauvre manteau qu'elle a réussi à dégoter. Il gratte, il est troué, et il n'est pas du tout fait pour son gabarit - il irait bien mieux à Tristram, ou à Max. Mais il lui tient chaud - et c'est tout ce qui compte là, en toute honnêteté. La Fashion week ça sera pour une autre fois. "C'est la météo et pas ces salopards qui vont avoir ma peau à la fin." Le ton est à la fois colérique et enflammé - elle fait mine de mettre des coups de poing dans le vent. "Tu crois que si on fait les pauvrettes devant la caméra à la prochaine battue ils nous enverront des doudounes?"qu'elle grogne en jetant un coup d'oeil vers Mallory, avant de lui mettre un petit coup dans l'épaule. "Hé tocarde. T'es morte ou quoi?" Juste pour être sûre qu'elle a pas gelé sur place. On sait jamais ici. Apparemment, y en a plein qui sont morts dans leur sommeil - et elle a pas envie de perdre une des seules personnes si cette île qui comprend ses références de moldue.  Elle laisse planer la question quelques secondes - ça macère dans son esprit.

En arrivant sur Gracefield, Lottie s'est aussi rendue compte que sa fierté ne valait pas grand-chose en face de sa vie (bummer).

La dernière fois, les cloches avaient sonné au loin et Mallory n'avait pas plus bronché que ça, se contentant de regarder quelques instants vers le ciel. Gris. Dépourvu de dragons. Bien. Elle aurait aimé avoir un chronomètre, cela lui aurait des indices quand à ses facultés en cachette. Pas assez bonnes à son goût, il fallait qu'elle s'entraine et elle n'était pas la seule dans ce cas-là. Lottie avait été facile à convaincre (c'était qu'il y avait du pain sur la planche avec sa seule battue dans les pattes) et en avant pour la simulation. Là, elle avait fait simple, vautrée sur le sol d'une cahute, sa comparse du jour non loin. Elle soupira, contempla quelques instant le nuage qui sortit de sa bouche. Ce serait drôlement mieux que ces connards fassent la trêve hivernale. A ce rythme, le froid était devenu le pire ennemi et le régime forçait empêcher toute tentative de s'engraisser pour mieux résister. Comme les phoques. Faudrait aller voir sur la plage plus tard s'il n'y en avait pas, ça ne devrait pas être trop mal à manger surtout si Andy le cuisinait. Elle nota l'idée dans un coin de sa tête, se gratta une de ses joues couvertes de boue. Pour le camouflage, style maquillage anti-reconnaissance faciale. Tout pour être stylé et inarrêtable et elle songea un instant qu'en fait, plus qu'un phoque, ce serait un mangemort qu'ils devraient manger au dîner. "Il fait putain de froid sur cette île de merde."  Quel scoop. On était en février, bien sûr que les températures viraient au négatif, bien sûr qu'ils ne fournissaient pas les chauffages et les habits étaient toujours plus ou moins humides, empêchant d'être totalement au sec à défaut d'être au chaud. "C'est la météo et pas ces salopards qui vont avoir ma peau à la fin." Rictus narquois, elles étaient déjà en voix de bonhomme de neigification et l'activité du jour ne promettait pas d'améliorer la situation. "Tu crois que si on fait les pauvrettes devant la caméra à la prochaine battue ils nous enverront des doudounes?" Elle ne broncha pas tellement l'idée lui paraissait claquée. Faire les pauvrettes et puis quoi encore ? Les larmes de crocodiles ? Jamais. "Hé tocarde. T'es morte ou quoi?" Elle mit une tape sur l'arrière de la tête à la rouquine, regard sévère. "Chut ! Tu comprends pas quoi dans on guette nos proies en silence ?" Voix un peu trop forte, le ton normal de Mallory qui claqua de la langue pour montrer sa désapprobation. "A cause de toi on va se faire repérer et on aura l'air maline ! Ils nous enverrons pas de doudoune mais des cerveaux !" C'était ça de collaborer avec des morveuses (d'ailleurs fallait que Mallory se mouche, putain de froid), elle aurait du laisser Lottie à Faye au lieu de s'improviser baby-sitter. Là, ils allaient les repérer en train de s'entraîner et ce serait loupé pour l'effet de surprise. Elle soupira avant de se mettre en tailleur, replier ses longues jambes lui parut particulièrement compliqué, comme si elles allaient se casser en deux tellement elles étaient gelées. Ses yeux se posèrent sur l'interstice qui faisait office d'observatoire. Personne, pour l'instant, juste le sol caillouteux-boueux où on ne distinguait même pas le trou creusé au petit matin et recouvert de branchages. Parfait. "Vrai qu'ils s'trainent ces enfoirés. A tous les coups c'est le créneau troisième âge !" Ils allaient faire capoter son plan "réfléchi" sur un mois alors qu'eux se pointaient bien peinards sans même prendre le temps d'élaborer une stratégie à part celle d'être de pauvres prisonniers des battues, comme elles, mais qui servaient de cobayes (il y avait une couche de feuille au fond du piège, pour pas que ça fasse trop mal). Le non respect jusqu'au bout. "T'as cassé les oreilles de qui pour être là déjà ??" Elles gueulaient aussi fort l'une que l'autre.