tw: contenu explicite blink it and you miss it, langage cru, elena do not read

"What the fuck?!" Il a fallu quelques instants au cerveau de Leonora pour qu'il comprenne véritablement les sons qui viennent de sortir d'entre les lèvres d'Esteban. Mais dès que la connexion s'est faite, elle s'est raidie et redressée, chassant de deux claques résonnantes les mains du moldu de sa taille pour mieux enfoncer ses propres ongles dans sa poitrine. "Did you just-- what the fuck." Leonora grogne quand Esteban se met à s'épancher en explications et regrets confus et, voyant que ça ne suffit pas, plaque sa main sur sa bouche en se retirant de lui - "shut the fuck up" - avant de rouler sur le côté.

C'est bien la peine de coucher avec des bouffons - on finit toujours par être déçue, même quand ils sont montés comme des étalons et aussi enthousiastes qu'Estebanito (et même quand on fait ça, un peu, plus pour faire chier son entourage (et quelqu'un en particulier) qu'autre chose). En se laissant retomber sur le matelas à côté d'Esteban, Leonora pousse un long soupir de condamnée, réprimant l'envie brûlante de lui foutre un coup pour à place se passer une main sur le visage et dans les cheveux. "Just... shut up. Shit. Shut up." Esteban est sensé être une distraction sans problème, facile et agréable. Pas... un problème, ou quelque chose d'embêtant, d'encombrant. De blessant.
Mais c'est vrai que se faire appeler par un autre prénom pendant l'acte, c'est ces trois choses à la fois et ravive dans la poitrine de Leonora une émotion puissante et désagréable sur laquelle elle ne veut pas s'attarder.

Elle a l'impression d'avoir refroidi d'un coup et contemple le plafond de la chambre d'Esteban avec la sincère envie de détruire quelque chose. Elle ignore combien de temps elle reste là, immobile, son coeur battant ralentissant considérablement dans sa poitrine, jusqu'à ce qu'Esteban se mette lui aussi à bouger et qu'elle comprenne qu'il est en train de... se rhabiller?
Leonora s'assied dans le lit en fronçant les sourcils, le regardant faire silencieusement jusqu'à ce que, une nouvelle fois, son cerveau fasse la connexion. "Esteban, what the fuck are you doing? This is your room." Et, surtout, Leonora n'a pas envie d'être seule. Alors elle tend le bras et lui attrape mollement le poignet pour le tirer vers elle, sans grande force. "Stay, it's fine, just-" I never want to talk about it again "-just shut up." Elle enroule ses deux bras autour du siens dans une étreinte maladroite, évitant son regard. "Who the fuck is-- actually, I don't even want to know. Just- will you please-" Leonora grince des dents. "Will you please hold me?" finit-elle d'une voix ténue, dont elle déteste le tremblement et la soudaine vulnérabilité.

Normalement, Esteban ne prévoyait jamais rien dans la nuit du samedi au dimanche. Il préférait la passer seul, histoire de bien pleurer toutes les larmes de son corps, recroquevillé tout au fond de son plumard, infichu de fermer l’œil, craignant de ne plus jamais les rouvrir (ou pire, de les rouvrir mais pour mourir direct après, genre, imaginez on retrouve votre corps et vous avez un regard chelou? Genre vous êtes mort avec un regard chelou???). Bref, depuis le temps, Esteban était rompu à l’exercice.

Depuis son retour au Royaume-Uni, Esteban était à bout de nerfs et, si généralement, il était le meilleur pour le dissimuler, à grands renforts de blagues, de concours de cuisine et de monologues sur telle ou telle série moldue qu’il allait devoir rattraper quand la guerre sera finie (lol), il se trouvait des moments où il avait juste besoin de décompresser, quitte à prévoir quelque chose dans la nuit du samedi au dimanche.
Parce que, quitte à décompresser, autant le faire au pire moment, avec la meilleure compagnie.

Leonora avait croisé son chemin lors de l’assaut de Little Italy. Un meet cute épique, alors qu’ils affrontaient des mages noirs sans pitié. Esteban s’était déjà fait des tas de films sur comment rencontrer l’amour de sa life, mais jamais il n’aurait songé à ce que leur coup de foudre se déroule dans de pareilles circonstances.
Effectivement, du point de vue de Benny, il n’y avait rien de casual dans cette relation; Leonora était désormais la femme de sa vie. Il devinait de savoureux mystères dans la lourdeur et la flegme de son regard, de délicieuses humeurs dans chacun de ses soupirs. Il lui prêtait des desseins bien au-delà des préoccupations des simples mortels, et des talents qu’elle-même ne soupçonnait pas. Bref, Benny était amoureux et ça se voyait, ça se sentait.
Et parfois même ça s’entendait.

"What the fuck?!" Benny, au bord de l’extase, rouvre un œil apeuré. Il faut croire qu’il n’était peut-être pas si amoureux que ça, puisque depuis tout à l’heure, ça n’était pas le nom de sa belle qu’il gémissait, mais bien celui d’une autre, Mireia (une épouse fictive qui plus est).
Leonora s’agite et le repousse, et Benny s’avachit mollement à côté d’elle, honteux et confus, réalisant son erreur. "!!! Lo siento— Sorry! I’m so sorry, cariño!!!" C’est qu’il est à ça de faire des courbettes, écrasant son nez contre les draps, afin de se repentir, sans que ça ne prenne auprès de Leonora qui semble préférer étudier les défauts du plafond, plutôt que d’affronter son regard de babouin battu.

Grimaçant de peine, les épaules rentrées, Benny finit par laisser tomber et est en train de renfiler ses chaussettes, lorsque Leonora lui adresse de nouveau la parole: "Esteban, what the fuck are you doing? This is your room." Une remarque suffisamment pertinente pour le couper dans son élan, tandis qu’il observe les alentours comme si c’était la première fois qu’il entrait dans la pièce. "Yeah, but I thought you’d—" "Stay, it's fine, just- -just shut up." Si Leonora ne met pas tant de force que ça à le tirer de nouveau sur le lit, Benny se laisse retomber tout aussi mollement sur les fesses, son pantalon encore en bas des chevilles.  

"Who the fuck is--" Bon seigneur, Benny ouvre son clapet prêt à répondre, "actually, I don't even want to know." Benny referme son clapet, ses yeux confus caressant le profil timide que Leonora lui présente, refusant de croiser son regard. "Just- will you please- will you please hold me?" Elle aurait pu lui demander de se jeter du haut de la plate-forme de Little Italy 2.0 qu’il l’aurait fait. Aussi, c’est sans broncher qu’il libère doucement son bras pour le passer dans le dos de la jeune femme, l’enlaçant avec un touchant embarras, comme si les caresses remontant le long de son dos pouvait lui faire oublier l’humiliation encore tiède.

Esteban laisse couler un silence (une première!!), sa tête reposant contre l’épaule de Leonora. "You know what’s the worst part of this?" Well, elle doit effectivement avoir son avis sur la question... "Mireia is actually the name of the fake wife I made up for Lenita... She seemed so worried that I didn’t have anyone in my life, I had to come up with that "perfect family" type of lie... But Mireia doesn’t even exist..." Un petit rire glisse à l’oreille de Leonora, tandis qu’il ferme les yeux, calquant sa respiration sur le tranquille mouvement de son poignet dans le dos de la jeune femme, se concentrant sur la panique qui semble soudain la gagner, afin de repousser la sienne. "Are you ok, chiquita?"

Esteban se laisse faire et coule contre elle, passant son bras dans son dos dans une caresse hasardeuse mais tendre qui répand une vague de soulagement le long de l'échine de Leonora. Elle ferme les yeux en soupirant, essayant de ravaler honte et curiosité tout à la fois - si elle se force à ne pas y penser, alors elle ne tombera pas dans la spirale malsaine qui la guette et qu'elle sent déjà se précipiter aux coins de son esprit.

Il y a un temps de battement - qu'elle sait apprécier, vu le temps qu'elle passe à écouter Esteban caqueter d'une oreille ennuyée, à travers le voile cotonneux de sa fatigue constante - dans lequel Leonora se réfugie comme on se blottirait dans une couverture d'hiver. Elle a définitivement besoin d'aller aux toilettes avant d'aller se coucher - l'absence soudaine et abrupte d'Esteban est une sensation lancinante et désagréable, découvre-t-elle, et franchement injuste - et elle a légèrement la tête qui tourne suite à l'enchaînement trop rapide des émotions trop fortes de cette scène trop nulle. Leonora aime ses émotions comme elle aime la vie: ténues, silencieuses et distantes.

"You know what’s the worst part of this?" Leonora ne répond pas mais n'en pense pas moins, suppliant saints et dieux qu'Esteban réalise soudainement qu'il ferait mieux de fermer sa gueule.  "Mireia is actually the name of the fake wife I made up for Lenita..." Leonora rouvre les yeux pour les cligner d'incrédulité, même alors qu'Esteban ne la voit pas là où elle s'est enfouie dans son cou. "Jesus fucking Christ. - She seemed so worried that I didn’t have anyone in my life, I had to come up with that "perfect family" type of lie... But Mireia doesn’t even exist..." Un rire dans son oreille. Leonora aime bien les rires d'Esteban, si légers et si puissants à la fois, dénotant d'une bonne humeur semblant constante chez lui et qu'elle lui envie. "Are you ok, chiquita?" Leonora se dégage légèrement d'Esteban, sans pour autant rompre leur étreinte qui l'apaise bien plus qu'elle aimerait l'admettre, pour le regarder dans les yeux. "That's worse," marmonne-t-elle d'un ton incrédule.

Elle pourrait s'énerver, lui en vouloir, s'enfoncer dans les tempêtes injustes et destructrices qu'elle maîtrise si bien, ruiner encore une fois quelque chose de sa vie qui lui est bénéfique. Briser le coeur d'Esteban serait une affaire tragique mais rapide, qui la conforterait sans doute dans cette impression impérissable qu'elle a de ne mériter que ça.
Mais comme à chaque fois que l'envie effleure Leonora de dire à Esteban de ralentir, de chill, d'arrêter de la regarder comme ça, elle croise son regard et sent ses réticences fondre comme neige au soleil. Il est un bien malheureux placebo au regard entêtant de Shepherd mais au moins, il est là, avec elle.

C'est à contrecoeur qu'elle sourit légèrement, ramenant une main qui caresse maladroitement sa mâchoire, sa joue, jusqu'à sa nuque. "That's so much worse. You do get how that's so much worse, right? A fake wife, Esteban, really." Ses yeux s'entremêlent dans sa nuque, s'y accrochant quand elle replonge se lover dans son cou. "I'm okay. You just piss me the fuck off," bougonne Leonora contre la peau de sa gorge, le serrant contre elle avec plus de force qu'elle s'en croirait elle-même capable.
Elle relâche les cheveux de sa nuque pour glisser sa main sur son épaule, sur son torse, déposant une caresse légèrement à l'endroit du coeur d'Esteban. "Are you?" Leonora n'aime plus s'occuper des autres, encore moins quand ils ne font pas partie des Five; la bienveillance ne lui vient plus aussi facilement qu'avant. Mais pour Esteban, elle peut essayer.

"That's worse." Il y a des gens, pour réconforter leurs proches, qui essayent d’être attentifs. Il y en a d’autres qui optent pour être suffisamment amusant pour détourner l’attention de l’âme en peine. Esteban, lui, il fait un mélange des deux, mais surtout, surtout, il semble convaincu que pour régler les problèmes de qui que ce soit, pour apaiser leurs tourments, il a juste à être chiant et à dire des conneries exaspérantes. C’est que les soupirs de Leonora sont si puissants qu’ils pourraient expulser tous ses traumatismes, si elle soufflait suffisamment fort.

Esteban semble attendre le moment où elle va snap. Il ne dit pas qu’il serait prêt à l’encaisser, il n’est jamais prêt à encaisser quoi que ce soit (c’est pour cette raison qu’il avait appris à maîtriser un regard suffisamment implorant pour en désarmer plus d’un.e); il pourrait même se mettre à pleurer, pour ce qu’on sait, il n’a jamais été très pudique de la larmichette. Pour quelle que raison que ce soit, Esteban observe Leonora, les discrètes tensions dans son visage aussi calme que la surface d’un lac, une vibration dans ses yeux d’eau; s’il remarque quelques froissements, elle semble décidée à les retenir, les contenir, l’observant en retour, comme une créature légendaire tirée de son sommeil millénaire, pour observer le bruyant touriste faire un tour de barque à la surface de son étendue d’eau.
Peut-être qu'il attend qu'elle snap, comme ça, il n'aura pas à le faire.

"That's so much worse. You do get how that's so much worse, right? A fake wife, Esteban, really." La remarque est abrupte, mais la main dans son cou est presque fébrile de démontrer ce semblant d’affection. "I'm okay. You just piss me the fuck off." Esteban a un geignement conquis tandis qu’elle pose sa tête sur son épaule, il sentirait presque ses cils battre contre son cou, et il n’a jamais autant aimé qu’on murmure fuck off contre sa clavicule. Il voit sensiblement flou, et pour cette raison, il ouvre son clapet pour, semble-t-il, ne plus jamais le refermer. "I know right?? Can you even imagine how risky it gets, everytime I had Lenita on the phone, and I had to fake Mireia’s voice?? Lena would be: man, not to be mean, but your wifey sounds like she had an ashtray for breakfast..., well, she never really said that, but I’m pretty sure she thought about it— and I’d be like come on, mocosita, be nice to your sister-in-law!!! And don’t start me on the kids— - Are you?"

Il parlait suffisamment fort pour faire semblant de ne pas avoir entendu cette question. Il aurait pu continuer de jouer aux cons, et de lui expliquer, sans qu’elle n’ait rien demandé, quelle était la différence de voix entre ses faux garçons. Mais Leonora a posé sa main sur son cœur, et même sans ça, elle aurait pu le sentir se figer contre elle, et son cœur de ralentir, tandis qu’il retient soudainement sa respiration, afin d’empêcher son palpitant de s’emballer.
"Of course I am!!" rétorque-t-il en forçant un rire à bout de souffle. "I mean, except for the trouble sleeping and the weekly near death experiences, I’m good, ah ah! Ah ah ah..." Son rire meurt dans sa gorge, dans l’air, à l’instar de sa famille, en ce maudit dimanche matin. "I have to be ok, se corrige-t-il, en caressant les cheveux fins de Leonora, les passant pensivement derrière son oreille, s'empêchant ainsi d'arracher les siens. If I’m not, Lenita will send me back; and you know how strong-willed she can get... I taught her that."

Esteban se tait pendant un instant, le nez dans les cheveux de Leonora, inspirant lentement, comme s’il réapprenait à respirer après avoir été momentanément mort. "I don’t want to go back; I don’t like it here, but at least, I get to fight alongside you, guys."

Esteban, comme toujours, parle... trop. Beaucoup trop de mots, beaucoup trop de volume, beaucoup trop d'inutilité: Leonora a développé une ouïe sous-développée, en sa présence, pour ne pas avoir à souffrir ses monologues incessants. Il l'excusera de ne pas l'écouter H24... enfin, elle espère. De toutes façons ils ne sont que des amis qui couchent ensemble, rien de plus, il n'y a pas d'attente particulière à avoir l'un pour l'autre...

Malgré tout, Leonora est véritablement inquiète et curieuse, surtout quand - miracle - Esteban semble prendre quelques instants pour réfléchir à sa réponse. Elle caresse doucement son torse, tendre, essayant de refouler la frustration intense de son bas-ventre pour à la place se concentrer sur la poitrine d'Esteban qui se soulève sous sa paume. "Of course I am!!" Il rit et Leonora soupire, pas assez intéressée ou énergique pour lui dire qu'elle sait qu'il ment et que ce rire fake ne fonctionne pas. "I mean, except for the trouble sleeping and the weekly near death experiences, I’m good, ah ah! Ah ah ah... - Haha." Leonora immobilise sa main sur le coeur d'Esteban et lève le regard vers lui, même alors qu'il ne la regarde pas. "I have to be ok." Elle aimerait pouvoir se réfugier contre sa main, tout comme elle aimerait pouvoir lui donner la moitié de l'apaisement qu'il lui procure. C'est avec un peu de culpabilité qu'elle se sent rougir sous le regard beaucoup trop tendre, et attendrissant, d'Esteban, et son attention dévouée qui lui fait mal au coeur. "If I’m not, Lenita will send me back; and you know how strong-willed she can get... I taught her that." À la mention d'Elena, de nouveau, Leonora a une petite grimace. "Yeah, you taught her that a bit too well, in my opinion," marmonne-t-elle en retournant se réfugier dans le cou d'Esteban.

Le rythmne de sa respiration, des battements de son coeur, de son corps pressé contre le sien, la bercent presque. Le silence est inédit mais elle n'a pas l'idée d'en profiter. Elle réfléchit, comme elle réfléchit souvent quand elle n'arrive pas à dormir (ou alors c'est ça, qui l'empêche de dormir?), et ses pensées s'envolent vers la Suède, vers sa mère, vers Alex, vers Lukas vers Esteban, vers Elena, vers Lee, une fresque de fils rouges emmêlés et serrés en noeuds étouffants. "I don’t want to go back; I don’t like it here, but at least, I get to fight alongside you, guys." Leonora rouvre les yeux - elle ne se souvient pas de les avoir fermés, et se rend seulement alors compte qu'elle était en tran de s'endormir (?!!!) - et se redresse pour le regarder avec un froncement de sourcils presque offensé. "'You guys?' Hey, I'm not--" a part of this. Et pourtant elle a leur trois cercles sur le bras, et elle fait leurs missions, et elle obéit à leurs ordres.

Leonora pince des lèvres, laissant une main voyager jusqu'au visage d'Esteban. Elle caresse sa joue barbue, sa pommette, ses cheveux noirs, et a l'impression de le regarder pour la première fois. Quand ont-ils jamais eu une conversation sérieuse? "I don't like it either," murmure-t-elle. "Here, or them. I don't care what they say - we are so different, it's just not--" Leonora s'interrompt d'elle-même en s'entend qu'elle s'énerve et secoue brièvement la tête, ses doigts s'entremêlant aux cheveux d'Esteban. "You're very brave. Do you know that?" Elle se sent si ridicule, petite et faible face à Esteban et sa proactivité permanente. "For coming here, for... everything, really." Leonora lui embrasse rapidement le menton avant de retourner se lover dans son cou. "I'm glad you're here. I don't know what I'd do if you weren't... and... you know? You don't have to be ok when you're with me."

Il y a un silence qui suit ses paroles. Esteban connait ce silence. Il a déjà entendu ce silence chaque fois qu’il a forcé Lenita a binge watch une série avec lui, au beau milieu de la nuit. Calés épaule contre épaule sur le lit une place et demi dans sa chambre, l’écran de la télé leur explosant les yeux. Généralement, ce genre de lubie faisait royalement chier Lenita, soit parce qu’elle était fatiguée, soit parce qu’elle voulait sortir, ou parce que la série était nulle, trop longue, qu’elle l’avait soi-disant déjà regardée. Aussi, elle passait les premières minutes du film à se plaindre ou à commenter, jusqu’à arriver à un temps où ses commentaires étaient de plus en plus espacés, avant de finir par disparaître complètement, non parce que la jeune femme avait fini par se prendre au plot, mais bien parce qu’elle s’était endormie.

La respiration de Leonora est régulière et Esteban s’accroche à son silence pour ne pas penser à quoi que ce soit d’autre. Elle bouge à peine quand elle finit par se réveiller au bout de quelques secondes, comme si de rien était. "'You guys?' Hey, I'm not—" La fin de sa phrase meurt dans sa gorge, et pendant quelques secondes, Esteban pense qu’elle s’est rendormie, ou encore qu’elle ne s’est jamais réveillée, et que sa protestation relève d’un subconscient particulièrement têtu.

"I don't like it either. Here, or them. I don't care what they say - we are so different, it's just not—" La caresse sur son visage s’est raffermie, acérée, à mesure que Leonora tentait de le persuader qu’elle n’avait rien à voir avec eux. Esteban réalise que ça lui fait du bien, d’entendre quelqu’un s’exprimer sincèrement, vis-à-vis de leurs différences. Quand Lenita l’avait introduit au reste du crew, elle avait tout fait pour qu’il se sente accueilli et intégré, si bien qu’il n’aurait pas été étonné qu’elle ait fait secrètement passer le message de ne pas faire usage de la magie quand il était dans les parages, pour lui donner l’impression qu’iels étaient comme lui. En effet, bien que l’utilisation des sorts ne l’ait jamais vraiment indisposé, pour avoir grandi dans une famille sorcière, ça ne faisait jamais trop du bien au moral ou simplement à l’ego de voir ses pairs exécuter des taches avec une simplicité presque horripilante (ils n’ont plus besoin de faire la vaisselle??? vous vous rendez compte du gain de temps?? du champ des possibles qui s’ouvre grâce à toutes ces minutes libérées??).

Aussi, malgré les efforts pour essayer de combler leurs différences, Esteban n’avait fait que les ressentir davantage, à partir du moment où il avait assisté à son premier combat contre des mages noirs. Le trauma avait été réel, même si c’est là qu’il avait fait la connaissance de Leonora (what if i hand you my gun and our fingers touched?? how romantic).
De fait, ça lui faisait du bien de se rappeler qu’il n’était pas un sorcier, qu’il n’en serait jamais un, et que, peut-être, il ne voulait plus en être un. "You're very brave. Do you know that?" Esteban avait roulé un peu la tête sur le côté, pour lui laisser tout le loisir de lui caresser les cheveux. Mais le compliment le prend un peu au dépourvu. C’est que Lenita l’avait traité de tous les noms d’oiseaux pour avoir osé venir ici; mais ça ne lui serait pas venu à l’idée de le considérer simplement courageux. "I don’t— I don’t know— - For coming here, for... everything, really." Il bafouille. "A— Am I?"

"I'm glad you're here. I don't know what I'd do if you weren't... and... you know? You don't have to be ok when you're with me." Esteban s’est rallongé tandis que Leonora pose son souffle contre son cou. Il n’a pas l’habitude de ce genre de confessions, et on le sent aux crépitements au bout de ses doigts qui caressent Leonora, qui se referment sans trop savoir quoi faire autour de ses bras, de sa taille, à voir comment ses pieds s’agitent sur et sous les draps. "But... Il s’est mis à rougir comme jamais, et espère qu’elle ne relève pas la rapidité avec laquelle son cœur s’est mis à battre, si bien qu’il a même peur qu’elle le sente dans sa gorge contre laquelle elle se repose. If I’m not ok... and if you’re not ok... Il se décale un peu pour la regarder dans les yeux avec tout le sérieux du monde. Then who’s flying the plane?" Et d’éclater de rire, beaucoup trop satisfait de sa propre blague, collant des baisers sur le front et la tête de Leonora, comme une tentative de la retenir, avant qu’elle ne se barre de cringe ou ne se désintègre sur place de second hand embarrassment.
"No yeah, thanks, chiquita... I mean it...But, I don’t want to feel bad when I’m with you? And not just because I don’t want you to know but... I don’t— I really don’t feel bad when I’m here... even though I kinda ruined the sexy time tonight... It's such a shame, you look so hot right now!" Il laisse retomber sa tête en arrière, cherchant son regard comme une veilleuse.

Le pouls d'Esteban est en train de devenir fou sous sa peau. Leonora essaye de réprimer un sourire - là où ses lèvres sont pressées contre sa peau, il le sentirait - en gardant les yeux fermés. Elle ne pense pas qu'elle va parvenir aussi facilement à effleurer de nouveau le sommeil mais la paix que lui apporte le torse d'Esteban qui se soulève suffit pour le moment. "But... If I’m not ok... and if you’re not ok... - Hm..." Ceci est un bruit made in Leonora pour faire comprendre à Esteban que 1) elle lui en veut de légèrement s'éloigner pour mieux la regarder, que 2) elle sait qu'il va dire une connerie et que 3) il ferait mieux de ne pas dire une connerie. "Then who’s flying the plane?" Il rit et Leonora grogne en roulant des yeux, lui frappant l'épaule une ou deux fois du plat de la main. "That doesn't make any sense!" proteste-t-elle faiblement alors qu'il rit, un rire clair et contagieux qui tord les coins des lèvres de Leonora vers le haut. "Stop laughing!! It's not even funny!"

Elle grogne de plus belle lorsqu'elle se fait avalancher de baisers, prétendant repousser Esteban à chaque fois qu'il en dépose un sur son front, sur sa joue, sur son arcade sourcillière. "Stop!" Mais elle sourit, et ses mains qui le repoussent finissent par devenir des caresses sur son visage, sur son cou.

"You are the worst. - No yeah, thanks, chiquita... I mean it...But, I don’t want to feel bad when I’m with you?" Le coeur de Leonora explose dans sa poitrine et elle lui jette un regard craintif, redoutant ce qu'il pourra dire ensuite. "And not just because I don’t want you to know but... I don’t— I really don’t feel bad when I’m here... even though I kinda ruined the sexy time tonight... It's such a shame, you look so hot right now!" Leonora lève les yeux au ciel de nouveau. "Yeah, and who's to blame for that?" rétorque-t-elle en lui jetant un regard noir. "'Mireia'! Hija de puta..." C'est pourtant avec un sourire qu'elle tend le cou pour l'embrasser rapidement, dans un geste qu'elle espère rassurant, aussi maladroit soit-il. "There's plenty of sexy time to be had, Esteban, don't worry." Les doigts de Leonora se mettent à pianoter sur le corps d'Esteban, comme un joueuse de piano professionnelle, venant caresser les endroits qu'elle sait sensibles avec un petit sourire. "I'm not going anywhere." Après une hésitation, et un autre rapide baiser: "I like spending time with you too."

Esteban était habitué à ce qu’on ne rit pas à ses blagues. Il fut un temps, c’était même un fait tellement redondant qu’il s’était demandé si tout le monde ne s’était pas ligué contre lui, dans l’espoir qu’il arrête d’en faire (oui, peu importe le pays dans lequel il se trouvait, notamment lorsqu’il crapahutait partout) (se savoir au centre d’une conspiration si étendue dans le monde le rendait assez fier, let’s be honest). De fait, fort de son esprit rebelle, il n’avait fait qu’en déblatérer toujours plus, comme le dernier flambeau vivant de la tradition de la dad joke (bien qu’il ne soit lui-même pas un dad) (enfin, officieusement) (let’s not forget Esteban jr et Alvaro) (oui j’ai dû retourner consulter sa fiche pour me rappeler de leurs noms).

Et puis, euh, on va pas se mentir, si Leonora est hot de base, quand elle soupire et fait son petit air pincé et blasé là, Esteban a des étoiles dans les mirettes. Elle regarde de nouveau le plafond d’ailleurs, et Benito kinda wished that were him. "Yeah, and who's to blame for that? Esteban se pince les lèvres et serre les fesses; me, i’m the one to blame!!! blame me, ô mistress!!!! 'Mireia'! Hija de puta… - Oof!… talk dirty to me, chiquita…" Esteban met son visage qui brûle sur le compte du fou rire qu’il étouffe en entendant et appréciant l’accent irrésistible de Leonora.

Il se retient quand même de lui expliquer que, quoiqu’on en dise, Mireia, dans sa tête, était plutôt sexy: un mélange on point de Pénélope Cruz et Salma Hayek (hé, comme quoi, il sait se tenir un peu, tout de même!!).
"There's plenty of sexy time to be had, Esteban, don't worry." A mesure que Leonora pianote sur son bod, Esteban siffle des notes un peu hasardeuses, juste histoire de pouvoir se vanter avoir été a human guitar une fois dans sa life (de quoi rallonger encore un peu plus sa liste infinie de métiers) (vous voyez un peu comment ça marche, maintenant, quand il prétend avoir été pizzaïolo pendant deux semaines?). "I'm not going anywhere. - Neither do I, it’s my room, after all…" explique-t-il, badin, se rappelant légèrement de ce moment légèrement embarrassant où il avait failli planter Leonora dans sa chambre pour se barrer. "I like spending time with you too." Il n’en faut pas plus pour ouvrir (je dirais même écarteler) le champ des possibles.

Esteban se redresse sur les coudes et se contorsionne un peu pour se caler sur le côté et épingler son regard pétillant dans le sien (si clair, si lourd, genre comme quand il va y avoir un orage et que les nuages sont très bas et très gris clairs). "Really?? Because I was thinking— well, there’s this guy who asked me to teach him how to fire a gun, so I was like "yeh sure, man" and I’ll do it, but girl, if you want, I can teach you too! It would be a bit sexier, you know, holding the gun together… Il mime la scène, pas si sexy que ça. I mean, only if you want it to be sexy; it can also be like uh regular shooting lessons! what says you??"

tw: mention graphique de suicide

Leonora grogne quand Esteban se décroche complètement malgré ses vaines tentatives pour le garder près d'elle. Elle le laisse totalement faire cette fois, se tournant pour lui faire face en lui jetant un regard plein de reproches à travrs ses cils, l'air ennuyée. "Really?? Because I was thinking— - Oh god, you know thinking does you no good, Esteban. - Well, there’s this guy who asked me to teach him how to fire a gun, so I was like "yeh sure, man" and I’ll do it," (à mesure de sa petite histoire, les sourcils de Leonora se arquent progressivement sur ses sourcils, comme si ils avaient soudainement envie de faire connaissance avec la ligne de ses cheveux, "but girl, if you want, I can teach you too!" (ils retombent tout d'un coup, comme un rideau de théâtre) "It would be a bit sexier, you know, holding the gun together… - Like... like that scene in Ghost," dit Leonora sans réfléchir, se faisant la réflexion qu'elle est, par la même, en train d'encourager Esteban et ses idioties.

Et pourtant, l'idée n'est que séduisante. Elle n'aurait jamais pensé dire ça mais, clairement, regarder Esteban brandir son gun si vaillamment face aux Mangemorts attaquant Little Italy... it kind of did it for her. Elle n'avait jamais regardé Esteban avant ça, souriant face à ses pathétiques tentatives de flirt et roulant des yeux quand il devenait trop lourd; mais après ça (sans compter le moment weird-erotic de quand elle lui était tombée dans les bras pendant l'affrontement, et qu'il l'avait recouverte de son corps en tirant à tout va avec son flingue), elle l'avait épinglé dans ses pensées confuses, revenant souvent à lui quand elle se sentait mal dans sa peau, pas à sa place, perdue au Théâtre.

En avait découlé cette non-relation qui prenait de plus en plus d'importance et d'ampleur dans leurs vies respectives. Une partie de Leonora sait qu'elle devrait dire un truc, appeler un temps mort, remettre les choses en place; une autre partie d'elle, dominante, ne peut que se féliciter d'avoir l'opportunité de se réconforter dans cette situation où, clairement, elle a la main forte.

"I mean, only if you want it to be sexy; it can also be like uh regular shooting lessons! what says you?? - You sound like a lunatic when you talk about guns," marmonne Leonora pour se laisser un modicum de temps de réflexion, encadrant le visage d'Esteban de ses mains. Elle caresse pensivement ses joues barbues et sent une vague de tendresse monter dans sa poitrine en voyant ses yeux luisants d'espoir et d'affection. Pour elle. "Sure, yeah, I'd like that," dit-elle sans mentir, surprise elle-même de sa sincérité. "Sounds fun. It's hot when you have a gun." Ses mains descendent dans son cou puis sur son torse, retraçant distraitement son corps qu'elle a fini par apprendre par coeur, à force.

Heureusement que personne ne sait la teneur de la conversation: parce que si quiconque apprenait qu'Esteban est en train de proposer de mettre une arme à feu dans la main de Leonora, sans aucun doute qu'on penserait qu'il est complètement con, inconscient ou qu'il a perdu la tête, au choix. Non pas qu'elle irait redécorer de sa cervelle la pièce la plus proche; plutôt qu'il faudrait des plombes pour la convaincre de relâcher l'arme, qu'elle quelle soit, une fois en main.

Plus elle y pense, plus l'idée plaît à Leonora. "I used to be really good at Wolfenstein 3D." Nicholas et elle y jouaient pendant des heures, quand ils habitaient encore à Galway. Elle ne sait pas pourquoi elle dit ça, et pourquoi elle se sent embarrassée, et pourquoi elle a l'impression qu'elle n'a que deux braincells quand elle est avec Esteban. Et surtout, elle ne sait pas pourquoi c'est si agréable. "Where did you ever learn to shoot a gun anyway?"