Une fois tout dit, tout fait et tout expliqué, Cormac a très, très vite pris la porte de sortie avec un simple "I'm going to chop some wood" laissant très peu de place à la conversation.
En apprenant la chute du réseau téléphonique, sa première réaction a été la peur, la deuxième l'inquiétude. Il a laissé son téléphone entre les mains du responsable de la maison dans laquelle crèchent Lucjan, Dean et lui en se disant qu'il allait perdre tous les messages s'y trouvant déjà. Les conversations de fin de soirées avec Dennis quand ils étaient dans deux chambres différentes, les morceaux de textos envoyés par Michael à l'occasion et puis, surtout, les messages de Riley... Il a désespérément essayé d'avoir des nouvelles toute la journée, en vain. Interdit de communiquer, pas même le droit d'envoyer un Patronus pour vérifier que tout le monde va bien. Ils aviseront à la fin de la semaine.

C'est le coeur lourd que Cormac sort de la maison après avoir enfilé son écharpe. Certains hybrides sont dehors en train de débriefer et de fumer et lui adressent un petit hochement de tête alors qu'il passe devant eux mais Cormac ne s'attarde pas. Depuis leur séparation, Cormac et Riley ne se sont envoyés aucun message (à la demande de Cormac, qui a déjà du mal à la vivre sur le papier) mais il n'a jamais eu plus envie de l'appeler, de lui demander de le rassurer, de l'avoir avec lui... Les lèvres serrées, il se dirige vers le petit coin de la ferme aux multiples maisons qui est réservé à une activité favorite de certains lycanthropes et Halfers trop plein d'énergie: la coupe du bois. Ils en ont assez pour durer plusieurs années mais c'est un excellent moyen de faire passer le temps et de s'occuper jusqu'à ce que tous ses muscles soient gourds...

Très vite, le monde de Cormac se résume aux dix même gestes automatiques et aux sons bruts et simples de la hache s'abattant sur la souche où il pose les bûches déjà coupées. Il pourrait utiliser une baguette, évidemment, mais personne ne l'arrête pour le lui dire. Ce n'est pas ce qu'ils cherchent.
C'est seulement quand il sent Susan approcher qu'il s'arrête. Il la sent, littéralement, malgré l'odeur du dîner qui flotte paresseusement depuis la fenêtre de sa maison, la neige qui étouffe tôt, le feu de cheminée qui a été démarré depuis une autre des maisons. Il s'habitue lentement à ses nouveaux sens exacerbés d'Halfer et, parfois, il déteste ça. Quand Susan est dans les parages, en revanche, cela le remplit d'un énorme sentiment de confort et de familiarité. Il a toujours connu son odeur par coeur et elle a toujours eu le don de lui apporter un certain apaisement.

En se redressant, Cormac relâche sa hâche dans un râle, ses doigts endoloris et plein d'ampoules. Combien de temps est-il resté dans le froid à couper ces foutus bûches? Plusieurs heures, apparemment, vu la douleur dans ses muscles et le ciel qui s'est assombri.
"Hey there," marmonne-t-il en s'approchant de Susan. Il se sent coupable parce que c'est par sa faute qu'elle est venue à Sweet River et qu'elle y est maintenant confinée. Cormac a déjà le dos en miettes à l'idée des nuits qu'il va passer sur le canapé. Une fois qu'il est près de Susan, Cormac passe un bras autour des épaules de Susan en commençant à marcher vers l'entrée de la maison. "Sorry, I just needed to... think about something else," soupire-t-il en pressant un peu sa main sur son épaule. "You'll see: staying here is nice. The food's decent, the people are kind..." Il essaye de prendre un air enjoué mais échoue misérablement. Il sait que Susan est inquiète à l'idée de ce qui peut bien se passer à St James... Elle a été sollicitée par plein de gens toute la journée, étant l'une des seules résidentes permanentes du QG de l'Ordre disponible à Sweet River. Mais elle n'en savait pas plus qu'eux. "How are you feeling?" lui demande doucement Cormac en ralentissant quand ils arrivent à la porte, profitant d'un dernier moment de privacy.

Dire que le timing est absolument le pire est un euphémisme. Le réseau des téléphones est compromis et tout le monde ─ sans exception, a été obligé de rendre le sien. Les liens avec St James sont rompus et Susan ne peut pas y rentrer. Elle est coincée. Cette idée la rend dingue. Heureusement, elle ne se retrouve pas au milieu de nul part à devoir survivre dans le froid de novembre. Cette crise s'est produite pile alors qu'elle rendait visite à un vieil ami. Sacré hasard. Peut-être est-ce le destin qui la pousse à prendre plus souvent des nouvelles. Ces derniers mois ont été absolument fous. Trop de choses se sont passées. Sheffield n'est plus la même planque qu'avant. Michael est devenu cercle 5 comme elle et vit désormais à St James. Susan espère qu'il y est en sécurité. Anthony n'a pas donné beaucoup de nouvelles. Quant à Cormac, il a trouvé refuse à Sweet River depuis... son accident. Elle sait qu'il a beaucoup souffert dernièrement. Susan aurait dû être là pour lui. Seulement, tout lui est tombé dessus en même temps. Elle a été submergée. Elle s'en veut.

Au moins, ce confinement forcé va lui permettre de rattraper le temps perdu. Cormac lui manque terriblement. Susan décide donc d'enfiler son unique tenue chaude pour affronter le froid hivernal. Emmitouflée dans une doudoune et une énorme écharpe, elle prend la direction du jardin, près du petit bois. Il ne lui faut pas plus d'une minute pour trouver Cormac en train de couper du bois de façon très obsessionnelle.
Susan ignore si c'est le bruit de ses pas dans la neige à peine fondue ou son odeur, mais Cormac l'entend arriver avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit. ─ Hey you, lui répond-elle dans un sourire. C'est automatique. Dès qu'elle le voit, Susan ne peut pas s'empêcher d'être sereine. Lorsqu'il passe un bras autour de ses épaules, la sensation de bien-être se propage un peu plus. ─ No worries. I always know where to find you, dit- elle, accompagné d'un clin d'oeil. ─ I'm sure I will have a wonderful time here. Certes ce n'est pas le luxe de St James, mais Susan s'y accommodera sans problèmes. Ce n'est pas plus mal d'avoir un rappel de temps à autre. En revanche, ne pas savoir ce qui se trame la rend nerveuse. Elle s'inquiète pour ses amis, ceux qu'elle ne peut pas contacter, ceux qui sont peut-être en danger quelques part dehors. Susan pense aussi à Hannah.

─ So far so good! La situation pourrait être bien pire. ─ Of course I'm worried because I don't know what's going on, but there's not much I can do to fix it. So... Elle hausse doucement des épaules. Être dans l'inconnu est particulièrement inquiétant. Susan s'imagine tous les scénarios du monde. Elle essaye de ne pas trop se monter la tête, mais c'est difficile lorsqu'elle n'a rien d'autre à faire de ses journées. ─ What about you? And don't lie to me. Susan le connaît par coeur. Cormac a intérêt à lui dire comment il se sent vraiment. ─ I really really missed you.

"So far so good!" Cormac ne sait pas si Susan sait à quel point sa voix peut le rassurer. Il suffit qu'elle soit présente pour qu'il se détende ou qu'il arrête de overthink sur plein de trucs en même temps; et l'entendre ainsi s'exprimer d'un air si enjoué lui met du baume au coeur. Elle a toujours eu cette influence-là sur lui, a toujours su quoi dire pour le calmer ou au contraire lui remettre les idées en place, même quand c'était douloureux et blessant.

Il a tellement de chance de l'avoir dans sa vie. "Of course I'm worried because I don't know what's going on, but there's not much I can do to fix it. So..." Susan hausse les épaules et Cormac se sent légèrement sourire. Lui ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter mais entendre Susan parler d'un ton si léger le rassre beaucoup. Il sait qu'elle aussi est propice à l'overthinking et à l'anxiété, mais il lui fait confiance et il essaye de s'inspirer de son calme. "What about you?" Cormac ouvre la bouche pour répondre un très simple I'm okay par automatisme, mais sa meilleure amie le connait mieux que personne: "And don't lie to me." Il grimace légèrement. "I don't lie to you," marmonne-t-il en faisant la moue, même si ils savent tous les deux que c'est parfois faux, surtout quand il est confronté à cette question.

Elle le connait par coeur. Le fait qu'il y ait Susan sur ce monde, qui le connait à ce point, c'est la meilleure chose dans la vie de Cormac depuis longtemps. "I really really missed you. - I really, really missed you too, Susie..." Il la serre un peu plus contre lui en réponse. Cormac soupire légèrement en s'efforçant d'organiser ses pensées pour ne pas avoir à mentir à Susan, mais sans l'inquiéter non plus. Elle a tellement de choses sur le feu, tellement de responsabilités et de personnes à qui il doit penser. Il n'a pas le droit de prendre trop de place non plus... "I'm... okay..." dit-il lentement, et non du ton léger qu'il aurait normalement utilisé pour esquiver le sujet. "I'm just... really sad..." Les mots sortent difficilement. Susan a été la première informée de sa séparation avec Riley. Elle sait qu'il est malheureux et que Riley lui manque et que l'impossibilité qu'ils se remettent un jour ensemble lui coûte beaucoup. Sheffield lui manque aussi, beaucoup. "I'm just really sad all the time," répète-t-il d'une petite voix. "I don't know what to do with it, all this sadness. And there's so many people here and I can't help but think that I shouldn't be here. But I'm a... I'm an Halfer," les mots lui coûtent beaucoup, "and now it feels like this... this thing is redefining who I am. And I don't know if I want it to."

Il n'ose même pas imaginer ce que doit ressentir Dean... Cormac soupire. "Can I ask you something?" Cormac s'arrête de marcher vers la porte pour s'arrêter. Il retire lentement, à contre-coeur, son bras des épaules de Susan pour se tourner vers elle et la regarder dans les yeux. "Do... do you think I'm different? I mean..." Il pince des lèvres et détourne le regard, soudainement honteux, ses joues brûlantes d'embarras. "I am different. But do you think it's... it's bad? I mean, I know you don't think it's bad, but like... does it- does it change how you see me?" marmonne-t-il d'une voix anxieuse, gêné de devoir poser à haute voix la question qui le hante depuis des mois.