tw: physical violence

"Kohli..." Corban vient de finir d’étiqueter un ensemble de pièces à conviction récupérées dans l’appartement de Potter, et il aurait bien besoin que son assistant pointe le bout de son pif pour aller les ranger dans les archives de stockage du N2. Il s’agissait d’une pâle copie des vraies archives, juste de quoi conserver toutes les preuves trouvées sur de vraies scènes de crimes ou des scènes de crimes maquillées par le gouvernement.
Corban est de mauvais poil parce qu’aucune de ses preuves ne les ont menés sur une piste concrète au sujet de la disparition de Potter et qu’avec les jours qui passent, ce sont les chances de le retrouver qui s’amoindrissent, et la colère du Lord qui gonfle. En plus de ça, il a le bras engourdi, celui avec lequel il a lié sa magie à Inès, quelques semaines auparavant, celui-là même qui est tatoué de la marque de la VB ; avec tous les incidents qui se passent au Ministère en ce moment, il n’y prête plus trop attention.
"Kohli!" Son assistant qui n’a pas l’air d’être dans les parages, et dans un grommellement jurant qu’il faut tout faire soi-même ici, Corban embarque les preuves mises sous vide sous son bras et se rend à la salle de stockage.

Il faut descendre un escalier pour y accéder, mais c’est un faux escalier qui ne fait actuellement pas quitter le N2 (c’est juste pour donner une impression de secret et de sécurité, i guess...). La pièce est sombre, poussiéreuse et sert généralement de repère pour celles et ceux qui veulent procrastiner sans être vu.e.s. La taille de la pièce est incertaine, et des étagères s’alignent à perte de vue; enfin, s’alignent, plus vraiment, puisqu’à l’instar des escaliers de Poudlard, elles bougeaient un peu comme bon leur semble. D’habitude, elles suivaient un pattern qui avait l’air sensiblement logique et organisé, mais ces derniers temps, elles avaient l’air de n’en faire qu’à leur tête et, dans les mauvais jours, les archives pouvaient ressembler à un mauvais manège d’auto-tamponneuses.

Corban se faufile donc entre les rayons mouvants avec la même précaution que s’il devait traverser un champ de vaches. Il rouspète à cause du classement bâclé de certains fichiers, et ne prête guère attention aux deux individus qui entrent à leur tour dans les archives, verrouillant suspicieusement la porte derrière eux.
Soudain, il sent une main se poser sur son épaule. "Not now, J—" Il n’a pas le temps de finir sa phrase que la prise se raffermit sur son bras jusqu’à le tirer avec une force insoupçonnée (i mean, Buck is not that strong) et le tordre dans un craquement lugubre. Corban pousse un cri strident de douleur, et fait volte-face pour se retrouver nez à nez (enfin plutôt nez à poitrail, au vu de la taille de l’individue) avec Cordelia Prentiss, une demi-géante et hound de sa Brigade, qui vient accessoirement de réduire son bras gauche en miettes.
"What the hell, Prentiss???!" aboie Corban qui se recroqueville de douleur, seulement maintenu sur ses jambes par la poigne de Cordelia.
"Well, well, well, look who’s finally talking to us..." La voix d’un des loups de la Brigade (Corban a oublié son nom) se détache de derrière l’imposante stature de la géante. "You need a hand with those pieces of evidence, Yaxley?" Sans hésiter, Corban porte sa main encore valide à son holster pour sortir sa baguette. Le loup lui fiche un coup de poing dans la figure, le faisant lâcher sa baguette qu’il ne tarde pas à rejoindre au sol, lorsque Cordelia le projette à terre avec une facilité déconcertante.

"I wouldn’t try anything stupid, Yaxley... Besides, I’m pretty sure nor your wand or your fancy tattoo would be of any use right now... Power’s out, you haven’t noticed??" Mais il faut croire que Yaxley est un peu stupide puisqu’il rattrape sa baguette et se retourne sur le dos, balançant un crucio aux deux insubordonnés. Sa baguette ne fait que cracher de pathétiques étincelles, et Corban voit flou. Le loup s’accroupit au-dessus de lui et le frappe à plusieurs reprises. "You deaf or what? You’re powerless right now, dude! You’re no better than a muggle!" Corban se débat comme un beau diable, crissant des dents à chaque fois que son bras pété fait un mouvement. Finalement, il réussit à se libérer après avoir administré un coup de genou entre les jambes du loup, et il se met désespérément à ramper vers la sortie, ou du moins, dans une direction opposée à ses assaillants.

tw: alcoolisme, violence, langage cru

Le pire, dans une mission gueule de bois, c'est Lucia. Buck l'aime bien (un peu? ...beaucoup) mais sa tendance à discuter pour ne rien dire, d'une voix enjouée et appartenant à un royaume de fréquence sonore auquel il pensait avoir dit adieu il y a dix ans au moins... autant dire qu'au bout d'une heure il a fini par l'abandonner en grommelant qu'il allait chercher un truc aux archives, pour un dossier en cours, tu sais le dossier important là, je reviens, t'inquiète.

Il n'y a pas trente-six endroits dans la VB où on peut soigner sa gueule de bois sans trop se faire déranger: au fil des années, Buck a développé un petit autel dans les archives. Potions, aspirine moldue, aliments plein de glucide, céleri, jus de tomate et vodka, peut-être un ou deux magazines pour passer le temps, une minuscule couchette rétractable... De toutes façons, c'est pas comme si les brigadiers s'attardaient trop dans cette pièce trop étroite et sombre et que Buck était le flic qu'on fliquait le plus dans les bureaux du N2.

(Sauf par son boss, le regard duquel, depuis son mariage, il sentait vissé sur sa nuque (et ses fesses) à chaque fois qu'il passait devant son bureau aux stores prétendument tirés).

Quand il pénètre dans les archives avec sa tasse de café réglementaire à la main, Buck pousse un lourd soupir de soulagement. De quelques gestes magiques de la main, et de quelques pas de danseur impressionnants par leur délicatesse, il arrive à destination sans mal, faisant bien attention à tamiser les lumières magiques à mesure qu'il passe à côté.
Il est en train de faire une review plutôt dépréciatrice des décisions prises par lui-même ces cinq dernières années quand un bruit soudain le fait se figer. Buck repose le Bloody Mary qu'il était en train de se préparer, rebouchonnant la bouteille de vodka en jetant un coup d'oeil dans l'allée de cabinets de rangement la plus proche.

Rien. Bon, ce ne doit pas être si grave... Buck retourne à son cocktail avec un haussement d'épaules.

"What the hell, Prentiss???!" Oh non pas lui - en entendant la voix plaintive de Corban, le cou de Buck craque dans un bruit sinistre. Mémoire musculaire ou réflexe pavlovien, difficile à dire: l'instant suivant, bouteille à la main, pour investiguer l'origine de ce qui ressemble à une bagarre, il s'engage dans les allées traîtresses de la pièce.
À quand remonte la dernière fois qu'il a sauvé la peau de Corban? Hogwarts, sûrement. Ce genre de scène était plutôt usuel, lors des deux premières années, avant que Buck arrête de retenir ses coups face aux détracteurs de Yikers-Yaxley: on avait fini par comprendre qu'emmerder la loustic revenait à emmerder le chien de garde toujours à ses côtés. Les deux compères avaient rapidement compris la force débilitante de leur alliance, et Corban avait appris - de son père sûrement - la meilleure manière d'envoyer son chien faire ses basses besognes selon ses désirs.

"Oh for fuck's sake," gronde Buck quand il débarque sur la scène. Corban est à ses pieds en train de ramper pathétiquement dans une direction x, Cordelia Prentiss lui adresse un regard suspicieux et, à côté d'elle, Martin J. Newall, actuellement en train de se tenir les burnes, gronde de rage. "Guys..." Buck commence à reculer d'un pas prudent. "What's going on here? - Fuck off! - Let's not get too excited-- - Turn around and go, Buchanan," crache Newall en se redressant, alors que les yeux bleus de Buck coulent en direction de Corban dont le bras a quelques angles en trop. "Walk away from this. You fucking hate him, we all know. Just walk away." Les yeux de Buck remontent vers le visage de Prentiss dont les traits durs sont découpés d'une détermination qu'il n'a jamais vu avant. "Right." Buck fait un autre pas en arrière puis sur le côté. "Sure." Avoir la réputation d'un couard alcoolique semble aider, parce que Prentiss se détourne de lui pour à la place venir attraper Corban et le soulever avec une aise terrifiante, tandis que Newall prend son mal en patience et retrousse les manches de sa chemise avec l'air de quelqu'un prêt à en découdre.

Buck devrait se détourner et s'enfuir en courant. Merde - Corban mérite pire que ça. Il devrait se joindre à eux, et mettre ça sur le dos de Prentiss et Newall. Ces idiots pensent vraiment pouvoir trucider le chef de la VB et s'en sortir... Buck ne devrait même pas s'en mêler et les laisser à leur merde. À deux, et surtout avec Prentiss, ils sont certains de débarrasser la surface de la terre de ce putain de Yaxley et--

Et Corban jette un regard à Buck.

Il a l'impression d'être tiré des décennies en arrière. Les yeux de Corban sont toujours aussi noirs et humides, débordants de tant de choses terribles et terrifiantes. Comme quand ils étaient gamins, et qu'ils se remplissaient de larmes honteuses au moment de se séparer dans le Hogwarts Express avant d'arriver à Londres. Comme à chaque fois que Buck lui coupait les cheveux, et que Corban se découvrait dans le reflet de leur petite salle de bains, et qu'il se regardait comme si il ne se reconnaissait pas. Comme toutes les fois où Buck a vu tant de choix, tant de possibles, tant de vies se succéder dans ces prunelles sombres, tant de mots, tant de déclarations, tant de non-dits, qui n'ont même pas provoqué la moindre ondulation sur le visage lisse et sans lisse de Corban. Buck connait ses yeux par coeur, mais s'y perdrait volontiers encore, et encore, et encore.

Sans même réfléchir, Buck se jette en avant, en direction de Martin qui s'est détourné de lui après un dernier regard méfiant. La main ouverte, il hurle "Reducto!", ce qui n'a aucun effet. Il ne se pose même pas de question: il profite du momentum pour lever la bouteille de vodka et l'abattre sur le crâne de loup-garou. Il enchaîne avec un coup de genou dans son abdomen, avant d'abattre son pied à l'arrière du genou de Prentiss qui grogne. Sans attendre, parce qu'il sait qu'il ne fera pas le poids, Buck rentre de toutes ses forces dans Corban et l'attrape à bras le corps avant de se mettre à courir.

Après quelques minutes d'une course essoufflante, quelques meubles renversés derrière eux à la va-vite et plus d'un hurlement de rage, Buck a fini par trouver la salle privée d'inspection des archives et par les y enfermer. Le verrou est mécanique et bien moldu mais semble avoir raison même de la force de Prentiss: le battant de la porte, si il s'agite sur ses gonds, n'est pas prêt à s'ouvrir. Buck se laisse retomber dessus avec un grand soupir, ses poumons en feu lui rappelant une vie entière de clopes cheapos et d'alcool plus mauvais encore. "I shouldn't have saved your sorry ass," grogne Buck quand ses yeux hagards remontent à Corban. "Let me see." Lentement, il se met à quatre pattes et s'approche pour aller inspecter son bras, avec une grimace compatissante. "Well, darling, that looks terrible." Il essaye, de ses mains, d'invoquer un sort de soins - en vain. Il touche le biceps de Corban dans une caresse maladroite et, il l'espère, réconfortante, avant de lui adresser un sourire tordu. "Just like old times, eh? Remember when you got your ass handed to you by Amycus? Good times." La main de Buck vient repousser une mèche de cheveux de Corban de son front. "Someone will come get us in no time," lui assure-t-il en ignorant le bruit de la porte que Prentiss essaye de défoncer à coups de pied à deux mètres d'eux.

tw: violence, blessure, langage grossier, début de feels

A Poudlard, quand quelqu’un s’en prenait à Corban (son caractère insupportable et sa maigrichonne morphologie constituaient un cocktail propice au passage à tabac), il y avait toujours un moment pendant lequel Corban refusait que Buck vienne l’aider. Que ce soit dans un dernier élan de fierté, dans un instant de honte, dans une minute de férocité, il ordonnait toujours à Buck de n’intervenir qu’au bout de quelques instants, afin que les agresseurs réalisent que leur punition serait à l’image de leur acharnement... et peut-être aussi parce que Corban, déjà à l’époque (surtout à l’époque), avait développé un rapport malsain à la violence, à la souffrance, à laquelle il se laissait régulièrement aller, comme on plongerait ses mains glacées dans un bac d’eau brûlante.

"What's going on here? - Nothi— - Fuck off! - Let's not get too excited-- - Turn around and go, Buchanan." La stupidité de la réponse de Corban est noyée par les gueulantes des deux hybrides qui aboient à Buck de faire comme s’il n’avait rien vu.
Et il s’exécute. Si Corban a ressenti de la déception, elle s’est vite vue couper le sifflet en même temps que lui, lorsque Cordelia le soulève du sol. Bah, il aurait certainement fait la même chose, s’il avait été la place de Buck (non, il aurait sans doute achevé d’un Impardonnable ou d’un aller simple pour Gracefield les hybrides en question) (mais il jouissait d’un pouvoir que ne possédait pas son comparse) (à savoir un poste au sommet de la hiérarchie, et une légère obsession pour Buck) (quoique, peut-être que Buck était lui aussi obsédé par Corban) (but who am i to tell?).

Aussi, le regard que Corban jette à Buck est simplement désabusé. Un dépit qui n’était pas sans rappeler celle du parieur qui réalise à mi-course qu’il n’a pas misé sur le bon chien. Fair enough; I don’t need you anyway, assène ce regard, noir et grouillant.
Ce regard que Buck reconnait, Corban ne le lui a adressé qu’à de rares occasions, puisque la plupart du temps, c’est lui-même qu’il dévisageait de cette manière, dans le reflet du miroir, dans la transparence de la vitre poussiéreuse du Hogwarts Express, tandis que Buck le consolait d’une étreinte de dernière minute.

Prentiss arme et lève un poing qui doit faire la taille de son crâne, et Corban va pour fermer les yeux, anticipant l’impact. Mais soudain, Buck déboule de nouveau dans un coin de son champ de vision, et se jette sur le loup-garou. La poigne de Prentiss vacille et finit par le lâcher, alors que Buck l’arrache à son assaillante. Dans un gémissement grinçant, Corban ferme les yeux, et on pourrait presque deviner un sourire cabossé entre deux croutes de sang. Perhaps I do need you, in the end.

Pendant la course effrénée de Buck, Corban phase, et ne se rappelle même plus s’il a réussi à courir ou s’il a été transporté jusqu’au cabinet dans lequel il reprend conscience. "I shouldn't have saved your sorry ass. - And yet you— - Let me see. - H-how does it— - Well, darling, that looks terrible."
Buck pose une main tiède sur le bras de Corban dont les tremblements semblent vouloir venir se lover au creux de sa paume, à l’image de l’animal apeuré auquel il fait présentement penser.

Tout le corps de Corban semble rompu, secoué de tremblements d’une nervosité palpable. On dirait qu’il vibre, et il ne serait pas étonnant de découvrir que les vibrations se propagent jusque dans le bureau contre lequel il est appuyé, jusque dans les casiers et le reste de la pièce. Il est crispé de partout, tordu sur lui-même, les genoux ramassés contre lui, son bras brisé suspendu sans qu’il sache quoi en faire. Sa respiration haletante compose une autre couche de saccades, comme s’il n’était qu’une symphonie (une cacophonie) de tressaillements.

"Just like old times, eh? Remember when you got your ass handed to you by Amycus? Good times." Corban a un ricanement qui ressemble à un soupir. "Don’t mention that inbred asshole... He wanted to carve his initials on my face... or his sister’s... because I disrespected her or something..."

"Someone will come get us in no time. - No, no one will come, because I don’t think anyone cares..." La douceur avec laquelle Buck s’essaye à le toucher le rend si fébrile qu’il ferme les yeux, prétextant apprécier un temps la douleur de sa fracture. "Besides, I don’t want anyone to see me like this..." siffle-t-il.
Corban n’a pas l’air plus surpris que ça; il sait que ses hounds le détestent au moins autant qu’il les méprise; c’est de bonne guerre, in some ways. L’ennui, c’est que jusqu’à présent, ils avaient eu suffisamment peur de lui et de sa répression pour ne rien tenter sur sa personne. Comme quoi, tout se perd.

Lorsque Buck réajuste sa mèche de cheveux, Corban se résout enfin à le regarder dans les yeux, à fixer son regard jusque là frénétique dans le sien.
C’est la première fois qu’ils se retrouvent seuls depuis le mariage.
Corban essaye de pas y penser.
Il défait sa cravate et la tend à Buck. "Can you, like, tie my arm, like a sling or something?" Il se décale un peu sur le côté, pour lui montrer à moitié son dos, ramassant son bras cassé contre sa poitrine. "And then, we should push those shelves in front the door, before Prentiss breaks in..."

Ce n’est qu’une fois qu’il peut défiler son regard vorace à celui de Buck (bien que le bout de ses oreilles rougissant trahisse son émoi) qu’il confie enfin un timide: "Thank you for saving my ass... I— I know you didn’t want to, but— I guess old habits die hard..."

tw: langage cru

La vision du corps meurtri de Corban, ses immenses yeux noirs à deux doigts de déborder, est tellement familière que Buck ne sait pas quoi en penser - il ne sait pas si cette nostalgie pour leurs aventures passées d'Hogwarts est douceureuse ou bien amère. Quoiqu'il fasse, Buck se retrouve toujours dans les mêmes schémas, avec Corban, embriguadé dans des dynamiques violentes et intenses; comme un satellite n'ayant d'autre choix que de graviter autour d'un objet céleste plus grand encore. Buck se demande si il est un jour véritablement parvenu à se débarasser de sa laisse - pendant son mariage, sa vie dans le monde moldu, l'amour parfait qu'il a filé avec Anne avant qu'il ne soit terni - ou si elle a toujours été là, si Corban ne lui a fait que l'honneur de lui donner du lest quand il en avait besoin, pour mieux le tirer à lui au gré de ses envies.

Il se demande, aussi, si ça le dérange vraiment plus que ça.

"Someone will come get us in no time. - No, no one will come, because I don’t think anyone cares... - Come on, now," marmonne Buck dans sa barbe, en sachant pertinnement que Yaxley a raison. "Besides, I don’t want anyone to see me like this..." Buck ne répond pas. Il laisse retomber sa main sur sa cuisse, ignore le fourmillement désagréable du bout de ses doigts. "Right." Il se sent restless: il a envie de se lever pour fouiller, pousser une armoire contre la porte, faire un truc; mais il n'a pas envie de s'éloigner. Ses mains tremblent, son corps lui fait mal, son coeur bat un peu trop fort dans sa poitrine. Si ce problème magique persiste et que Prentiss ne se calme pas... Putain, il a besoin d'un verre. Ou deux. Ou cinq. Ou dix.

"Can you, like, tie my arm, like a sling or something?" Il prend la cravate que lui tend Corban d'un air incompréhensif avant de grogner son assentiment, cherchant du regard quelque chose qui pourrait lui servir pour faire une attelle, avant de décider que Corban n'a peut-être pas tort. Buck commence à faire le noeud, est précautionneux quand il manipule le bras de Corban pour le passer dans l'écharpe de fortune. "And then, we should push those shelves in front the door, before Prentiss breaks in... - You're saying we as if your arm's not broken up in five pieces right now. - Thank you for saving my ass... - Shut up. - I— I know you didn’t want to, but— I guess old habits die hard... - Yeah, well, shut up." Il resserre avec un peu trop d'entrain le noeud au niveau du cou de Corban pour lui soutirer un grognement de douleur. "Don't get used to it." L'odeur de l'aftershave de Corban lui pique les narines, celle de son gel aussi, et celle de sa crème pour la peau, c'est encore pire...

Buck renifle un bon coup avant de donner une petite tape dans la nuque du chef de la VB. "There you go, pal. Now try to not move it around too much while I--" Un bruit de secousse plus fort que les autres provenant de la porte le fait sursauter et il gronde. "Fuck's sake..." C'est ce bruit qui lui donne le courage et l'élan pour soudainement se relever. Ses mouvements sont brusques, désordonnés, alors qu'il s'éloigne de Corban, du trou noir de ses yeux qui l'attire inexorablement. "Don't fucking move, you twat," le menace-t-il d'une voix enraillée avant de se détourner, le coeur au bord des lèvres.

"I'M GOING TO FUCKING MURDER YOUS!!! BUCHANAN, OPEN THE FUCKING DOOR-- - SHUT THE HELL UP, PRENTISS, OR ELSE--" Il s'engueule avec Prentiss à travers la porte en y poussant quelques meubles. Quand il a fini, il a les joues rouges et la nuque luisante de sueur. "T'was a really good bottle of vodka, you know. You owe me one," dit-il à Corban en allant s'asseoir de l'autre côté de la pièce.

Pièce qui ne fait que quatre mètres carré. Il lui faut quelques dizaines de seconde pour trouver une position confortable avec ses jambes, les assemblant en puzzle avec celles de Corban, tout en faisant bien attention à ne pas le toucher. Au moins, de là où il est, il n'a pas à souffrir son haleine puant le Crimson Bull et son aftershave beaucoup trop épicé, ou à se laisser noyer par son regard humide. De l'autre côté de la porte, il écoute Prentiss perdre peu à peu de ses forces, avant de s'éloigner - sans doute pour aller chercher des renforts parmi d'autres Hounds suicidaires...
Buck sort une cigarette moldue du paquet à l'intérieur de sa veste, avant de se souvenir qu'il n'a pas de briquet - classique, quand on est sorcier. Il grogne et se résoud à la glisser entre ses lèvres tout de même, plus par habitude qu'autre chose.

Le silence est épais; assourdissant. La dernière fois qu'ils étaient seuls... une chaleur soudaine explose dans la poitrine de Buck, qui sent son cou et ses joues rougir sous sa barbe, comme un adolescent. Malgré lui, il sent un léger sourire s'étirer sur les lèvres en repensant à ce qu'ils ont fait durant la putain de réception de son mariage. "So," ne peut-il donc pas s'empêcher de dire, sur le ton de la conversation, "how's the bitch?" Libre à lui de se demander si il parle de sa nouvelle femme ou de son nouveau chien.

"Yeah, well, shut up." Corban essaye de bouffer le mince sourire qui lui grignote la bouche, et qui finit par se fendre en un rictus gêné, lorsque Buck serre trop le nœud de son écharpe de fortune: "It’s a bit too tight h—" Il va pour lever la main, chasser celle de Buck et coincer un doigt dans le nœud qui pince sa peau et la naissance de ses cheveux dans sa nuque. "Don't get used to it. - I wouldn’t dream of it…" ironise-t-il, bien que ça fasse désormais près de trente ans que Buck lui sauvait le cul (à intervalles irrégulières, certes, et avec plus ou moins de mauvaise foi, but still). Sa main rencontre presque celle de Buck quand il lui fiche une petite tape dans le cou.

Dans un réflexe stupide (à croire qu’il a laissé ses derniers neurones en service de l’autre côté de la porte), Corban essaye de se relever, mais Buck le you twat et le Mangemort, sans demander son reste, se laisse glisser contre le mur, sa poitrine tambourinant contre ses genoux qu’il ramène sagement contre lui. D’autres auraient payé pour une telle insolence, mais, as they said, old habits die hard et, de fait, Buck n’était pas les autres. ("You know what else dies hard? I do,", Corban Yaxley, quinze ans, le nez cassé et une cheville foulée.)
Il écoute d’une mine circonspecte le combat de coqs qui se hurlent dessus de chaque côté de la porte et il se surprend à être ému par la panique que l’incident avait provoqué chez son ancien compère, comme on retrouverait avec attendrissement les punitions dont on avait écopé à l’école.

C’est bien entendu d’un œil moins naïf qu’il observe Buck déménager les fournitures de la petite pièce pour les entasser devant la porte. Sans vergogne, Corban le décortique de son regard lourd comme du plomb, poisseux comme une marée noire; il pourrait aussi bien être en train d’essayer de l’épingler au reste des meubles, se servant de lui comme d’un bouclier humain. Une petite tache de sueur se dessine dans le bas de son dos et sous ses aisselles. Les muscles roulent sous l’épaisseur de gras, la respiration irrégulière; il grommelle chaque fois qu’il doit reprendre son souffle. Si sa force n’a pas encore complètement disparu, des années à boire et à dormir par terre ont eu raison de son endurance.

"T'was a really good bottle of vodka, you know. You owe me one," Corban toque doucement contre le mur pour désigner la pièce voisine: "I’m pretty sure you can find more of them in these archives, when it’s not infested by that scum," et justement, il semblerait que Prentiss finisse par s’éloigner.
Il sent l’odeur aigre de la sueur de Buck, tandis que celui-ci trépigne à la recherche d’un spot où s’asseoir.
Le petit espace entre leurs jambes prend un espace fou dans la tête de Corban. Il peut sentir le vide entre leurs genoux, le crépitement de rien, la légère raideur dans sa cuisse droite, qu’il maintient écartée de la jambe de Buck dans une tension pas naturelle. Cet espace est d’autant plus béant que Corban se souvient avec netteté de l’absence d’espace, au mariage.

"So, how’s the bitch? Un sourire réduit les yeux de Corban à deux plis luisants. "Well, Sabatina took a dump on my desk the other day, and nibbled on Inès’ uncle’s couch feet. So I’d say she’s doing fine," pour ne pas dire que Corban passait tout son temps avec elle. Sabatina était un tout jeune lévrier italien, surexcitée du slip and feral (si bien qu’il n’avait toujours pas écarté l’idée que Buck avait collé un enchantement au petit chien pour le rendre intenable), qui faisait ses débuts dans la fameuse meute des Yaxley. Corban la prenait partout avec lui, la baladait pendant des heures sur la plage, et les rumeurs allaient bon train sur la fois où il l’aurait emmené avec lui au bureau, calant son petit cul gris anthracite dans un porte-bébé ceinturé autour de sa poitrine. "As for Inès, she would gladly take a shit on my desk too, but that’s a luxury she can’t afford…"

Corban rompt momentanément l’équilibre crispé, bancal, qui les maintient l’un écarté de l’autre, mais jamais suffisamment loin pour ne pas continuer de graviter dans leur orbite. Il affale ses jambes contre les siennes, alors qu’il les détend pour se pencher en avant et sortir de la poche arrière de son pantalon un briquet emballé dans un mouchoir. "Here, I got you," il l’allume, et allonge le bras pour inviter Buck à se pencher et lui tendre sa cigarette. "I took it away from that old ass vampire, Willy or something…" Ses jambes sont restées en vrac contre celles de Buck.  

Corban ne lui a jamais demandé s’il regrettait ce qui s’était passé. Une fois n’est pas coutume, ils ne l’ont jamais évoqué. Si quelque chose avait changé entre eux, depuis le mariage, Corban ne l’aurait deviné que dans certains regards croisés, un peu moins hostiles qu’avant. Ils avaient rompu quelque chose, une distance, une tension, et jouissaient désormais d’une trêve assez tranquille, à l’instar de deux animaux fourbus et repus.
Un autre équilibre que Corban se fait une joie de malmener, tandis qu’il confie: "I think Inès suspects something… Son regard fuit un peu. I mean, she’s all about getting in people’s heads… so I wouldn’t be surprised if she ends up discovering the truth…"
Il ne sait pas s’il devrait lui dire qu’Inès est au courant. Il pense que ça ferait rire Buck, qui se gausserait de la stupidité de Corban de laisser une telle information se balader librement dans sa caboche. Peut-être qu’il ferait même un commentaire grivois, lui demandant si elle avait apprécié le spectacle. Ou peut-être qu’il a peur que ça l’énerve, il a peur que Buck veuille pas qu’il lui rappelle ce qui s’est passé. Le pouce de Corban frotte nerveusement contre la roue du briquet, imprimant le crénelage dans la pulpe de son doigt, sa jambe droite parcourue d’un insupportable tremblement.

Les sourires de Corban sont toujours aliens sur son visage si lisse et parfait, alors qu'ils font plisser ses yeux en deux lunes détendues, dessinent sur ses tempes des ridules amusées. Buck se sent stupide de protéger avec fierté cette impression dans le creux de son coeur (je l'ai fait sourire), alors même qu'il sent sa propre risette s'approfondir en réponse à celle de son meilleure pote. La laisse n'a jamais été aussi serrée autour de son cou, sa présence obnubilante, douloureuse et étouffante. Et à la fois, tellement rassurante dans sa familiarité. "Well, Sabatina took a dump on my desk the other day, and nibbled on Inès’ uncle’s couch feet. So I’d say she’s doing fine." Par mécanisme, Buck renifle légèrement d'amusement. Il repousse, plutôt facilement, la vive déception qui explose dans sa poitrine quand Corban se met à parler du chien plutôt que de sa femme (un non-dit? une question? une ombre entre eux deux? comme si quiconque avait jamais réussi à se glisser entre eux deux, à part les femmes) pour mieux commenter: "good girl."

Il a eu du mal à trouver le chiot, écumant les élevages sorciers (et puis, en désespoir de cause, moldus) à la recherche du spécimen parfait pour son meilleur ami. Racée et à peine née, il n'avait pas l'argent pour l'acheter rubis sur l'ongle et avait dû marchander avec l'éleveur pendant deux heures, avant de le menacer, puis de passer un marché très peu avantageux avec lui (d'ailleurs, samedi prochain, il doit aller dans le Yorkshire lui filer un coup de main avec son chenil pendant quelques heures......) pour finaliser la vente. L'abysse irrémédiable de son compte en banque avait été un rappel douloureux, mais la surprise puis le bonheur manifeste de Corban en découvrant son cadeau aurait valu tous les chèques en bois du monde. Rendre son meilleur ami heureux le jour de son mariage, quoi de mieux? C'est un truc de best man, de groomsman, de pal, de témoin, de meilleur pote.

Les autres évènements de la réception avaient eux aussi été pour le bien de Corban, évidemment. Rien d'autre.

"As for Inès,” les yeux de Buck, qui s'étaient baissés sur ses mains en train de bricoler anxieusement avec son porte-clef, papillonnent pour remonter vers le chef de la VB, “she would gladly take a shit on my desk too, but that’s a luxury she can’t afford…" Buck renifle de nouveau. Il ne sait pas quoi dire alors il ne dit rien, et devient rigidement immobile quand Corban se penche en avant et, par un malencontreux hasard, leurs jambes se touchent. "Here, I got you." Buck se penche en silence au-dessus de leurs genoux appuyés les uns contre les autres, et inspire quand la flamme lèche le bout de sa cigarette. "I took it away from that old ass vampire, Willy or something…" Buck se redresse en inspirant. "His name is Billy," répond-t-il inutilement. Il bouge un peu des fesses pour mieux se rasseoir, de façon à ce que ses jambes s'appuient un peu plus contre celles de Corban, comme si de rien n'était. Leurs peaux séparés par leurs pantalons lui font l'effet de brûler.

Un silence s'abat sur le petit bureau. Buck ferme les yeux, guettant le retour de Prentiss - mais, rien. Juste la douleur sourde de ses poumons malemenés, les battements de son coeur dans sa gorge et le grésillement de sa cigarette quand il tire dessus. Ce moment paisible et tranquille doit être insupportable pour Corban, puisqu'il se sent obligé de l'interrompre: "I think Inès suspects something…" Her again. Buck rouvre lentement les yeux, tristement. "I mean, she’s all about getting in people’s heads… so I wouldn’t be surprised if she ends up discovering the truth…" Buck déglutit et lève la main à sa bouche pour en enlever la cigarette en train de se consumer. Un peu de cendre tombe sur sa chemise: il saute sur l'opportunité pour l'épousseter en silence, gagner quelques secondes. La jambe de Corban tremble sous les siennes. Il fait mine de ne pas le remarquer.

"And what would that be, Corban?" demande-t-il lentement, d'une voix plus placide qu'il s'en pensait capable. "What is that truth you speak of?" Que Corban est obsédé par Buck, qu'il l'aime, est jaloux de son entourage, le veut tout pour lui? Que Buck ne sait plus vivre sans lui, qu'il n'en a même pas envie, et qu'il aimerait se laisser noyer dans ses yeux noirs infinis parce qu'ils sont les seuls à lui faire ressentir ça? Ça - une passion plus dévorante qu'il ne pensait possible, une loyauté sans fin qui le surprend toujours, un sentiment intense et profond que personne, personne n'a jamais ressenti ça avant lui, avant eux? Inès serait bien conne de penser seulement saisir un dixième de la fresque épique qu'est sa relation avec Corban. La pensée l'énerve; la pensée l'attriste. "Pray tell, I'm curious." What is your truth, Corban?

"And what would that be, Corban?" Pendant un temps, Corban l’observe sans vraiment le voir, interdit. S’il avait pensé à plusieurs réactions de la part de Buck, jamais il ne se serait attendu à ce que ce dernier lui pose une telle question en retour. Corban l’observe avec attention et un peu confus par l’acuité de son camarade. Le silence qu’il conserve enjoint Buck à préciser sa question, pour son plus grand désarroi: "What is that truth you speak of?" Corban plisse les yeux, les réduisant à deux failles noires, cherchant à trouver sur le visage de son comparse s’il était sérieux ou non. "Pray tell, I'm curious." Corban hausse son épaule valide, répondant un peu trop rapidement, de peur que laisser passer plus de silence rendrait toute autre réponse embarrassante. "Wh— You know, at the wedding, when we…" Hold on, that’s not what he’s talking about!
Le rougissement qui lui grignote le bout des oreilles semble suffire à interrompre la réponse de Corban, dont la fin de sa phrase crisse dans une imitation de rire un peu gêné. Ce n’est pas de ça dont Buck veut parler.
Il ne voudra sûrement plus jamais en parler, plus jamais s’en rappeler!

"Y— you know what I’m talking about," rétorque Corban à mi-voix. On dirait presque qu’il se plaint. Les grincements dans sa voix sont accentués par la pression qu’il exerce sur son bras en écharpe. Corban préfère ressentir une douleur physique plutôt que d’affronter cet embarras émotionnel.
S’il n’est pas avare de déclarations quand ils s’étreignent et se grimpent dessus, c’est tout de suite plus difficile pour lui d’ouvrir la bouche et d’ouvrir son cœur quand ils sont à la lumière du jour.
Même à Poudlard, Corban ne lui révélait ses secrets et ses blessures qu’à la faible lumière d’un discret lumos au milieu de la nuit.
Après tout, Buck sait la vérité. Et Corban sait que Buck sait.

The truth is that it’s always about you; it’s always been and will always be.

Who is he to you, Corban?
Corban a seize ans, Dina le regarde dans les yeux, mais il ne la voit pas.
Corban sait qui est Buck pour lui; il sait même qui il est, avec Buck. Mais ce qu’il ignore, ce qui comprime sa maigre poitrine, ce qui le fait disparaître derrière ses mèches graisseuses, ce qui lui coupe le souffle et lui donne envie de mourir, c’est de ne pas savoir ce qu’il serait, sans Buck.

La douleur de son bras cassé se propage dans son épaule, dans sa poitrine, aiguë et lancinante. Il a l'impression qu’à chaque fois qu'il gonfle la poitrine, l'os de son bras se tord et craque un peu plus. Corban ferme les yeux un temps, prétextant accuser la douleur, qu’il embrasse, laisse se propager partout, jusque dans ses poumons, l’empêche de respirer.

Will it be, though? Is it going to be about him forever? I wouldn’t be so sure. It’s taking my breath away, everytime I’m thinking of letting you go.
Perhaps you should have let Prentiss finish the job; that would have saved me the embarrassment.

Sa jambe arrête subitement de trembler alors qu’il reprend sa respiration. Il ramène ses genoux contre sa poitrine, regrette aussitôt ce geste, glisse de nouveau ses pieds sur le sol, qu’ils se retrouvent de part et d’autre des jambes de Buck. Sa main valide serrée autour de son écharpe de fortune a les jointures qui blanchissent.
"The truth is that there’s a hole inside of me; a deep black crack inside of me, since I was five. That hole, it got so big at some point, I think I was made more of emptiness than anything else. It took over; the void took over the being." Corban allonge le bras dans sa direction. Il se penche un peu en avant et lui caresse l'intérieur du poignet, devinant son tatouage handler sous la pulpe de son doigt, puis remonte jusqu’à sa paume.
"The truth is that, one day, you filled that crack with something; you put your finger in it, your full arm, a little bit of your love too; and I was back." Ses doigts creusent un chemin entre les siens encore un peu moites de l'effort et en extirpent la cigarette qu’il porte à sa bouche sans tirer dessus.
You might be crying a bit, at this point, but he won’t notice; he doesn’t like to see you like this, so he would pretend it’s not happening.  
"The truth is that I don’t know what will happen to the crack, to me, the day you decide to take it all back. That’s why I don’t know if what happened to us (in that tent, all these years) is rather the best or the worst thing of my life."

Corban tire sur la cigarette un peu plus longtemps que prévu, les paupières closes, le temps de sécher le coin de ses yeux. Il se demande si, en les pressant suffisamment, ils pourraient rester collés et tout pourrait redevenir ce noir total, le noir de ses yeux que Buck a du mal à regarder en face parfois, le vide qu’il a été pendant tout ce temps, terrifiant et tristement familier.

Buck a souvent l'impression d'exploser, dans ces moments volés comme ça avec Corban, où l'énormité terrible de leur relation est mise en évidence. Il y a quelque chose de parfaitement terrifiant et destructeur à leurs décennies d'amitié et d'amour; c'est à se demander si quiconque a véritablement la force et les outils pour supporter cette intensité. Il cherche le visage de Corban à la recherche d'une réponse, quelque chose qui saurait satisfaire le monstre de sentiments qu'il porte en lui à l'égard de son meilleur ami.

Il est déçu par ce qu'il y trouve. "Wh— You know, at the wedding, when we…" Le visage de Buck se ferme, comme une porte de prison sur le pauvre taulard qui a été condamné à vie. Il grogne et il détourne le regard, tirant sur sa cigarette pour s'occuper et ne pas montrer au Mangemort la déception intense et désespérante qui éclate entre ses côtes. Il y a un rire crissant, l'embarras palpable de Corban qui met le feu à la propre honte de Buck en se remémorant la réception du mariage, la tente, son cadeau empoisonné et possessif. "Y— you know what I’m talking about." I don't. "Sure." I really don't. Buck ne sait rien. C'était toujours à Corban de réfléchir. Depuis qu'il a grandi, depuis qu'ils se sont séparés des dizaines de fois, Buck a été obligé de s'y mettre aussi. Ça lui fout mal au crâne et au coeur - il évite.

Alors il fait exprès de ne pas réfléchir, en tirant sur sa cigarette, en regardant partout sauf en direction de Corban. Il ne se laisse pas réfléchir, il ne se laisse pas non plus se remémorer tout ce qu'ils ont vécu. Il y a juste le bruit sourd des battements de son coeur, les tremblements de la jambe de Corban contre la sienne, les lumières magiques qui clignotent et le bruit lointain de la vie qui continue au Ministère.

La jambe de Corban arrête de spasmer et Buck jette un rapide regard dans sa direction. Sa chemise blanche, le sang rouge, ses yeux noirs sur lesquels ses paupières se sont fermées. Corban réarrange ses membres et ils ne se touchent plus. Même si il tremblait comme une feuille en pleine tempête, Buck regrette le support de son genou contre le sien.
Mais c'est toujours comme ça avec eux: malgré le fait qu'il soit cruel et indigne de confiance, Buck finit toujours pas se reposer sur Corban, puis a être lâchement abandonné, comme un chien dans ses vieux jours. Depuis qu'il est revenu à la VB, Buck n'attend que ça. Le moment où Corban l'abandonnera de nouveau.

"The truth is that there’s a hole inside of me." Les yeux de Buck s'accrochent à lui sans comprendre, mais Corban ne le regarde pas. "A deep black crack inside of me, since I was five. That hole, it got so big at some point, I think I was made more of emptiness than anything else. It took over; the void took over the being." Buck lui abandonne sa main, ignorant les frissons qui remontent le long de son bras pour venir se loger dans sa poitrine, dans son ventre. "The truth is that, one day, you filled that crack with something; you put your finger in it, your full arm, a little bit of your love too; and I was back." Corban récupère sa cigarette. Buck le laisse faire.

Corban ferme les yeux de nouveau en amenant la cigarette à ses lèvres. Buck est fasciné et mortifié des larmes qu'il voit s'amonceler à ses paupières et s'accrocher à ses cils. Il aimerait tendre la main pour en récupérer une du bout des doigts, la poser sur sa langue pour la goûter. Malgré tout le temps qu'ils ont eu ensemble, il y a certaines facettes de Corban qu'il connait mal. Quand il était plus jeune, il haïssait ces facettes, qui lui faisaient pitié ou qui le dérangeaient profondément. En grandissant, il aimerait pouvoir toutes les répertorier comme dans un cahier de cours qu'il garderait dans le revers de son coeur.

"The truth is that I don’t know what will happen to the crack, to me, the day you decide to take it all back. That’s why I don’t know if what happened to us is rather the best or the worst thing of my life." Le visage de Corban disparaît derrière un nuage de fumée. Buck ne le quitte pas des yeux.

Anne le lui disait, quand ils étaient encore mariés. Corban est un putain de trou noir. Elle l'aimait bien - il rendait Buck meilleur après tout - mais c'était aussi un putain de trou noir qui allait invariablement attirer Buck à sa perte. Buck s'en foutait. Non pas que cet état de fait ne lui faisait pas peur. Il savait simplement qu'il avait traversé l'horizon des évènements y'a trop longtemps pour penser un jour réchapper à Corban et sa gravité, et ce putain de trou noir au fond de lui qui ne pourrait jamais se contenter de rien d'autre que de le bouffer tout entier. Anne était conne de penser que ça puisse faire peur à Buck. Après tout, il n'y a rien de plus rassurant que de se faire accepter et bouffer tout entier par la personne qu'on aime le plus au monde.

"You're the worst thing that's ever happened to me," répond simplement Buck, en volant d'un geste brusque la cigarette de la bouche de Corban. Ses doigts effleurent ses lèvres, mais ne s'y attardent pas. C'est ce qu'il lui a dit il y a dix ans, dans une tente perdue dans la campagne anglaise, avant qu'ils ne soient brutalement séparés par les décisions douteuses de cet enfoiré. C'est ce qu'il lui répètera constamment à chaque dispute, chaque élan de violence, chaque accès de colère. C'est la vérité.
Évidemment, Corban est aussi la meilleure chose qui lui soit arrivée. L'ironie ne lui échappe pas. Buck ignore si les inconvénients d'avoir Corban dans sa vie valent vraiment les avantages. Il s'en fout. Il les accepte.

"I'll never take it back, Corban. Not my loyalty, not my friendship, not my love. I'm part of you just as you are part of me - we've made each other. We grew up together." Ça ne sert à rien de le nier: même si Buck n'a pas cette profonde entaille en lui qui a besoin d'être remplie, il ne va pas nier la réalité de sa relation co-dépendante avec Corban. Il n'a plus l'âge pour ça. "Hey." Buck se penche à son tour et abat une main de la taille d'un poêle sur l'épaule de Corban. Ses doigts montent sur son cou jusqu'à l'arrière de sa nuque, qu'il claque avec un peu de force, jusqu'à ce que Corban rouvre ses yeux noirs, noirs, noirs. "Same thing as when we were kids, remember? It's us against the world, buddy. Nothing is ever going to change that. I won't let it."

Ses doigts se referment sur la rigidité nerveuse de la nuque de Corban, sans douceur. Il le regarde dans les yeux. Il le regarde juste, jusqu'à ce que le moment dure trop longtemps et qu'il soit à bout de souffle et qu'il ait envie de faire quelque chose qu'il finirait invariablement par regretter.

Il y a une rouée de coups à la porte. "Mr Yaxley?!" La voix éraillée de Kohli fait soupirer Buck, qui relâche la nuque de Corban. Ses lèvres le démangent. Il se détache complètement et se relève, avant de se pencher pour aider Corban à en faire de même. "Come on, boss. We have work to do. Gotta get that arm fixed up first..."

Les paupières de Corban sont serrées si fort qu’il voit des taches de couleur exploser dans la pénombre. Il se demande ce qu’elles sont, qui elles sont, il se demande s’il peut avancer vers elles. Il se demande s’il pourrait se faire absorber par ses propres yeux, à la manière de Méduse pétrifier par son propre reflet. Il se dit que ce serait plus facile, de disparaître, là, maintenant, plutôt que de rouvrir les yeux et Buck est toujours là et ne comprend pas ce qu’il vient de lui révéler.
Ou pire, Buck comprend mais ne l’accepte pas, essayant en vain de nager au-delà du syphon qui l’attire irrémédiablement.
C’est genre Charybde et Scylla qui se sont un poil trop rapprochées l’une de l’autre, et qui ne peuvent désormais plus rien faire pour se dégager, si ce n’est attendre que la première cède et se laisse emporter par la seconde.

"You're the worst thing that's ever happened to me." Au début, Corban se demande s’il a vraiment entendu ça, ou si c’est un mauvais tour de sa mémoire, qui le renvoie à leur catastrophique séparation, des années de ça.
Il ne rouvre pas totalement les yeux, se rejouant la scène avec douleur, à voir le relief de ses iris s’agiter derrière ses paupières, et le coin de sa bouche se casser la figure. Il se souvient avec quelle insistance il avait chassé Buck, comme on abandonnerait un chien sur le bord de la route, et aussi avec quelle violence Buck s’était arraché à lui, comme s’il abandonnait un chien au bord de la route, persuadé que son maître va revenir.
Corban se souvient que, lorsque Buck avait quitté la tente en trombe, il était resté des heures allongé par terre, embrassant le silence, la pénombre et cette solitude nouvelle, se laissant couler dans le noir de ses yeux clos.

Il y était resté des années, n’attendant même plus que Buck lui revienne.
Corban garde les yeux fermés, attendant que Buck vienne à lui, quand sa main retire la cigarette de sa bouche.
"I'll never take it back, Corban. Corban veut rouvrir les yeux; l’abysse le retient encore un temps; il flotte dedans et n’en voit pas les bords. Not my loyalty, not my friendship, not my love. I'm part of you just as you are part of me - we've made each other. We grew up together." Un mince sourire vient écorcher le visage tendu de Corban, crevant sa poitrine bloquée, donc la courbe plate vient se lover dans le creux de la main de Buck.
"Hey."
Corban rouvre les yeux.
Il respire dans sa main.

"Same thing as when we were kids, remember? It's us against the world, buddy. Nothing is ever going to change that. I won't let it. - I know."I don’t. I don’t know. What if I’m the one letting it change?
Corban a l’impression d’être à sa place, au bout de la poigne de Buck, résistant un peu à la pression qu’il exerce dans sa nuque, mais pas suffisamment pour ne pas s’approcher un peu de lui.
Tant que Corban ne laissait aucune distance entre eux, tout allait bien; il se gonflait de l’amour et de l’obsession de Buck et de son obsession pour Buck; et quand ça n’était plus assez, de la haine et de son mépris aussi.
Dans l’espace qui persiste entre eux, entre leurs regards fixés l’un à l’autre, Corban se souvient de toutes les fois où ça leur est arrivé, de se projeter dans le regard de l’autre, d’y projeter tout ce qu’ils savaient pas se dire, tout ce qu’ils pouvaient pas se dire.
Dans un autre univers, Corban l’aurait embrassé.

Il sent cet espace se remplir d’amour.
Mais aussi d’autre chose; du fait qu’il ne l’embrasse pas. Et de l’absence de ce baiser, le vide revient inexorablement. Parce qu’au final, plus Buck lui témoignait de l’amour et de la confiance, plus le vide, vorace, se creuse et s’agrandit.

"James, I— - Mr Yaxley?!" Corban rouvre les yeux (quand les avait-il fermés??) et attrape mécaniquement la main que Buck lui tend, encore tiède de la pression exercée sur sa nuque. "Come on, boss. We have work to do. Gotta get that arm fixed up first..." Corban hoche du chef, tandis que de nouveaux coups à la porte retentissent, puis le sifflement d’une baguette. "I’m fine, Kohli, don’t worry!" aboie-t-il en s’appuyant sur Buck. "Let’s go, James."