| | | SECRET CRUSH
Dès l’instant où Lucjan s’est relevé avec Elena serrée dans ses bras, il a regretté de lui avoir proposé. Dès l’instant où Lucjan s’est relevé avec Elena serrée dans ses bras, il n’a absolument rien regretté.
Les deux sentiments se battent en duel à chaque pas effectué dans le sable et les galets jusqu’à ce qu’il atteigne la mer et que celle-ci les enveloppe tous les deux, un peu trop rapidement pour le bien de celle qui n’a pas son sang Selkie. Il devrait être un peu plus attentionné, un peu plus attentif au bien-être de son amie, mais son esprit est un peu trop divisé pour tout à fait s’y attarder. Son regard trop fixé sur l’eau, autant par envie de s’y plonger en entier que parce qu’en fait… Elena est proche, si proche, trop proche, tellement proche, qu’il n’ose plus vraiment la regarder. Lou a le vertige de cette proximité, autant que tout son corps semble en feu, parcouru de fourmillements désagréables partout où sa peau rencontre la sienne. Ce qui, dans cette position, est donc : partout, à peu près, contre son torse et ses bras. Fâcheux, dira-t-on.
Évidemment, impossible de ne pas regarder Elena, alors qu’il s’enfonce jusqu’aux épaules dans l’eau, enfin un peu soucieux de savoir si sa partenaire de baignade nocturne se porte bien (si ce n’est cette affaire d’immersion un peu brusque). Si près de son visage, Lou peut admirer la longueur des cils fournis de la Alvarez, s’émouvoir des dessins qu’ils tracent au haut de ses joues hâlées. Sous ses paumes, sa peau est douce, chaude et souple, et même le froid de l’eau ne réussit pas tout à fait à lui faire oublier ce contact. À ne pas lui faire serrer les mains un peu plus, ses doigts enfoncés dans un flanc tendre, dans une cuisse ferme. Et surtout, surtout… Ses prunelles sont tombées malgré lui sur la courbe pleine de sa bouche, le temps de longues secondes ― jusqu’à ce que la brunette lève les yeux vers lui et qu’il n’ait d’autre choix, cette fois-ci, d’y plonger son regard. De le sentir vissé au sien, perdu dans le brun chaleureux et profond, noir dans la nuit et sous le ciel parcouru d’étoiles, des iris de la résistante.
C’est une étrange impulsion qui prend Lou. Ou, si pas vraiment étrange, disons plutôt imprévue. « Elena, réussit-il à prononcer, la voix basse. Est-ce que je p- » Lucjan n’a pas le temps de terminer sa phrase que les lèvres d’Elena se posent sur les siennes, dans un baiser où la timidité ne tient que quelques secondes (elle goûte la cigarette, le sucre et l’eau salée). Juste le temps avant qu’un mmmm doux vibre dans sa gorge et que comme un signal de départ, le son d’appréciation enhardisse les deux sorciers. Entre ses bras, la sorcière bouge et il se retrouve à la serrer contre lui, alors qu’une jambe valide s’enroule autour de ses hanches. Qu’une main glisse dans ses cheveux, l’autre contre son épaule, et que la marée de sensations le submerge en même temps que la chaleur de la bouche d’Elena Alvarez.
Ce qui les fait vraiment cesser est une vague un peu plus vigoureuse qui se fracasse derrière la tête d’Elena, la fait se cogner le front solidement contre le sien et les fait tous les deux boire la tasse.
S’en suit une succession de jurons en italien et en espagnol, de crachotements hilares et autres, alors que Lucjan réussit à les ramener tous les deux à un endroit où ils ont davantage pied (nette tendance à oublier qu’il la taille, la Alvarez, et que s’il a de l’eau aux épaules, c’est qu’elle en a par-dessus la tête). Là seulement il se permet de vraiment la regarder, encore un peu abasourdi. Ses joues brûlent de chaleur ; Elena le regarde avec le plus beau sourire. « Est-ce que c’était une date ? », demande-t-il avec un grand sérieux ― la réponse est un éclat de rire, presque trop fort près de son oreille, mais dont la sincérité étire son propre sourire.
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