FELIN #1 | Dust It Off

Felicia Fawley

Don't be tempted to look back, it has all happened before. Someday miraculous spread will forgive every cowardly thing that you've done, that I've done. Dust it off

cw: mention of death / grief

La mort est un concept particulier, que se passe-t-il après ? Pourquoi certains restent sur Terre tels des fantômes alors que d'autres disparaissent ? La mort est-elle un travailleur comme un autre qui apparaît auprès des défunts pour les emporter vers un ailleurs incertain comme dans le Disque-Monde ? Est-ce que les morts continuent de vivre à travers les souvenirs de leurs vivants ? Où vont ces 21 grammes ? En tant que sorciers, ils ont un certain avantage pour trouver des réponses à ces éternelles et fondamentales questions. C'est rassurant.

La perte par contre, c'est une autre histoire. Ce qu'il se produit lorsque quelqu'un part définitivement et laisse ses proches sur Terre tenter de recoller les morceaux. Un peu comme avec la lune, qui s'est décrochée et disparaît et réapparaît maintenant quotidiennement. Peut-être que c'est un peu la même chose. Un bout de soi qui s'envole mais ne s'efface jamais complètement, gravite en orbite pour toujours, jusqu'à ce qu'à notre tour on le rejoigne et que le cycle continue. Ineffable autant qu'inexorable. "Tu penses à ta mère ?" Finn lève les yeux, surpris qu'une voix vienne briser la cacophonie de ses réflexions, Aziraphale l'observe depuis le canapé où il est allongé, les ailes repliées tachetées autour de son pelage anthracite, il a ce regard perçant dans les iris félines, comme s'il savait exactement à quoi pensait son colocataire même quand celui-ci n'en avait pas la moindre idée. "Plus ou moins," répond-il en secouant inutilement le journal qu'il tient dans ses mains. Le geste qui dit, je lis ne me dérange pas. Cela ne l'a jamais arrêté et quelques secondes plus tard, un bruissement d'aile et une chaleur autant qu'un poids se font sentir sur ses genoux. Aziraphale a abandonné sa sieste-lecture pour sa deuxième activité favorite, analyser Finnegan Fawley. Les deux paires d'yeux se confrontent en silence, l'une avec un sourcil soulevé et l'autre plus posée, un des yeux encadré par un cercle poilu et brun comme un binocle. "Tu as le droit de ressentir des choses le jour de la mort de ta mère. Selon les psychologue c'est même plutôt sain. Comment comptes tu arriver au bout du processus si tu ne t'autorises pas à le démarrer ?" Il se demande en soupirant pourquoi il a un jour abordé ce sujet avec le chat le plus curieux de l'Angleterre. "Merci Freud. Je ne savais pas que les psychanalystes s'allongeaient sur les divans, je croyais que c'était l'inverse." dans son ton se mélangent une note d'humour et une bonne dose de dédain quant à cette profession superfétatoire. Un vrombissement se fait entendre et se répand sur les genoux du sorcier, le rire d'Aziraphale entre ronronnement et quelque chose de presque humain. "Cache toi derrière l'humour autant que tu veux, ce n'est qu'un mécanisme de défense comme un autre. Mais tu sais que j'ai raison" et il ne sert à rien de contredire le chat-ailé quand il emploie cette phrase, alors l'analysé forcé hausse une épaule et retourne à sa lecture non sans avoir avalé une gorgée de son thé tiède pour faire disparaître le goût amer dans sa gorge. Aziraphale se soulève, s'étire puis repart jusqu'à son ouvrage (encore un de ces psychanalystes dont il s'est pris d'intérêt ces derniers temps, forçant Finnegan à se procurer ce type d'ouvrage) en s'installant confortablement sur le gros livre. "Bonne lecture," commente-t-il comme quelqu'un dirait bonne nuit. Ce qui en l'occurrence revient au même.

Le silence s'installe à nouveau dans la bibliothèque et avec, les pensées de Finn se reforment dans son esprit. Est-ce qu'il aurait dû pleurer à son enterrement ? Est-ce qu'il a raté une marche ? A dire vrai, le chercheur n'a jamais compris le sens de toute effusion émotionnelle, et lui-même quand cela risque de lui arriver préfère de loin les enfouir tout à l'intérieur de lui.
La journée s'annonce longue.

Elle l'est d'autant plus lorsque quelqu'un sonne à sa porte, le carillon ne réveillant même pas le chat sans doute bien endormi dans sa lecture. En ouvrant la porte d'entrée, Finn se retrouve nez à nez avec la dernière personne qu'il s'attendait à trouver devant chez lui. Felicia. Il aurait dû le voir venir (et pour un joueur d'échec avéré c'est là un manque de prévision plutôt déplorable), il aurait dû savoir qu'elle allait venir, vraiment. Cependant, Finn en reste bouche bée, à court de mots, à observer sa sœur sur les mêmes marches où il l'y avait laissée quelques années plus tôt. Il finit par se reprendre, après quelques secondes passées à l'observer. "Entre," lui dit-il en se poussant pour la laisser passer. Et il sait pourquoi elle est là aujourd'hui, aucune autre explication que la plus basique et logique d'entre elles : parce que c'est la date de la mort de leur mère. Finn sait d'avance ce qui l'attend alors, il répond à la proposition qu'elle n'a pas formulé. "Je n'irai pas." et croise les bras, ses lèvres forment une fine ligne décidée, comme le ferait un enfant qu'on voudrait emmener de force à un rendez-vous médical.

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Dust it off

Felicia et Finnegan

TW: Mort, mention d’enterrement, mention de dépression

Janvier 2007 Neuf janvier Pire date du monde. Une date ancrée dans sa mémoire à jamais. Une date qu’elle préférerait pourtant oublier. Elle serait bien plus heureuse si le neuf était effacé du calendrier. Qu’après le huit, on saute directement au dix. Ainsi, Felicia n’aurait pas à se remémorer la journée qui a tout brisé et tout changé. La journée qui lui a arraché sa mère, son mentor, sa meilleure amie. Les événements de cette journée fatidique ont tourné en boucle dans sa tête toute la nuit. Elle n’a pas réussi à fermer l’œil et n’a rien mangé la veille en appréhension à ce jour qu’elle redoute tant. Les draps de son lit son imbibés des larmes qu’elle a pleuré. Elle n’arrive pas à se lever, alors que le soleil inonde sa chambre du BITE de ses rayons. Elle fixe le plafond, son corps collé à son lit ne formant qu’un. Elle veut tant y rester, ne pas en bouger. Elle n’y arrive pas de toute façon. C’est trop difficile. Pourquoi se relever quand notre héroïne ne le peut plus. C’est la même histoire tous les ans. Le neuf janvier, Felicia devient une loque dépressive. Elle maudit l’alchimie et les expériences nébuleuses de sa mère. Elle se remet en question, imagine sa vie si le duo n’avait pas accepté ce projet impossible de ressusciter un pauvre chien. Elle pleure, râle, vide trois boites de papier mouchoirs. Elle s’en veut, en veut à sa mère, surement à son frère aussi. Aujourd’hui, elle s’est pourtant promis de se lever et de se rendre à la tombe de sa mère. Pour la deuxième fois. La seconde après l’enterrement. Quand ils ont mis, Finn et elle, un tombeau vide dans le sol gelé. Parce que le corps d’Emily n’a jamais été retrouvé. Le neuf janvier est seulement la date de sa disparition. Elle a toujours évité de s’y rendre, se sentant incapable de le faire. Neuf ans plus tard, elle se pensait assez forte, mais ça ne semble pas être le cas.

Felicia trouve néanmoins le courage. De peine et de misère, elle s’arrache à son lit, là où elle a érigé sa forteresse. Son « safe space ». Elle se force à avancer. Elle est fatiguée. Elle est faible et constamment sur le point d’éclater en sanglot, mais elle tient bon. Pour sa mère. Elle a repoussé ce moment depuis trop longtemps. Elle enfile une robe rouge vermeil qui n’a rien à voir avec le noir habituellement porté lors des commémorations et des deuils. Mais, c’était la couleur préféré d’Emily. Sa robe préférée aussi. Feli est loin d’avoir sa prestance dans ce tissu, mais ça lui semble un bel hommage. Elle laisse ses cheveux plats tombés sur ses épaules. Maquille son visage naturellement. Ouvre la boite sculptée qui appartenait à sa mère, les mains tremblantes. À l’intérieur, des babioles insignifiantes, mais significatives pour elle. Elle s’empare de la bouteille de parfum presque vide et s’enveloppe de ses effluves de basilic, de lime et d’orchidées. Elle essuie une larme tombée par la nostalgie que cette odeur éveille en elle. Elle se regarde longuement dans le miroir, persuadée qu’elle n’y arrivera pas. Elle se lève finalement. Elle attrape le bouquet de fleur, des marguerites, et transplane sans trop réfléchir de peur de reculer.

Elle n’atterrit pas au cimetière, mais devant une maison qu’elle connait bien, mais qu’elle n’a pas aperçu la façade depuis un bon moment. Felicia a le cœur gros alors qu’elle monte l’escalier qui la mène à la porte principale de la demeure de son frère. Elle n’avait pas prévu de venir. Elle est la première surprise de revenir sur ce perron dont elle a foulé le bois pour la dernière fois, il y a déjà près de trois ans. Elle a toutefois cru que ce serait bien qu’ils s’y rendent ensemble. Elle n’est pas surprise que rien n’aille changer, Finn n’étant pas un adepte du changement. Les jumeaux se sont vus depuis qu’il la mise à la porte, peu, mais assez pour reprendre leur relation chaotique. La jeune femme est toujours nerveuse lorsqu’elle doit y faire face. Elle ne sait jamais à quoi s’attendre avec lui. Après avoir voulu tourner les talons au moins cinq fois, Feli se décide finalement à appuyer sur la sonnette. Encore là, l’envie de fuir est très présente. La porte ouvre et elle offre un sourire timide à son jumeau. Les deux se toisent, la femme se dandine sur ses pieds se demandant ce qui lui a pris. Il l’invite finalement à entrer. Elle se garde ses petits commentaires sarcastiques pour elle, « oh j’ai le droit maintenant? », « Ne t’inquiète pas, je ne resterai pas cette fois », Finn ne comprendrait probablement pas la blague. Elle s’avance dans le portique essayant de prendre le moins de place et de déplacer de l’air le moins possible. Il la prend de court lorsqu’il lui dit qu’il n’ira pas. Elle n’a pas ouvert la bouche, mais Finn est rusé et s’il a semblé surpris de sa visite, il a rattrapé son coup manqué en répondant à sa proposition avant même qu’elle ne lui demande. "Pourquoi?" Qu’elle demande simplement. Avec son frère, elle sait qu’elle doit y aller doucement. L’accuser d’être un fils merdique, un frère absent et un sans-cœur n’aidera pas.

smoke and mirrors

cw : évocation de décès, deuil

Felicia a l'odeur de leur mère aujourd'hui. il reconnaîtrait entre mille les effluves fleuries et herbacées qu'a toujours porté cette femme dont il oublie jusqu'au visage par moment. Un instant, il se revoit à 5 ans lorsqu'elle prenait encore le temps de le border et que cette l'odeur l'assaillait quand elle se penchait pour lui embrasser le front. Puis, il se revoit à 7 ans, quand il en avait subtilisé un peu pour en imbiber un mouchoir parce qu'elle ne venait plus. Le flash disparaît aussi soudainement qu'il lui est apparu et Finnegan l'oublie aussitôt, son nez se retroussant légèrement comme si l'odeur l'importune. Au Pourquoi de sa jumelle, Finn se lance dans une longue explication sans prendre le temps de lui proposer un thé ou de s'asseoir. "Tout d'abord, je n'adhère pas à ce concept ridicule qui prétend que l'on devrait se déplacer sur la tombe d'un défunt pour se rapprocher de lui. Soit la personne n'est plus et dans ce cas que lui importe qu'on y aille. Soit elle est et dans ce cas il n'y a pas de raison à s'y rendre. Ensuite, cela me paraît d'autant plus futile que son corps ne s'y trouve pas. Enfin, je n'ai pas envie." S'il se dissimule derrière un argumentaire logique auquel il est certain que sa sœur ne trouvera aucune faille, une pointe d'enfantillage prend le dessus sur la fin de son discours. Ses propos viennent masquer les nombreuses années de rancœur qu'il a développé à l'encontre de ses parents bien plus intéressés par tout le reste que par sa personne. Il se sait dur, peut-être un peu trop, et Felicia ne comprendra pas. C'est à se demander parfois s'ils sont réellement jumeaux tant ils diffèrent en tout point l'un de l'autre. "Tu ne l'invites pas à prendre le thé ?" Une voix bien connue des deux les atteint depuis le salon attenant et les épaules de Finn se tendent. Non pas parce qu'il ne souhaite pas que sa jumelle prenne le thé, au contraire, il se dirait même touché de la voir ici si on lui posait la question ; mais tout de même, les propos d'Arizaphale ne font que souligner son erreur de politesse. "Oui entre, installons nous dans le salon." Il s'éloigne en direction de la petite cuisine, prépare le thé préféré de sa soeur, n'a pas besoin de lui demander car s'ils ne se connaissent plus tant que cela, Finnegan sait encore ce qu'elle aime. Enfin, il l'espère.

Lorsqu'il revient quelques instants plus tard avec les tasses et la théière qui le suivent, Finnegan s'installe en face de sa soeur sur un des fauteuil en cuir du salon méticuleusement rangé excepté pour un nombre incalculable de livres et de journaux. Aziraphale l'observe d'un regard curieux. "Pourquoi est-ce que tu veux tant t'y rendre ?" Demande-t-il, poussé par l'incompréhension. Et une pointe de jalousie quand il ose se souvenir de ce que sa mère et sa sœur ont toujours partagé sans prendre le temps de l'inclure.

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Dust it off

Felicia et Finnegan

TW: évocation de décès, de dépression et de deuil

Felicia n’est pas vraiment surprise du refus de son frère. Le contraire l’aurait étonnée. Elle se demande à nouveau ce qui lui a pris de se pointer ici en connaissant très bien la réponse. Lorsque la question pourquoi sort froidement de sa bouche, Finnegan se lance dans un court monologue qui l’a perd au bout de trois mots. Ses grands yeux bleus clignent plusieurs fois, alors qu’elle le fixe dans le vide. Elle n’a rien écouté. Seule la dernière phrase capte son attention. "T’aurais pu juste dire ça. Pas besoin d’un grand discours avec des concepts superflus pour expliquer que tu n’as pas envie." Elle balai son discours d’un signe frénétique de la main en roulant des yeux. Pourquoi faut-il toujours qu’il déblatère longuement sur un sujet au lieu de simplement aller à l’essentiel. Il n’a pas envie. Point. Elle a compris. Même si ça la rend triste. Elle n’a pas le temps d’en rajouter qu’une voix les interrompt de l’autre côté du mur et propose au maître de la maison d’inviter Felicia à prendre le thé, sentant sans doute une énième confrontation entre les deux Fawley. "Aziiiiiiii!" Qu’elle s’exclame en passant devant Finn et pénétrant dans le salon. Trop préoccupée par la réaction de son jumeau et la visite à venir, la brune a oublié la présence de l’autre occupant de la maison. "Heureusement que tu es là!" Elle le caresse dans le cou comme il aime. Aziraphale aime se mêler de ce qui ne le regarde pas et il a souvent dû jouer les médiateurs lorsqu’elle vivait ici. Il sait toujours exactement quand intervenir. Il sait utiliser les bons mots pour calmer les deux adelphes sans prendre parti. Il aime leur clouer le bec avec des répliques sèches et assassines qui a souvent fait sentir Felicia comme une gamine. Encore plus que d’habitude lorsqu’elle se trouve près de son frère.

Ce dernier s’est dirigé vers la cuisine préparer une théière. Elle en profite pour regarder la pièce. Comme à l’extérieur, rien n’a changé. Rien n’a bougé. Elle est à peu près certaine qu’aucun livre n’a été déplacé dans les bibliothèques. Les meubles sont les mêmes, tout comme les rideaux. Aucun ajout, aucun retrait. Tout est pareil. Bien rangé et ordonné, sauf quelques livres et parchemins sur lesquels le chercheur devait travailler avant d’être dérangé. Elle ne sait pas si ça la rassure ou si ça la désespère. Elle prend place sur le canapé sur lequel elle a pleurniché à de nombreuses reprises. Elle lisse sa robe rouge et dépose le bouquet de marguerite à ses côtés. Elle observe le chat ailé. Elle a des centaines de questions à lui poser concernant son frère, même si elle se doute qu’il ne dira rien. Elle n’a pas la chance de tenter, Finn la rejoint finalement, suivit des tasses et de la théière qui se déposent sur la table basse. Elle se penche et s’empare du gobelet devant elle, encore brûlant. Elle souffle sur le liquide ocre et avale une gorgée."Mon préféré. Tu n’as pas oublié. " Elle jette un regard tendre à Finn assis devant elle. Un petit détail insignifiant qui la touche plus que de raison. Ça aurait été pourtant difficile pour lui d’oublier étant donné que toutes leurs journées débutaient par un thé assis dans cette même position et quand elle était au plus bas, son jumeau lui en apportait toujours un, faute de savoir quoi faire d’autre. Ça laisse tout de même présager que leur colocation n’a pas laissé que des mauvaises traces.

Finnegan n’attend pas plus longtemps et demande un pourquoi à son tour. Pourquoi tient-elle tant à s’y rendre? C’est une bonne question. A-t-elle une bonne raison, à part, parce qu’il le faut? Elle n’en est pas certaine. Ce n’est certainement pas ça qui fera changer d’avis l’homme têtu. "Parce que ça fait neuf ans. Avant aujourd’hui, je ne me sentais pas prête à y aller. Je n’en avais pas la force mentale et physique. J’ai encore eu du mal à me lever ce matin. J’ai pleuré toute la nuit. Mais, je me suis dit que ça avait assez duré. Que je devais affronter mes démons. Je dois y aller pour voir si ça va m’aider à me sentir mieux. Et…" Elle n’a pas baissé le regard devant son frère, mais il devient plus suppliant. "Je veux y aller avec toi. Je veux qu’on le fasse ensemble. " Elle prend une pause en avalant un peu de thé. "J’ai besoin de toi. Tu es le seul qui peut comprendre. " Elle doute que ça le touche d’une quelconque façon, mais au moins, elle aura essayé.

smoke and mirrors

cw :évocation de décès ; deuil ; psychophobie

Aziraphale se laisse cajoler comme s’il n’était tout d’un coup plus un être sentient qui maintenait mordicus à qui voulait l’entendre qu’il avait adopté Finnegan plus que l’inverse, mais un simple matou d’appartement ronronnant de plaisir sous des attentions qu’il n’obtenait que très rarement de la part de son colocataire. Celui-ci d’ailleurs en profite pour s’échapper en direction de la cuisine où il prépare une théière et utilise le temps gagné afin de retrouver son calme. La visite surprise de Felicia l’impacte et le remue plus qu’il ne l’aurait escompté. Des souvenirs affluent, une rancoeur qu’il met d’ordinaire dans une boîte a trouvé la clé et tente maintenant de s’échapper sans que Finnegan ne puisse rien faire pour s’en débarrasser. Les intéressés ne sont après tout plus présents pour recevoir ses reproches que du reste il n’aurait pas su comment formuler.

Lorsque la bouilloire siffle (88° pour ce thé), il retourne dans le salon non sans avoir auparavant passé une main dans ses cheveux et tirer sur les manches de sa chemise. Sa sœur s’est installée confortablement, à l’instar d’autrefois elle n’est ni amorphe ni apathique. — Je n’oublie rien, pour dissimuler la gêne d'une quelconque tendresse entre les deux, reléguée au temps des jeux d'enfants. Finnegan s'installe sur le fauteuil, en lançant un regard accusateur à Aziraphale avant de reporter son attention sur la l'impromptue visiteuse.

Voir Felicia ainsi dans ses habits rouges, ne pas comprendre comment elle peut être autant attachée à une mère qui préférait ses recherches à sa vie familiales, qui l’a mise en danger plus souvent que sa jumelle ne semble le réaliser et qui avait si peu de contact avec la réalité qu’elle n’a même pas été capable de laisser en les quittant un corps sur lequel pleurer. Laissant à jamais subsister un doute dans le cerveau analytique de son fils. Ce tableau l'interroge, le trouble même. Jusque dans les battements d'un myocarde délaissé, l'amygdale s'agite et s'électrifie contre l'hippocampe. Souvenirs teintés d'émotions, l'association des deux n'a jamais été son fort.

Alors, il demande pourquoi . Alors, elle répond sans que cela ne l’éclaire. Alors, rien. — Je ne comprends pas non. Ne te méprends pas sur l’intentionnalité de mes mots, je ne cherche pas à te blesser. Mais je ne pense pas être la meilleure personne pour le simple fait que nous n’avons pas eu la même mère. Et nous ne vivons pas la même chose depuis sa mort. Du moins tente-t-il de s’en convaincre, Finnegan sent le regard d’Aziraphale - qui s’est posé auprès de Felicia, le traître - peser sur lui mais ne s’y confronte pas. — C’était qui pour toi notre mère ? On dit qu’il n’est pas de bon ton de dire du mal des morts, mais il n’en a jamais compris les raisons. Ce n’est pas parce qu’un mort ne peut rendre des comptes que l’on doit faire preuve de mémoire sélective à l’égard des actions de son vivant.

L’enfant forcé à apprendre à cuisiner si jeune se souvient.
Celui qui n’avait personne pour le border aussi.
Seul dans sa chambre. Seul dans le salon. Seul dans la maison. Seul.
Il se souvient.

Si personne n’est là pour entendre un enfant pleurer, est-ce qu’il fait du bruit ?

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