Le cycle est toujours le même, n’est-ce pas ? Ils reviennent de voyage, ne se parlent pas pendant quelque temps, puis, un hibou d’Aries O’Neill vient taper à votre fenêtre, portant à sa patte une proposition ou une autre. Généralement celle d’un café, d’un verre, afin de discuter d’un plan. D’un projet. D’un contrat. De quelque chose qui lui a été confié par quelqu’un.

Cette fois-ci, toutefois, le hibou qui a amené une proposition de prendre un verre à Pré-au-Lard (il avait besoin d’y passer pour récupérer quelques effets pour le travail)(on se souvient qu’Ambros est toujours un peu en train de travailler) à Malcolm Scrimgeour avait un ton un peu différent. Bien sûr, il y était question de projet, mais cette fois-ci… c’est le sien, de projet. Rien de confié par un commanditaire extérieur : que lui et une idée dont il désire parler à son camarade.
Un projet qui, il espère, il acceptera d’embarquer.
Cela fait trop longtemps qu’ils auraient dû le faire.

Ambros a pris la liberté de commander une Bièraubeurre pour Malcolm ― à peu près le truc le plus fort disponible aux Trois Balais, à son grand désarroi. Il ne s’y fera sans doute jamais, à ces réglementations idiotes qui ne font que gâcher le moindre de ses séjours au Royaume-Uni (et c’est sans parler du Mur qui le sépare de l’Irlande, comme on tente de le couper d’un membre pourtant encore bien vivant). Lui est déjà à sa deuxième chope, dont il goûte à peine le parfum pourtant réconfortant, chaleureux et délicieux : il boit plus par nervosité qu’autre chose, alors c’est probablement aussi bien qu’il ne soit pas directement à la grosse bière noire, ou au whiskey. Sinon, il serait en train de rouler sous la table avant même que Sid se pointe la tête au pub.

Ses yeux bleus courent jusqu’à la porte de l’établissement à chaque fois que celle-ci s’ouvre, avec un désintérêt parfaitement feint, et ce n’est que lorsque la haute silhouette connue en franchit le pas que l’Irlandais se laisse aller à un vrai sourire. À son bras levé, afin d’attirer l’attention du nouveau venu, jusqu’à la table plus reculée où il s’est installé avec son éternel sac de voyage en désordre. Il se lève même momentanément de son siège, les bras ouverts pour une accolade solide. « Hé, vieux frère », accueille-t-il son collègue, comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis des mois. Alors que ça n’en fait qu’un ― ce qui est déjà considérablement long, pour deux personnes qui ont vécu l’une sur l’autre pendant six mois juste cette année et ont traversé une épreuve qui ne peut pas être comprise par d’autres que celleux présent.e.s.

Ça lui a quand même fait un peu de bien, de prendre une pause de ses collègues.
Ça lui permet d’être sincèrement content de revoir Malcolm, ses yeux calmes, ses vêtements toujours impeccables. D’entendre sa voix… Merlin, de l’entendre, tout simplement, après des semaines de son filet de voix chuintant.

Une bonne tape dans le dos, une sur l’épaule, et il reprend place sur sa chaise, affectant une posture soigneusement décontractée (il est exécrable, on sait). La chope de Bièraubeurre destinée à son camarade est poussée vers lui, afin de lui indiquer qu’elle est sienne. « Drinks on me, mo chara, et il y aurait de quoi s’inquiéter, déjà : Ambros ne parle pratiquement jamais le gaélique irlandais en dehors de sa famille, et surtout pas pour appeler quelqu’un son ami. Quand on vous disait que c’était une situation très différente de celle habituelle… Quoi de neuf ? »

Malcolm marchait lentement à travers le village de Pré-au-Lard. Son regard passait lentement des toits des maisons avant de s’égarer sur le château de Poudlard. Il s’arrêta un instant comme hypnotisé par la scène. Il souffla longuement alors que le froid mordait déjà en cette période de l’année. Il avait passé des années très heureuses à Poudlard. Il était devenu celui qu’il souhaitait être, il n’avait jamais vraiment compris pourquoi on l’avait placé chez les Gryffondor… même après toutes ces années, son air songeur lui donnait un air complètement absent. Ce n’est que lorsqu’un homme vint lui tapoter l’épaule et lui indiquer qu’il était en plein milieu du chemin qu’il se ressaisit. Il avisa l’importun et s’excusa de déranger ainsi le passage. Il enfouit délicatement ses mains dans ses poches avant de chercher du regard Les Trois Balais. Il renifla un instant afin de humer le bon air de l’Écosse et se remis en route.

La discussion qu’il avait eue avec Kingsley le faisait frissonner. Son oncle l’avait chargé d’une mission importante. Il était maintenant entre deux eaux. Entre ceux qui ont décidé de ne plus supporter la situation actuelle et ceux qui louvoient encore dans l’ombre afin de pouvoir tirer le meilleur avantage qui soit de la situation. Son oncle avait ses objectifs propres dans cette guerre. Si l’ordre gagne, il pourra dire qu’il a participé à la résistance et il apparaîtra de fait comme un candidat potentiel au poste de ministre de la Magie. Si l’ordre perd, il pourra nier toute implication puisqu’il n’y a mêlé que son neveu. Malcolm prenait tous les risques, mais ceux-ci en valaient bien la peine. C’était le seul moyen en sa possession pour retrouver celle qui comptait le plus pour lui. Il serra doucement les poings à la simple idée qu’on ait pu lui faire du mal. Malgré les mois, malgré le désespoir qui le gagnait de jour, Malcolm était persuadé de pouvoir la retrouver un jour et de pouvoir enfin vivre la vie qu’il souhaitait avec elle.

Il passa la porte des trois balais en retroussant une narine. Le bar était comme avant : un peu vide. Il étira un large sourire quand il vit qu’Ambros était déjà là. Il tira délicatement ses gants pour les poser d’un air nonchalant sur la table. Il dut néanmoins les rattraper pour éviter qu’ils tombent de la table. Il s’approcha alors d’Ambros pour lui rendre son accolade « Ah ! Je te manquais trop ? » Il tira en même temps son écharpe pour la poser sur la troisième chaise. Il balaya la pièce du regard comme s’il cherchait à voir autant s’il y avait des agents du ministère que des têtes connues. Il abandonna sa tâche quand Ambros l’interpella en Gaélique. Ses yeux se posèrent sur la pinte et il répondit dans un gaélique assuré « Tapadh leat ». Ce terme était l’un des rares que l’Ex Auror avait retenus de ses cours de gaélique écossais. Ainsi, il pouvait informer les gens qu’il pleuvait ou du chemin à prendre pour retrouver la route. Il porta la bière à ses lèvres et en bu une gorgée tout en observant Ambros « Eh bien Ambros, c’est plutôt à moi de te poser cette question d’habitude ? Pour l’instant rien, mais j’ai commencé à faire jouer mes contacts pour retrouver Cat… on a plus le temps d’attendre de savoir quand elle reparaîtra… je… j’ai besoin de savoir Ambros. »