Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a aucune envie d’être là. Il a une longue après-midi d’entraînement dans les jambes et avant cela une série de nuits chaotiques passées pour l’essentiel à se retourner dans son lit avant qu’il ne cède et ne s’assomme à coup de breuvages magiques. Si, posté à côté de sa fiancée, il affiche un sourire qui ne faiblit pas depuis qu’il a mis un pied au Purity Ball, il crains malgré tout que son corps et son apparence ne trahissent son chaos intérieur.  Ses yeux sont indiscutablement fort cernés même s’il a réussi à amoindrir un peu le tout à coup d’artifices et il maigrit de façon visible, remplissant nettement moins bien son costume que plusieurs mois plus tôt.

Debout aux côtés d’Alexandra, sa future épouse (dommage pour lui, dommage pour elle), il s’efforce de converser sans faiblir ni décrocher de la discussion établie avec le couple qui leur fait face. Immanquablement on l’interroge un peu sur sa carrière et il se montre sociable, charmant, totalement à l’aise avant d’accuser un peu plus d’inconfort quand se dresse le sujet de son mariage à venir. Il laisse sa fiancée prendre un peu le relai, se met de façon subtile en retrait, regrettant presque qu’aucune fille ne surgisse pour lui réclamer une danse. C’est au moins l’avantage à ses fiançailles avec Alexandra (enfin, en théorie) : il a beaucoup plus la paix maintenant qu’il a officiellement été retiré de l’étal des bons partis encore disponibles. Il n’est plus sur le marché et du coup plus aussi sollicité pour tournoyer jusqu’à ce que mort s’ensuive (ou quelque chose qui s’en approche) sur la piste. Ce qui est inquiétant, c’est qu’il vit si mal ses fiançailles qu’être pris pour cible lui manque presque tout à coup. Sa situation a un parfum trop définitif qui l’étrangle et explique à lui seul son manque de sommeil et d’appétit.

Il descend lentement le contenu de sa troisième coupe, y allant petite gorgée par petite gorgée. Il a envie de quelque chose de plus fort que ce champagne pétillant qu’il s’efforce de consommer en petite quantité. Il lâche un peu le fil de la discussion à laquelle il est sensé être toujours intégré et jette à la place un bref regard autour de lui. Il repère masse de visages connus dans la foule, y compris ceux de certains membres de sa famille. Il replace ensuite son attention sur Alexandra, (qui mérite qu’il s’intéresse quand même un peu à elle) au moment où le couple en face d’eux se détourne, cédant place à d’autres connaissances. Corvus décide de saisir cette occasion et se penche vers l’oreille de sa promise pour s’adresser à elle en confidence. Il ne lui réclame pas l’autorisation de lui fausser brièvement compagnie (manquerait plus que ça, qu’on l’encombre d’une seconde maman plutôt que d’une épouse), l’informe simplement gentiment qu’il va faire un tour dehors. Il attend qu’elle approuve, quand même, mais ne s’attarde pas sur l’expression de son visage. Est-ce qu’elle est contrariée qu’il se dérobe ainsi à sa compagnie ? Peut-être. Franchement, il n’estime pas être grossier. Ils sont là depuis deux heures au moins et tout ce temps durant il n’a pas faillit, la suivant docilement où qu’elle aille sans jamais accuser la plus petite baisse d’énergie. Il a bien mérité de s’échapper un peu. Il commence donc à se diriger vers un coin plus reculé depuis lequel il pourra plus facilement s’engouffrer par l’une des grandes portes fenêtres. Se faisant il se débarrasse de sa coupe vidée et croise les doigts pour qu’aucune connaissance de longue date ne le saisisse au vol pour l’empêcher d’aller prendre un bon bol d’air frais. Peut-être même qu’il va tirer de son pantalon son paquet de clopes, aussi, s’il réussit à se trouver un coin assez peu exposé de sorte à pouvoir écraser subtilement sa cigarette s’il devait être brutalement interrompu dans son moment de réclusion.

Il n’est plus très loin de déboucher sur l’extérieur, cependant, quand une silhouette commence à fendre la masse d’invités dans sa direction. Corvus se fige machinalement, ravale un soupire avant que son champ de vision ne se précise. Heureusement pour lui, il ne s’agit pas de quelqu’un de susceptible de foirer son plan. Mili le salue en venant s’adosser au mur contre lequel Corvus a pris appui à l’instant. « Hey » il laisse son ami récupérer deux coupes et se saisit de celle qu’il lui tend avec une inclinaison de la tête en guise de remerciement. « Sort of. I can't leave Alexandra behind before I even marry her. » Et il ne pourra pas davantage le faire une fois la bague glissée au doigt. Il n’y a plus de sortie possible, plus de voie dégagée pour lui. Il est résolument coincé. Sa cage s’est refermée. Il se retiens de tirer sur le noeud de sa cravate qui l’étrangle un peu trop. Il est encore un peu trop en vue pour ça. A la place il dérobe une nouvelle gorgée de champagne en écoutant Mili se plaindre de leurs connaissances respectives. L’élite sorcière, toute pompeuse et pomponnée, qui gravite autour d’eux. « They’re not that bad I guess. At least some of them. » Car il y a de belles ordures dans le lot quand même. Corvus en compte jusque dans son arbre généalogique. Nul besoin de partir bien loin pour atteindre les premiers fruits pourris. « You come ? » Corvus décolle son torse du mur pour désigner d’un léger mouvement de tête la fenêtre à quelques pas d’eux. « I could use some fresh air. » Il n’attend pas franchement de réponse, connaissant assez Mili pour savoir qu’il n’y a aucun monde dans lequel ce dernier lui fournirait une réponse négative.

Non sans lancer un dernier regard derrière lui histoire de s’assurer rapidement qu’Alexandra n’est pas toute seule, Corvus s’engouffre par la porte fenêtre. Il ne s’attarde pas sur la jolie vue offerte sur le jardin bien éclairé (un peu trop même) et se met à la place sur le champ en quête d’un coin un peu plus gourmand en ombres. Il a longé un peu le bâtiment quand il finit par trouver un endroit qui lui apporte à peu près satisfaction. Il s’arrête et, sa coupe de champagne toujours dans sa main droite, il use de l’autre pour fourrager dans son pantalon et en extirper un paquet de clopes moldu. Il récupère aussi son briquet. « Can you..? » Il tend sa coupe à Mili pour qu’il la lui tienne le temps qu’il allume sa cigarette et s’exécute une fois ses deux mains libérées. Il coince ensuite la cigarette entre ses lèvres et en propose une à son ami avant de chercher à récupérer sa coupe. « Do you want one ? » La politesse, tout ça, d’autant que si Corvus ne manque pas d’une chose, c’est bien de clopes.