Il est près de vingt-trois heures et surprise, Felicia se trouve toujours dans son atelier au BITE travaillant sur un projet collaboratif avec un collègue du bureau d’expérimentation sur les hybrides et cracmols. Cela fait près d’un mois qu’elle passe toutes ses soirées à ses côtés à discuter, échanger et expérimenter. Si au départ, elle était plutôt ennuyée par le dossier et que ça la frustrait de ne pas pouvoir aller à son rythme, elle a très vite embarqué dans la cadence de Markus Von Baüme qui est un hyperactif du travail. Il ne lui a jamais mis de pression et elle ne s’est jamais sentie de trop, même s’il est évident que l’homme à l’habitude de travailler seul. Il lui laisse la place et ne prend pas tous les crédits lorsque le directeur des mystères vient s’enquérir de leurs avancements. Elle ne sait pas si c’est vraiment le projet qui l’emballe au final ou si elle veut prouver quelque chose à Markus, reste qu’il est très rare qu’elle soit encore en poste à cette heure plutôt tardive. Mais lorsqu’elle se sent motivée, vaut mieux ne pas gaspiller cette motivation qui lui fait défaut plus souvent qu’autrement.

Felicia a beau avoir un bureau avec tous les derniers instruments et équipements dernier cri au ministère, c’est ici qu’elle travaille le mieux. Dans sa petite stalle avec ses outils, ses manuels, ses notes, ses odeurs et ses collègues qu’elle considère comme sa famille qui gravite autour d’elle. Rien à voir avec les départements très fermés et les discussions quasi impossibles entre langues-de-plombs du niveau neuf. Les sons de la vieille maison qui les abrite la réconfortent, le bazar qui règne, les parfums bizarres et les conversations incessantes aident à sa concentration. Elle se sent bien quand il y a de l’action autour d’elle.  Ce soir-là, l’endroit est toutefois vide et plutôt silencieux. Seul Leopold est encore là, sans qu’elle ne soit vraiment étonnée. Elle peut l’entendre au travers du mur qui sépare leurs deux ateliers. Elle ne sait pas ce qu’il trafique, mais elle entend des sortes d’explosion, des jurons et il y a une fumée verdâtre qui s’évacue de sous la porte. Il lui a semblé très concentré alors elle n’a pas osé le déranger. Elle prépare une potion de son côté, un peu en improvisation. Une idée qu’elle a eu en revenant du ministère. Elle aurait pu attendre au lendemain pour s’y mettre, mais les chances qu’elle oublie sont très élevées et elle est certaine que ça pourra faire avancer leur projet à Markus et elle. Elle a déjà hâte de voir sa tête quand elle va lui montrer.

Elle ajoute un ingrédient et aussitôt il y a une forte réaction qui se produit. Elle recule ne s’attendant pas à ça. Elle grimace. Ce n’était peut-être pas une bonne idée après tout. Une fumée épaisse et mauve violacée s’échappe de son contenant et prend possession de toute la pièce et ce n’est pas très long qu’elle traverse toutes les ouvertures. Felicia tousse et balai les effluves avec un livre. Puis, une grosse rafale déferle sur elle, la faisant tomber sur les fesses et c’est le noir complet. "Oh merde. Ça c’est pas bon." Qu’elle murmure en se relevant. Elle prend sa baguette qu’elle sait sur sa table de travail. Elle formule un sort pour rallumer les chandelles, mais rien ne se produit. Elle tente à nouveau, toujours rien. Elle se sent bizarre. Il manque quelque chose, sans qu’elle ne sache quoi exactement. "Popol? J’ai brisé ma baguette j’crois. Tu peux rallumer?" À tâtons, elle trouve la poignée de la porte et l’ouvre pour se diriger vers Leopold.

Non, ce genre de situation est loin d’être rare au BITE. C’est même plutôt fréquent et c’est plutôt s’il n’y a aucun événement fâcheux pendant la semaine qu’il faut se poser des questions. Ça signifie que les alchimistes ne travaillent pas assez ou qu’ils n’ont pas d’idées à la fois saugrenues, merveilleuses et dangereuses. C’est la base de leurs études. Felicia a à peine réagit lorsque toutes les lumières se sont éteintes d’un seul coup et qu’elle s’est retrouvée dans le noir complet.  Une soirée normale au BITE, rien pour s’inquiéter. Juste un peu désagréable. Elle est ennuyée de devoir faire une pause forcée alors qu’elle est motivée, mais ça ne l’irrite pas. C’est juste comme ça. La fumée s’épaissit de plus en plus, rendant la respiration difficile et l’air pesant. La tête commence un peu à lui tourner, mais impossible de dissipée les vapeurs, sa baguette ne fonctionne pas. Elle essaie tous les sorts qui lui sortent par la tête, rien ne se produit. C’est comme si la magie avait disparue. Ce qui est plutôt embêtant quand on est une sorcière, mais encore là, ce n’est pas si exceptionnel. Ce n’est sans doute pas la première fois qu’une telle chose se produit entre ses murs qui en ont vu d’autres. Des trucs beaucoup plus importants, affreux et glauques. Une petite perte de magie n’est rien. Il faut quand même arranger les choses et Leopold peut certainement l’aider. Quelque chose lui dit qu’il y est pour quelque chose. La fumée verte qui semble s’être mélangée à celle mauve provenant de son atelier. À travers le mur et en cherchant la porte, elle lui demande s’il peut rallumer, mais il lui confirme que lui aussi sa magie ne fonctionne. "Ah bah génial ça, je sentais bien qu’il manquait quelque chose! La magie!" Elle rigole parce que c’est assez marrant comme résultat. "T’as déjà vécu comme un moldu toi? C’est pas si mal, en vrai! Je pourrais te montrer plein de trucs."

Elle trouve finalement la poignée et fonce dans son collègue qui venait vers elle, elle n’avait pas bien entendu qu’il venait vers elle. "Aïe. Pardon. On voit rien, putain! T’as commencé à faire du sport ou quoi?" Elle s’accroche à son bras pour éviter de tomber et se guider l’un et l’autre. "Tu sais que je ne fais jamais les choses normalement." Répond-elle aussitôt. Felicia ne fait rien comme les autres. Elle prend toujours les chemins les plus sinueux avec le plus d’obstacles possibles. Elle ne fait rien de façon linéaire, simple ou normal. Comme eux tous, en fin de compte. Ce n’est toutefois pas le moment de tergiverser sur ce qui l’a menée là, mais surtout de défaire le maléfice. "Oh là, tu m’en demandes une bonne. Je ne peux pas te dire précisément ce que j’ai pu mettre dans mon chaudron." Sa façon de fonctionner est très aléatoire, sans surprise. Elle met plusieurs ingrédients sur son plan de travail et y va un peu au hasard, sans vraiment calculer ou peser, mais plutôt selon les propriétés de ses ingrédients et les effets qu’elle recherche. "Alors, si je me souviens bien, il y avait huuum. Merde, c’est chiant de ne pas te voir. Tu pourrais être nu et je ne le saurai même pas. Enfin bref, il y avait du pavot somnifère, de la mandragore je pense…mmm de la datura…, de la peau de cobra…tu as une idée de ce qui s’est passé?"