Le téléphone d’Aine avait vibré dans sa poche et cela était assez rare pour qu’elle ouvre le clapet immédiatement pour voir s’afficher un numéro inconnu sur l’écran. Ça aussi c’était étrange, tout ceux qui avaient son numéro étaient enregistrés dans ses contacts sous un surnom vaguement ridicule choisi par ses soins et –  Hey ! It's me. Sorry I took a while to text back but I was kinda busy. Wanna meet up ? It’s me. It’s me ?? Ça pouvait être n’importe qui, mais en fait pas vraiment parce qu’ils n’étaient pas cinquante à savoir comment la contacter, et les dates coïncidaient avec la libération de l’arène géante de laquelle avait réchappé d’anciens disparus – mais est-ce que ce n’était pas trop beau pour être vrai ?

Aine lorgna son téléphone d’un œil suspicieux pendant un moment avant de taper : It better be you    Tonight 11pm in the parc near Lola’s former place ?? et d’attendre une réponse positive pour penser tout le reste de la journée à comment elle allait où tomber dans un piège (not so Ravenclaw of you, elle entendait presque Mallo le lui signaler) ou tomber sur Andy après qu’il ait disparu de la surface de la terre. Parce qu’il était busy ????

Heure prévue, Aine laissa entendre qu’elle sortait à Londres et transplana. C’était somme toute relativement safe, elle n’avait pas de tatouage sur la joue, juste une rune sur la nuque largement dissimulée par sa queue de cheval, de toute façon, elle n’avait pas peur, elle avait les doigts refermés sur son couteau suisse fermé dans sa poche.

Elle poussa la barrière du parc et vint s’asseoir sur un banc, une jambe repliée sous elle, l’autre se balançant dans le vide tandis qu’elle regardait passer un promeneur de chien à l’autre bout de square. Bruits de pas, elle tourna la tête, fronça les sourcils et plissa les yeux. La silhouette ressemblait, la taille correspondait, la démarche aussi, mais pourquoi est-ce que ce ne serait pas un clone ? Pire, un inferi ?? Aine leva les yeux vers lui sans bouger, attendit qu’il soit bien placé dans la lumière du lampadaire le plus proche et capta la lueur dans le regard. Pas de doute (enfin si, un petit parce qu’on n’était jamais vraiment sûr de rien), c’était lui.

- You deserting bitch I thought you were dead! s’écria-t-elle, en se levant.

Elle se retrouva debout sur le banc, surplombant (enfin) Andy d’une tête, de quoi lui faciliter la vie lorsqu’elle lui sauta dessus façon koala, ses yeux brusquement larmoyants mais c’était parce qu’il y avait une petite brise et qu’elle avait les yeux sensibles.

- What do you mean your were busy? Admit it you were in that shitshow hunting rabbits?! continua-t-elle de brailler lorsque ses pieds touchèrent à nouveau le sol.

Elle essuya ses yeux qui avaient lâchement coulés, remonta sur le banc pour s’asseoir sur le dossier en jetant à Andy un regard l’invitant à faire de même. Ça faisait combien de temps, cinq ans ? Quatre ? Elle était certaine qu’il n’était pas mort, ou plutôt, elle n’avait jamais process le fait qu’il n’était plus là. Il y avait toujours autre chose à penser, elle pouvait se répéter qu’elle le reverrait bientôt, qu’il finirait par réapparaître quand il aurait fini de comater sur le canapé de quelqu’un.

- It’s been a week no? Seo Jun and Ayden went there. Where are you staying?

Elle avait tellement de choses à lui raconter, et elle se demandait surtout comment il avait survécu là-bas aussi longtemps - pas qu'elle doutait de lui bien sûr (si, un peu) mais entre la désintox forcée qu'il avait du subir et les conditions de vie que lui avaient rapportés les autres, elle voyait mal comment Andy (comment un humain, en fait) aurait pu s'en sortir quatre ans.

Andy était vivant, le gouvernement ne l’avait pas zigouillé, Andy était donc un résistant lui aussi, un caïd; comme quoi Aine avait bien choisi son bro. Perchée sur son banc, elle le regardait de haut d’un air méfiant, son cerveau étonnement performant lorsqu'il il s'agissait de faire des suppositions sur le traitement que le régime pouvait réserver à ses prisonniers, puis elle décida que faux-Andy n’aurait pas eu son numéro de téléphone en mémoire (il s’en était souvenu pendant quatre ans ???) et qu’il n’aurait pas pris la peine de pleurnicher quand elle lui sautait dans les bras (du Andy tout craché ça encore.)

- I thought I was dead too.

Elle sourit, risette un peu bancale à cause des larmes qui brouillaient sa vision et sauta par terre, se hissant sur la pointe des pieds pour passer sèchement la main sur les joues du brun et les essuyer.

- Idiot, marmonna-t-elle. You’d be dead I’d have made a fucking ritual and your damn ghost would never have find peace.

Elle avait dit ça d’un air boudeur alors qu’elle se rasseyait, son regard quittant Andy pour se poser sur le parc devant eux. Heureusement que le brun avait au moins l’air désolé, il fallait au moins ça pour se faire pardonner son abandon presque volontaire alors qu’il était le seul (enfin, l’un des seuls) homme décent sur Terre et clairement un membre de sa famille.

- I wasn't hunting rabbits !

- Yeah and how did you eat? You found a Tesco somewhere in the middle of nowhere??

- Well, I wasn't just hunting rabbits. I was busy trying not to die actually.

- Shocking, déclara-t-elle. I'm impressed, pause, elle dévisagea Andy d’un air inquisiteur, petit rictus au coin des lèvres, et elle haussa les sourcils. Who helped you?

Elle le fixait toujours, se demanda si elle y allait trop fort ou pas (ce qu’elle ne faisait jamais sauf si c’était les sentiments d’Andy qu’elle menaçait de heurter en étant seulement son usual self) et opta pour un oui puisqu’elle heurtait en fait tout le temps sa sensibilité (du moins avant, mais peut-être que c’était pire maintenant ((urgh)) ou peut-être pas, peut-être qu’il s’était endurci ??) Dans le doute, elle lui tapota l’épaule.

- Yeah, just about a week. I stayed a bit with the Order, but it was too... Too much ? Too crowded.

Et bien non, il ne s’était pas endurci. Tant pis, Aine l’avait supporté plusieurs années comme ça, elle pouvait continuer encore, d’autant plus qu’avec son retour, elle était dans de particulièrement bonnes dispositions vis-à-vis de lui.

- I came to London a couple days ago and I'm crashing an old mate's couch.

- Duh, dit-elle avec une moue. One of the crackheads? It's really really not a good idea, enchaîna-t-elle sans attendre de confirmation. Ces cons là allaient le vendre aux autorités contre deux mornilles pour payer leur came.

Aine appuya ses coudes sur ses genoux et appuya son menton sur son poing, ses iris rivés sur Andy. Une ombre d’inquiétude passa dans ses yeux lorsqu’elle prit conscience de ce que ça impliquait.

- You managed to come off it? reprit-elle, toute radoucie. You're not gonna relapse now right?? Elle espérait que non, aussi cool soit le Andy défoncé, elle aimait autant quand il était son usual & pretty boring self (qu'elle n'avouerait jamais adorer) et ne risquait pas l'overdose sur un canapé miteux qui ne lui apprtenait même pas.

Ses yeux se posèrent sur les mains du brun, elle le regarda jouer avec les cordons de son sweat et reposa la main sur son épaule en guise de soutient.

- I must have missed a lot of thing.

- Yes, but I can keep you updated, affirma-t-elle en accrochant le regard d’Andy, très alarmée d’y voir les prémices d’une nouvelle crise de larmes. Merde, son mode par défaut ne comportait pas de fonction "rassurer son bro qui avait vécu l’enfer." Elle fronça un peu les sourcils.

- I missed you so much.

- Ok no stop, don’t cry, lui intima-t-elle. Elle glissa son bras autour des deux épaules d’Andy et l’enlaça brièvement. I missed your stupid face too.

Et comme ce n'était pas pour elle les démonstrations d'affection trop poussées, Aine récupéra son bras quoiqu'elle laissa l'autre autour des épaules du brun des fois que ça suffise à l'empêcher de sangloter.

- How long are you staying at that guy's place? I can ask my crew to put you up, like you're not supposed to because you humans are useless but I can put a word in for you cause you're not just any human.

C'était clairement un compliment, comme quoi Andy avait deux défauts majeurs qui auraient dû être rédhibitoires pour Aine (être un homme et un humain !!) et pourtant elle était là à se plier en quatre pour que son retour dans la vie réelle soit le plus doux possible.

cw. offensive language, mention of drug addiction

Il y avait des gens qu’on oubliait jamais et Andy était de ceux là ; on avait jamais pu attester avec certitude si les disparus des dernières années allaient revenir ou pas, s’ils étaient morts ou enfermés, malades ou en bonne santé, mais Aine avait beaucoup espéré que ses amis vivaient la vie de château quelque part dans une île paradisiaque et qu’ils reviendraient une fois leur bagne terminé plutôt que de les imaginer morts et enterrés dans une fosse commune de la campagne londonienne. Elle avait eu raison, il y avait bien une île (bon, elle n’était apparemment pas paradisiaque) et ils étaient bien revenus du bagne en chair et en os.

Ça lui faisait un petit choc de revoir Andy, il avait un peu vieilli (mais il n’avait toujours pas de barbe) et peut-être qu’il avait encore grandi, et il n’avait plus le regard rouge et vitreux de l’époque où elle l’avait rencontré. Aine ne savait pas trop quoi en penser, elle aimait bien l’ancien Andy, mais sans doute que le nouveau ne pouvait qu’être une meilleure version de la précédente.

- Thank god I'm not dead then.

Le regard noir et menaçant qu’elle voulut lui lancer se transforma en sourire et elle lui rendit la pression sur sa main, décidant qu’elle pouvait laisser passer la lâcheté honteuse dont il avait fait preuve en disparaissant sans au moins laisser un message. Elle avait surtout d’autres points à clarifier, comme son ébahissement à savoir que ce mec de vingt piges qui n’avait jamais rien connu que la bouffe végétarienne et la came avait pu survivre en pleine nature pendant si longtemps. Si des gens avaient des skills en survie, ce n’était pas Andy, elle en était sûre.

- Yeah actually, there was one right in the middle of the island. With lots of organic veggies and stuff.

- Ahah, very funny, dit-elle avec un claquement de langue et un balancement du chef plein de jugement. Il avait perdu sa capacité à faire des blagues drôles, elle notait cela dans la liste des choses à lui réapprendre. Quoiqu’il en soit, Andy avait bel et bien survécu et c’était tant mieux pour tout le monde (sauf les mangemorts qui devaient avoir le seum), et Aine était finalement impressionnée par son pote qu’elle avait sous-estimé trop longtemps. Et dire qu’elle l’aurait cru du genre à mourir en mangeant une cacahuète.

- hey ! No one, I helped myself. Well actually we helped each other out. I don't think any of us could have survived all alone. But still I'm not totally helpless !

- Hmm, fit-elle, l’air incrédule. Admit it, someone took pity of you? You served the puppy eyes to a Deatheater? No! she gasped. You sucked someone’s cock??

La technique du dernier espoir, pas de jugement là-dessus, on faisait comme on pouvait et elle n’aurait certainement pas été la dernière à recourir à la technique pour s’en sortir si arracher la tête de l’ennemi, la fuite ou toute autre alternative étaient hors de propos.

- Oh, did you know that all your friends joined me there too ?

- Really? s’écria-t-elle, interrompue dans son classement des différentes techniques de survie. Which friends?

Elle ne savait pas qu’elle en avait tant que ça, encore moins qu’ils étaient tous là où Andy était. On en apprenait tous les jours. L’agitation retomba finalement et même Aine sentie que cela devenait plus sérieux, parce que tout cela était bien marrant, les blagues sur le retour de son pote étaient très drôles mais il avait toute une vie à reconstruire à partir de rien et personne pour l’y aider efficacement. Bien sur, la brune le savait bien plus capable de se débrouiller à Londres que dans la nature, elle avait bien vu qu’il savait trouver où dormir et comment ne pas mourir de faim en paysage urbain, mais l’époque était révolue – Aine s’était détachée des crackheads depuis longtemps et Andy aussi, il ne faisait pas bon y retourner, c’était la porte ouverte à la rechute.

- Yeah, one of them. I know it's not the smartest idea, I'm looking for another place, but for now it will do.

- I thought they would have been dead by now, dit-elle avec une petite moue. Tous n’avaient pas eu accès au meilleur centre de réhabilitation du pays apparemment, parce qu’Andy, lui, avait l’air plus clean qu’elle ne l’avait jamais vu.

- I didn't manage anything, I just didn't had any choices.

- It’s not as if you would’ve done it if you had a choice, rétorqua-t-elle, son ton cassant habituel reprenant le dessus. Ses sentiments vis à vis des stupéfiants étaient restés virulents, c’étaient eux qui l’avaient conduite au bordel et à tout ce qui avait suivi.

- But yes, I'm clean now. Elle restait un peu suspicieuse, junkie un jour junkie toujours pas vrai. No I won't. I don't want to. The withdrawal was awful, I'm not going through that again

- That’s my boy, lança-t-elle. Et elle tendit sa main ouverte, esquissant un grand sourire par la même occasion. High-five bro, to your cleanness.

Mais voilà qu’il avait l’air au bord des larmes maintenant, si bien qu’Aine se demanda si elle y avait été trop fort et avait oublié comment gérer les émotions de son soft bff en quatre ans d’absence. Elle tenta de rattraper les choses en lui promettant de l’informer de tout ce qu’il s’était passé (envisageait déjà le discours enflammé qui accompagnerait le résumé des mesures d’exclusion des hybrides de la voie publique), opta même pour la main sur l’épaule et l’injonction à ne pas pleurer (tout de même, quitte à pleurer, autant avoir une vraie raison, voire la liste dument préparée par Aine elle-même), referma même son bras autour de ses épaules pour lui faire un câlin. Elle se rendit compte à ce moment là que malgré le temps passé, Andy avait quand même une place très spéciale dans son cœur et que personne ne lui arrivait à la cheville, décida que pour ça, il méritait d’avoir une place à la ferme même s’il n’était qu’un humain lambda qui pleurait un peu trop facilement.

- I don't know, not long I hope. I'll try to find better place to live soon, it's just a bit tricky at the minute, elle opine, comprehensive. But if I can't find anything, and if it's not too much trouble for you, I'd like that yeah.

- I’ll talk to the crew, they can’t refuse me anything anyway, affirma-t-elle avec un demi-sourire fier. Si elle pouvait dire ça en toute confiance, c’est parce qu’elle savait comment se rendre insupportable jusqu’à faire craquer son auditoire, si en plus c’était Andy qu’on refusait, cela n’allait qu’être pire.