tw; angst, deuil, mort,
self-hate, what ifs but it's
cathartique et à la fin
it's gonna be okay


Johannes n’avait pas dormi.

Ce n’était pas à cause des blessures qui avaient cicatrisées depuis l’attaque sur Little Italy. Ce n’était pas à cause des milliers de pensées qui s'entrechoquaient dans son esprit. Ce n’était pas à cause de ses inquiétudes, ses doutes ou remises en question. Non, il avait passé la nuit afin de guetter l’aube, comme si au moindre moment un éclair allait venir le faucher définitivement.

Rien. Absolument rien.

Il y avait d’abord un soupir de soulagement. Le regard se perdant dans le ciel qui se parait d’une couleur rosée au teint bleuté, les premiers rayons venant se refléter sur la rosée du matin perlant. L’air frais d’octobre secouait ses cheveux, alors qu'il tournait la tête, échangeant un petit regard avec Elias. Ce dernier l’avait rejoint au milieu de la nuit sur le toit de la townhouse du Raven’s Nest. C’était comme autrefois, quand, adolescents, ils se glissaient au sommet de la tour d’Astronomie pour aller observer les étoiles. Ce soir-là, ils n’avaient pas eu besoin de se parler, ni de dire un mot, tous les deux avaient attendu ce jour depuis des années et il n’y avait rien qui pouvait dire si dans deux ans, Elias pourra en dire autant. Johannes esquissait un léger sourire amusé, un frisson parcourant tout son corps. Son cerveau, qui s’était engourdi dans la soirée, reprenait du service, comme frappé par la réalisation qu’il était encore vivant. Un nouveau jour, mais rien n’avait changé.

Il n’y a plus de raison d’appréhender la suite.
Il n’y a plus de raison de prendre des risques inutiles.
Il n’y a plus de raison de craindre la faucheuse plus que les autres.

Ce n’était pourtant pas elle que Johannes avait toujours crainte, c’était l’idée de laisser les autres derrière lui. C’était l’idée de laisser Elias seul. Il allait pouvoir se concentrer sur autre chose. Il avait passé un cap que les héritiers mâles Runcorn n’avaient pas atteint depuis plus de trois siècles. Une chance. Celle de l’irlandais peut-être. Il ne voulait pas qu’elle devienne une injustice. Ou un nouveau poids sur ses épaules si Elias venait à succomber à son tour. Et pourtant, cette crainte était beaucoup moins forte, peut-être parce qu’une part de son frère était partie avec Abigail quatre ans plus tôt. Peut-être parce qu’une autre partie était partie bien avant, avec la mort de leur mère. Peut-être parce qu’une part de lui aussi était partie avec la transformation de Johannes. Peut-être parce qu'Elias ne méritait pas de vivre deuils après deuils des personnes qui comptaient pour lui. Johannes savait qu’il ne supporterait pas la mort de son frère, mais il serait incapable de se détruit dans le processus. L’inverse, en revanche, n’était pas le cas, c’était pour cela que Johannes devait vivre, il devait aussi arrêter de porter le monde sur ses épaules, sinon il finirait par passer de l’autre côté et aucune malédiction familiale ne pourrait plus  lui servir d’excuse.

Elias se redressait, laissant son frère seul. Ils se reverront plus tard, Johannes n’avait rien prévu de spécial pour cette journée, il n’avait rien prévu après le sept octobre. À l’exception qu’il devait une tournée générale aux membres de l’Ordre et au Avengers. Par conséquent, il allait devoir trouver quelqu’un pour lui fournir à boire. Il pensait à Riker. Pour le reste, les livraisons de Sweet River aux autres planque lui permettraient de ratisser un maximum de planque, s’il s’organisait correctement. Ce n’était pas nécessaire non plus d’en faire un événement, ils avaient d’autres chats à fouetter, mais il avait fait une promesse et il s’y tiendrait.

L’idée l’amusait. Et il y avait bien eu un soupir de soulagement, donc une raison de célébrer.

On n'avait pas tous les jours quarante ans.

Alors, pourquoi ne sentait-il pas plus léger ? Au moins avoir la sensation d’avoir un poids soulevé, avec de nouvelles déterminations et enfin remonter ce puits dans lequel il était tombé depuis trois ans. Il avait pourtant retrouvé un peu de foi, si ce n’était pas pour tout, il avait repris ses cours, il avait commencé ses stages, ils avaient réussi à sauver des prisonniers des battues et secouer les mangemorts, et cette élite sous le joug de Voldemort. Il y avait une nouvelle énergie qui circulait au sein de l’Ordre, nouvelle volonté et détermination, qu’ils soutenaient, à laquelle il participait. Oui, il était prudent, oui, il voulait rester réservé. Et pourtant, il y avait toujours cette ombre qui planait.

Il la détestait.
Il se détestait.

Il avait pourtant longtemps fait une croix sur l’héritage qui lui revenait sans arrêt à la figure à la moindre confrontation avec les mangemorts. Les discussions sur sa nature qu’il avait pu avoir avec Perseus au printemps, ou celle depuis le retour de Rozhan cet automne, lui confirmait qu’il était sur le bon chemin de l’accepter, ce qui lui permettra de continuer à mieux la contrôler. Alors, d’où venait cette rage qui ne cessait de venir le prendre à la gorge, la même qui lui permettait pourtant d’être aussi efficace en situation de combat, qui faisait vibrer tout son être et qui de plus animait cette faim. Pourquoi n’avait-il pas réussi à se réjouir d’être encore là après avoir frôlé la mort une nouvelle fois ? Pourquoi ne se réjouissait-il pas d’être encore là aujourd’hui ?

L’oiseau noir s’envolait. Loin du Raven’s Nest, restant sous la cime des arbres, avant de longer la côte, afin de rester dans l’ombre et de ne pas brûler au soleil.

Quelques heures plus tard, il a atteignait sa destination. L’animal s’engouffrait dans une ouverture à peine visible à l’œil nu. Le bruit des vagues qui s’écrasaient quelques mètres plus bas s’estompaient, au fur et a mesure que la silhouette du vampire s’enfonçait dans la grotte, illuminée par les flammes bleues. Le silence ambiant prenait place, brisé uniquement par l’écho des pas de Johannes qui finissait par s’arrêter au centre de la pièce. Tournant un instant sur lui-même, reprenant son souffle, alors que son regard se posait sur les noms inscrits sur les bougeoirs. Autour de certains, quelques bricoles laissaient autour, quelques mots, quelques lettres. Un sourire triste s’esquissait sur ses lèvres, alors qu’il frôlait du doigt l’un des murs de pierre, pour finalement se pencher pour retrouver la bougie d’Abigaïl. Il ignorait toujours si Elias était venu ici, il sortait de sa poche une pâquerette qu’il déposait avec un petit mot. On avance. Promettait-il, avec un sourire désolé, avant de continuer à chercher d’autres noms. Lee. Tu manques beaucoup à Elena, mais aussi à Minerva, c’est difficile sans toi. Orchid. Flora. Hestia. The Librarian. Je continue à piquer quelques livres aux archives. Dough. Alastor. Tu avais fini par trop déteindre sur Kingsley tu sais… Fred. Tu dois tout savoir déjà, mais félicitations tonton. Albus. Thyme. Il s’arrêtait un instant sur la bougie qu’il avait installée pour Aoïfe, et il y glissait un morceau de papier avec un lys. Je pense que désormais tu es celle qui a le plus de foi en eux désormais. se désolait-il, avant de déposer un second lys près de la bougie dans la case à côté avec le prénom de Sofiane. Son manège se poursuivit pendant plusieurs minutes avant qu’il ne revienne sur ses pas, trouvant une case inoccupée, sortant alors un bougeoir sur lequel était gravé Concobhar, qu’il plaçait à l’intérieur, quelques flammes bleues s’échappant de sa baguette. C’est un peu tard, je sais, j’espère que tu m’excuseras pour les vingt-et-une années de retard papa…

Debout, au bord de la falaise, une cigarette entre les lèvres, Johannes avait remis sa casquette et relevé le col de sa veste afin de ne pas trop exposer sa peau au soleil, son regard derrière les verres fumés fixé sur l’horizon. La journée allait être superbe, et même si le temps tournait à l’orage, il n’y avait pas de tempête que lui et les membres de l'Ordre ne pourraient affronter.