Chaque visite au M&S ou presque (il peut compter les exceptions sur les doigts d’une seule de ses mains) a le don de donner à Liam l’envie de ne plus jamais renouveler l’expérience. Aujourd’hui, pourtant, ça ne se passe pas si mal. Ça fait une bonne heure qu’il est là et il n’a pas élevé la voix une seule fois. L’absence d’America n’y est pas pour rien. En arrivant sur place il s’est naturellement enquit de l’état de l’ancienne responsable de la planque auprès de la première personne qu’il a croisé et il a eut droit à une réponse claire et concise. Yes she's fine. No, you can't see her, she suffers from headaches. Le tout lâché sur un ton passif-agressif le décourageant d’insister dans cette voie (rien de bien neuf sous le soleil). Liam n’a pas insisté. Entrer en conflit avec les habitants du M&S, même brièvement, ne l’intéresse pas s’il peut l’éviter, d’autant plus si sa récompense doit se résumer à une conversation irrémédiablement houleuse avec America Clarke. Ça ne vaut pas le coup. De plus, il n’a pas besoin de la présence d’America,  rien du moins qui puisse justifier de l’embêter alors qu’elle est en proie à un mal de crâne suffisamment lourd pour la pousser à s’isoler. A moins que ce ne soit une ruse de sa part pour fausser compagnie aux autres. Il n’en sait rien et puis franchement dans l’immédiat il ne se focalise pas là-dessus.

Il n’a donc pas insisté et a embêté d’autres personnes à la place d’America (car il a immanquablement toujours le sentiment d’embêter tout le monde ici). Comme à l’accoutumée, il n’est parvenu qu’à mener des conversations tendues qui l’ont laissé les nerfs en pelote. Parfois (souvent en fait), il est tenté d’aller voir ses supérieurs pour se délester de son rôle de référent du M&S. Ses visites à la planque ne constituent jamais rien d’autre pour lui que des épreuves et ce n’est pas sensé être le cas. Il ne devrait pas représenter l’ennemi alors même qu’il est résolument un allié. Il a suffisamment de batailles à livrer sans s’encombrer d’autres guerres qui ne reposent sur rien de réel et qui ne méritent donc même pas d’être menées. Sauf qu’il ne supporte pas l’idée de baisser les bras. Ce n’est pas tant le ressenti des habitants du M&S qui le retiens (la joie mauvaise qu’ils tireraient sans doute à le voir partir) que l’opinion de ses supérieurs au sein de la résistance. Il n’a pas envie d’être une source de déception et de saboter tous les efforts qu’il ne cesse de déployer pour affirmer sa présence et sa légitimité au sein de l’Ordre. Ce ne serait pas juste. Il ne mérite pas d’être ainsi déprécier aux yeux de qui que ce soit. Et puis, outre cela, n’en déplaise à tous les « ennemis » qu’il s’est fait au S&M, le fait qu’il lâche le rôle de référent de résoudrait rien. America n’est tout simplement pas en état de récupérer les rênes de la planque (il suspecte qui plus est qu’elle n’en a elle-même même pas l’envie). Le départ de Liam signerait juste l’arrivée d’un autre référent dépêché in-extremis et cette personne recevrait invariablement un accueil tout aussi salé que celui l’ayant précédé.

Non. Partir n’est donc pas une option viable et Liam s’y refuse. Le M&S est son boulet et il s’y accroche, le traînant sans vergogne de long en large. Il ne peut qu’espérer que ça finira par changer. Pour l’heure, il est sur le départ. Encore posé au salon, il tiens une tasse de café trop amer entre ses mains et descend tranquillement le breuvage avant de déguerpir. Ses pensées dévient déjà bien en dehors des murs de la planque. Il se force à invoquer des images agréables, la plupart axées autour de Marietta qu’il est sensé retrouver plus tard dans la journée. Il ne l’a pas vue depuis des jours et son impatience commence à atteindre des sommets. D’une main il fait tournoyer un peu le contenu de sa tasse et il est à deux doigts de la porter à ses lèvres pour en boire une nouvelle lampée quand une voix lui fait lever la tête. Fabuleux. Il darde un regard austère sur Isobel Yaxley qu’il se serait bien passé de voir aujourd’hui. Aujourd’hui et tous les autres jours, vraiment. Il a à peine le temps de prononcer un mot qu’elle l’importune sur le champ. Elle sort les crocs, elle attaque.

Il serre les dents. Elle est sérieuse ? Si une présence est illégitime dans la planque, c’est la sienne. Elle n’est ni une habitante du S&M ni rien d’autre qui s’en approche. Non contente de remettre stupidement en question sa présence ici, elle l’accuse d’être responsable de l’état d’America. Car pas besoin d’analyser longuement les mots d’Isobel pour savoir qu’il est question de ça. Les deux femmes sont plus ou moins ensemble, après tout. Moins que plus, ces derniers temps, de ce que Liam en sait. Il n’ouvre pas la bouche de suite, prend le temps de finir son café en une grosse gorgée. Hold on. Il repose ensuite la tasse sur la table dans un cliquetis avant de se lever, peu décidé à s’éterniser même s’il ne peut pas non plus juste ignorer Isobel. Unfortunately. « Hello to you, too. » Qu’il répond d’une voix ferme en portant une main à la manche de son pull pour en déloger une peluche qui finit sa course sur le sol. « You seems to have a hard time saying relevant words to me, but I remind you that I am the referent of this hideout, so it's normal that I spend time there. It's my job. » Il prend le parti de ne pas répondre à son attaque concernant America quand bien même les réparties vicieuses ne manquent pas de tempêter sous son crâne.

@Isobel Yaxley

Isobel a l’air choqué par les mots qu’il prononce. Sérieusement ? Qu’est-il donc sensé faire ? Laisser tout le monde au sein de la planque lui marcher sur les pieds, le traiter en ennemi alors qu’il n’a rien fait qui puisse justifier autant d’aversion dirigée sur lui ? Il ne jouit pas du pouvoir de forcer les autres à faire preuve d’amabilité envers lui, malheureusement. Il a bien essayé (et dans ses bons jours il essaie toujours) de mettre du plomb dans la tête des habitants de cette planque, mais jusqu’ici il n’a jamais obtenu de résultat qui ne s’apparente pas un échec cuisant. Et il n’y a qu’une certaine quantité d’injustice que Liam puisse supporter. Faut dire que, avant même tous ces changements dans sa vie, la patience ça n’a jamais été sa spécialité première, encore plus quand il est dans le vrai et que les autres ont torts. Dans sa tête à lui, il n’y a pas de débat à ce sujet. Il n’est pas le méchant ici. Il n’est le méchant nulle part. Il a une meilleure estime de lui que ça.

Pour autant, il n’est pas parfait. Il est atrocement loin de ça, même. Il ne se déprécie pas plus qu’il ne s’encense. Il commet des erreurs. Il en a commis par le passé et il en commettra bien d’autres à l’avenir. Il n’a pas toujours le comportement adéquat et il devrait pouvoir aspirer à une version meilleure de lui-même. Être plus aimable, peut-être plus compréhensif et assurément bien plus patient.
Mais il essaie. Ça vaut ce que ça vaut et peut-être que ça n’est pas grand chose aux yeux d’Isobel (sans doute à vrai dire, vu la façon qu'elle a de le regarder en cet instant) et de tous les autres habitants du M&S. Il essaie d’agir au mieux, de faire ce qu’il faut. Mais c’est un conflit, une bataille permanente. Il ne manque déjà pas d’ennemis en dehors des cercles de l’Ordre, dont certains dont il partage directement le sang. Son propre frère jumeau s’apprête à apposer la marque des ténèbres sur son bras. Il a tant d’adversaires que ça en frôle le ridicule, mais c’est la guerre. Il peut composer avec les innombrables ennemis qu’il compte dans les rangs du gouvernement. Ce qu'il a bien plus de mal à digérer, c’est d’être traité comme un problème, une nuisance, par des gens qui n’ont aucune excuse pour agir comme ils le font. Des gens qui devraient lui témoigner du respect (au moins) et même du soutien, voir de l'amitié. Tout ceci est injuste. Injuste et parfaitement ridicule, pour ce que Liam en pense.

An irrevelant person. Tant d’amertume dans la voix d’Isobel. D’où elle le sort, ce ressentiment ? Elle ne le connaît pas. Elle a juste décrété qu’elle le déteste, comme si c’était aussi simple que ça. Peut-être que ça l’est pour elle. Peut-être que c’est facile. Ça relève plus de défauts et de failles en elle qu’en lui. Et elle continue son petit speech, le dépeint comme un référent abominable. Rien de franchement original. Rien qui le touche particulièrement non plus, franchement. L’attitude des habitants du M&S, si elle le pèse, n’a au moins pas pour effet de tenir la confiance en lui que Liam cultive vaille que vaille. Il ne constitue pas le problème ici. Ce n’est pas sa personne qui pose soucis, mais plutôt tout ce que cette dernière sous-entend et implique. Quand les habitants de la planque le voient parmi eux, ils ne voient rien d’autre qu'un intrus, une conséquente immédiate de la chute d’America et des pertes subies par cette dernière.
C’est un sentiment très humain au final que celui qui domine au M&S et si Liam est enclin à le comprendre, il estime que depuis le temps écoulé, les gens devraient être capables de faire preuve d'un minimum de compréhension et de maturité. Ils sont tous adultes après tout. Ils devraient être plus intelligents que ça.

Devant lui Isobel aligne les reproches qu’elle lui crache pour ainsi dire à la figure. C’est du vu et du revu, rien qu’il n'ai pas déjà entendu maintes fois et ce de bouches diverses. Les mots l’égratignent, meurtrissent sa peau. Plus que la peine toutefois face à cette pluie d’attaques, c’est une hausse de fatigue qui domine très largement en Liam. Il a l’impression de se voir confronté à une enfant. Il lui faut faire un effort pour ne pas laisser sa voix s’imprégner de condescendance (il n’y parviens d’ailleurs pas tout à fait) lorsqu’il rouvre la bouche pour répondre. « So go complain to the people who put me in this position. I didn't ask to be there, I accepted this position because she isn't able to hold it now and I will not apologize for that. » S’il y a bien une chose que personne ne réussira à obtenir de lui au sujet de cette histoire c’est bien cela : des excuses. Est-ce qu’il est désolé de ce qui est arrivé à America ? Evidemment que oui. Il est désolé du sort de beaucoup de gens, y compris du sien. Il a beau être en vie et chanceux dans certains aspects, d’autres parts de sa vie sont largement moins reluisantes. Il a sacrifié sa famille au profit de ses convictions (ce qu’il ne regrette pas, mais dont il porte la marque et le poids), il est plongé jusqu’au cou dans une guerre qui s’éternise et, en plus de ça, il va jusqu’à devoir se battre contre ses propres compagnons d’arme. Il n’y a rien de franchement réjouissant là-dedans. Mais il ne demande à personne des excuses pour cela. La vie crains, du moins actuellement et tout le monde fait de son mieux à partir de là. Il serait de bon ton que les habitants du M&S (et plus largement les proches d'America) s’en rende compte.