ghost anthropology
Il y a plusieurs années, Azra a demandé à Ambros ses loisirs et sa seule réelle réponse sincère avait été de dire que c’était de travailler toujours plus. Il ne savait pas à quel point ce fait ne ferait que s’aggraver avec le temps et surtout l’obsession latente transmise par cette conne de Lillian Macca, à propos du tombeau de Puabi. C’était d’ailleurs, en un certain sens, rassurant, de pouvoir attribuer une partie (de plus en plus grande) de ses recherches et travaux à cette expédition mystérieuse, celle qui avait déjà avalé son nombre de briseurs de sorts. Rassurant d’avoir cette justification facile sous la main afin de défendre son absence flagrante de passe-temps hors de son emploi.
Seulement, maintenant, il n’est plus en Irak.
Puabi, pour le moment, est muette, et l'œil omniscient de Nanna brièvement refermé, tenu à l’écart par ce qu’ils ont réussi. Ce qu’ils ont sacrifié.
L’excuse ne tient plus.
Le briseur de sorts a tout fait, depuis leur retour au Royaume-Uni, afin d’honorer sa promesse pieuse faite à sa compagne de se reposer et de prendre des vacances (concept étrange). Il a vu toute sa famille, a passé du temps avec les enfants de tout le monde, a gardé Hazan un soir (presque déçu que ça n’ait pas été toute la nuit), a revu des camarades un peu perdus, a paressé au lit chaque matin et aussi souvent que possible en compagnie d’Azra. Tout ce temps à lui, pour lui, pour profiter des tous ces fameux loisirs qu’il peine à nommer.
Ça, c’était il y a peut-être deux semaines, ou trois ?, et depuis… depuis, comment dire qu’il se fait chier, hein. Et merci d’admirer comme il a tenu longtemps avant d’accepter le petit contrat envoyé par quelques lointains cousins sang-mêlés de sa famille, à travers une lettre absolument pas désintéressée. Il faut bien qu’avoir un cousin (théorique) célèbre dans son domaine serve un peu.
Aller crapahuter dans un vieux caveau familial avec Eryn, ce n’est pas
vraiment travailler, si ?
Enfin, elle n’est pas exactement une collègue de travail, donc ce n’est pas la même chose que s’il y avait avec d’autres membres de la Ligue. Et vraiment, la tâche confiée par la famille Breathnach est un jeu d’enfant, juste récupérer des rouleaux testamentaires enterrés avec un aïeul et donc potentiellement protégés : il pourrait le faire seul, il en est certain, ça lui prendrait une heure top chrono. C’est presque un service, qu’il leur rend (rémunéré), c’est de la famille après tout ! Et si Eryn vient, c’est un peu pour honorer une promesse passée, mais surtout au cas où ils tombent sur d’autres trucs intéressants pour revendre à la librairie Kirin. C’est donc techniquement elle, qui travaille, vous voyez ? Si Ambros était là pour travailler, il aurait demandé à Rory de l'accompagner, pas à une connaissance amicale depuis Hogwarts et leurs années à Slytherin (même si Rory est aussi une connaissance amicale).
Maintenant qu’Ambros s'est suffisamment menti à lui-même, allons au sujet du jour : ledit caveau familial Breathnach vers lequel la libraire et le briseur de sorts se dirigent, à travers un cimetière humide, froid et définitivement très irlandais. Quoique les deux expatriés de la véritable Irlande ont certainement des opinions à ce sujet. «
On rentre, on trouve les rouleaux, on sort : aussi simple que ça, déclare-t-il à sa camarade, profitant d’être entre bonnes gens pour passer entièrement au gaélique irlandais. Ça aussi, c’est une pause appréciée, après des mois à parler arabe et à s’arracher les boucles sur des tablettes akkadiennes.
Et si y’a d’autres trucs intéressants… c’est pour nous. » Un bon deal, comme quoi.