février 2005, gracefield. Joy ère, tremblante, le vent d'hivers lui giflant le visage et les mains. Elle n'a aucune idée dans quoi elle s'est foutue mais le choix qui s'imposait à elle n'en était pas vraiment un et de toute façon, elle était trop choquée pour faire quoi que ce soit, les événements se répétant en boucle dans sa tête sans qu'elle n'arrive a leur donné un sens.

(Elle revoit tout. Gordon debout, un objet dans la main - quoi ? elle ne se souvient plus - et Grace, par terre, les yeux grands ouverts mais vide, si vide, la bouche entrouverte et... du sang. Beaucoup de sang.)

Elle ne sait pas où elle n'est, n'est jamais venu ici auparavant. Tout ce qu'elle sait c'est que ce n'est pas Azkaban. de toute façon c'était le deal, non ? Pas de prison mais une alternative. Sans détraqueur. Le choix était simple mais pas vraiment le sien. Celui d'une coquille. Vide.

Il fait jour. Joy ne sait pas combien de temps - de jours ? - se sont écoulés depuis  son arrestation mais elle dirait au moins deux. En tout cas, il fait jour à présent. Le soleil brille bas dans le ciel, elle peut l'apercevoir entre les arbres qui l'entourent. L'air est frais ici, marins. Il doit y avoir de l'eau pas loin, la mer... C'est presque réconfortant, après tant de temps passé à vivre dans l'oppressant manoir de Gordon et Grace.  Ici, Joy respire mieux. Et ça la rend malade. Parce que Grace n'est plus - (elle n'est plus là) - et elle a tué un homme - (le couteau dans sa main, elle revoit le sang couler lentement et sent à nouveau l'odeur envahir ses narines) - elle devrait être incapable de respirer ainsi et pourtant...

Joy pense à ses parents alors qu'elle continue de marcher, à la recherche de quelqu'un - n'importe qui - qui pourrait lui expliquer ce qu'elle doit faire maintenant. Ses parents qu'elle a pratiquement chassé du Royaume-Uni, qu'elle a voulu protéger par dessus tout. Elle aurait dû les suivre, partir avec eux, fuir quand il était encore temps. Joy n'a jamais été une vraie courageuse. Son truc à elle, c'est les histoires - les vrais - et la vérité. Elle aurait du être honnête avec elle même et partir le plus loin possible. Maintenant, elle ne les reverra sûrement plus jamais et ils ne sauront jamais ce qu'il lui est arrivé.

Cela fait peut être dix minutes qu'elle marche sans but quand Joy tombe enfin sur quelqu'un. C'est un homme, plutôt jeune, qui s'avance vers elle et qui lui parle mais elle ne l'écoute que d'une oreille, son visage incroyablement familier. Il est mignon si on aime les blonds, un visage qui inspire la sympathie, des yeux qui brillent, et Joy le connaît. "Attend, attend," elle le coupe, se forçant à se souvenir, trouver comment elle le connaît. Et puis soudain, bingo. "T'es le frère de Tommy, c'est ça ? Brisbane ? T'es... Tu t'appelles Dwight, non ?" elle tente, pas très sûre d'elle. A Poudlard, Joy était l'amie de Mira avant d'être celle de Tommy alors si elle a un jour connu tout les prénoms de ses frères et soeurs, Dwight est le seul a lui venir à l'esprit à ce moment là.

Y a pas de doutes sur le fait qu’ils sont en hiver. Le vent est froid, il pique fort et pour couronner le tout, y a pas une once de soleil. Il fait gris. Gris et froid. La définition de l’hiver, en somme. Le genre de trucs qui aurait vite fait de miner le moral de n’importe qui. Enfin, pour les prisonniers de Gracefield, un temps gris vaut encore mieux que deux battues dans le même mois. La dernière a eu lieu trois ou quatre jours plus tôt et c’est bien assez. C’était le jour de la St Valentin il paraît. C’est ce que certains ont entendu, en tout cas. Rien que d’y penser, Nathan lève les yeux au ciel. Franchement, qui trouve ça romantique ? Emmener l’élu.e de son cœur pourchasser des innocents, sur une île paumée au milieu de nulle part, pour leur jeter infliger tout un tas de sorts plus immondes les uns et que les autres, à quel moment c’est beau comme geste ? Faut quand même être sacrément dérangé pour trouver un peu semblant de romance dans ce bordel ! Enfin, ça, c’est pas une grande nouvelle : tous ceux qui viennent s’amuser aux battues sont de grands malades.

Il s’en est plutôt bien tiré cette fois. C’était pire le mois dernier. Preuve en est, qu’il a reçu un pull un peu plus chaud que celui qu’il traine depuis des mois. Il est moche, les mailles sont plus ou moins belles mais  c'est un pull et ça protège un minimum du vent. Avec deux pulls, ça passe, c’est supportable, qu'il se dit.  Celui ou celle qui lui a envoyé doit être ravi.e de s'en être débarrassé. Il donne un coup de pied un galet dans le sable. Et ils se croient drôles à leur envoyer des dons, leurs fameux "sponsors", là. Ils pensent sûrement faire une bonne action, si ça se trouve. Eux, sur l'île, ils ont fini par les accepter ces cadeaux, plus par besoin que par réelle envie. Un savon, un vêtement, de la bouffe, de quoi se soigner ? C’est tellement la misère qu’ils gardent tout, à un moment ou un autre ça sert à quelqu’un.

Ce matin, le Brisbane se contente de faire un tour, de longer les bords de l’île jusqu’à ce qu’il en ait mare et ne décide de retourner au village trouver une autre occupation. Il a assez couru l'autre soir. Les autres doivent être calés autour du feu qu’ils ont allumé. Enfin, à part lui et quelques autres, dont cette silhouette qui avance vers lui, qui ont préféré s'aérer un peu l'esprit. Elle a pas l’air d’avoir grand-chose sur les épaules d'ailleurs, c’est pas bien malin vu la température extérieure. Ça va finir en bon gros rhume sa balade si elle rentre pas se mettre au chaud. Mais ce n’est que quand il arrive à sa hauteur qu’il se dit qu’elle n'est probablement pas du coin. En tout cas, elle en a pas l’air. « Hey, ça va ? » Elle le fixe, croise son regard, mais y a pas un son qui sort de sa bouche. Elle est muette ? Merde, ça va compliquer les choses … « Tu viens d’arriver ? » Ouais et puis si elle est muette, elle répondra pas non plus.

Il a pas souvenir de l’avoir croisée ici. Ou alors il a manqué la dernière livraison de prisonniers … Y avait qui déjà dans le dernier groupe ? Jamie, peut-être ? Moïra ? Il a un peu perdu le fil. Tant pis, en tout cas, elle a l’air totalement perdue. Ça sent la visite et les explications sur le pourquoi du comment Gracefield c’est nul !

Et alors qu’il s’apprêtait à enchainer avec une nouvelle question, elle ouvre la bouche – ouf ! elle peut parler. "Attend, attend. T'es le frère de Tommy, c'est ça ? Brisbane ? T'es... Tu t'appelles Dwight, non ?" Il sait pas trop comment il se sent là. Jamais les nouveaux qui débarquent lui parlent de son frère. Bien souvent, ils n’ont aucun lien avec l’Ordre, c’est la faute à pas de chance s’ils sont là. Une histoire du genre au mauvais endroit au mauvais moment. Mais là, elle, elle connaît Tommy. Elle connaît son nom de famille. Bon, raté pour le prénom, mais c’est rien, ça. Ca fait un paquet d’années que c’est pas arrivé ce genre de chose. C’est  un signe, non ? Ca doit en être un ! « Tu connais Tommy ? » Sans s’en rendre compte, il l’a attrapée par les épaules. « Hm, désolé. » Il retire ses mains, recule un peu aussi, il s’est peut-être légèrement emballé en entendant le nom. « Non, moi c’est Nate. Dwight c'est mon autre frère. » Mais si elle lui parle de son frère, ça doit bien vouloir dire quelque chose, non ? « T’as des nouvelles de lui ? » il place certainement un peu trop d’espoir dans sa question. Il espère qu’elle soit positive, il a aucune idée de ce qui est arrivé au reste de la famille depuis ces dernières années. A un moment si, il a vaguement eu quelques infos, mais rien depuis un moment. Il sait aussi que les chances que ça soit le cas sont infimes. Il l’a encore vu avec les derniers arrivants. Ça vient de tous les horizons, et ils ne sont pas forcément en lien avec l’Ordre.

Quand il l'attrape, Joy grimace mais ne le repousse pas. Elle a les nerfs a vifs, tout la fait réagir, mais elle est persuadée de le connaître et elle a peur alors elle s'accroche à sa seule lueur d'espoir. Il n'a pas l'air bien méchant, a un visage sympathique même, et puis elle est sûre qu'elle le connait. "Tu connais Tommy ?" Joy acquiesce vigoureusement de la tête alors que l'homme la relâche, l'absence soudain de contact physique la soulageant tout en la frustrant. "Hm, désolé."

Joy le regarde se reculer et elle prend soudain conscience du genre d'image qu'elle peut renvoyer. Ses cheveux sont mal coiffé, mal entretenu, son visage terne et sec, et elle doit avoir d'énorme cernes sous les yeux. Elle a perdu beaucoup de poids depuis qu'elle travaille pour les Livingston et même si on a nettoyé le sang qu'elle avait sur le corps et qu'on lui a donné de nouveaux vêtements - une espèce de tenue uniforme, pas forcément à sa taille - elle est sale, lavé que superficiellement par un simple sortilège jeté à la va vite.

Il doit la prendre pour une folle. (Même s'il ne semble pas plus pomponné qu'elle.)

"Non, moi c’est Nate. Dwight c'est mon autre frère," l'homme - Nate du coup - lui répond et Joy acquiesce parce que ça lui revient maintenant. Nate. Bien sûr. Dwight, c'est l'autre. Le plus grand. "T’as des nouvelles de lui ?"

Le visage de Joy se décompose, encore plus qu'il ne l'était déjà. Il y a de l'espoir dans la voix et le regard de Nate et Joy... Elle n'a jamais eu du mal à annoncer les mauvaises nouvelles, sait normalement si prendre mais là... Joy n'est plus la Joy d'avant, la journaliste extraordinaire qui savait tout dire, voulait tout dire, même quand ce n'était pas vraiment son droit. Depuis qu'elle travaille chez les Livingston, ses mots sont précieux. Rares aussi. Et elle est bien plus consciente de la peine que ses mots peuvent causer.

"Je... Non désolé. ça va faire plusieurs années que je ne l'ai pas vu." Joy et Tommy étaient plus des amis d'amis qu'autre chose. Ils se connaissaient parce qu'ils connaissaient tous les deux Mira alors ils s'entendaient bien mais leur relation s'arrêtaient là. "Je suis désolée," elle dit à nouveau parce qu'elle ne sait pas quoi dire d'autre. Elle a un milliard de questions qui lui brûlent la langue maintenant mais elle voit bien que Nate espérait une autre réponse.

"Je... Est-ce que tu peux me dire où on est ?" elle finit par demander, en jetant un regard autour d'elle. Plus loin, elle croit apercevoir des maisons, un village peut être ? "Au Ministère, ils m'ont pas vraiment dit grand chose, juste que c'était une alternative à Azkaban, plus confortable et peut être plus avantageuse si je me débrouillait bien."

Elle ne sait pas. Elle n'a pas d'informations à lui donner et à cet instant il est déçu, Nate. Déçu mais en même temps pas si surpris que ça par la réponse qu’elle lui apporte. Il aurait dû s’en douter, il s’en est douté, même, mais il avait été obligé de la poser sa question. Juste pour savoir, histoire d’enfoncer un nouveau clou sur sa tombe même des années plus tard. Pourtant c'est elle qui s'excuse, qui semble vouloir prendre toute la culpabilité de la réponse négative et des effets causés. « Non, c’est pas grave, t’en fait pas. Y avait peu de chance que ça arrive de toute façon. » Il soupire, soudainement un peu exaspéré par sa propre attitude. La pauvre vient de débarquer et lui, en bon égoïste, ne prend pas le temps de s’inquiéter pour elle. Vive le comité d’accueil. Est-ce qu’il a fait pire que Faye ? Faudra qu’il fasse un sondage avec les autres pour voir à combien on situe celui-là.

« Je... Est-ce que tu peux me dire où on est ? »  Voilà, c’est ce qu’il pensait, il est nul en guide ce matin. Il la laisse observer les lieux. Sa nouvelle demeure pour les prochaines années à venir, si elle a de la chance et l'envie de se battre pour que ça soit le cas. « Ca c'est Gracefield. Je dirais qu'on est au nord, genre Irlande ou Ecosse, mais pour être honnête à part le nom du caillou on n'a pas beaucoup d'information sur la localisation exacte. Donc on est sur de l'hypothétique absolu. En tout cas, bienvenue chez toi ! » Il tente de s’améliorer un peu. Le bras tendu désignant l’île, le village dont on aperçoit vaguement les toitures et puis les arbres un peu partout autour. « Au Ministère, ils m'ont pas vraiment dit grand chose, juste que c'était une alternative à Azkaban, plus confortable et peut être plus avantageuse si je me débrouillait bien. » Il a un petit rire qui lui échappe. C’est qu’ils auraient presque bossé leur technique de com’ au ministère ! On lui avait pas présenté les choses comme ça à l'époque. « Désolé. C’était pas drôle. » Un peu quand même quand tu as passé un peu trop de temps dans le coin. « Plus confortable qu’Azkaban, c’est clair. On a de quoi se dégourdir les jambes, y a largement assez de gens avec qui socialiser et se prendre la tête si besoin. Chose que t’as pas vraiment là-bas, j’ai testé, je peux te garantir que sur ce point, on est mieux ici. » Mais est-ce que c’est vraiment plus avantageux ? « Par contre – il hoche la tête, grimace un peu à l'idée de confirmer les propos des connards du ministère – ouais, pour s’en tirer ici, il faut ‘’ bien se débrouiller ‘’ comme ils disent. » Les informations données sont vagues, un peu trop même, mais est-ce qu’il peut lui balancer de but en blanc qu’elle a signé pour l’Enfer ? Que d’ici quelques semaines elle va être amené à courir pour sa vie, probablement un peu plus que les autres parce qu’elle est nouvelle ? Les nouveaux ça leur plaît toujours aux chasseurs, le côté jouet fraichement sorti de son emballage … Elle a l’air un peu fragile quand même. Fragile et gelée.

« T’as pas l’air d’avoir chaud … » Constat évident. Plein hiver, sur une île battue par le vent, faut pas s’attendre à autre chose. « Tiens, enfile ça. C’est affreux, je sais bien, mais ça te protègera un peu plus que ce qu’ils t’ont donné. » qu’il lui dit en lui tendant le pull affreux qu’il vient de retirer. Mine de rien, avec une couche de tissu en moins, on sent un peu plus la morsure du vent. Ils finiront bien par rentrer au village, heureusement, alors il peut bien endurer la fraicheur de l’hiver une dizaine de minutes supplémentaires s'il le faut.

« C’est comment ton nom déjà ? » Elle se souvient vaguement du sien, mais lui n’est toujours pas parvenu à retrouver son nom à elle Est-ce que ça rajoute un mauvais point sur la qualité de l’accueil ?

"Non, c’est pas grave, t’en fait pas. Y avait peu de chance que ça arrive de toute façon." Joy grimace. Elle se sent inutile et honteuse de lui avoir donné de faux espoirs, elle qui a pourtant toujours eu la réputation d'être au courant de tout, tout le temps. "Désolé," elle lui dit à nouveau, parce qu'elle ne sait pas quoi dire d'autre mais qu'elle a besoin de dire quelque chose, qu'il sache qu'elle n'est pas une ennemie. Elle ne sait pas dans quoi elle met les pieds et se faire des alliés ne semble pas être une trop mauvaise idée.

"Ca c'est Gracefield," il lui explique alors. Nate, donc. Le frère de Tommy mais pas celui qu'elle connait. L'autre. Elle se demande ce qu'il a bien pu faire pour atterrir là. Si ceci est vraiment une alternative à Azkaban, alors ils doivent tous êtres des criminels aux yeux du nouveau régime. Des résistants donc, sûrement. Joy pourrait presque en rire, elle qui avait mis un point d'honneur à ne pas à mettre de la distance entre elle et eux. Aujourd'hui ce choix lui semble idiot, futile, et lâche même. Comme si l'assimilation allait la sauvée, comme si elle avait pensé qu'en se pliant aux règles, ils la verraient différemment. Comme une bonne née moldue. Sa propre idée lui donne envie de vomir aujourd'hui. Heureusement que ses parents n'étaient plus là pour voir ça.

"Je dirais qu'on est au nord, genre Irlande ou Ecosse, mais pour être honnête à part le nom du caillou on n'a pas beaucoup d'information sur la localisation exacte. Donc on est sur de l'hypothétique absolu. En tout cas, bienvenue chez toi !" Bienvenue. Le mot lui semble étrange, comme si ici, il avait un autre sens que là bas. Elle regarde à nouveau autour d'elle pour essayer de comprendre ce qu'elle fait là, pourquoi le gouvernement est prêt à leur accorder une alternative, surtout pour des gens comme elle, comme eux.

Et puis Nate rit et Joy fronce les sourcils. Elle croise les bras et fait un pas en arrière, vexée. Elle est fatiguée, complètement vidée mentalement, et franchement traumatisée, et elle n'est pas là pour être le dindon de la farce. Nate doit le lire sur son visage parce qu'il s'excuse immédiatement. "Désolé. C’était pas drôle." "Vraiment pas," Joy rétorque, les yeux humides. Elle ne sait pas pourquoi il est là, ni depuis combien de temps, mais elle doute qu'il se rende compte de ce qu'elle vient de traverser.

"Plus confortable qu’Azkaban, c’est clair. On a de quoi se dégourdir les jambes, y a largement assez de gens avec qui socialiser et se prendre la tête si besoin. Chose que t’as pas vraiment là-bas, j’ai testé, je peux te garantir que sur ce point, on est mieux ici." Tant mieux ? Joy ne sait pas trop quoi penser de ça ou même comment réagir. Le décalage entre leurs deux attitudes est presque comique mais Joy n'a pas le temps de rire. Elle veut comprendre, savoir. S'il y a bien quelque chose que ces dix dernières années lui ont appris, c'est que le gouvernement de Lord Voldemort a toujours une raison de faire quelque chose, y compris avec ce Gracefield, donc - et vraiment ce nom. Joy croyait avoir mal entendu la première fois qu'on le lui a dit. Un énième jeu de la part de son bourreau. "Par contre ouais, pour s’en tirer ici, il faut ‘’bien se débrouiller‘’ comme ils disent."

Encore une réponse vague qui n'amène à rien. Joy commence vraiment à perdre patience. "Tu parles toujours en code comme ça ? C'est quoi l'histoire ? Qui ça 'ils' ? C'est quoi ça, Gracefield, cette île ? Qu'est ce qu'ils attendent de nous ?" Joy veut des réponses, elle veut comprendre, et surtout, elle veut qu'on arrête de jouer avec elle. "T'étais à Azkaban avant ? Comment t'as atterri là ? Et puis qu'est ce que t'as fait pour te retrouver à Azkaban déjà ?"

"T’as pas l’air d’avoir chaud …" Nate poursuit détourne la conversation et Joy se sent soudain menacer. Elle a été naïve de croire que la première personne qu'elle trouverait serait de son côté. Elle n'a même pas tenté de creuser son identité plus que ça. Et puis elle est si fatiguée. Et elle a froid, c'est vrai. "Tiens, enfile ça. C’est affreux, je sais bien, mais ça te protègera un peu plus que ce qu’ils t’ont donné."

"Non, j'en veux pas," elle dit en repoussant sa main même si tout son corps hurle d'accepter le pull. "Je veux des réponses. Je veux savoir dans quoi je débarque. Je veux savoir..." elle s'apprète à dire "si j'ai fait une erreur" mais la réponse, elle l'a connait déjà. C'est oui, bien sûr. Elle n'a fait que ça des erreurs. Depuis que Voldemort a pris le pouvoir, toute sa vie n'a été qu'une succession d'erreur. Elle aurait du écouter Grace et faire plus attention, rester avec elle et peut être même partir. Fuir à Singapoure ou en Algérie et vivre normalement là bas, avec elle. Peut être même qu'elle aurait du accepter de laisser la magie derrière elle. Faire le choix de la facilité. Au moins elle n'en serait pas là.

"C’est comment ton nom déjà ?" Nate lui demande alors te Joy le dévisage comme si c'était le dernier des abrutis. Elle ne comprend pas ce qu'il cherche. Mais bon. Si donner son nom lui apporte une réponse alors soit. "Joy. Je m'appelle Joy. Khelifi." Elle fait une pause, se doutant que son nom est parfois connu, ayant souvent été associé à celui de Rita Skeeter. "J'étais journaliste. Pour le Daily Prophet. Il y a longtemps. Dans une autre vie," elle ajoute avec un rire sans joie. "Suffisant ? Tu vas me répondre maintenant ?"

La nouvelle venue ne rit pas. Comment le pourrait-elle ?

On vient de la lâcher dans une arène et elle ignore tout de ses règles. C’était maladroit de sa part et il s’en excuse. La pauvre n’a plus aucun repère, il a vécu ça y a un peu trop longtemps pour se rappeler avec exactitude ce qu’il avait pu ressentir en mettant le pied sur le sable. Sans compter que leurs histoires doivent différer, merde. Il s’en veut un peu d’avoir réagi comme il l’a fait.

La conversation se poursuit, présentation de l’île qu’elle ne doit pas juger particulièrement convaincante s’il se fie à son expression. Elle doit avoir bien d’autres préoccupations qui lui trottent dans la tête, mais il faudra qu’elle les abandonne à un moment ou à un autre. L’île, c’est une autre réalité. Un monde à part. La brunette finit tout de même par lui poser de nouvelles questions, des questions légitimes auxquelles il refuse de répondre dans l’immédiat. Y a pas de bon moment pour apprendre ce qu’il se trame ici, y a pas de bonnes façons de l’annoncer non plus, mais y en a de moins pire que d’autres. Comme en portant un pull hideux pour adoucir les agressions de la nature.

Mais elle décline. Repousse plutôt, en fait, son cadeau. Il soupire, hausse les épaules, tant pis … C’est con pour elle, parce que vraiment, elle aurait vu une différence. Elle a même fait un pas en arrière. Il espère qu’elle ne va pas partir en courant, l’idée de lui courir après ne l’enchante pas des masses, encore moins après ces premiers mots échangés avec elle.

Joy.

Et bien, Joy, aurait vu une différence en acceptant son cadeau de bienvenue. Le vêtement est posé sur son épaule, prêt à être tendu dans le cas d’un éventuel changement d’avis.

« Ok, Joy Khelifi. Tu veux des réponses ? Je vais t’en donner, mais ça va pas te plaire. Et si jamais tu changes d’avis pour le pull, t’as qu’à demander. » Le ton est moins accueillant qu’il l’a été, faut dire que celui de la Khelifi ne l’est pas non plus. « Je me suis fait prendre en 98’, parce que je faisais – fais partie de l’Ordre. J’ai un peu perdu le fil mais on doit en être en 2005 si je me trompe pas, je te laisse faire les calculs. » Il peut le faire, mais il a un peu la flemme et ça lui ferait perdre le fil. « J’ai peut-être fait un an à Azkaban avant qu’on me propose cette toute dernière alternative à la prison sur un joli papier. » Il essaye de donner un semblant de chronologie à son histoire, qu’elle se rende compte où elle vient de mettre les pieds et surtout pour combien de temps elle risque d’en avoir. Il enchaine les informations avant d’oublier une des questions qu’elle lui a posées. « Un truc sympa, qu’on m’avait dit aussi. » Il secoue la tête, tu parles d’un truc sympa … « J’ai signé, ça pouvait pas être pire. Enfin, ça c’est ce que je pensais. » Là encore, le débat est toujours ouvert au sein de leur petite communauté. Y a ceux qui pensent que c’est pire, et ceux qui trouvent que franchement on n’est pas si mal que ça à Gracefield. « En vrai, ça dépend des jours. Et ça dépend des mois. Et ça dépend à qui tu te demandes. » La correction qu’il apporte semble attirer de nouveau son attention.

« Ce qu’il se passe ici ? »  Il souffle, dépité de faire les présentations sur ce ton, avec cette énergie. C’est pas lui. Enfin, c’est pas l’image qu’il renvoie habituellement. « Tous les mois, au minimum une fois et sans exception, l’élite de la société vient nous courir après sur l’île. Littéralement. Eux ont des baguettes, nous, notre endurance.  Tu vois le genre ? » Il lui laisse un peu de temps pour assimiler tout ça. « Pas de magie pour nous, eux ont carte blanche. La seule règle, c’est qu’ils n’ont pas le droit de nous tuer. Ah, et le spectacle est filmé, ça leur fait des souvenirs, ils doivent aimer ça. Les mangemorts, les sangs-purs en règle générale, qui sont dans les petits papiers de Zabini. C’est lui, qui est à la charge de ce bordel, mais Voldemort approuve bien entendu tout ce qu’il se passe ici. »  Haussement de sourcils, est-ce qu’il doit continuer à lui faire un tableau de ce qu’il l’attend, ici ? « Les autres te diront que tu viens d’arriver en Enfer. » Putain, les autres. Ils ne vont clairement pas le louper, lui qui prétendait pouvoir décrocher le titre de meilleur guide de l’île … Clairement, ça va entacher son tableau.

« Suffisant comme réponse ? Ou tu as besoin d’un peu plus pour écrire un article ? Non, parce que je peux continuer, y a plein de trucs à dire encore. »

Vraiment.
Pire guide du jour.
Il en ferait presque de l’ombre à Faye.

TW début de crise d'angoisse Joy a beau avoir refusé le pull (encore une erreur, bien sûr), son cerveau fait maintenant une fixette dessus et Nate a beau lui parlé, c'est le vêtement qu'elle regarde fixement, imaginant ce que ça peut faire de le porter. (Elle vient à peine de débarquer et elle est déjà au fond du trou. Sa vie est foutue.)

"Ok, Joy Khelifi. Tu veux des réponses ? Je vais t’en donner, mais ça va pas te plaire. Et si jamais tu changes d’avis pour le pull, t’as qu’à demander." Nate lui dit et les yeux de Joy alternent entre son visage et le pull mais elle ne dit rien, préfère attendre la suite. Elle n'est pas bête, loin de là. Elle se doutait que l'alternative à Azkaban ne serait pas forcément mieux, juste différente. Mais les mots de Nate... Ils la terrifient. Elle n'a aucune idée de ce qui l'attend ici et maintenant... Et bien, peut être que maintenant elle ne veut plus savoir, préfère faire l'autruche. Mais c'est trop tard. "Je me suis fait prendre en 98’, parce que je faisais – fais partie de l’Ordre. J’ai un peu perdu le fil mais on doit en être en 2005 si je me trompe pas, je te laisse faire les calculs." Sept ans. Plus ou moins. La vie de Joy ressemblait encore à quelque chose il y a sept ans (plus pour longtemps, certes, mais quand même) et celle de Nate... Elle ne peut pas imaginer ce que ça a du être, passer sept années à Azkaban (ou alors ici, elle ne sait pas depuis quand cette alternative existe, n'en avait jamais entendu parlé avant sa propre arrestation.) et Nate, il y a quelque chose de brisé en lui, quelque chose qu'elle reconnait, un fantôme qui hante son regard et qui doit sûrement hanter le sien aussi. Parce que Joy n'a peut être pas passé les sept dernières années emprisonnée mais elle a aussi perdu sa vie il y a des années.

"J’ai peut-être fait un an à Azkaban avant qu’on me propose cette toute dernière alternative à la prison sur un joli papier." Un an donc. Un an à Azkaban et six ici, sur cette île. Joy acquiesce, cette fois-ci, montre qu'elle écoute et qu'elle est attentive. "Un truc sympa, qu’on m’avait dit aussi. J’ai signé, ça pouvait pas être pire. Enfin, ça c’est ce que je pensais.En vrai, ça dépend des jours. Et ça dépend des mois. Et ça dépend à qui tu te demandes."

"Qu'est ce que tu veux dire ?" Pour Joy, c'est difficile d'imaginer ce qui peut être pire que des détraqueurs. "Qu'est ce qu'il se passe ici, exactement ?"

"Ce qu’il se passe ici ? Tous les mois, au minimum une fois et sans exception, l’élite de la société vient nous courir après sur l’île. Littéralement. Eux ont des baguettes, nous, notre endurance.  Tu vois le genre ?"

Joy entend ce que Nate lui dit mais elle refuse d'y croire. Un truc pareil, ça se saurait. Elle lui en dit autant. "Je... Tu rigoles ?"

"Pas de magie pour nous, eux ont carte blanche," Nate poursuit, l'air plat, sérieux. Sincère. ça lui glace le sang. "La seule règle, c’est qu’ils n’ont pas le droit de nous tuer. Ah, et le spectacle est filmé, ça leur fait des souvenirs, ils doivent aimer ça. Les mangemorts, les sangs-purs en règle générale, qui sont dans les petits papiers de Zabini. C’est lui, qui est à la charge de ce bordel, mais Voldemort approuve bien entendu tout ce qu’il se passe ici. Les autres te diront que tu viens d’arriver en Enfer." Et elle les croirait. "Suffisant comme réponse ? Ou tu as besoin d’un peu plus pour écrire un article ? Non, parce que je peux continuer, y a plein de trucs à dire encore."

La bouche entre ouverte, Joy n'a d'yeux que pour Nate maintenant, même après les piques qu'il lui envoie. Après tout, c'est de bonne guerre. Elle est fixée sur lui et ses mots, son récit. ça semble si crédible et pourtant... "Je... J'ai du mal à le croire. Je veux dire... Les gens seraient forcément au courant d'un truc pareil, non ? J'ai vécu plusieurs années chez des sang-purs. J'ai joué les boniches lors de soirées branchées avec toute l'élite présente et je n'ai jamais entendu parler d'un truc pareil." Son coeur bat la chamade et elle passe frénétiquement ses mains dans ses cheveux, sentant le monde se resserrer sur elle, malgré le fait qu'elle se trouve à l'extérieur. Elle regarde autour d'elle et continue d'essayer de trouver un sens à tout cela. "T'essayes de me faire peur, c'est ça, je... Je veux pas y croire."

Il la voit hésiter sur le pull, mais elle ne demande rien, alors il enchaîne avec les réponses qu’elle exige. Aucune délicatesse dans la façon de faire du Brisbane, il enchaîne les faits sans se soucier des réactions qu’il pourrait créer chez la brunette. Il a probablement tort de procéder ainsi, qu’il se dit même à un moment, mais ça, seule la suite de la conversation le lui dira. La machine est lancée et l’arrêter viendrait casser la dynamique dans laquelle il est pris.  

Par moment elle tente une question, qu’il balaye aussitôt par une réponse toujours plus amère. Elle voulait savoir où elle mettait les pieds, la voilà servie.

"Je... J'ai du mal à le croire. Je veux dire... Les gens seraient forcément au courant d'un truc pareil, non ? J'ai vécu plusieurs années chez des sang-purs. J'ai joué les boniches lors de soirées branchées avec toute l'élite présente et je n'ai jamais entendu parler d'un truc pareil."  

Il s’y retrouve un peu dans l’innocence de sa remarque. Lui aussi au début il y a cru. Il s’est dit que quelqu’un finirait bien par réagir, par venir les tirer de là. C’était en 1999, 2005 il est toujours coincé sur cette île-prison. Beaucoup d’autres îliens se sont fait la même réflexion. Il pourrait lui dire que ça n’est qu’une question de temps, qu’un jour quelqu’un saurait. Qu’un jour, quelqu’un viendrait pour eux. Mais il sait que ce n’est pas demain la veille qu’un tel évènement se produira. Ça fait longtemps qu’il l’attend ce grand jour. Trop longtemps. Alors il est obligé de briser cette idée à laquelle elle va vouloir se raccrocher au début. Le plus tôt sera le mieux. C’est comme arracher un pansement. Sur le coup, ça fait mal, mais c’est temporaire. Enfin, presque.

Face à lui, elle semble s’agiter, l’idée doit se frayer un chemin dans son esprit mais elle n’arrive pas à l’assimiler. C’est flagrant. On ne se passe pas autant de fois la main dans les cheveux dans ce cas là.  "T'essayes de me faire peur, c'est ça, je... Je veux pas y croire."  Il aimerait. Il voudrait bien lui dire « haha, je t’ai bien eu ! » et la conduire à une fête au village où tout le monde rirait avec elle de cette blague bien nulle. Sauf que ça non plus, ça n’arrivera pas. Il pince les lèvres, embêté soudainement à l’idée d’être celui qui la clouerait dans cette réalité. « Honnêtement, j’aimerai que ça soit le cas.» Le ton est redevenu plus doux. « Mais c’est pas des conneries. » Désolé. « Tu pourras demander aux autres si tu me crois pas mais ils te diront la même chose. Les plus anciens comme les derniers arrivés. » Elle vient d’arriver sur la pire île du pays et elle n’imagine probablement pas la moitié de ce que ça implique.

« T’es sûre que tu veux toujours pas de ce truc ? » Il lui représente le pull. Peut-être qu’elle y trouvera un semblant de réconfort au milieu du cauchemar dans lequel elle vient d’être plongé ? « Paraît qu’il porte bonheur. » Aucune chance que ça marche avec cet argument. « Et si ça fonctionne pas, ça te réchauffera toujours un peu plus. » C’est déjà un peu plus probable.