Fin d’après-midi (et de shift) à l’Airlock – Elena a affiché toute la journée une expression presqu’avenante, même si elle n’est manifestement pas parvenue à se délester complètement de son fameux paquet en aluminium (devenu de plus en plus informe au fil des heures). L’emballage est coincé sous son bras depuis son arrivée ; depuis la veille au soir, même, techniquement, puisqu’elle n’a pas eu le courage de le refiler aux types de Little Italy (et qu’elle remet encore trop sur pied le système digestif de Benito). Elle a essuyé son premier échec ce matin, quand même un Javi particulièrement loquace au petit-déjeuner ne s’est pas laissé prendre ; puis le même, une heure plus tard, quand Buffy a gentiment (non) repoussé la moitié de sa part (Xander, lui, en a joyeusement mangé deux entières). Dae-won a évidemment refusé, même en dessert de midi et alors qu’elle-même se resservait avec une expression faussement enjouée – bref, la mission est un échec.

Ça ne suffit pas à entamer son moral, pourtant. Elena a revenu Nate il y a quelques jours (enfin) ; ça fait au moins une semaine (plutôt trois shifts) qu’elle ne s’est pas engueulée avec Dae ; et elle ne se sent même pas trop mal en sachant qu’elle a encore un repas de “famille” prévu pour le week-end. Elle commencerait presque à s’habituer à ne servir à rien – changer de planque trois fois par jour ne lui laisse pas, au moins, le temps de s’ennuyer (surtout vu qu’il faut réparer sa jambe après presque chaque transplanage, bon).
Puis comme quoi tout n’est pas encore perdu, elle a aussi rapatrié un petit espagnol à l’Airlock, l’autre jour (et elle a même cru comprendre qu’il connaissait Nacho, ce qui serait clairement la cerise sur le gâteau). Et puis d’ailleurs, même Leonora lui fait des gâteaux, maintenant. Alors certes ils ne sont pas particulièrement appétissants, mais si même elle ne veut plus lui sauter dessus, c’est bien que tout peut (va) s’arranger, non ?

Que ce soit le cas ou non, Elena se retrouve donc à arpenter pour la dernière fois de la journée le couloir du deuxième étage ; elle sait que c’est sa dernière chance, puis aussi clairement sa dernière occupation avant de plier bagage pour Saint-James. Le premier arrêt est pour la chambre de Sylas (bon, techniquement, pour toutes les chambres avant aussi, mais c’est juste le temps de balancer une madeleine de l’autre côté de la porte, alors…). Celui-ci a droit à double ration de goûter, comme à son habitude – ils échangent quelques mots, et Lena a une expression vaguement embarrassée quand il finit par mentionner le paquet argenté. L’expression vire ostensiblement à la gêne quand elle se voit plus ou moins obligée de lui tendre une part, et qu’il n’ose pas ne pas l’achever ; c’est donc un peu précipitamment que Lena gagne la chambre voisine, dont la porte est déverrouillée sans ménagement aucun à grands renforts de “Catch this!” (en espagnol dans le texte).

Peu importe qu’Ethan semble se réveiller brutalement d’une sieste (est-ce que c’est une heure pour une sieste, d’abord ?!) ; un autre paquet (cartonné, cette fois) lui atterrit en plein dessus (le lancer est effectué en cloche car Lena a bon cœur aujourd’hui). “Apparently muggle dye will do?” Elle parle fort (et vite), comme à son habitude – comme si elle n’était pas en train de s’installer en s’asseyant sur une chaise et en tirant une autre pour la placer sous ses pieds. “Not quite sure it will do the whole job, but…” Sa main vient un peu dédaigneusement désigner la tête et les cheveux d’Ethan – elle peut confirmer que, vu d’ici, son balayage est une nécessité absolue. (Vu d’ici, elle commence aussi un peu à se demander si elle a vraiment pris la bonne teinte, étant donné que Dae-won n’y comprenait évidemment rien et que c’était évidemment elle qui avait écopé de l’expédition en supermarché moldu ; bon, c’est probablement à cause des reflets du soleil.)

“C’mon, party time.” Elena dégaine (pas peu fièrement) le reste de son gâteau : il ne pourra pas se plaindre d’avoir moins à manger que son voisin, pour une fois. Elle en découpe deux parts (preuve de son exceptionnelle bonne volonté du jour), en dépose une (trop généreuse) sur l’assiette qu’elle vient de faire apparaître d’un coup de baguette (c’est plutôt un bol, parce qu’elle n’est toujours pas particulièrement pote avec celle-ci, mais soit). “It’s not good, but it’s not poisoned so…” Petit sourire ; Elena se penche pour lui tendre l’assiette-bol, se réinstalle aussitôt confortablement (non) sur sa chaise. “Oh, wait, I saw you were running out of gums too.” Un dernier petit paquet est tiré en un éclair de sa poche – cette fois, c’est ostensiblement (et pas en cloche) qu’il atterrit en pleine tête d’Ethan. Lena planque son rire (puis sa grimace) derrière sa propre part de cake, désigne l’ex-Avenger du menton dans une expression de raillerie de moins en moins contenue. “What? Disappointed by the delivery guy?” (C’est que ce n’est pas son VIP à elle, n’en déplaise au maître des lieux).

Ethan se réveilla dans un sursaut ; la poignée de la porte tourna en un clac rendu assourdissant par son demi-sommeil, et un “Catch this!” le cueillit au même titre qu’un paquet sur son torse What the. Ce n’était pas clairement Dae-won – qu’il avait peut-être attendu depuis le matin, avant de s’endormir de dépit dans l’après-midi. Ethan referma ses doigts sur le paquet, frotta un œil encore bouffi de sommeil en se redressant dans la panique et acheva de s’asseoir contre le mur du lit sans se départir de son froncement de sourcils – pourquoi Dieu lui envoyait-il Lena ? “Apparently muggle dye will do? Not quite sure it will do the whole job, but…” Le cœur battant un rythme frénétique (trop d’années à ne dormir que d’un œil, exposé aux risques de la vie de fugitif), Ethan se détourna de la mauvaise foi apparente de la sorcière (il aurait eu l’air plus frais et plus avenant qu’elle en toutes circonstances, y compris une semaine de nuits blanches à babysitter des wyvernes sauvages) en jetant un œil rapide à la marque qu’on (qu’elle ? Dae-won avait-il sérieusement confié ce job à ponytail Lena ?) lui avait pris, un air peu convaincu au visage. Mouais, on aurait pu faire pire. “I’m surprised you even know what dye is – did you learn it on your trip to the supermarket?“ Il relâcha la boîte à côté de lui, tout à son haussement de sourcils faussement interrogateur, ignorant tout de l’erreur cruciale dans le choix de teinte qu’avait commis son invitée du jour. “C’mon, party time.” Les yeux d’Ethan tombèrent sur le gâteau révélé sous l’aluminium. ”Are you joking?” fit-il en revenant à Lena qui lui en coupait deux parts après s’être installée dans sa cellule comme s’ils avaient élevés les hippogriffes ensemble.

Ce n’était pas qu’Ethan détestait foncièrement Elena (enfin, pas tout le temps) ; elle lui rappelait simplement par trop Gabriel, avec une extra dose de pénible et un soupçon de supériorité hiérarchique qui lui donnait, depuis son arrivée, de l’urticaire – littéralement, sa peau avait commencé à le gratter sitôt qu’il avait vu Lena à la garde de l’Airlock. Son petit frère n’avait jamais été aussi chiant qu’Alvarez – probablement parce qu’Ethan s’était imposé comme le préféré de sa mère dès les premiers instants et qu’il n’était le chouchou de Javier que depuis seulement quelques années.

“It’s not good, but it’s not poisoned so…” Une moue hésitant entre dégoût et incrédulité prit sur les traits d’Ethan, tandis qu’il se retrouvait avec une part de gâteau dont la taille ne voulait dire qu’une chose : il devait être aussi infect qu’il en avait l’air. En quel honneur Lena ferait-elle sinon preuve d’une telle générosité, quand elle lui sucrait ses snacks de façon arbitraire ? “Oh, wait, I saw you were running out of gums too.” Ethan relevait le nez de son assiette déposée sur le lit à ses côtés lorsqu’un projectile percuta violemment son arcade. “Fuck, aow! Are you fucking nuts?“ ronchonna-t-il en espagnol, portant une main à la zone de l’impact, un œil clos, la puissance de l’impact le portant à croire qu’elle venait de lui jeter un parpaing en pleine poire. “What? Disappointed by the delivery guy?” “You’re going to pay for this,“ grogna Ethan en se massant son sourcil, un rouge colère s’étendant sur ses joues -- as if Ethan allait s’épancher sur son… amitié pour Dae-won et sa déception (néanmoins parfaitement compréhensible) d’avoir droit, à la place, à l’autre brute. Il envoya un regard revêche à Lena, comme pour lui souligner qu’il ne plaisantait pas (un Serpentard avait-il jamais plaisanté en promettant de se venger ?), et croisa un bras sur son torse, aussi aimable que la porte de prison que venait de violenter la sorcière de son arrivée impromptue. ”Why are you here? Still pretending you’ve got friends to visit?” Il fronça légèrement le nez en voyant Lena manger de ce gâteau – ils n’étaient décidément pas de la même espèce. “I hope you didn’t give some to Sylas, he doesn’t deserve this.“

“I’m surprised you even know what dye is – did you learn it on your trip to the supermarket? – Chico, you are soooo salty… I knew I should have taken the white one, come on!” Elena lève exagérément les yeux au ciel alors qu’Ethan examine la fameuse teinture sous tous les angles ; vu son peu de protestations, elle en vient à la conclusion que son choix est satisfaisant, et que la chaîne de transmission avec Dae-won s’est déroulée honnêtement. (Comme si qui que ce soit aurait pu en douter…) (Puis, s’il n’est pas content l’autre, il n’a qu’à sortir s’en acheter lui-même non ?!) “This is on me so jot that down.” Lena a un mouvement du menton, tandis qu’elle fait parvenir au résident temporaire (les éléments de langage sont importants) sa propre part de gâteau – parce qu’elle ne va tout de même pas couvrir gracieusement les frais capillaires d’Herrera, merci mais non merci. (Surtout pour le résultat à venir…)

Sans surprise aucune, Ethan ne se laisse toutefois pas avoir (et Elena a les dents qui se serrent) ; il roule des yeux comme des billes devant le pourtant-pas-si-dégueulasse cake aux légumes, trouve encore le moyen de ronchonner et même de se délester de son assiette. C’est le geste de trop : Lena tire sans plus hésiter une boîte de chewing-gum de sa poche, l’envoie habilement pile entre les deux yeux de l’enfant geignard (peut-être un peu fort, certes) (ça ne compte quand même pas comme de la violence carcérale). “Fuck, aow! Are you fucking nuts? – Boo-hoo,” elle répond du tac au tac, sourire amusé plaqué aux lèvres (tant et si bien qu’il ne vacille absolument pas face aux menaces et aux sourcils froncés qui s’ensuivent). “You’re going to pay for this. – Oh yeah? (Son sourire s’agrandit, et elle rit un peu contre sa part de gâteau – ça aide aussi à faire passer l’arrière-goût amer.) And what are you gonna do, cariño?“ Elena se réinstalle mieux sur ses deux chaises avec un air franchement cocky, jetant un œil aux murs de la pièce comme pour rappeler sa situation de lowkey prisonnier (eurm, résident temporaire) à Ethan. Celui-ci a beau lui mettre une tête et demie en temps normal, il ne lui a jamais fait peur pour un sou, et encore moins sans baguette et avec des racines aussi apparentes – la menace est donc, tout au plus, risible, et Lena peut même croiser un bras contre sa poitrine pour y déposer son coude opposé dans une vibe passablement moqueuse.

“When are you supposed to exit, again?”, elle poursuit, d’abord l’air de rien (comme si elle ne savait pas exactement), mettant l’essentiel de ses forces dans le fait de ne pas grimacer sous le coup de la texture âpre dans sa bouche. “I mean, some people in here have threatened me way less openly and have ended up in solitary confinement, so…” Toujours cette mine qui n’y touche pas, alors qu’elle réplique d’une menace qui lui paraît bien plus solide – et tant pis s’il faut un peu distordre la réalité pour se faire (ok ce n’est pas exactement ce qu’il s’est passé avec Moran, mais Dae ne laisserait personne la menacer sérieusement, aucun doute là-dessus…) “Are you not impatient? I mean, you know… It’s fine if you’re scared of the outside world, honey, you can just say it...” Son expression vire cette fois-ci franchement à celle de la queen bitch du lycée convaincue d’avoir marqué un point non négligeable ; Lena ne planque d’ailleurs plus son sourire satisfait derrière la part de cake qui s’effrite entre ses doigts.

”Why are you here? Still pretending you’ve got friends to visit?” Elle lève les yeux au ciel : évidemment, cette rhétorique de franc loser, définitivement effrayé par le monde extérieur et le manque d’allié.e.s auquel il risque de se heurter après des années de désertion. Lena, elle, a toujours su maintenir des bonnes relations avec presque tous les groupes, et d’ailleurs-- “Sylas’ my friend,” elle proteste vaguement, l’indignation étouffée par une bouchée définitivement trop ambitieuse. Est-ce qu’il était à son mariage à chialer comme une madeleine, hein, Herrera ? Bon, c’est bien ce que je pensais. “I hope you didn’t give some to Sylas, he doesn’t deserve this.” Les grands yeux d’Elena se reposent lentement sur Ethan, alors qu’elle essaye tant bien que mal de garder un visage neutre et vraiment, mais alors vraiment pas embêté. “….. He wanted some.“ Sa voix baisse légèrement en volume ; son regard, lui, vient trouver sa propre assiette où le reste de son gâteau (encore… tout ça… ?) est déposé.

“I didn’t make it, you know.” Nouveau signe du menton vers le bol toujours intouché d’Herrera, comme si ça pouvait la dédouaner un peu (ou l’encourager, au moins : elle ne va quand même pas repartir avec…..) (Elle ne mentionne pas pour autant que le cake est techniquement un cadeau, parce que bonjour la gracieuseté quoi, puis venant de Leonora…) “Come on, look at me being all nice and friendly and you just pissing on it all…” Elena hausse une épaule, prend un air qui oscille (faussement) entre peine et résignation. “Like, you didn’t even taste it. See, that’s the problem with you…” Elle est déjà prompte à repartir en étalage de ses (innombrables) défauts, aussi Lena doit-elle faire un effort (titanesque) pour s’en tenir là et abattre sa dernière carte, cils presque battants par-dessus sa moue penaude-boudeuse. “I heard (d’où, la légende ne le dira pas) (est-ce que la requête avait suffisamment amusé Dae pour qu’il lui en parle le soir même, maybe so……..) (ou est-ce qu’il n’en a pas parlé mais qu’elle peut le deviner par que c’est Herrera, c’mon, maybe so……) you were after some gossips, and figured I may potentially help you with that, but anyway…..” Au top de son acting game, Lena a maintenant un faible soupir, tout juste bon à fendre l’âme de la porte blindée – et, sans aucun doute, d’une commère de la trempe d’Ethan. (C’est qu’elle pourrait lui raconter des ragots, après tout ; est-ce qu’elle en a seulement envie, bon, c’est une question pour un autre jour.)

“D’you know why you’re not appreciating the cake?” La question vient sans crier gare, quand elle estime avoir laissé Ethan contempler sa bêtise suffisamment longtemps (ou l’avoir laissé trop tranquille, bon, soit). Elena a un petit mouvement de baguette, fait apparaître une cuillère… en bois (bon, soit), la jette sans plus tarder en direction du bras le plus proche du Herrera. Elle a un vrai rire d’enfant terrible, cette fois ; mais toujours le “there you go” poli, car mama did not raise no rude person uh (n’en déplaise aux rageux.ses.)