tw: mention de deuil, empoisonnement, panique, violence, début d'une pure soirée

La chaise du bureau de Maggie a toujours été trop grande. Carrie soupçonne la vampire de l'agrandir à chaque fois. Ses pieds flottent dans le vide, et il n'y a pas non plus de barre pour qu'ils s'y appuient. Nerveuse, Carrie croise les jambes pour ne pas les laisser battre sous elle comme une enfant. "Grief does not fit your face." Carrie jette un regard en coin ennuyé à Maggie sans répondre. Elle a toujours l'impression d'être une petite fille lorsqu'elle lui parle. Pas la petite fille qu'elle a été, mais celle qu'elle aurait pu être - vulnérable et naïve, prête à être châtiée pour une bêtise qu'elle n'a pas commise. "What do you know of my grief?" Maggie rit, en secouant légèrement la tête. On frappe à la porte et elle se lève de son fauteuil pour aller ouvrir, caressant d'un mouvement rapide mais tendre l'épaule de Carrie en contournant sa chaise. "I know many things about grief."

Carrie jette un regard par-dessus son épaule dans sa direction. La porte du bureau de Maggie à l'Emporium s'ouvre, révélant le regard sombre de Maxim qui attend, raide, comme un piquet, dans le couloir. Elle reconnaît aussi Sonia, qui donne à Maggie un plateau où sont posés théière et tasses. "More than you know, dear Lion," insiste la vampire en refermant la porte, apportant le plateau à son bureau.
Cette chère Lion n'a aucune envie de parler de deuil, de chagrin, de mort et de Jin. Elle n'en a pas le temps, pas l'espace, pas l'envie - elle doit continuer d'avancer, réagencer la vie perturbée des Warlocks, s'assurer qu'ils ne s'écroulent pas tous les uns avec les autres avec la succession de mauvaises nouvelles qui vient de s'abattre sur eux. Et qui n'en finissent pas. "You've asked to see me," rappelle-t-elle à la Wolf, en train de servir le thé. "My time is precious. - So it is. How does it feel?" Wretched. Unfair. Painful. Unworthy. Unfair. Unfair. "Lonely." Maggie lui adresse un coup d'oeil compatissant. Carrie l'ignore et regarde ses ongles.

Maggie se rassied à son bureau après lui avoir donné son thé. Carrie est reconnaissante pour la tasse chaude, qui réchauffe un peu ses doigts gelés et gourds, raides, qui tremblent légèrement depuis la mort de Jin. Elle souffle légèrement dessus. "I heard about Masao." Un bruit étrange s'échappe de Carrie - une sorte de grognement d'avertissement et de reniflement méprisant, comme à chaque fois que le nommé est évoqué devant elle. Ce n'est pas une question, alors elle ne répond pas. "Pity. - If you're here because you want to be Fox, Maggie, this could have been solved with an Howler there and back." Carrie repose, en équilibre, la tasse et sa coupelle sur le bras de sa chaise. "The Warlocks cannot be ruled by three hybrids, much less women, much less whores. We'd be the laughing stock of the Syndicate. - And yet you chose Verdi. - And Mao. - You hate him. - I need him. - And he left." Carrie, occupée à regarder le bout de ses souliers cirés jusque là, comme une enfant en train de réciter sa leçon apprise par coeur, relève des yeux incandescents vers Maggie. Elle n'aime pas la sûreté de sa voix, la douceur de son regard, la chaleur de son sourire. Elle a envie de lui faire mal. De se jeter sur elle, de lui arracher les yeux. "You'll never be anything else but a Wolf, Maggie. Don't grovel."

La vampire rit légèrement. "Oh, dear Lion, I shall never grovel again. And neither shall you." Elle boit un peu de son thé et Carrie, par automatisme, reprend sa tasse entre ses mains pour y tremper les lèvres. "So what is this about? Get on with it. - Maybe you should name Garfield," dit Maggie comme si elle ne l'avait pas entendue. "Thought of that?" Carrie fronce du nez à cette idée. "Garfield? Are you drunk? - He's loyal. - Loyal like a hungry dog." Malgré elle, Carrie peut admettre qu'elle a une certaine tendresse pour lui, et qu'elle lui fait confiance. Mais de là à le nommer Fox... Elle avale une autre gorgée de thé en sentant sa gorge se nouer, réalisant soudainement à quel point la tâche de remettre le cap pour les Warlocks est titanesque. Impossible. Elle n'y parviendra pas seule, pas sans Nina, pas sans Jin...

Serait-ce si terrible si les Warlocks étaient régi.es par trois femmes, trois hybides? Si impossible? Carrie regarde Maggie d'un oeil critique. La Wolf la regarde en retour, avec un regard avide. "What?" Carrie s'entend dire, mais sa voix est ténue, et semble lui parvenir de loin. "Didn't we all start like hungry dogs? - I..." Carrie n'arrive pas à parler. Sa langue est figée dans sa gorge, et en refermant la mâchoire, elle a l'impression que ses molaires ont fusionné.
"Ah, Carrie." Maggie repose sa tasse intouchée et soupire, même si elle a du mal à cacher son sourire victorieux. Yeux exorbités, Carrie la regarde se relever et s'approcher d'elle. Elle frémit de terreur quand la Wolf (sa Wolf) se penche et replace une mèche de cheveux blonds derrière son oreille. Un autre bruit étrange échappe à Carrie, quelque part entre le cri de frustration et le gémissement de peur, en sentant les doigts de la vampire sur elle, le bout de ses ongles acérés effleurer sa peau. "I really wish I could say I wouldn't have done it if you had made me your Fox, but that ship has sailed a long time ago." Le coeur de Carrie s'emballe dans sa poitrine, et elle a l'impression qu'on vient de lui plonger la tête sous l'eau. Ses yeux, douloureux maintenant qu'elle ne peut plus cligner des paupières, vont de ses mains crispées autour de sa tasse, au visage de Maggie, à la porte du bureau par-dessus son épaule derrière laquelle se trouve Maxim. "Ma-- - Don't bother begging," l'interrompt gentiment Maggie, comme si Carrie aurait jamais pu la supplier. "There is no use. I had no other choice - my hands are bound, you see. I wish I could tell you that it will be quick but given his choice of meeting place, I'm afraid Engel has a very nasty night planned for you..."

Le sang de Carrie se gèle dans ses veines et ses yeux reviennent à Maggie qui lui sourit tendrement, caresse sa joue en y hérissant des frissons qui en deviennent presque douloureux sous son épiderme endormi. "You understand. You'd do anything for your so-called children, and so would I." Carrie essaye de hurler, mais elle ne peut plus produire le moindre son - ce silence mutique et immobile la terrifie, tout comme sa vision qui se remplit de points noirs. "For what it's worth, I hope you know that I'm sorry." C'est la dernière chose qu'elle entend avant de perdre conscience sur une dernière embardée de son coeur dans sa poitrine.

---

Quand Carrie se réveille, la première chose qui l'agresse est l'odeur, rance et étrangement familière, du sang. Une odeur métallique et putride, qui lui fait froncer le nez alors que ses yeux papillonnent difficilement, ses cils ayant du mal à se décoller. Elle est allongée sur une surface dure et froide, et son corps tout entier lui fait mal - ses muscles sont raides comme si ils avaient été coulés dans du ciment, et des fourmis éclatent sous chaque centimètre carré de sa peau alors qu'elle reprend lentement conscience.
Il y a un bruit étrange qui lui fait serrer les dents, et il lui faut quelques secondes pour réaliser que le gémissement ténu qu'elle entend vient d'elle. Il y a trop de lumière, ou pas assez. Il y a une conversation lointaine, ou juste au-dessus d'elle. Il y a... "Carrie?" Il y a Maxim.

Carrie parvient enfin à rouvrir les yeux, et sent quelque chose se poser sur sa main - la paume calleuse et chaude de Maxim, son garde du corps, son good children, son Dog, son ami. "Ma..." Elle n'arrive pas à parler, sa vision floue lui donnant envie de pleurer, et elle le sent se rapprocher et l'aider à s'asseoir. "It's me." La voix de Maxim est étrange, faible. "Shit." Carrie lève une main tremblante pour dégager l'humidité de ses yeux, et s'étrangle en voyant l'état du visage de Maxim. "Fuck," ponctue-t-elle et il raffermit l'emprise de ses doigts sur sa main. Une partie d'elle est contente d'enfin être capable de prononcer le moindre mot. Maxim lui adresse un sourire sans joie et grimace quand ça réveille la blessure de sa pommette fracassée et de ses lèvres abîmées. "Where--"
"Ah, she's awake. As promised." La voix de Maggie lui fait cligner des yeux et Carrie grimace en les levant. Elle est... elle ignore où elle est. Elle est dans un trou, comme une arène aux angles durs. Le sol est couvert de sang, vieux et frais, marron et rouge, et il y a des lumières blanches braquées sur elle - et devant elle, quelques silhouettes. Elle reconnaît la vampire en premier, entourée de trois Doves que Carrie reconnaît et accompagnée de Sonia; elle ne connait pas l'homme chétif et nerveux à côté d'elle, qui a l'air pâle et tremblant même en étant flou; et son sang se fige dans ses veines en voyant Engel, entouré lui aussi d'une floppée de membres de l'Alberich qu'elle reconnaît du Syndicat.

I'm afraid Engel has a very nasty night planned for you. My hands are bound. I had no other choice. For what it's worth, I hope you know that I'm sorry.

Carrie, tremblante et confuse jusque là, se sent devenir très immobile et devient hyperconsciente de tout ce qui se passe autour d'elle. Maxim a du mal à respirer (côte fêlée) et il y a des crochets au plafond (ils sont dans un abattoir) et son collant est déchiré (elle a mal aux genoux) et Maggie l'a empoisonnée (Sonia l'a aidée) et Engel a tenu sa promesse (elle pensait y arriver avant lui) et les ongles de sa main gauche sont cassés (elle vient de se faire une manucure) et Jin avait raison (elle n'est qu'un énorme gâchis) et sa magie lui est inaccessible (à cause de la rune qu'elle peut voir écrite avec du sang face à elle) et elle a froid (la présence de Maxim n'aide pas) et l'homme qui tremble entre Maggie et Engel doit être malade (elle n'a jamais vu ce genre de visage blême que parmi les Hounds de la VB) et Maggie est véritablement désolée (le pli de sa bouche ne ment pas) et Carrie a peur.

"D-don't," s'entend-t-elle murmurer, pathétiquement - elle l'a fait supplier, au final. Ses ongles s'enfoncent dans le dos de la main de Maxim, qui se met à trembler près d'elle en faisant lui aussi l'inventaire de leur situation difficile.
Maggie ne l'entend pas, ou choisit de ne pas l'entendre, en se tournant vers Engel avec un sourire placide. "The deal is the deal. Now you can have your fun."

Posté à quelques mètres au-dessus d'elle, Engel lui semble tellement... tellement grand. Ses yeux, comme la dernière fois qu'elle y a été confrontée, sont étouffants; ils la recouvrent comme une couverture ténébreuse faite d'obscurité dont les tentacules l'étouffent peu à peu.
Carrie se sent groggy, comme si elle venait de se réveiller d'un rêve d'opium; et pourtant son coeur bat tellement fort, tellement vite dans sa poitrine, elle a l'impression qu'il essaye de s'en échapper en cassant ses côtes sur son chemin. Ses yeux écarquillés passent d'Engel à Maggie à Sonia, à Engel de nouveau. La trahison sera écortiquée puis archivée plus tard - pour l'instant, elle doit survivre.

« Hello piggy piggy. » Sauf qu'elle ne voit pas dans quelles conditions elle pourrait survivre à la colère violente et perverse qui brille dans le regard d'Engel alors qu'il s'approche et s'accroupit au bord de la cuve vide.
Maxim se redresse légèrement, l'arrière de ses oreilles rouge de colère, et Carrie essaye vainement de le forcer à se rasseoir en tirant sur sa main - mais ses bras se sont transformés en gelée et n'ont pas la force de faire quoique ce soit. Il faut qu'elle se reprenne, il faut qu'elle trouve une solution, qu'elle les sorte de là, et survive - elle n'a pas le choix, pas avec les Warlocks qui comptent sur elle, pas avec la culpabilité à l'idée que Maxim soit ici avec elle, pas avec le souvenir du sourire radieux de Verdi au matin du mariage, pas avec la disparition de Jin, pas--

Un éclair jaillit de la baguette d'Engel et touche Maxim en pleine poitrine, le renvoyant à terre. "Maxim, NO!" Carrie se jette sur lui sans même réfléchir, prenant son visage dans ses mains alors qu'il tremble et hurle et rue devant elle. Carrie se concentre sur les traits de son visage, les rides de douleur enfoncées autour de sa bouche et de ses yeux, et elle se rend seulement compte qu'elle bredouille sous sa respiration - "no, no, no" - quand le silence revient sur la scène funeste, une fois l'Endoloris d'Engel relâché.
Les mains tremblantes de Carrie caressent les joues de Maxim, le forcent à ouvrir les yeux. Il gémit, du sang s'écoulant de sa bouche où il s'est mordu la langue, et maintenant il y a du sang sur sa jupe et ses mains et ses collants déchirés et Carrie se sent en train de trembler de plus en plus, fébrile et paniquée.
Elle ne peut pas utiliser ses compétences en magie, déjà abyssales. Elle ne peut pas compter sur Maxim, qui n'est même pas sensé être là. Elle peut sentir la réticence de Maggie, l'hésitation de Sonia, mais elle sait aussi qu'elles ne feront rien pour l'aider. Elle est... elle est seule. Et elle va mourir. "Maxim, open your eyes," souffle-t-elle, "Maxim, don't--"

« Are you going to make yourself cry ? » Carrie relève les yeux vers Engel. Elle aussi s'est retournée leur discussion en tête pendant des heures et des heures, malgré que les détails soient flous à cause de l'opium ingéré avant et après les faits. Elle aussi a été mordue par ses mots, hantée par son regard, en a frémi chaque soir avant de stupidement se laisser emporter par toute cette histoire d'anniversaire de Syndicat et de mariage. Elle aurait dû s'occuper de l'Alberich dès le lendemain. Maintenant, Bao l'a trahie, Jin est mort et elle va mourir à son tour.
Mais elle ne va pas pleurer. "I ran out of tears for men like you a long time ago, Engel." Et surtout, elle en a connu bien des pires; mais aucun n'a jamais été fatal. Carrie se force à déglutir et ferme ses doigts en poings pour qu'ils arrêtent de trembler. Sa voix lui parvient comme à travers une mauvaise communication cristal, elle a l'impression qu'elle ne lui appartient pas. "You want me. Let him go - he has nothing to do with us." Carrie se force un sourire - un vrai sourire, enjôleur et brillant, qui parle pour elle de ses ascendances vélanes. Le genre de sourire qu'elle a toujours essayé de garder pour elle, trop consciente de son effet magique sur les hommes. Les hommes comme Engel.

Carrie pense au FDD, aux cris des prostitué.e.s, aux gémissements de douleur de Valeska. Elle pense au front luisant de sueur de Martin pendant qu'ils la torturaient, à la lueur enflammée au fond du regard de Bao quand ils en avaient fini avec la von Bäume, et le sourire amusé de Maxim. Il avait été là, violent et plein de colère comme toujours, à mille lieues de ce regard vitreux qu'il a, sa tête toujours sur les genoux de Carrie. "I'll do whatever you like." Des griffes s'enfoncent dans sa nuque à l'idée de ce que ce whatever peut impliquer mais Carrie tient bon, déglutit difficilement de nouveau.
Elle sait qu'il aimera ça. Le sourire de Carrie retombe, elle pince des lèvres et elle souffle, assez fort pour qu'il l'entende, son coeur battant en sourdine dans sa poitrine: "please."

tw: langage cru, mention de violence graphique

Your friend will die. You are going to die too. You know it and I know it.

Le coeur de Carrie bat vite et fort dans sa poitrine. Elle a envie d'hurler, de frapper Maxim, Engel, Maggie. De devenir vélane, de se transformer en oiseau, de cracher du feu, de griffer tout ce qui lui passe sous la main. Elle a envie... elle a envie d'exploser, mais elle ne peut pas. Elle se sent groggy et pâteuse, lente. Elle plie son corps dans une parade de soumisse, tord ses lèvres autour de suppliques qu'elle pense de tout son corps, et se rappelle de toutes les horreurs qu'elle a partagé avec Engel, tous les mensonges qu'elle a fait avaler aux autres, toutes les cruautés de ces dernières semaines qui l'ont menée jusque là. L'expression dégoûtée et haineuse sur le visage d'Engel est un reflet du masque- non, du visage qu'elle a porté pendant longtemps.
Qu'elle a encore envie de porter un peu plus.

« You know the only thing I want ? I want my daughter back, can you do that Carrie ? Because it's the only thing that could save you right now. » You're being very difficult right now, a-t-elle envie de répliquer, mais la colère se tarit aussi vite qu'elle s'est élevée en son sein. Elle revoit le regard mort de Valeska, à peine perceptible sous ses traits gonflés par le sang et les coups. Les hoquètements de douleur, les sons humides de sa chair agressées par le traitement de Martin, de Carrie, de Bao. « Pathetic. » Carrie ferme les yeux. Elle est très mauvaise joueuse de poker, mais même elle sait quand elle a perdu.

« Maybe I should make the introduction Carrie meet.... » Carrie baisse les yeux après avoir détaillé ce qu'elle devine être un hybride, probablement un loup-garou sur le point de se transformer. Elle refuse de laisser la terreur qui se réveille dans son ventre s'emparer de ses muscles, et elle préfère plutôt se passer une main tremblante dans les cheveux. « Let's call him Timmy. Timmy meet your next meal. - Nice to meet you, Timmy," répond Carrie d'un ton laconique en remontant les yeux vers Engel. Elle se redresse, menton levé d'un air hautain et façade affable indélébile sur le visage. La honte d'avoir supplié Engel brûle son ventre d'un feu douloureux mais qu'importe. Elle ne lui donnera pas plus que ça. "How interesting," commente-t-elle en regardant, sans se cacher, l'état de Timmy. "I at least had the decency to kill your daughter myself." L'aveu de ce secret de polichinelle la libère d'un poids dont elle ignorait l'existence, et elle sent une étrange euphorie triomphale s'emparer d'elle alors qu'elle sourit cruellement en disant la suite: "But of course someone like you would have some monster do the dirty work for him. I knew you were a piece of shit, Engel, but I never thought you a coward."

Elle détourne le regard pour baisser les yeux vers Maxim, dont elle caresse toujours le visage dans un geste inhabituel et étrangement tendre. Carrie finit par se relever en repoussant le crâne de Maxim de ses genoux. Elle époussète sa jupe et tourne ostensiblement le dos à Engel et Timmy en contournant son garde du corps pour l'aider à se relever. Il est faible et mou et confus mais il se laisse faire et Carrie relâche ses doigts une fois qu'il est debout. Par mécanisme, et en s'en rendant à peine compte, elle ajuste les pans de sa veste sur sa poitrine.
Quand elle se retourne de nouveau vers son hôte et ses horribles petits invités, les yeux de Carrie se tournent vers Maggie. "You will regret this." Le sourire de la vampire est factice, mais lumineux. "Actually, I think I might enjoy this." Carrie renifle, adresse à peine un regard de plus à Sonia, puis revient à Engel. Derrière elle, elle peut sentir Maxim trembler sur ses jambes, mais tenir bon. Sa présence est incroyablement rassurante, tellement familière que Carrie y trouve la force de ne pas laisser sa voix trembler. Malgré la colère, la peur, l'impatience, l'envie de violence qui l'agitent. Ses doigts tremblent, sans trouver la moindre surface magique invisible sur laquelle s'accrocher. Il faut qu'ils se débarassent de cette rune mais le moindre mouvement serait fatal.

Ils doivent attendre que la danse macabre commence. Alors Carrie lève le menton vers Engel, fronce le nez en détaillant Timmy, et croise les bras d'un air impatient - malgré son collant déchirant, les respirations sifflantes et sanguinolentes de Maxim par-dessus son épaule, leurs jambes qui tremblent et la terreur qui nouent leurs estomacs. "So? Bring it on then. Be careful when you push him down: you wouldn't want to break a nail, you little bitch."

tw: langage cru, angst, body horror, violence, torture

« Is that all you could think of ? » Engel se met à rire, sous le regard légèrement interloqué de Carrie - il parle pour lui: it's not what I'm thinking, it's what you are. « A coward ? How many were you again when you killed Valeska ?  Not like I could expect bravery from a whore. One day a whore, always a whore, right Carrie ? Probably a bad one too, you were never really good at anything. » Carrie a un sens de l'humour sous-développé, et une oreille qui n'y est pas très habituée - la seule personne qui est capable de la faire glousser, c'est Verdi.
Et pourtant, en entendant Engel, elle rit elle aussi - elle semble elle-même surpris par ce fait, ce petit gloussement stupéfait et estomaqué à l'entendre. Si elle sent des giffres s'enfoncer dans l'arrière de sa nuque, la seule rougeur qui vient colorer ses joues est d'amusement et non d'embarras. "You make a terrible pimp if you truly think that." Rationnellement, elle sait qu'Engel essaye de taper là où ça fait mal - tout comme elle l'a fait en le traitant de lâche - mais sa riposte est si pathétiquement absurde qu'elle ne sait pas quoi en faire, s'esclaffant encore en secouant la tête. Carrie a saigné pour les Warlocks, a sucé pour les Warlocks, a baisé pour les Warlocks. Pendant des années, toute son existence était définie par ça.
Maintenant, c'est différent. Et elle sait aussi qu'elle est bonne à bien des choses. Les mathématiques pures. La divination.
Le meurtre de filles aînées.

C'est la soudaine réalisation qu'Engel est encore plus pathétique qu'elle pensait qui lui permet de trouver la force de se hisser sur ses jambes tremblantes, d'aider Maxim à en faire de même. Elle ignore ostensiblement Engel, roule des yeux en l'entendant parler de son goût, époussète les épaules de Maxim. Si ils doivent mourir, autant que ce soit avec un certain gusto.

« Why should I dirty my hands with you ? You don't even deserve that. You're nothing, you were nothing and you will be nothing after tonight. » À ça le sourire de Carrie se crispe légèrement.
Tout est égal à soi-même. X est égal à X. Ce qu'elle était est ce qu'elle est et ce qu'elle sera - nothing, une pute, une hybride, un monstre. Peu importe tous les mensonges qu'elle a pu se raconter et distribuer au monde, la fortune qu'elle a amassé, les gens qu'elle a recrutés, manipulés, tués - elle n'est que ce qu'elle est. Jamais rien d'autre. Jamais rien de plus.

« Do you think someone will mourn you ? » Elle est seulement rassurée par l'idée qu'Engel ne sera jamais que ce qu'il sera: un homme lâche et pathétique dans son deuil, minuscule. "No." Carrie n'est pas assez conne pour penser que, globalement, on soupirera plus de soulagement à ses funérailles qu'on s'effondrera en larmes. "But someone will avenge me." C'est bien ça, le problème des Warlocks. Revanche, bain de sang, meurtre, ad nauseam.

« You should thank me, you'll join your little friend Jin soon. »

Carrie a l'impression qu'un voile rouge se dépose momentanément sur son regard. Engel envoie valser le loup-garou et la Vélane ne tressaille même pas en entendant le bruit sourd de son corps heurtant le sol: elle n'a d'yeux que pour le lieutenant de l'Alberich. Deux petits yeux vicieux qui s'assombrissent à vue d'oeil, ses traits déjà pâles - naturellement et à cause des effets encore persistants de la potion ingérée de force - prenant un teint crayonneux, son visage une expression monstrueuse. Son héritage Vélane se manifeste toujours à demi, sous la surface de sa peau, la jeune femme cachant avec brio le monstre se cachant sous la surface.
He was not my friend, he was my brother, a-t-elle envie de lui hurler au visage. He was my brother, and he was mad at me, and he would have forgiven me had I given him the chance. He was my brother, and he's dead now, and I can never make things right. He was my brother, and I let them kill him. He was my brother, and he's gone and there's nothing I can do about it because it was his fault, and I hate him for that, and I love him for that. He was my brother, and you don't get to say his name. He was my brother--
Une odeur d'ozone s'échappe autour d'elle, synonyme de sa magie dysfonctionnelle, et Carrie essaye de s'en emparer - en vain, c'est comme essayer d'attraper de la fumée à mains nues. Le sortilège de protection d'Engel est trop fort.

"What do we do?" Le murmure de Maxim lui fait tourner la tête, et Carrie ravale colère et deuil, frustration et haine, pour lui jeter un regard. Il est pâle, tremblant, il saigne, et pourtant il la regarde avec une solidité et une promesse de violence sans pareil. Peu importe qu'ils vont être réduits en charpie par le loup-garou. Ils ne disparaîtront pas sans bruit. "You distract it, I'll smear the abjurative rune." Ça devrait perturber le sort et leur permettre de transplaner.
Devrait. Elle n'en sait rien. Hors de question qu'elle s'abandonne pleinement au destin funeste que Engel a décidé pour elle.

En le voyant bouger, Maxim et Carrie se tournent d'un même mouvement vers Timmy, à quatre pattes devant eux. Il tremble et il gémit et Carrie voit ses bras commencer à se tordre. "I'm sorry, I'm so sorry, I'm sorry," se met-il à murmurer, sa poitrine agitée de sanglots douloureux. Une créature pathétique. Un monstre terrifiant. Carrie sent les cheveux sur sa nuque se hérisser, comme ceux d'une proie soudainement confrontée à son prédateur naturel. "Shit, Maxim, we need last words. - Carrie, for the love of Merlin: what the fuck." Parler lui occupe l'esprit alors que Timmy se tait, grognant et gémissant sous sa respiration, ses membres s'allongeant sous sa peau, ses os se cassant un à un dans des craquements sinistres. "No one will hear them. - She'll hear." Carrie lève les yeux vers Maggie, qui les regarde d'un air tant curieux qu'horrifié.
Il y a une tension dans l'air, réalise-t-elle soudainement. Les hommes d'Engel se tiennent trop proche de Maggie et Sonia. Celle-ci est nerveuse, ses doigts s'agitant près de sa poche comme si elle allait y puiser un ingrédient pour lancer un sort. Hm. Trop tard pour espérer faire quoique ce soit avec ça.

La main de Carrie trouve celle de Maxim rapidement et la serre, alors que Timmy se met à respirer de plus en plus fort, ses grognements à se changer en hurlement. "What could it be?" insiste Carrie. "'Fuck it you'll never take me alive'? - Inaccurate. - 'Fuck you all'? - A bit anticlimatic, isn't it? - 'May we always get what we want...'" ...but never what we deserve. Jin disait tout le temps ça.
Carrie ouvre la bouche pour dire à Maxim que c'est très sentimental et parfait, mais sa phrase est noyée dans un hurlement de Timmy, qui relève des yeux jaunes sur eux en grognant. Carrie sent tous ses nerfs exploser à la surface de sa peau, son coeur louper un battement dans sa poitrine, et sa respiration se bloquer dans ses poumons. Elle serre brièvement la main de Maxim avant de la relâcher, plissant machinalement d'une paume moite sa jupe sur ses cuisses.

Elle a déjà vu des loup-garous de près, dans les sous-sols du Dancing Phoenix. Pour les combattants qu'il aime bien, Carrie a autorisé à Stan de leur permettre de se transformer dans les sous-sols du casino (en payant un loyer, tout de même), avec des chaînes en argent, avec ou sans potion Tue-Loup. Par curiosité morbide, elle est déjà allée les observer pendant une pleine lune. Rien n'aurait pu la préparer à ce qu'elle a sous les yeux.
Le monstre est énorme, écumant, violent: chaque muscle, chaque membre est une arme de destruction massive. Ses griffes, ses crocs, son regard. Comment Carrie a-t-elle pu penser une seule seconde qu'ils parviendrait à s'en réchapper? Quand le loup-garou se redresse pour hurler à la lune, le son que produit son cou agite le corps de Carrie tout entier. "Holy s--" Et puis sans attendre, la Bête fond sur eux.

Carrie est terrorisée, immobilisée par le regard fauve du loup rivé sur elle. C'est seulement grâce à Maxim qu'elle échappe aux deux mâchoires claquant à l'endroit où elle se trouvait deux secondes plus tôt: il la pousse brusquement sur le côté en hurlant et Carrie parvient à rester sur deux pieds seulement par pure chance. Elle jure sous sa respiration haletante, se carapatant dans un coin du ring où Engel les a jetés, ses grands yeux intelligents écarquillés et roulant dans leurs orbites avec angoisse.
Elle n'a pas le temps de réfléchir: elle se jette en avant en direction du mur opposé de celui où ils ont commencé, en direction de la rune qu'elle a vue inscrite dans le mur. Si seulement elle pouvait créer une faille dans le sortilège... Mais quand elle s'en approche, elle sent un sort traverser la protection antimagique pour la frapper de plein fouet dans l'estomac et la tirer en arrière. Leurs spectateurs ne rendront pas les choses faciles pour eux. Carrie est traînée jusqu'au mur opposé et une fois immobilisée, un monde de douleur s'abat sur elle.

Elle pensait connaître la douleur, l'avoir suffisamment vécue pour y être familière. Elle a toujours été douillette, mais elle a toujours été du genre à se torturer aussi. À ne jamais reculer devant la perspective de se faire du mal.
C'est complètement différent. Carrie a l'impression que chacune de ses terminaisons nerveuses est chauffée à blanc, que ses os essayent de s'extraire de son corps, que la composition atomique de sa peau est en train de se dissoudre. Quand la chappe de souffrance qui s'est abattue sur elle la relâche, elle se rend compte que le bruit terrifiant et assourdissant qu'elle entendait n'est d'autre que celui de ses cordes vocales au supplice sous le hurlement de douleur qu'elle poussait.

Quand ses yeux roulent dans leurs orbites en tressautant et quand Engel relâche enfin son Crucio inopiné, Carrie ne peut qu'observer alors que le loup-garou fond sur Maxim dans un rugissement bestial.

tw: dépersonnalisation, violence, sang, drama, bref

Un feu sourd et ardent anime le corps de Carrie, qui a l'impression d'en sortir pour l'observer d'un oeil extérieur. C'est comme quand elle était enfant, quand elle était Dove: ce qui lui arrivait dans l'inconscience ne lui arrivait pas vraiment. Cela arrivait à Carrie-qui-n'était-pas-Carrie. C'était plus simple à rationaliser ainsi.
Là, ce qui lui arrive dans la douleur ne lui arrive pas vraiment.

Ce n'est pas elle qui se lève et qui se jette en avant en hurlant, en pleurant. Ce n'est pas elle qui sent une patte s'abattre sur sa jambe, ouvrir la chair et faire couler le sang dans un bruit de déchirure ignoble. Ce n'est pas elle qui essaye de repousser la Bête du corps inconscient de Maxim quand les mâchoires du loup manquent de se refermer sur lui. Ce n'est pas elle qui ne comprend rien à ce qui se passe autour d'elle, pourquoi Timmy est distrait par des bruits, des sorts, des affrontements (?), pourquoi il les laisse tranquillement momentanément. Juste assez longtemps pour que Carrie-qui-n'est-pas-Carrie vérifie que le coeur de Maxim bat encore.

Elle se sent pleurer; elle s'entend hurler. Elle a mal partout et quand elle se lève, sa jambe manque de la lâcher et elle doit se raccrocher au mur pathétiquement. Entre douleur, terreur et danger, elle ignore où elle trouve la concentration pour balayer la scène du regard. Maggie qui se bat avec Engel. D'autres Doves qui surgissent et sont aux prises avec l'Alberich. Le corps de Sonia qui tombe après avoir été touché par un éclair vert. Engel qui tombe et manque de les rejoindre dans le ring. Timmy en train de dévorer un Dove qui est tombé - son prénom s'impose automatiquement à Carrie qui connait les noms de tous les membres des Warlocks, pas par choix: Anton.

Son nom sur les lèvres de Maxim. Son visage ruisselle de sang et est ouvert en deux, elle l'aide à se relever. La rune est encore intacte. Il faut qu'ils s'en approchent... Ils essayent de faire quelques pas, mais sa jambe lui fait trop mal: Carrie se sent tomber en gémissant de douleur.
La Bête se tourne de nouveau vers eux.

Il y a un bruit de verre brisé; il y a un rire sardonique; il y a des cris de douleur; il y a ce feu qui, toujours, habite sous sa peau. Il y a les mains de Maxim, et il y a le chaleur de son sang qui la baigne, et il y a cette odeur d'ozone dans l'air, qu'elle associe à la magie. Il y a tout ça et Carrie ne sait pas pourquoi elle le ressent parce que ça ne lui arrive pas à elle, pas vraiment: c'est presque d'un point de vue extérieur qu'elle voit sa main disparaître dans la mâchoire du loup, le doigt se faire arracher, son crâne rebondir contre le sol. C'est à travers un voile qu'elle entend Maxim hurler, puis le Portoloin express autour de son cou être activé. Elle se souvient de la nausée, du sang, de la peur; et de la douleur, aussi, évidemment. Elle se souvient du corps d'Engel se faisant aspirer par le noir de la nuit de Londres, et de la bouche de Maggie pleine de sang quand elle s'est tournée vers elle au dernier moment.
Elle se souvient du soulagement de l'inconscience; et puis, elle ne se souvient de rien.