We found some rich love

☾☾ « Mais ce n’est pas tout, nous possédons également deux propriétés sur les côtes Normandes … vous connaissez la Normandie ? » Il faut une fraction de seconde de trop à Elspeth pour comprendre que c’est à elle de prendre la parole. « Je n’ai pas ce plaisir, non. » Le sourire pue le faux à des kilomètres pour quiconque la connaît, ce qui n’est pas le cas du fils de l’ambassadeur de France. Et si le but premier était diplomatique, histoire d’étendre son réseau de connexions, les regards en coin de ses parents commencent à lui faire douter de la visée réelle de cet entretien. Jambes croisées sous sa robe d’un bleu profond – directement inspirée de tableaux dépeignant la royauté de l’hexagone, la Gallagher récupère sa flûte d’un champagne au prix exorbitant, que le jeune homme en face de lui n’a pas manqué de critiquer à la première occasion. Blond, les yeux verts, avec cet air faussement innocent, celui que sa mère surnomme « le petit Prince » n’a cependant pas l’air de s’inquiéter de l’absence visible de concentration de sa partenaire. Il continue d’ailleurs son monologue sur le patrimoine des siens sans discontinuer. La tentation de lui renverser son verre dessus d’un claquement de doigts sous la table est forte et pourtant, la demoiselle fait des efforts. Dans son propre intérêt, ont dit ses parents. Mais plus les minutes passent, plus il semble clair que l’ambassadeur ne les gratifiera pas de sa visite. Et si entrer dans les bonnes grâces de son fils pourrait être une option pour décrocher un entretien avec lui, il semble que tout ceci prenne un tournant autrement différent. Surtout quand les adultes reviennent vers eux et que la Française ne peut s’empêcher de glisser un « ne sont-ils pas absolument ravissants, tous les deux ? », encourageant visiblement son fils à avancer la main pour prendre celle d’Elspeth : « N’est-ce pas ? Nous devrions sans doute … » « Veuillez m’excuser, » l’interrompt l’Irlandaise.

Sa main glisse de la sienne aussi rapidement qu’il s’en est saisi, et elle se lève. Si l’étranger suit le mouvement, imitant son geste, elle l’arrête d’une main : « Une horrible migraine me tenaille depuis plus d’une heure. Et si votre charmante compagnie aurait pu m’en soigner, il semblerait qu’elle soit malheureusement plus forte. Je m’en vais m’étendre. » Les salutations d’usage sont rapidement expédiées, non sans grâce. Mais en quittant les lieux, elle sait qu’elle n’a pas dupé ses parents. Qui ne perdent rien pour attendre. Docile, elle a toujours joué son rôle à la perfection, mais tout a toujours été clair entre eux, la traitant comme une adulte bien avant l’heure. Et maintenant que ses études sont quasiment achevées, qu’elle va pouvoir voler de ses propres ailes, ils se décident à lui faire un coup pareil ? Marchander ses fiançailles a bien sûr toujours été sur la table, mais toujours en l’en informant d’abord. Et pas question, mais pas question de se voir liée à ce bellâtre bien trop imbu de lui-même – et plus jeune qu’elle, de surcroît. Les portes du salon à peine refermées, sa baguette est hors de sa poche et elle transplane, de peur que Noor ne vienne la chercher – que ce soit pour la ramener ou simplement discuter de ce qui vient de se passer. Elle n’est pas d’humeur. Le sortilège l’amène en plein Londres sorcier, dans une impasse qu’elle a mémorisée, juste à côté de l’endroit qui l’intéresse. Sa décision a été prise très rapidement. Il n’y a qu’une personne qu’elle a envie de voir, à l’heure actuelle. Un coup de tête dont il ne lui voudra sûrement pas. En quelques minutes à peine, le palier est atteint et ses phalanges trouvent le bois de la porte. Il ne faut pas deux minutes pour que le battant de la porte ne s’ouvre. Consciente du spectacle qu’elle doit offrir – robe du soir, cheveux relevés dans un chignon alambiqué, maquillage nocturne – Elspeth se fend d’une moue désabusée avant de soupirer : « Dis moi que tu es seul et que tu n’attends personne. » Le contraire n’a pas été envisagé un seul instant et la contrarierait plus que certainement.