all good things (come to an end) [sunny]

TW: consommation de cigarette ; jeu d’argent (poker)
Clope au bec, Indiana transplane dans un coin un peu pourri du Londres sorcier. Ça fait longtemps qu’elle ne s’est pas octroyée une soirée rien que pour elle, loin de la meute qui est vraiment en train de se casser la gueule. Après un coup d’œil alentour, histoire d’être sûre que personne qu’elle ne connait serait miraculeusement dans le secteur, elle remonte Diagon Alley et passe du côté moldu de la capitale britannique, glissant sa baguette dans la manche de son chandail noir et réajustant les épaulettes de son trench gris. L’odeur nauséabonde de sa cigarette la suit jusqu’à Chinatown, évitant les silhouettes pressées passant par Soho. Arrivée à bon port, elle sourit doucement, prend le temps d’achever sa cigarette avant de jeter le mégot par terre et de bien l’écraser dans le caniveau.

Puis elle entre dans la petite salle de machines à sous, où les jingles et les mélodies répétitives l’assourdissent pour démarrer. Il lui faut quelques secondes pour se réhabituer à l’ambiance, et puis elle finit par avancer vers l’arrière de la salle, pour sourire à un type qui la dévisage. Deux trois mots, quelques allusions, et la lycanthrope insoupçonnée se voit accorder le sésame pour descendre dans les sous-sols de la boutique tout en longueur, sans que ceux qui jouaient au Mahjong ne lui accordent un regard circonspect.

Elle inspire profondément, tandis qu’un sourire ravi étire ses fines lèvres. Ça fait bien un an qu’elle n’est pas revenue ici, mais la dernière fois, elle en est ressortie avec pas mal de sous. Nums l’avait un peu regardée avec un doute évident quand elle lui avait demandé de lui garder une partie de la somme gagnée, mais il avait été assez intelligent pour ne pas demander ce qu’elle avait foutu (enfin, il aurait pu, mais elle n’aurait jamais répondu).
Elle avait joué, voilà tout.
Et pas à n’importe quoi.

Ses yeux perçants sautant de table en table, Indiana avançait, les mains dans les poches, jusqu’à voir se découper au fond de la salle souterraine une longue table au tapis vert familier. Ôtant son trench tout en avançant, et en évitant avec grâce ceux qui pouvaient aller un peu trop dans sa trajectoire, elle parvint à son point d’ancrage pour la soirée. Posant le trench plié en deux sur le dossier du fauteuil qu’elle avait élu trône pour la soirée, elle s’y assit après avoir salué les joueurs déjà présents autour de la table. Sortant un billet de 50£ moldues, Indiana fit le nécessaire pour le changer en jetons et attendit qu’on lui apporte les piles de ses petits amis ronds, avant de commencer à jouer.
Et par jouer, entendons-nous bien : elle commença surtout à plumer les Moldus inconscients de ce qu’il était en train de se passer. C’est que, certes, elle n’était pas une experte en magie sans baguette, mais elle arrivait quand même à faire quelques trucs sympas et échanger la valeur de ses cartes avec une carte pas encore sortie était le bon plan, non ? En prime, c’était là où sa mémoire d’éléphant était pas mal utile pour ces histoires de compter les cartes (sans en avoir l’air, bien sûr, elle ne voulait pas se faire sortir si tôt, voyons). Se couchant à certains moments où c’était impossible qu’elle remporte la mise, faisant tapis à d’autres, elle commença donc à rincer ses partenaires de table, sans rien dire et en se contentant de grogner par moments en découvrant ses cartes et hésitant à se rallumer une clope (moldue cette fois-ci).

Difficile de savoir ce qu’elle foutait, en vrai, quand on se retrouvait face à elle. C’est qu’elle n’était pas la plus expressive du monde (et c’était bien pour ça qu’elle était bonne au poker). Le seul risque, c’était quand elle tombait face à un connard de légilimens qui venait s’amuser sur les tables moldues : ça, ça lui était arrivé une fois en vingt ans, et disons qu’elle avait pesé le pour et le contre lui faire savoir qu’elle l’avait repéré, mais qu’elle avait finalement tourné à son avantage cette prise de conscience et l’avait bien entourloupé !

Enfin bon, prise dans la partie, concentrée sur le flop, la rivière, ses cartes, les mises de ses adversaires, et toutes ces conneries, Wyvern ne se rendait pas compte qu’elle avait été reconnue par un employé à la mémoire aussi longue que le fouet qu’elle avait laissé dans sa caravane. La partie se passait bien, voyons.
Et puis on vint poser une main sur son épaule, et lui demander dans un murmure, qu’elle les suive, parce qu’on voulait lui parler.
Qu’à cela ne tienne. Elle se lève, Indiana, et avec un air désolé, s’adresse au reste des convives à la table, avec un « Veuillez m’excuser, je crois que j’ai des fans. » tout en glissant les jetons amassés devant elle (elle avait déjà quadruplé sa mise de départ) dans les poches de son trench qui devient plus lourd que le simple billet de banque qu’elle avait sorti au début de la soirée. En tout cas, on ne l’empêcha pas d’empocher ses gains, ce qui était plutôt bon signe, non ?

Suivant docilement l’employé, elle songe qu’au pire, elle pourra toujours transplaner si ça devient trop serré, bien incapable d’estimer s’il y a des sorts pour éviter ce genre de fuite dans un secteur du Londres moldu… C'est que, certes, Wyv a pu frayer avec des criminels du Syndicat sorcier, en recousant la couenne de certains et certaines pour une modique somme, mais de là à être capable de dire que ce salon de jeux illégal est détenu par un clan tout à fait sorcier, il y a un monde complet. Amenée face à une femme qui doit avoir la moitié de son âge, la grande brune la regarde un peu de haut et avec un air qu'elle essaie de rendre aussi innocent que possible, elle demande : « Bonsoir, y a un problème ? »

Il est plutôt rare qu’on fasse venir Sening personnellement, lorsque les joueurs trichent. Elle a bien autre chose à faire que de surveiller les tables, maintenant, même si parfois les journées et nuits passées au coeur du Magic Casino Club lui manquent. Ça, et écraser Kit lorsque venait le temps de faire le décompte des péquenauds repérés par l’un et l’autre au cours de leur chiffre de travail. Maintenant, elle passe le plus clair de son temps dans son bureau aux minces fenêtres, entre les piles de paperasse soigneusement alignées sur le coin du bureau, attendant d’être placées dans les lourds classeurs qui longent les murs. On la fait chercher pour les trucs sérieux, pour les montants conséquents, pour les rares clients qui bénéficient d’un minimum de considération de la maison. Et pour effrayer les mauvais payeurs - ça lui plaît bien, ça.

Le cas présent est légèrement différent de toutes ces instances, alors que la joueuse en question se garde bien de plumer la maison, mais s’acharne sur de pauvres moldus qui ont le malheur d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Heureusement pour elle, l’employé l’a reconnue et s’est souvenu de prévenir Sunny, et de ne pas la jeter simplement à la rue sans honorer ses gains de la journée.
La sorcière quitte son bureau sans se hâter, transplane jusqu’aux abords du Londres moldu et traverse à pied. Une porte arrière l’emmène directement dans les backrooms derrière les salles de jeux. « Je vais avoir besoin de ton bureau pour une petite heure, Lian. – Pas de problème. » Elle dégage quelques livres et un carton d’une chaise au coussin usé, posée près du mur, et l’emmène près du bureau. « Tu peux aller la chercher. »

Les quelques minutes entre le moment où la porte se referme (et qu’elle pose les pieds sur le bureau) et celui où elle s’ouvre de nouveau pour laisser passer Lian lui suffisent pour balayer la pièce des yeux et se décourager du désordre - il faudra qu’elle songe à vérifier que sa paperasse est en ordre, avant que la fin de l’année n’arrive et qu’elle ait à démêler un an complet de feuilles éparpillées et truffées d’erreurs. « Bonsoir, y a un problème ? » Elle décroise les jambes et repose les pieds au sol, attrapant par la même occasion le puzzle chinois qui traîne sur le coin du bureau. « Un problème ? Sunny cligne des yeux, comme si l’idée même était ridicule. Comme si on n’avait pas tiré Indiana de sa partie pour la faire rencontrer la direction. Non, non. Aucun problème. » D’un signe de la main, elle enjoint Lian à quitter les lieux et, ordre implicite, à refermer la porte derrière lui. « Quoique les pauvres moldus à la table ne sont probablement pas du même avis. » Son regard se porte sur le casse-tête entre ses doigts. « Vous savez qu’on repère assez aisément les tricheurs. Une pause, alors qu’elle lève les yeux, dévisage la femme qui lui fait face en haussant les sourcils. N’est-ce pas, Mme Ferris ? » Ce n’est pas la première fois que ça arrive, et ce n’est pas non plus la première instance de cette petite conversation. Elle se doute bien qu’Indiana n’est pas bête au point de tenter de voler les Wang - le problème n’est pas elle en particulier, mais a plutôt à voir avec l’exemple donné. La main, le bras, tout ça. « Je pensais qu’on s’était comprises, la dernière fois. Tu pourrais au moins faire un effort de discrétion. » Le tutoiement revient bien vite, alors que son visage se peint d'une moue ennuyée. Pour la mère d'Iris, elle veut bien faire un effort, mais faudrait veiller à ne pas ambitionner sur le pain béni, non plus.

tw: racisme (mention), a priori sur les jeunes
Tout allait bien, elle s’en sortait pas mal avec cette table, et la voilà devant une gamine (tout ça parce qu’elle est plus jeune qu’elle, bien sûr) qui la prend de haut et pas vraiment au sérieux, vu comment elle triture un puzzle chinois. En prime, elle a l’air aussi de se foutre de sa gueule, et ça, Wyv aime pas beaucoup. Ok, pour être dans un bureau sans fenêtre, et avoir été conviée à s’y rendre, c’est qu’on a dû la pincer à tricher, mais elle se demande bien comment on l’a repérée…

Enfin, l’incompréhension, c’est avant que la jeune femme parle de « moldus » une fois qu’elles sont toutes seules. Une fois que le mot est prononcé, Indiana se rend compte qu’elle a été probablement trop optimiste sur ses chances de plumer gaiement les moldus à sa table sans risquer d’être repérée. Un petit « Eh merde » fort gracieux est grommelé alors que son interlocutrice vient de lui confirmer le soupçon évident : « Vous savez qu’on repère assez aisément les tricheurs. » Si c’était que ça, ça irait presque. Mais voilà que celle qui la réprimande, poursuit d’un « N’est-ce pas, Mme Ferris ? »

Et là, Wyv dévisage un peu plus celle qui est venue en personne lui expliquer qu’elle avait merdé. Déjà qu’elle est pas très physionomiste, elle a tendance à penser que les Asiatiques se ressemblent tous, et ses propres gosses râlaient à chaque fois qu’elle disait un truc pareil, beaucoup plus conscients que leur mère qu’elle déconnait. Donc là, si la gamine l’appelle par son vieux nom de famille -elle est une Greyback maintenant, que ça plaise ou non à quiconque, et elle la première concernée- c’est qu’elle l’a déjà vue (ou alors qu’elle lui a chourré ses papiers sans en avoir l’air -mais non, elle vient de tapoter sa poche de pantalon, et elle a toujours tout sur elle). Pire encore, c’est qu’elle la connaît. Et probablement pas seulement parce qu’elles ont déjà eu cette conversation chiante sur le fait que dépouiller les Moldus de leurs maigres économies n’est pas très correct. Muette, Indiana fixe donc les traits de Miss Wang, essayant de la remettre, non sans peine. « Je pensais qu’on s’était comprises, la dernière fois. Tu pourrais au moins faire un effort de discrétion. » Là, décidément, c’est encore un indice. Et ça lui revient, enfin. Enfin elle se souvient d’Iris qui était venue, une fois, à la maison, avec une copine (copine-copine ? ou copine-amie ? un point qu’Indiana n’avait jamais cherché à clarifier, ayant mis elle-même du temps avant de se rendre compte que les hommes ne l’intéressaient guère), qui ressemblait effectivement pas mal à la nana qu'elle fixe. Ça la détend presque, d'avoir réussi à la remettre et de savoir enfin d'où l'autre la connaît. Si bien qu'elle répond avec presque nonchalance : « Écoute, je viens ici une fois l’an, j’ai le temps d’oublier. »

Oui parce qu’elle a oublié, hein. Pour de vrai. Elle a eu d’autres choses auxquelles penser pendant un an, et là, disons qu’elle avait juste laissé ses pieds la guider jusqu’ici, sans vraiment se remémorer ce qui avait posé problème la dernière fois, sans se souvenir de pourquoi elle s'était dit qu'elle attendrait environ un an avant de revenir jongler avec les jetons et les cartes. « Qu’est-ce que tu veux que je fasse : que je gagne moins ? Moins vite ? De façon moins flamboyante ? J’vais quand même pas perdre et frôler la ruine avant de me refaire, c’est un coup à la con et ça m’ennuie. » Savoir qu’elle a été reconnue, par une amie (ex ? meuf ? ugh) de sa fille, ça la fait passablement chier quand même, et elle évite soigneusement la moindre allusion à leur connaissance commune, n’ayant pas envie qu’on lui remue sous le nez à quel point elle est une mauvaise mère. « Tu peux comprendre, quand même, que moins longtemps j’suis là, mieux c’est, non … ? Rappelle-moi ton nom, tiens. », qu'elle l’enjoint à faire, comme pour attirer d'une façon bien merdique sa sympathie, alors que tout le monde sait bien qu'elle l’aura oublié d’ici un an, si ce n'est d'ici une heure.
Déjà, Indiana s’est retenue de l’affubler d’un nom factice, et on peut dire que c’est un progrès.
(Y a moyen que le fait qu’elle décide du droit de vie ou de mort quant au reste de sa soirée de poker joue dans sa retenue et sa tentative foireuse d’être sympathique.)
(Y a moyen aussi qu'en face, on ne soit pas dupe.)

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