tw: mention de bullying

Il a fallu faire de nombreux ronds-de-jambe pour rassembler tous les matériaux nécessaires à finir sa petite oeuvre, mais Obelia est très loin d'être déçue du résultat. Il lui a fallu plusieurs nuits pour parvenir à finir son oeuvre, un record vraiment, et de nombreuses fois Noah lui a dit de venir se coucher au lieu de rester debout jusqu'à quatre heures du matin avec la lumière de sa baguette et la machine à coudre en train de cliqueter discrètement sur son bureau. À chaque fois, Obelia lui a simplement dit de retourner dormir sans lui jeter un coup d'oeil, focalisée sur le maillot de bains commandé par Camilla.

Elle prend souvent des commandes ici et là, surtout de Dennis pour qui elle designe des collections de vêtements tapageurs option sequins et glitter en échange des précieux matériaux et tissus dont elle a besoin. Le bruit de la machine à coudre est d'un grand réconfort pour elle, elle a toujours aimé les fringues et la mode, et puis c'est important aussi pour elle d'être la meuf la plus stylée de n'importe quelle pièce où elle entre. Des fois, ça se résume à recoudre des boutons, rapiécer des t-shirts, écourter des pantalons. En ce moment, il lui faut souvent ajuster des bandages, recoudre des plaies et préparer des potions - la Fawkes a été envahie par les prisonniers des Battues et leurs libérateurs. Obelia n'aime plus se balader dans le jardin, n'aime plus fumer derrière la garden shed, déteste manger dans la cafétéria: il y a trop de gens, trop d'inconnus, alors elle passe le plus clair de son temps dans la chambre qu'elle partage avec Noah. Et puis, Cat s'est tiré sans même lui dire au revoir. Le seul souvenir qu'elle a de lui, c'est un vieux briquet qu'elle lui a piqué une fois et "oublié" de lui rendre. Sale con.

Mais Obelia pense pas à Cat - elle ne pense pas à ce qui l'énerve. Elle pense surtout au maillot de bain de Cam, parce que maintenant, elle aime bien Cam. Enfin, pas trop, mais un peu quoi, comme on aime quelqu'un qu'on est obligé de supporter pendant des semaines sans trop vouloir lui adresser la parole, comme on aime quelqu'un sur qui tout le monde dit des bails faux, comme on aime quelqu'un qu'on a commencé à défendre en son absence quand les autres cons disaient de la merde. Elle sait pas c'est qui qui a commencé les rumeurs, mais après une petite gueulante d'Obelia et des muscle flexes de Noah, ça s'est vite tu. Tous des cons. L'agitation des Battues a un peu calmé tout ça, mais à peine. Maintenant que les anciens prisonniers commencent à être répartis dans des planques, l'ambiance écolière de la Fawkes reprend lentement ses droits.

Elle a été surprise quand Cam est venue lui faire sa demande, mais ravie aussi. Noah comprend pas combien c'est important pour Obelia de faire ça pour Cam. Elle est cheloue, et elle réveille une certaine jalousie chez Obelia (parce qu'elle est jolie, parce que Noah l'aime bien, parce qu'Obelia aimerait être comme elle), mais elle est sympa, quand elle ouvre la bouche et arrêter de vous regarder comme un cocker qu'on vient de battre.

Si bien qu'elle hésite à peine une fois qu'elle a fini sa dernière couture, emballe le maillot dans un morceau de tissu doré plein de paillettes roses, et court presque en dehors de la chambre pour remonter le couloir jusqu'à celle de Cam. "Be right back," murmure-t-elle à Noah en train de s'endormir sur leur lit - il est presque minuit.
Elle ralentit un peu dans le couloir pour ne réveiller personne, reste silencieuse quelques instants devant la porte de Cam pour s'assurer qu'elle est seule avant de frapper sur le battant. "Cam? It's me, I have your thing! It looks great, you're going to love it." Elle espère que c'est à sa taille, elle a un peu dû deviner pour les mesures (au début, elle lui a dit um, okay, what's your size, can I check? avant d'ajouter précipitamment en voyant le visage de Cam à l'idée qu'Obelia la manipule: no worries, I'll figure it out, we look the same size!!). Quand Cam ouvre la porte, Obelia lui offre un sourire plein de dents, lui montre le petit paquet. "It's here! Want to go out for a smoke while I show you? Sorry, I'm super hyped up right now: Dennis got me some Red Bull to get through the night and I may have had four in a row... You okay?"

Journée de merde. Il est vingt heures lorsque Cam s'enferme dans sa chambre en laissant la porte s'ébranler un grand coup contre le chambranle en bois - simplement parce qu'elle le peut - avant de se ruer jusqu'à son matelas et taper dans le coussin, y enfouir sa tête et sentir ses cheveux l'entourer d'un cocon protecteur et enfin, partir dans un hurlement étouffé. She's trying, She swears to everything she believes in that she is. She's trying to be good and to do the right thing. to be patient et to open up. she's trying because Jax asked her to and McGonagal is alright. but it's so fucking hard. Les ombres sont jamais loin, et maintenant y'en a qui parlent d'elle dans son dos et elle prétend qu'elle entend pas, mais bien sûr elle entend tout. Cat est parti alors que c'était le seul qui tenait un peu la route. Y'a bien Obelia et Noah mais c'est toujours aussi tendu - comme un fil alourdi par des phrases prononcées à l'époque qu'elle aimerait bien ravaler maintenant - et elle aime pas les voir tous les deux ensemble parce qu'ils sont mignons mais que ça déclenche des flash malvenus. Why doesn't it get better. she's safe. They're not here, no one can hurt her here. Si seulement elle pouvait arriver à s'en persuader plus de quelques heures.

Il est vingt-et-une heure et elle reste dans sa chambre, parce que c'est le seul endroit où personne l'embête, où on la regarde pas comme si elle était une bête de foire avec sa voix toute cassée (brisée comme elle se sent tout le temps, un peu moins maintenant et c'est ça qui l'angoisse aussi). Elle sort sa baguette, et fait ce sort - le seul qu'elle connaît par cœur - les couleurs s'agitent sous l'impulsion de sa main et les mouvements de son poignet ; il lui reste plus qu'à dessiner dans l'air. L'espace clos se retrouve bien rapidement tartiné de turquoise et de pourpre et de vert canard, d'une aquarelle de couleurs qui s'échappent d'elle, qu'elle ne voit plus, qu'elle ne sent plus. Tout son monde est noir. Il n'y a que lorsqu'elle peint ainsi ou au fusain, avec tout ce qui lui passe par la main, que Cam réussit à tenir à distances les mains fantomatiques qui lui serrent le cou. Elle oublie tout. D, et les autres, et les mauvais souvenirs et les cauchemars aussi. Les commentaires et les regards en coin. La pièce entière se colore et se transforme, n'a plus rien de ce qu'elle était. Et Cam s'y perd. C'est mieux que le cannabis, c'est mieux que dormir, c'est mieux que manger, c'est bien mieux que respirer.

Elle oublie tout et surtout le temps qui passe.

Il est certainement tard quand on frappe à sa porte, ce qui la fait sursauter - un rien la fait tout le temps sursauter - et perdre son attention sur son sortilège qui s'épuise et disparaît en un million de grains de poussières colorées. Ses yeux clignent alors qu'elle revient à elle, qu'elle se sent revenir à elle, retrouver les multiples sensations qui composent son corps et s'avance d'un pas lourd vers la porte quand elle entend la voix d'Obelia. "Cam? It's me, I have your thing! It looks great, you're going to love it." Ce n'est qu'en entrouvrant la porte que Cam se souvient du maillot de bain, de sa requête étrange pour répondre à la proposition encore plus bizarre de Winston et de l'empressement d'Obelia à accepter, ce qui peut aussi s'ajouter à la longue liste des comportements étranges des gens, Obelia la déteste non ? Cam en est persuadée. Elle tente un sourire qui s'estompe avant de se fixer sur son visage. Why is it so hard to try, et se laisse emporter par la floppée de mots de son ancienne amie, enfin elle croit, en fait elle sait pas. "It's here! Want to go out for a smoke while I show you? Sorry, I'm super hyped up right now: Dennis got me some Red Bull to get through the night and I may have had four in a row... You okay?" "Ye-ah. yup. everything's fine, you?" elle ment, ne la dupe pas, s'en fiche un peu. "I have some in my room. My treat." C'est le moins qu'elle puisse faire. La porte se referme presque sur Obelia avant de s'ouvrir à nouveau avec une Cam recouverte maintenant d'un pull et tout son matos. Ca va taper sur ses réserves, mais ce n'est pas comme si elle pouvait payer Obelia autrement qu'avec ce troc un peu décevant. Plus tard, il faudra trouver un truc un peu mieux, ptêtre qu'elle fera l'effort de chercher.

Les deux jeunes femmes se posent contre un mur, à un endroit où il n'y a personne et Cam lui tend de quoi rouler une cigarette avant de faire de même. Tout du long, son regard part en coin vers le paquet coloré. Elle ose pas demander, veut pas paraître trop eager, trop impatiente. Cam capitule enfin "so ? Show it to me!" crap, pourquoi les mots sonnent différemment quand elle les prononce, plus violents et agressifs qu'elle ne l'aurait souhaité. Après avoir déglutit, elle reprend d'une voix un peu plus douce, du moins l'espère-t-elle "i'm sure it's ehm beautiful."

tw: psychophobie-ish

Un sourire insincère apparaît sur le visage de Cam avant de disparaître presqu'aussi vite. Obelia trouve qu'elle ne fait pas trop d'efforts, pour être sympathique et pour que les autres arrêtent de l'embêter, mais bon, elle n'est pas du genre à se détourner des causes perdues. "Ye-ah. yup. everything's fine, you?" Même quand les causes perdues mentent, et très mal en plus. "Yes, I'm great!" Elle aimerait pouvoir gommer un peu de cet enthousiasme qui lui semble tellement... énorme et envahissant quand Cam est si proche. Celle-ci est tellement discrète, pudique et timorée - on ne saurait pas trop par quel bout la prendre, parfois, à se demander si on va pas la casser en deux en soufflant trop fort dans sa direction... "I have some in my room. My treat. - Cool!" La porte se referme un peu fort sur Obelia qui faisait déjà un pas en avant pour la rejoindre dans sa chambre. Elle cligne des yeux, surprise, puis recule, sourcils froncés. Elle est vraiment trop cheloue...

Obelia attend patiemment en tapotant des doigts sur son petit paquet et quand Camilla réapparaît, c'est plus fort qu'elle, elle jette un regard perçant en direction de la chambre mal-éclairée. Elle n'en voit pas grand-chose et détourne rapidement les yeux pour emboîter le pas à l'autre étudiante. L'air nocturne est agréable quand elles sortent, trouvant un mur tranquille. Obelia roule rapidement sa cigarette avant de rendre son paquet à Cam en lui offrant un petit sourire. "Thanks," marmonne-t-elle avec son filtre coincé entre les lèvres, prenant son temps pour faire ça correctement avant d'allumer sa clope avec le briquet de Cat, son pouce redessinant pensivement la pin-up assise dessus. Quel con.

"So ?" Les yeux d'Obelia virent vers Camilla avec surprise. "Show it to me!" Obelia peut presque sentir son propre agacement se dresser comme un fouet prêt à s'abattre sur elle. Face à quiconque d'autre, peut-être qu'elle n'aurait pas trouvé en elle cette patience qu'on lui connait peu, elle aurait insulté l'incongrue avant de lui foutre le paquet dans les mains et de se barrer en courant dans l'autre sens. Mais voilà, Cam a son regard de cocker battu, et Obelia a envie d'être sympa avec elle, et en plus elle peut comprendre son impatience - et puis quand elle rajoute "i'm sure it's ehm beautiful," c'est d'une voix un rien plus douce qui attendrit légèrement Obelia. "Here," elle lui tend le paquet jusque là coincé sous son coude. "You're going to" look so hot in it "like it I think." Elle lui adresse un sourire encourageant pour l'inviter à ouvrir.

C'est un maillot somme toute tout simple, une pièce, bleu clair avec des coutures bleu sombre, qui descend un peu sur les cuisses comme un short et recouvre la quasi-totalité des clavicules. Ce qui lui a pris le plus de temps, c'est coudre le léger motif qui s'étend sur les côtes: des vagues paresseuses et silencieuses, qu'elle a même réussi à animer avec de la magie qu'elle a appris en cours de Métamorphoses auprès de McGo. Inspiration vague d'Hokusai, en plus maladroit et aux mouvements trop secs, avec des perles bleues et cristal pour orner les traits.

Obelia dévisage Cam quand elle découvre le vêtement avec impatience et curiosité, un fin sourire sur les lèvres. "You like it? What is it for?" C'est surtout cette question là qui lui picote les lèvres depuis le début. "Going on a date?" demande-t-elle doucement avec une risette en coin.

Cam sait qu'elle n'est pas la plus approchable des personnes. Que son air continuellement renfermé et ses paroles qui sortent de travers la tiennent éloignée de la plupart des gens. C'est à la fois une délivrance et une souffrance. Tiraillée entre la peur grandissante de s'ouvrir et le besoin d'être reconnue, entendue, aperçue. Alors, elle oscille entre des paroles maladroites et des tentatives pour adoucir les contours de sa peau. Aucune des deux options ne fonctionnent complètement. Ce n'est pas un fonctionnement durable sur le long terme mais c'est toutes les armes à sa disposition pour le moment.

Elle espère à moitié que les cours d'animagie l'aideront. Le trauma est un voleur, il lui a dérobé tout ça, ses souvenirs, sa lumière. Elle voudrait les reconquérir, ne sait pas très bien par où commencer.

Obelia si elle se braque ne part pas en l'abandonnant avec le paquet qui s'ouvre sous ses yeux ébahis. Sa bouche forme un O silencieux tandis que ses mains se tendent vers le tissu. Cam avait peur que le maillot de bain dévoile trop de peau, mais c'est pas le cas, et ça se serre un peu à l'intérieur d'elle quand elle se dit que peut-être (peut-être) l'artiste a fait attention à ce détail. Les vagues se meuvent doucement sous ses doigts, le tissu doux au toucher, l'attention particulière qui a été mis dans ce travail d'orfèvre la laisse un moment sans voix. "wow. That's, that's perfect," murmuré dans un souffle, tous les traits de son visage qui se détendent avant que Cam se souvienne qu'il va bien falloir l'enfiler, et que ça va coller à son corps et qu'elle y rendra pas honneur sans doute et qu'on va voir les stries argentées qu'elle dissimule normalement sous ses énormes pull. Le rappel à la réalité est brutal quand survient la question attendue d'Obelia. Son premier élan est de la rabrouer, mais le tissu sous ses doigts est comme une piqûre de rappel que même si c'est dur d'essayer, Cam a pas le choix. "I don't do dates." she doesn't do boyfriend or girlfriend, she's not even sure how to do friendship anymore. elle est loin la gamine qui rougisseait en pensant à son crush. "Winston said he'll take me to the beach cause I've never been," ajoute-t-elle dans un haussement d'épaule masquant difficilement le pétillement de ses iris. " And there's too many people, I need the fresh air." les voyelles et les consonnes s'extirpant avec difficultés refusent presque de céder à sa tentative.

It's not a date. It's just Winston being Winston. Right?

Avant qu'un vent de panique s'engouffre dans ses poumons à cette idée, Cam fait preuve d'une bravoure comme elle en n'a jamais fait avant- il y a bien eu la fuite avec Jax, et quand elle l'a soigné avec Ocean, et toutes ces autres fois, mais ça relève plus de la survie que d'un quelconque courage songe-t-elle. " Could I like try it? So you could tell me if it ehm fit or something." Ses yeux sont occupés à hésiter entre fixer le maillot de bain et sa cigarette dont elle n'a pas profité depuis que le paquet a été déballé. Cam espère qu'Obelia va rapidement donné sa réponse, elle sent déjà ses instincts reprendre le dessus et l'envie pressante de se carapater le plus loin possible de cette situation sociale maladroite.

It's okay, she can do it. It's Obelia and Obelia was safe once upon a time, before she left her.

tw: mention de dysphorie

Le visage de Camilla s'ouvre quand elle découvre le maillot, et Obelia est bien en peine de se retenir de squeal d'enthousiasme et d'excitation. Elle ne croit pas avoir vu le visage de Cam aussi ouvert et honnête avant, illuminé semblerait-il d'une lumière intérieure si rare. C'est peut-être pour ça qu'Obelia s'aventure à des questions un peu risquées, le genre qu'on pose à une amie qu'on connait bien avec un air goguenard, ou juste quelqu'un qui ne donne pas l'impression d'avoir envie d'assassiner tout le monde en toutes circonstances.

"I don't do dates." Le ton est final et définitif, et Obelia ressent une pointe de malaise à avoir l'impression de se faire rabrouer ainsi. "Right, sorry... - Winston said he'll take me to the beach cause I've never been." Obelia est surprise et coite de l'entendre développer d'elle-même (Cam l'a plus ou moins habituée aux conversations à un sens où elle ne relançait jamais la moindre phrase). "And there's too many people, I need the fresh air." Grimace compatissante. "I know what you mean." Peut-être qu'ils pourraient s'organiser une sortie à quatre alors, avec Noah et Cat...? Son coeur se serre dans sa poitrine en se rappelant que ce dernier s'est barré. Petite enflure. "Sounds fun, Winston's cool." Et super canon, et Obelia aimerait bien en savoir un peu plus sur sa relation avec Camilla mais elle a compris le message, et n'insiste pas.

Cigarette silencieuse. Obelia ne se fait pas d'idées, elles n'ont plus rien à se dire maintenant. Cette cigarette qu'elle a dû rouler elle-même est un bien maigre paiement pour ces nuits blanches de travail, mais ça ne la dérange pas tant que ça au final. L'expression du visage en découvrant le vêtement était suffisante pour la rassurer dans l'idée qu'elle faisait quelque chose de bien. Peut-être qu'ils ne sont pas tous perdus, au final, si même Cam peut presque-sourire avec un vent d'espoir dans la poitrine.

"Could I like try it?" Obe, surprise, tourne la tête vers elle en arquant les sourcils. "So you could tell me if it ehm fit or something." Les yeux clairs d'Obelia s'écarquillent et elle bredouille quelque chose avant de voir une expression hantée s'emparer du visage de Camilla et d'immédiatement dire en tendant la main vers son épaule: "yes of course, I would love that!" La main ne finit pas sa course et retombe avant de la toucher, il lui faut toujours du temps pour se souvenir... L'esprit d'Obelia va à cent à l'heure, inquiet et plaisamment surpris, à cette toute nouvelle perspective qui s'ouvre à elle. Cam porte toujours des vêtements si grands, comme si elle voulait se perdre dedans... Obelia l'observe beaucoup (tout le temps), du coin de l'oeil, au loin, en faisant mine que non. Son estomac se serre à l'idée de ce qu'elle va trouver sous ses grandes fripes épaisses - un corps idéal et inatteignable, l'évocation cauchemardesque de ses rêves les plus fous - mais elle se force à sourire tout de même, hochant la tête en direction de Cam. "I'm glad you're offering. That way I can touch it up or make some adjustements if you want...?"

Elles finissent leurs cigarettes, Obelia faisant la conversation toute seule en montrant de temps à autres à Cam comment les vagues bougent sur son nouvel habit. En retournant à l'intérieur, Obelia sent l'atmosphère se tendre et les pas de Camilla se faire plus lourds et plus lents à mesure qu'elles se rapprochent de la porte de sa chambre. "Hey," souffle doucement Obe quand elles y arrivent, awkwardly. "We can do this another time if you want, like, I get it," lui offre-t-elle avec un sourire qu'elle veut encourageant, et l'envie irrépressible désormais de la prendre dans ses bras.

C'est ce que font les amies non ? Essayer des vêtements ensemble, échanger des fringues, aller aux toilettes en groupe (the last one is soo stupid) ; enfin Cam imagine. On ne leur a jamais laissé l'occasion de pratiquer ce genre de frivolités et c'est pas comme si ça lui venait naturellement. C'est même tout le contraire, elle doit arracher les mots à sa gorge pour les laisser sortir et regrette sa proposition dès qu'elle glisse dans l'air. Mais trop tard, Obelia acquiesce avec enthousiasme, à faire grincer la jeune sorcière des dents. "yes of course, I would love that!" la main d'Obe s'avance vers son épaule, les yeux sombres de Cam vrillent dessus et un mouvement involontaire de retrait est sur le point de se faire lorsque la main retombe heureusement dans le vide. "I'm glad you're offering. That way I can touch it up or make some adjustements if you want...?" Touch. No. no touching. Le verbe s'enroule dans son esprit et Cam passe les minutes suivantes à aspirer nerveusement la fumée de sa cigarette peinant à suivre la conversation que tente d'entamer Obelia. Touch it, not you. Breathe. Fuck.

Le chemin jusqu'à sa chambre lui paraît interminable, ses yeux glissent sans cesse jusqu'à l'autre sorcière comme pour s'assurer qu'elle est bien là, que c'est elle et pas quelqu'un d'autre. Devant le pas de la porte, Cam s'arrête d'un coup sec. Personne n'entre jamais dans sa chambre - vide. Ses mains tremblent, alors que tout son corps se fige et qu'elle fixe stupidement la poignée. She can, no she can't. yes. No. Etrangement, c'est la voix d'Obe qui la fait réagir, une pulsion électrique si douce au centre de sa nuque. "Hey, we can do this another time if you want, like, I get it," Does she though? Personne ne comprend parce qu'elle n'a jamais essayé d'expliquer, elle-même ne comprend pas la plupart du temps, alors comment les autres pourraient savoir ? Tournant vigoureusement la tête de gauche à droite, les lèvres pincées, Cam fait preuve d'autant de courage qu'elle peut. "N-no, let's do it." Et elle ouvre la porte et se dépêche d'y entrer en grommelant un mets toi à l'aise qui doit donner envie de faire tout le contraire tant son ton est crispé. Au moins, elle essaie.

La pièce est austère, un couchage sommaire, une table chargée de feuilles de papier certaines encore blanches d'autres déjà chargées de couleurs. Y'a aussi le fusain qui envahit les murs, des paysages, quelques souvenirs de paysage, le visage de Jax dans un coin près de son lit, des ombres cachées derrière le bureau... Tremblante de la tête au pieds et évitant plus que jamais le regard d'Obelia, Cam va se mettre dans un coin et passe les mains sous son pull, le soulève et le jette par terre. Le reste suit dans une frénésie d'angoisse grandissante. Si elle attend trop longtemps, le courage va s'évaporer et elle annulera le rendez-vous à la plage, et elle s'enfermera dans sa chambre pour les cinq prochains jours. Puis, le clic attendu et elle ne ressent plus rien. Juste un gigantesque vide qui s'étend, ses extrémités engourdies tandis qu'elle passe le maillot de bain par dessus ses sous-vêtements. Cam se retourne, le regard creux. Une automate en lieu et place de la jeune femme apeurée. She's done it a lot. It's like switching off the light. One second she's there and then not really. C'est ce qui lui permet d'avancer en fichant son regard dans celui d'Obelia, sans ciller. Sans parler. Ne pas penser aux cicatrices et aux souvenirs parce qu'il y a plus aucune pensées. Just white noises.

tw: mention d'automutilation

Cam doit sentir qu'Obelia a soudainement envie de la prendre dans ses bras parce qu'elle se met à se comporter comme un animal de proie neurotique: après avoir secoué de la tête un peu brusquement, elle rentre comme un boulet de canon dans sa propre chambre sans se laisser le choix d'hésiter. Obelia est à deux doigts de ne pas la suivre, de lui laisser de l'espace malgré l'invitation vocale de Cam, mais se demande si celle-ci ne le prendrait pas mal qu'elle ignore les efforts qu'elle est en train de faire.
Alors elle entre, sans cacher sa curiosité, laissant ses yeux examiner la pièce sans y laisser transparaître le moindre jugement. Elle ignorait que Cam dessinait. Comment aurait-elle pu l'apprendre? Cam ne parle pas beaucoup, et encore moins à elle. Et de toutes façons, pendant longtemps, Obelia préférait faire semblant qu'elle n'existait pas...

Obelia se perd pendant quelques instants dans son étude de la pièce avant de se tourner vers Cam quand elle se met à retirer ses vêtements. Aussitôt elle détourne les yeux, les réattache à elle, puis les détourne de nouveau; elle pivote sur ses talons pour lui tourner le dos, mal à l'aise, curieuse, fascinée et dégoûtée par elle-même. Elle entendant Cam qui se débat avec ses vêtements avec une frénésie angoissée et elle aimerait savoir quoi dire, quoi faire mais elle est pétrifiée, prise dans un étau qui se resserre sur son crâne, dans sa gorge.
Enfin le silence. Obelia se retourne pour regarder Camilla. Le regard farouche qu'elle lui adresse est un peu flippant et Obelia s'en détourne en s'approchant. "It looks gr--" commence-t-elle à dire avant de s'étrangler sur sa propre salive.

Des rayures partout, des traits agressifs et blancs et rouges et vieux et récents. Comme des coups de crayons frénétiques sur une page blanche. Sur les bras, sur les cuisses. Et d'autres marques aussi, tout aussi effrayantes.
Obelia sent son coeur plonger dans sa poitrine et quelque chose exploser dans son ventre: un mélange de peur et de dégoût. Elle a envie de se détourner et de s'enfuir à toutes jambes, mais elle sent comme une présence brûlante les yeux de Cam posés sur son visage alors elle contrôle son expression. Elle est devenue blanche comme un linge, mais elle sourit. "Cam, it looks great," reprend-t-elle dans un souffle en s'approchant, relevant vite le regard pour accrocher le sien. Elle sort sa baguette. "Here - I'm not going to touch you," indique-t-elle en avançant la main vers elle. "Look. Animalis..." incante-t-elle à mi-voix, un sort qu'elle a appris de Dennis.

Aussitôt, les coutures se mettent à danser paresseusement, la vague à s'abattre puis à se replier puis à revenir sur le ventre mince de Camilla. Obelia se force à se sourire en relevant les yeux vers l'autre jeune femme, quittant son observation du maillot de bain. Elle a le coeur au bord des lèvres. Elle a envie de dire quelque chose, de commenter, de lui dire... quoi? qu'elle est là pour elle, qu'elle est désolée, a-t-elle envie de parler? Mais elles ne sont pas amies... enfin, à peine. Si? Non? Toujours difficile à dire avec elle.
Obelia se décide sur quelque chose de plus neutre. "You're very pretty," dit-elle innocemment, en espérant que ça lui fasse plaisir. "Would you mind spinning for me? I can see a couple things I'd like to fix, but um. If I touch you through the fabric, is it okay? I'll just put, errr, little pins, it won't hurt at all, just so that I can make sure it's the right size, but, you know, if it's too much, you tell me, I mean, it looks great like it is... you don't have a mirror, do you- would you like me to invoke one?" demande-t-elle, en se mettant à parler dans tous les sens pour enterrer ce silence qui s'étire et la met un peu mal à l'aise.
Pourquoi est-ce que tout est si dur?
Et, pense-t-elle en ignorant sciement les cicatrices de Camilla qui ont l'air de presque briller dans le noir sur sa peau pâle, pourquoi est-ce que tout est si injuste?

Cam est dans la pièce et en même temps ailleurs. Une part de son identité flotte à côté et au-dessus des deux sorcières. Spectatrice de l’échange plus que participante, elle laisse Obelia la regarder, puis lancer un sortilège qui fait virevolter les coutures contre sa peau. Pendant tout ce temps, qui paraît durer à la fois une seconde et des centaines d’heures, Cam reste immobile, la bouche fermée et le regard brouillé. Ne remarque pas la réaction d’Obelia, n’entend qu’à moitié ce qui est prononcé. Expire puis inspire, lentement. Inspire puis expire, doucement.

Le clac dans l’autre sens ne se fait pas aussi brusquement ; une seconde elle est plus là, puis ensuite elle réalise qu’elle l’est de nouveau. Sans sentir le shift. Ce sont des mots qui la ramènent souvent, des sons parfois, des objets rarement. Ici, c’est le “You’re very pretty.” qui atteint ses oreilles. Elle les a déjà entendus ces mots, ou des synonymes, qui lui donnaient l’impression que son corps lui appartenait plus, qu’il était crasseux et friable. C’est pas pareil là, et son regard descend sur sa peau, les stries indélébiles qui l’habillent. Ses sourcils se froncent puis se détendent. Cam sait pas quoi répondre alors ne préfère rien dire. Et la voix d’Obelia envahit l’espace de la petite chambre, remplit le vide qu’elle sent contre sa poitrine.  "Would you mind spinning for me? I can see a couple things I'd like to fix, but um. If I touch you through the fabric, is it okay? I'll just put, errr, little pins, it won't hurt at all, just so that I can make sure it's the right size, but, you know, if it's too much, you tell me, I mean, it looks great like it is... you don't have a mirror, do you- would you like me to invoke one?" Elle n’est pas encore habituée à tant de délicatesse et de considération, il lui faut un temps pour peser le pour et le contre, se rappeler que si elle est pas capable maintenant avec quelqu’un qu’elle a connu, Cam le sera sans doute jamais avec personne. “Okay. Yeah. Okay.” She’s not going to crash. C’est plus facile d’accepter que des mains s’approchent et la touchent quand elle y est préparée. Plus aisé de laisser Obelia se mettre au travail, des doigts qui dansent sur le maillot, la frôlent parfois mais sans jamais s’appesantir, sans aucune intention malveillante. “You’re really good at this,” murmure-t-elle au bout d’un moment alors qu’elle est droite comme un piquet et laisse l’autre jeune femme la tourner et la retourner, s’affairer sur le tissu bleu.

La tension de son corps finit par atteindre un degré infime. tolérable. “Why did you start it? Do you like doing this?” C’est à son tour de venir combler le silence, pour se concentrer sur autre chose que les mains et la présence d’Obelia qu’elle peut sentir tout proche d’elle. Presque trop. Mais c’est Obe, et si elles ne sont pas amies et ne l’ont peut-être jamais été, elles pourraient peut-être le devenir un jour. Cam aimerait ça peut-être. Même si ça lui fout la trouille. Laisser entrer les autres dans sa vie c’est prendre le risque de se retrouver toute seule, abandonnée.    

Après son petit monologue, il y a un petit silence durant lequel Obelia passe par toutes les étapes du deuil en se disant qu'elle a dû dire quelque chose de mal. Elle est à deux doigts d'ajouter précipitamment qu'elle est désolée et qu'elle ferait mieux de partir quand Cam répond: “Okay. Yeah. Okay.” Elle n'a pas l'air sûre d'elle et, naturellement, Obelia ne l'est pas non plus, ses yeux remontant jusqu'aux siens pour mieux s'assurer du consentement de l'autre sorcière... Mais il y a une détermination ténue dans le regard sombre de Cam, et Obelia se demande si elle ne le prendrait pas mal si elle se changeait elle d'avis à ce moment-là. Alors elle hoche sèchement la tête en reportant son attention sur le maillot. "Alright, well, then, let me know," souffle-t-elle d'un air gêné, sans trop savoir ce que Cam devrait lui dire. Si elle lui fait mal, si elle lui fait peur, si elle la met mal à l'aise?

Obelia met ces pensées de côté en se mettant au travail. Après deux tentatives, elle fait apparaître des petites aiguilles avec sa baguette et elle commence à les glisser dans le tissu pour le resserrer un peu autour des formes anguleuses de Cam, ignorant la peau meurtrie à deux doigts de son nez. Ses mains voltent, font de son mieux pour ne pas la toucher, et ne s'attardent nulle part; très vite, elle oublie le maëlstrom d'émotions qui bat dans sa gorge pour se concentrer entièrement à son ouvrage. “You’re really good at this. - Thank you." Obelia lui adresse un sourire complice entre deux mèches de cheveux blonds, et se retrouve moins stressée en reprenant ce qu'elle est en train de faire.

Le silence est presque - presque - confortable pendant quelques instants, seulement rompu par les commentaires à mi-voix d'Obelia sous sa respiration, qui se parle à elle-même en faisant des notes mentales. “Why did you start it? - Hm? - Do you like doing this? - Oh, yes, I do." Obelia récupère une énième aiguille d'entre ses dents pour la glisser près des côtes de Cam, faisant attention à ce que la pointe métallique ne touche pas sa peau. "It's fun. Magic it's- it's really wonderful sometimes, you know? I like making beautiful things with it. I think that's all there is to it, really." Elle se redresse pour regarder le maillot dans son ensemble, occultant omplètement Cam dans sa concentration. "Plus, it makes people happy." Obelia se sent sourire en relevant les yeux vers Cam. "And I find I like to make people happy now." I hope I make you happy, aimerait-elle lui dire. Or at least I hope someone can.

C'est peut-être égoïste, ou même carrément condescendant de penser ça; Obelia garde ses pensées pour elle et fait un geste théâtral en direction du maillot de bain. "I think that's it! You can step out of it - I'll do the touch-ups tonight or tomorrow and I'll bring it back and it'll fit you like a glove. You, erm, you look really good in this, Cam." Obelia se sent rougir, et se cache derrière un rideau de cheveux décolorés. "Thanks for asking me to do this."

Les minutes passent et le corps de Cam se détend, un peu. C'est comme s'il savait instinctivement qu'il n'y avait pas de danger, pas de risque, qu'il n'avait pas besoin de rester aussi tendu prêt à cogner ou à fuir. Il se détend et ses épaules s'affaissent et sa respiration reprend cette lenteur naturelle. Cam a compté, dix-huit cycles par minute en temps normal. Elle doit au moins passer au double quand ça ne va pas. Compter l'aide à reprendre le dessus, mais tandis qu'Obelia fait usage de ses doigts de fée sur son maillot, Cam réalise qu'elle n'en a pas besoin. Pas cette fois. L'autre femme est trop concentrée sur son oeuvre pour voir le reste.

C'est ce calme qui lui donne le courage de poser des questions. De s'intéresser quelques secondes à quelqu'un d'autre qu'elle. De voir au delà des ombres qui l'entourent et l'étouffent. La réponse de la couturière est presque trop candide, make people happy. une mission vouée à l'échec a-t-elle presque envie de répondre. Se mord l'intérieur de la joue pour ne pas le faire et la blesser. Cam ne veut pas blesser les autres, encore moins Obelia qui ne lui a rien fait. Elle apprend doucement à se taire avant de parler et rabrouer. — I see, répond-elle à la place.

Et puis Obelia s'éloigne, la désigne d'un geste pour montrer le travail terminé. Cam baisse la tête, toutes les aiguilles plantées à quelques millimètres de sa peau et qu'elle n'a pas senties une seule fois la blesser. C'est en relevant la tête vers le rideau de cheveux qui lui dissimulent maintenant le visage d'Obe que la jeune femme est frappée d'une réalisation brutale : c'est le premier vêtement qui lui appartient depuis la DHS. C'est la première fois que quelqu'un lui fabrique quelque chose. Elle ne l'enlève pas de suite, laisse glisser ses mains sur le tissu, une fois, deux fois, trois fois. Prendre le temps de réaliser que c'est quelque chose qui n'est qu'à elle, qui n'a appartenu à personne d'autre et qu'elle n'a pas eu besoin d'emprunter. Peut-être que c'est ça la joie dont parlait Obelia, quand ses lèvres s'étirent en un sourire secret et que ça se serre au niveau de sa poitrine. — Thank you. You have no idea what this means to me. Jusqu'à quelques secondes plus tôt, elle-même l'ignorait. Cam recule de deux pas, se retourne et commence à retirer le tissu avant d'attraper son pull et de continuer à parler tout du long. Le dos tourné pour cacher le rosissement de ses joues, et le tremblement de ses doigts. I want to give you something for it. not just cigarrettes. Something meaningful.

C'est la moindre des choses, Cam n'a pas d'argent, mais elle trouvera autre chose. Et ses yeux se posent sur ses crayons et ses feutres, sur ses feuilles en vrac. Du troc. Voilà ce qu'elle lui propose en lui passant le maillot de bain. — Like, paint something on your bedroom walls, or I don't know.. A part à Jax, Cam n'a jamais montré ses  dessins et n'en a encore moins offert. Ses mains s'enroulent autour de ses coudes, complexée soudainement. Ca lui parait tellement important, que pour la première fois de sa vie elle puisse s'offrir quelque chose sans avoir à le prendre ou à dépendre des autres.