"Ah Nils, at last!" Le sourire d'Isla n'atteint pas ses yeux alors qu'elle se lève lentement, dépliant des dizaines de centimètres de jambes et de bras pour se redresser derrière son bureau et accueillir le jeune brigadier avec sa chaleur distante et habituelle. L'AMI est bien vide aujourd'hui - plus que d'habitude - avec seulement elle dans les bureaux. C'est d'ailleurs elle qui est derrière le comptoir de la réception aujourd'hui, vu que Jackie n'a pas pu venir - rien de surprenant à cela, l'AMI change d'emplacement toutes les nuits à minuit pour une raison obscure, et c'est souvent qu'employés comme "clients" ne retrouvent pas la bonne porte à temps pour leurs rendez-vous. Quand Islabeth a compris que Fitzroy était plutôt passionné par l'AMI, elle lui a donné un objet du storage de l'Institut: une boussole datant de l'ère d'or de la piraterie indiquant toujours à son propriétaire la tonne d'or aztèque la plus proche. En l'occurence, le sous-sol de l'AMI (une longue histoire).

À part si il se rend en Amérique du Sud, Nils trouvera toujours son chemin jusqu'à eux. Quelque chose de plutôt rassurant, pour elle comme pour lui. Isla, quant à elle, a dû courir à travers Candem Town pendant une heure pour trouver la bonne porte. Rien de tel que de chasser après son lieu de travail pour avoir envie d'y bosser dur. "You're a bit late," le réprimande-t-elle en attrapant son manteau sur le dossier de sa chaise, un sourire distrait s'étirant sur ses lèvres. Ils n'ont pas rendez-vous, pas du tout même, mais Isla lui adresse quand même un petit clin d'oeil en refermant une main possessive sur sa boule de cristal, avant de la faire disparaître dans la poche extensible de son long manteau. Difficile à dire si elle a vraiment vu son arrivée dans l'objet de divination ou si elle se fout de sa gueule...

"Will you walk with me? I'm on my way to a statement giver's "haunted" house. I thought you might enjoy it." Elle s'approche de lui jusqu'à être toute proche, penchée comme une grue pour le regarder dans les yeux. Corva apparaît de nulle part dans un voltigement de plumes noires, vient se poser sur son épaule et commence à lui picorer sa boucle d'oreille dorée sans qu'elle n'y fasse attention. Isla lève une main et fait mine d'aller pincer la joue de Nils, dans l'espoir peut-être vain de lui arracher un sourire. Il lui rappelle un peu son jeune frère. "How is the promotion going?" demande-t-elle en ouvrant soudainement la porte de l'Institut et en le poussant dehors sans attendre de réponse, plissant les yeux face au soleil éclatant.

"Ah Nils, at last! -Islabeth." Le pied de la canne inutile de Nils résonne solennellement sur le sol de l'AMI, accentuant aussi bien l'immensité inquiétante des lieux que le vide tout aussi inquiétant qui l'habitait.
Nils a toujours le coeur qui se gonfle un peu quand il franchit les portes de l'Institut; quand il était petit, ça avait été son rêve (et/ou celui de Liam) de travailler là-bas. Mais de fait, sans même à avoir à en parler avec ses parents, il n'avait pas eu d'autres choix que de signer pour le Ministère, participant ainsi passivement à la ruine de l'AMI.
Il n'avait pas pour autant cesser de rôder dans les parages (enfin, les parages potentiels, vu que l'Institut n'arrêtait pas de bouger) et ça relevait presque d'une chance inouïe qu'il finisse par croiser le chemin d'Islabeth (qui ne s'était pas faite prier pour lui assurer que c'était écrit dans il ne sait quelle autre dimension).

"You're a bit late." Nils hausse un sourcil, embarrassé. "I thought you'd see that coming..." bafouille-t-il pour se chercher une excuse, bien qu'il soit incapable de se rappeler s'ils avaient effectivement rendez-vous.
Il faut dire que, si les lieux sont en eux-mêmes impressionnants, ce n'est rien en comparaison de leur archiviste. Islabeth était à l'image de son lieu de travail ; immense de par sa taille et, si son regard semblait toujours un peu vide et vague, on pouvait y deviner (si seulement Nils avait l'audace et les centimètres nécessaires pour la regarder dans les yeux) les tumultes de l'au-delà qui batifolaient en son sein.
Ceci dit, bien qu'Isla le mette relativement mal à l'aise, il persistait à l'accompagner dans certains de ses déplacements, sans jamais vraiment le regretter, même s'il s'agissait de se retrouver perdu à perpèt' à la recherche d'un grimoire de chair ou il ne sait quel autre artefact aussi maudit que peu ragoutant.

Islabeth se déplie de sa chaise, avant même que Nils ait le temps de ranger sa boussole qui manque de s'échapper de sa main nerveuse lorsque l'Archiviste se penche sur lui. Le regard de Nils s'affole, va et vient entre le corbeau, la boucle d'oreille et le sourcil droit d'Islabeth, tandis que son échine s'arque vers l'arrière. Il se retient à sa canne comme un vieillard surpris à faire des étirements. A quelques assouplissements près, leurs deux silhouettes pourraient se compléter comme les pièces d'un puzzle tout en manteaux longs et awkward looks. "The promotion is... going well? A-any day now—" C'est à se demander s'il s'adresse davantage à Isla ou à Corva, au vu de l'insistance avec laquelle il revient toujours à l'oiseau. "A— a haunted house, you say?" Il balaye le sujet fâcheux de sa promotion d'une pirouette qui se traduit par un subtil pas vers l'arrière, pour s'écarter imperceptiblement de l'Archiviste en direction de la sortie. "Last time I checked one was kinda disappointed ; just a regular vampire squat..." Bon, il évitera de lui préciser qu'il avait failli y rester et que son assistant improvisé n'avait même pas pu jouir de cette chance.
"What do you think we'll find there?"

Nils a l'air un peu terrifié, ce qui remplit Isla d'une certaine joie malicieuse et trop rare, et étire sur ses lèvres fines un sourire crispé, mais sincère. "The promotion is... going well? A-any day now— - Hm... Any day, yes, yes..." commente-t-elle distraitement comme si elle avait une idée derrière la tête, ou qu'elle en savait quelque chose. Elle questionne souvent l'avenir de Nils dans sa boule de cristal, mais les résultats ne sont jamais bien probants: tantôt elle a l'impression de le voir lui, tantôt un jeune homme similaire au destin bien différent... Mais jamais Isla ne s'attarde sur ces prédictions bancales, et les garde toujours pour elle à moins d'être questionnée.

"A— a haunted house, you say? Last time I checked one was kinda disappointed ; just a regular vampire squat..." Isla, même si ce n'est ni drôle ni pertinent, rit légèrement en verrouillant d'un coup de baguette l'Institut derrière eux. "What do you think we'll find there? - Something terrifying I gather." Haussement d'épaules, alors qu'elle range sa baguette et referme autour du petit bras de Nils une main aux doigts acérés comme une serre d'aigle. Elle a un regard désintéressé vers l'allée vide, puis revient aux yeux clairs du jeune homme. "Ready?" demande-t-elle avant de transplaner sans attendre, avec un dernier sourire pallide.

Elle le relâche sitôt qu'ils sont arrivés en banlieue de York, petit quartier résidentiel calme et silencieux, maison au gazon devenu fou depuis son abandon il y a sept ans. Isla produit d'une des poches profondes de son manteau trois parchemins agraphés à la va-vite, recouverts des pattes de mouche d'Adhémar l'autre Archiviste de l'Institut. "Statement of Theodard Dekker, taken directly from subject, blablabla..." Elle enjambe sans mal la porte du petit jardin avant de se rappeler qu'elle est accompagnée d'une petite personne, et de l'ouvrir derrière elle pour que Nils puisse la suivre. Elle lit silencieusement en marmonnant sous sa respiration. "...ah, yes. Alright." Elle se tourne vers Nils, et le sourire est cette fois inquiétant, le regard un peu trop intense. "What do you know about Boggarts, Nils? Have you ever faced one? What shape do they take when they face you?" Les parchemins disparaissent de là où ils proviennent, et Corva décolle de son épaule pour aller se poser en hauteur, jetant un coup d'oeil curieux vers la fenêtre de la maison.

Celle-ci a bien l'air abandonnée - et pourtant, à l'intérieur, toutes les lumières sont allumées. "Really," Isla rajoute sans attendre la réponse à ses questions précédentes, "what are you afraid of?"

"Something terrifying I gather." S'ils avaient été suivis par une caméra, Nils y aurait planté son regard incrédule. Sa persistance à vouloir être de toutes les missions d'Islabeth ne voulait pas non plus dire qu'il était imperméable à la peur (pour ne pas dire qu'il était alimenté par elle). Dans un soupir, il murmure: "This is f— - Ready? Il avale une bouffée et bloque sa respiration (habitude qu'il a depuis son permis) lorsqu'Islabeth, juste après avoir refermé ses griffes sur son avant-bras (à se demander si elle n'était pas un peu corbeau sur les bords), les fait transplaner vers une nouvelle aventure (help).

Nils observe autour de lui la rue calme et les maisons identiques s'alignant les unes à la suite des autres, le temps de recouvrir rapidement ses esprits. Sans regarder où il met les pieds, il reste sur les talons d'Islabeth qui progresse dans le jardin, et se prend aussitôt les pieds dans le petit portail qu'il n'avait pas remarqué, puisque l'Archiviste l'avait enjambé comme on éviterait une plate-bande. Elle ouvre la porte grinçante à un Nils confus, maugréant dans le col de son manteau, peu habitué à se trouver si insignifiant face à cette grande dame. C'est qu'Islabeth, non contente de l'observer du haut de son perchoir avec intimidation, arborait toujours ce regard un peu trop clairvoyant à son égard, comme si elle pouvait lire dans ses plus sombres pensées. L'usage de son mystérieux troisième œil ou il ne sait quel don de voyance n'aidait pas non plus le jeune homme à se sentir plus à l'aise.
Bah, peut-être qu'il cherchait spécifiquement le malaisant, comme pour se prouver que c'était toujours moins pire qu'O— "What do you know about Boggarts, Nils? Have you ever faced one? What shape do they take when they face you?"
Otto.

Nils s'arrête juste derrière elle, les yeux plissés. L'Archiviste, impatiente, réitère sa question, à laquelle Nils s'empresse de répondre, pour ne pas rendre sa réponse trop louche. "I— I heard that some students of my school year at Hogwarts get to see one during class... I guess mine would be just..." Sa bouche s'étire dans un genre de grimace un peu dubitative. "... death? I guess..." Il reste silencieux un temps, avant de reprendre. "I've always wondered why it's not the same for everyone? I mean, who'd enjoy seeing their dead self? It could be a Boggart's life hack..." La panique dans sa voix est aussi palpable que le sol sous leurs pieds. Pour fuir le regard insistant d'Isla, Nils fixe avec confusion les pièces éclairées, derrière les vitres abimées et recouvertes de poussière. Il est à ça de demander à l'Archiviste si c'était de son fait, mais la simple pensée de son rire distordant et la sensation de la petite tape infantilisante sur le haut du crâne pour seules réponses lui font ravaler sa réflexion.

En quelques pas, il arrive à la hauteur de l'Archiviste (enfin, pas cette hauteur là). Il désigne du menton les lumières du rez-de-chaussée. "Are we dealing with some kind of Boggarts today, Islabeth?" Si ce n'était que ça, une salve de riddikulus pourrait faire l'affaire, mais bizarrement, Nils se dit que ça ne serait pas aussi simple que ça... D'un autre côté, il est plus que curieux de savoir quelle apparence les épouvantards prendraient au contact de l'Archiviste qui, quand elle souriait mystérieusement de la sorte, avait plus l'air d'être un épouvantard que d'en avoir un.

Nils ne va pas lui dire la vérité - Isla peut sentir l'odeur du mensonge lui chatouiller le nez comme un grand cru avant même qu'il n'ouvre la bouche, la faisant légèrement pencher la tête sur le côté en un mouvement rappelant très distinctement Corva. "I— I heard that some students of my school year at Hogwarts get to see one during class... I guess mine would be just.. death? I guess... - Hm... The End..." Isla détaille Nils intensément, essaie d'extraire le mensonge de ses pores, sans grande réussite. "I've always wondered why it's not the same for everyone? I mean, who'd enjoy seeing their dead self? It could be a Boggart's life hack... - Death is inevitable. Some people find peace in that." Ils tournent ensemble les yeux vers la maison aux fenêtres allumées, celle trônant au-dessus de la porte d'entrée grésillant légèrement sans pour autant émettre la moindre lumière. "It is the only immtuable truth of life, after all."

Nils la rejoint devant la maison, réticent mais courageux, comme à chaque fois lors de leurs petites expéditions. Elle ne lui a jamais proposé ouvertement de rejoindre les rangs de l'Institut, ayant rapidement qu'il en mourrait d'envie mais n'avait pas réellement le choix, et s'est donc contentée jusque là de l'emmener avec elle, de parfois lui donner des dossiers à étudier chez lui, et de se tenir bien loin du reste de sa vie (sauf à travers sa boule de cristal). L'AMI marque certaines personnes au fer et leurs destinées y sont liées qu'ils le veuillent ou non. Et l'AMI a toujours ce qu'il veut, pu importe le temps que ça prend.

"Are we dealing with some kind of Boggarts today, Islabeth?" Son nom entier dans la bouche de Nils la fait sourire dans sa direction, un sourire doux et tendre et inhabituel. "I believe so. Will you lead the way?" lui demande-t-il d'une voix douce, posant une main sur son dos pour le pousser en avant sans lui laisser le choix. Corva croâsse et Isla lui fait un petit signe de la main, avant de suivre Nils sur le perron qui craque sous leurs pas.

Pour son bénéfice, elle fait même exprès de se pencher pour murmurer à son oreille: "do you feel it?" Ponctuant le tout d'un coup d'oeil malicieux quand il se retourne dans un sursaut. "That knot in your stomach?" Dès l'instant où elle a posé un pied sur le plancher, elle a senti cette sensation primale et ancestrale de peur lui tordant soudainement l'estomac. Cette peur n'est pas la sienne. C'est celle de Dekker, elle le sent. Elle n'a pas encore dit à Nils que leur cher statement giver a disparu il y a quelques mois. Difficile pour l'AMI de se procurer toutes les informations disponibles mais d'après le rapport de police trouvé par Sasha, il a un jour pris sa voiture en pleine nuit, s'est engouffré à 150 kilomètres heures dans le Snow Hill Tunnel, et n'en est jamais ressorti.

Devançant Nils qui n'a pas l'air prêt à ouvrir la porte, Isla pose la main sur cette dernière. "Boggarts are sentient beings, but they're not really there. What do you call something that has no shape when no one is around to fear it? And yet, like your school comrades would gladly tell you, they are real. Very, very real." La main d'Isla caresse le bois avec une douceur qu'elle est incapable de montrer à ses propres filles. Ses doigts finissent par toucher la poignée, qui cède gentiment sous la pression, faisant s'ouvrir le battant sur un couloir éclairé de plusieurs lampes.

"It's night, here," indique Isla en entrant, tenant la porte pour que Nils la suive. "Can you tell?" Il est bien midi moins cinq en dehors, et le soleil passe même par les fenêtres poussiéreuses, mais l'impression est là - la fatigue d'une longue journée sous le soleil, les lumières allumées pour tromper l'obscurité, l'envie de fermer les rideaux et d'aller retrouver la chaleur réconfortante de son lit. Ils sont seuls, il n'y a pas d'Épouvantard. Isla fait un signe impatient à Nils pour qu'il entre. "Come on, now. It'll be fun!"

"I believe so. Will you lead the way?" Nils ne peut retenir une grimace de panique, avant de hocher du chef. "Sure," qu'il répond sans grande conviction, puisque l'Archiviste est déjà en train de presser sa main dans son dos pour le faire avancer. Il se demande bien pourquoi elle l'envoie en première ligne ; après tout, elle était bien plus expérimentée que lui, et certainement moins encline à sauter au plafond au moindre bruit de travers... Ou alors elle ne se servait de lui que comme un bouclier, auquel cas, il devait l'admettre, il avait fait du bon travail pour être toujours en vie.

Nils gravit une marche qu'Isla n'aura sûrement pas à franchir au vu de ses interminables jambes. Il va pour retenir sa respiration et manque de s'étouffer quand elle revient à la charge, malicieuse. "Do you feel it? That knot in your stomach?" Oh que oui, il peut le sentir, presqu'autant que l'excitation qui illumine le regard presque transparent de son obligée. Le soucis de Nils ne vient pas tant du fait que sa peur peut se lire sur chaque centimètre de sa peau couverte de sueur froide, mais plutôt du fait qu'Islabeth, de son côté, n'a pas l'air d'en souffrir du tout, comme si elle effectuait une simple promenade de santé. Il se doute bien qu'elle a dû en voir de toutes les couleurs, durant ses multiples affaires ; mais s'habituer à quelque chose ne veut pas dire l'apprécier pour autant?

C'est finalement Isla qui ouvre la porte, son bras tendu presqu'au-dessus de la tête de Nils qui se retrouve bien obligé de faire un pas de côté, avant qu'elle ne lui prouve qu'elle était capable de l'enjamber (il a peur, ok, il imagine des trucs bizarres). " (...) What do you call something that has no shape when no one is around to fear it? (...)" Il refuse tout d'abord de jeter un œil au couloir, au cas où il soit bondé d'épouvantards. Mais l'Archiviste continue d'avancer tranquillement. Nils tâtonne les poches de sa cape, comme pour y récupérer son carnet, mais se ravise au dernier moment. "Is it like... a thought?"

L'Archiviste sait comment tromper la couardise de Nils, occupant son cerveau à d'autres énigmes. Il prend sa suite sans réfléchir à ce qui pourrait débouler de l'autre bout du couloir. "Like an idea; before you think about it, it's nothing— it's not. And then... it is and stays, and— and sticks to your mind, resilient..." Son visage est crispé par la réflexion et le soucis, si bien qu'il ne sait pas comment il a atterri dans le salon. La table est dressée. Ça sent l'ozone et peut-être le rôti?
Nils va pour demander la réponse à l'Archiviste, mais il se ravise, en réalisant qu'il est désormais assis en bout de table. What the h— when did I—???" Un poids le retient en place, rien de physique, comme si l'air lui soufflait d'être fatigué et de n'avoir qu'une envie ; passer à table. "Islabeth, what's going o—" Il croise son reflet dans la lame du couteau posé près de son assiette... Son sang quitte son visage, lorsqu'il découvre que ce n'est actuellement pas son visage qu'il voit, mais celui d'Otto...
"Islabeth— wh-what do you see?"

tw: manipulation

"Is it like... a thought?" Un son étrange s'échappe de la gorge d'Isla, quelque part entre un crissement de métal contre métal et un aboiement d'un chien galleux - un rire, semblerait-il. Juste avant que la porte ne se ferme derrière eux, Corva s'y faufile dans un bruissement d'ailes pour aller se poser, sentencieuse, sur une patère en fer à l'entrée. "Like an idea; before you think about it, it's nothing— it's not." Isla écoute Nils avec un petit sourire, ignorant les relents d'angoisse qui viennent faire s'éveiller sa peau sous ses vêtements, enfoncer des petits doigts pernicieux dans ses entrailles et son estomac. Il fait nuit. La lumière du jour passe à travers les fenêtres mais dans cette maison, il fait nuit - Isla sait que c'est vrai et immuable comme le soleil qui se lève et se couche chaque jour. Il fait nuit et l'ombre n'est jamais loin, et aucune couverture ne pourra les protéger.

"And then... it is," continue Nils, s'attirant un regard distrait d'Isla qui les guide jusqu'au salon, "and stays, and— and sticks to your mind, resilient..." Nils s'arrête, son visage changeant d'expression en réalisant où ils se trouvent. La table est dressée et Isla tend la main vers l'une des bougies au centre de la table, ses longs doigts pâles en éprouvant la flamme sans la sentir.

Nils va pour demander la réponse à l'Archiviste, mais il se ravise, en réalisant qu'il est désormais assis en bout de table. "What the h— when did I—???" Isla fait volte-face pour regarder son jeune compagnon, et penche la tête sur le côté comme un corbeau inquisiteur en le voyant assis. "Ah, it chose you! Splendid!" fait-elle d'un ton joyeux et avec un sourire sincère, qui n'atteint pas ses yeux presqu'opalescents dans cette lumière. "Islabeth, what's going o—" Entendre son nom complet dans la bouche du Fitzroy l'attendrit un peu et Isla contourne la table pour s'approcher de lui, se tenant derrière sa chaise et posant une main rassurante sur son épaule. "Islabeth— wh-what do you see? - Hm?" La main d'Isla remonte lentement le long de l'épaule de Nils jusqu'à son cou, où ses doigts froids éprouvent lentement les cheveux rasés sur sa nuque, remontant le long de son crâne avec une étrange tendresse. Elle suit son regard jusqu'à ses couverts. "I believe that's your father. How Freudian of you, Nils," rit-elle gentiment en croisant le regard mort et froid d'Otto Fitzroy.

Ses ongles crissent sur le crâne de Nils, ses doigts se refermant brièvement autour de ses cheveux dans une prise douloureuse, avant de le relâcher. "Boggarts can also be places. Did you know that?" Isla revient dans le champ de vision de Nils en se tenant à côté de sa chaise, s'emparant du couteau où est crystallisée l'image de Fitzroy senior en faisant bien attention à ne pas laisser son propre reflet s'y perdre. "Fear can take many shapes." Elle a une brève pensée pour son collègue archiviste, qui a grandi dans une maison similaire et ne ressent tout simplement plus la peur, qu'elle refoule rapidement au fin fond d'elle avec un rien d'agaçement. Isla pose le couteau en travers de l'assiette de Nils avant de balayer la pièce du regard, souriant en croisant le regard morne de Corva qui observe curieusement la scène, perchée sur le buffet qu'elle a rejoint silencieusement quelques secondes plus tôt.

"I'm here," rappelle-t-elle à Nils après quelques minutes d'un long silence, retournant dans son dos et posant cette fois ses deux mains sur ses épaules. "Think about your father. Why does he scare you?" Elle a besoin que Nils soit un peu plus agité pour attirer l'Épouvantard et ses manifestations et pouvoir l'observer de ses propres yeux - et le bannir de ses propres moyens. Ses mains glissent sur son torse, d'un geste languide mais froid, ses mains d'une pâleur cadavérique venant se poser sur ses poumons et chercher les battements de son coeur à travers ses couches de vêtements. "Is it his violence? Are you scared that he might turn it against you one day, the way he turns it against his other son?" Ses doigts commencent à tapoter la poitrine de Nils au rythmne crescendo des battements de son coeur. "Or is it the cold of him? It is like an ice fire after all, isn't it? Are you scared of getting burnt?" Isla se penche, ses yeux morts rivés sur la pièce autour d'eux, ses mains gelées sur le corps de Nils, son souffle chaud à son oreille: "Burnt, then born anew? What if, under all those layers of distance and black leather that you wrap yourself in, you were just like him - a being of violence and murder, eager to bring the Lord's justice upon your own blood and family?" Elle sourit légèrement en voyant le peau de Nils s'hérisser sous son souffle. "What then, hm?"

Une araignée remonte dans le col de Nils, glisse entre ses cheveux sagement coupés; il s’agit en réalité de la main de l’Archiviste, mais les sueurs froides que le bout de ses doigts laissent sur son passage auraient aussi bien pu être du fait d’une gigantesque arachnide. Les traînées sont aussi brûlantes qu’un saignement, la sensation tiède du sang qui coule d’une narine avant même qu’on s’en mette plein les doigts. Nils a l’impression que la simple pression des doigts d’Isla suffit à vider son crâne de toute sa substance. C’est ce qui pourrait précisément arriver qu’il ne moufterait pas, tétanisé face à ce reflet qui n’est pas le sien, qui n’est pas encore le sien. "I believe that's your father. How Freudian of you, Nils." Nils n’ose pas répondre, la gorge sèche et froide, terrifié à l’idée que la voix qui s’en échappe celle de son père. La main qui tient le couteau rond est bien la sienne, lisse, la peau légèrement craquelée entre ses doigts, là où elle sèche sans qu’il n’y applique aucun soin, la tache d’encre ténue au coin de son majeur, là où la plume laisse sa marque depuis qu’il sait écrire.

Etrangement, c’est à la prise solide d’Isla sur son crâne que Nils se raccroche, incapable d’affronter son reflet, les yeux rivés sur l’espace désormais moite entre son index et son majeur, évitant le manche du couteau. "Boggarts can also be places. Did you know that?" Il avale sa salive, a l’impression que le bruit résonne dans tout l’intérieur de son corps, dans toute la pièce, comme si la chaise sur laquelle il s’était assis sans s’en souvenir allait l’avaler à son tour. "I— I’ve heard about this guy; for him, boggarts turn into a time of day??" Ce ne sont que des discussions badines à la machine à café, aussi, il n’avait pas eu l’occasion de voir à quoi ça pouvait ressembler. Mais étrangement, il se dit que ça reviendrait sensiblement à leur présente et inconfortable situation.
Nils ne reconnait pas totalement la pièce dans laquelle il se trouve. De même, les plats sur la table semble muer progressivement, à mesure que l’épouvantard devine les peurs les plus intestines de sa proie du jour. Et, sans surprise, Nils devine un petit pain prenant la forme d’un scone, un verre de vin tourner au jus de citrouille. Un putain de brunch au milieu de la nuit.

Isla plante ses doigts dans ses épaules. Nils est tenté d’y agripper ses mains, dans un mouvement désespéré, un besoin désespéré de contact et de sentiment de sécurité, alors même que l’archiviste était de loin la seconde chose la plus terrifiante de la pièce. Nils doit naïvement se dire qu’elle ne ressent pas la peur, bien qu’il serait curieux de savoir si la maison dans laquelle ils étaient initialement entrés était son épouvantard à elle.
"Think about your father. - No... La peinture sans âme d’Otto éclaboussant sa rétine avant même qu’il ne finisse de gémir sa maigre résistance. - Why does he scare you?" Les araignées descendent sur sa poitrine, creusent sous le surplus de son manteau. Nils a très chaud et très froid en même temps, il a l’impression que si les araignées lui ouvrent la cage thoracique, ses entrailles brûlantes fumeraient au contact glacé de l’air et de la sueur qui glisse le long de son échine.

Mais les doigts d’Isla restent désespérément à la surface, tapotant la mesure de son cœur, tel un décompte sans pitié. "I’m not scared of him; I h— resent him." Il sait que ça n’est pas la réponse qu’Isla attend, et que pour se sortir de là, il allait devoir cracher plus que ce qu’il n’avait jamais révélé à qui que ce soit.
Nils se demande si Isla n’était pas un peu son épouvantard aussi; ou bien était-ce la confession qui le terrorisait tant. Les bouts des doigts de l’archiviste sont comme des aiguilles qui pincent mais ne transpercent pas, puisque la rupture allait devoir venir de lui.
"I’m not like my father," siffle-t-il, sa voix rendue rauque par les sanglots contenus, et aussi peut-être parce qu’elle se mue peu à peu en celle d’Otto.

Combien de fois avait-on fait le rapprochement? Liam était le fils de sa mère, Jude était le fils de sa mère; mais il persistait une similitude, un parallèle insupportable entre Nils et Otto: la scolarité à Serdaigle, la manière de tenir sa cuillère, la manière de se tenir, de ne rien dire, le froissement des sourcils sévères, la bouche close, réduite à une ligne presque inexistante sur leur visage, la Marque, bientôt ?

La peau de son avant-bras le brûle. Nils remonte brusquement les couches de manches serrées, exposant la Marque imaginaire qui s’imprime, comme taillée maladroitement du bout du couteau qu’Isla lui avait pourtant retiré. La respiration de Nils s’emballe, alors qu’il essaye d’essuyer la plaie de son autre main. "I don’t want to be like him! Sa voix, modérée et grinçante, se met à vriller dans les aigus d’un enfant. What the hell, Isla? I thought boggarts couldn’t affect the body? Why am I h—" Il pivote son poignet, découvrant le vieillissement accélérée de sa peau, jusqu’à ce que les veines bleues et les jointures saillantes propres au main de son père finissent de transformer sa main.

Nils bondit de sa chaise, essaye de s’extirper de la toile qu’ont tissé les mains d’Isla. Si la sorcière n’a jamais croisé Otto, elle saurait désormais à quoi il ressemble de près, et surtout comment son visage se tord s’il a jamais été terrorisé par quoi que ce soit. "What’s wrong with you?? I want to get out of here!"

"I’m not scared of him; I h— resent him." Isla se fait la réflexion distraite qu'elle devrait envoyer une facture à Nils après leur petite aventure - ce n'est pas tous les jours qu'on se fait psychomager par une amie bien intentionnée quand on espérait seulement découvrir un mystère occulte.
Elle essaye - et c'est dur - de ne pas penser à son propre père. Qu'elle n'a jamais haï, elle non plus, mais à qui elle a tant voulu. Pour son inaction, son flegme britannique, ses expressions imperturbables. Pour les avoir faits naître, elle et ses adelphes, sous le joug de sa femme. Pour n'avoir pas su les protéger... pour ne leur avoir même pas dit qu'ils devaient se protéger. "I’m not like my father. - Yet you sound just like him," souligne Isla dans un souffle plein de regret.

Elle arque un sourcil quand Nils sort de sa paralysie pour retrousser ses manches. Sa peau blafarde se pare du vermeille de son sang mêlé et les narines d'Isla frémissent quand l'odeur du sang les assaille. Elle détourne son regard mort vers les murs de la pièce, cherche l'origine de cet Épouvantard qui est en train de lui donner du fil à retordre... "I don’t want to be like him! - Hm-hm... - What the hell, Isla? I thought boggarts couldn’t affect the body? Why am I h—" Isla se tourne de nouveau vers Nils et sourit en voyant sa peau vieillissante. "They don't." Le sorcier saute sur ses pieds et Isla ne bouge pas, gardant sur lui son regard froid, méthodique. Ses traits changent comme ceux d'un Métamorphomage, peau rigide devient flaccide, mâchoire imberbe se carre, traits d'enfant deviennent acérés. "What’s wrong with you?? I want to get out of here! - What's wrong with me?" Isla rit - un rire étonnamment chaleureux, dans lequel on aimerait se lover. "What's wrong with you? Look at yourself!"

Isla fait un ample geste de la main, dramatique et soigneusement calculé, en direction du grand miroir à l'autre bout de la pièce, faisant face à la table. Corva s'envole, obéissant à son ordre silencieux, et entraîne avec elle le regard de Nils-Otto; dès que le regard froid de ce dernier voit son reflet, la pièce est plongée dans le noir.

Les doigts d'Isla s'enroulent autour du poignet de Nils. "No Lumos, not yet. Wait." Et puis de serrer ses doigts autour du jeune homme, cette fois sans fausse chaleur maternalisante. "Wait," insiste-t-elle d'une voix grave, menaçante.

Il y a quelque chose dans la pièce avec eux.

"It's here," souffle Isla, avec une joie évidente; l'instant suivant, elle relâche Nils et lève sa baguette: "Ridikkulus!" La suite est confuse, mais rapide: la lumière revient, l'impression d'étouffement récède, l'Épouvantard devient un oeil qui devient une balle qui devient un soleil qui devient une assiette qui devient une Mornille qui devient un donut qui est finalement envoyé d'un coup de baguette dans la petite boîte en ivoire qu'Isla vient de faire apparaître dans sa main. "And that's a job well done!" chantonne-t-elle d'une voix légère en se tournant vers Nils, qui a retrouvé les traits de son frère et la peau parfaite de son avant-bras. "What's with the long face?"

"What's wrong with me?" Nils ne sait pas à quoi il aurait dû s’attendre. Il aurait peut-être aimé qu’Isla reconnaisse lui mener la vie dure, il aurait aimé qu’elle accepte de faire un peu plus d’efforts, qu’elle fasse un peu plus attention à lui; il aurait aimé qu’elle soit moins grande, moins terrifiante, moins fascinante. Mais tant qu’à y faire, Nils avait tendance à vouloir des choses tout bonnement impossibles: que son père disparaisse, que son jumeau revienne, que Bairagi partage ses sentim— Mais à l’évidence, tout ce qui n’allait pas chez Isla participait aussi à son charme. Et puis, au risque que le rappel soit aussi douloureux qu’une piqure d’insecte, Nils était là parce qu’il le voulait. C’est à la chaleur du charmant sourire d’Isla que Nils baisse les bras. "What's wrong with you? Look at yourself!"

Et le déroulé de la scène est trop parfait, la tentation et l’horreur sont trop grandes, le mouvement de bras de la sorcière trop fluide et le vol du corbeau trop synchronisé pour que Nils ne suive pas le tout du regard, pour que ses yeux désormais noirs, désormais chevauchés d’épais sourcils et soulignés de cernes tout aussi épais, ne remontent pas le long du cadre, titillant les bords du miroir alors qu’il refuse, dans un dernier élan de pitié pour lui-même, de regarder en son centre. Puis ses yeux s’y bloquent et, sans surprise mais avec beaucoup de regret et d’effroi, il découvre le reflet de son père, surplombé par Isla, dont la tête apparaît à peine dans le haut de la réflexion.

Pour autant, si le choc est réel, la torture ne dure que l’espace de quelques secondes avant que la pénombre ne s’abatte sur la pièce, dérobant Otto au regard apeuré et fiévreux de Nils, qui, s’il continuait à sursauter et trépigner vers l’arrière, allait finir par buter contre Isla (ou, à ce stade, il n’aurait pas été surpris de lui passer au travers, ou pis encore, de voir la cage thoracique de sa comparse s’étirer et s’ouvrir, ses côtes l’engloutissant comme un brunch mal dégrossi).
Au lieu de ça, il reste épaule contre épaule (enfin plutôt son bras, au vu de la différence de taille), sa main cherchant aussitôt à s’emparer de sa baguette. Son geste est interrompu par les griffes d’Isla autour de son poignet. "No Lumos, not yet. Wait." Le vague pincement du à la pression est atténué par le rush d’adrénaline de l’anticipation. Nils lève les yeux, tend l’oreille, pour écouter par-delà les battements respectifs de leurs palpitants au bord des lèvres.

"It's here," Nils regrette presque qu’elle le lâche, alors qu’il va pour bégayer un "whe—" noyé par le "Ridikkulus!" Nils referme son clapet et sa respiration se coupe tandis que la lumière revient et que, dans la confusion, il peine à tenir le compte de ce en quoi l’épouvantard s’était transformé. It was round, I guess. La créature est écrasée dans une boîte magique sur laquelle Nils garde son regard fixé, reprenant avec peine sa respiration. Quelques mèches de sa coiffure ennuyeuse et impeccable brosse son front moite.
Un nouveau regard pour le miroir afin de vérifier qu’il avait retrouvé son apparence. Et le souvenir tout chaud d’Isla le forçant à se prendre l’épouvantard dans la figure à sa place qui revient au galop. "What's with the long face?" Il hausse ses sourcils sévères. "I— uh— that’s—" à mesure qu’il s’affole, sa bouche semble incapable d’articuler quoi que ce soit de compréhensible. Il commence à compter les temps de sa respiration en désordre. "That’s no way to work with someone, Islabeth! You should have told me I would be some kind of a— of a bate! That’s— that’s not fair! You’ve seen my— my boggart and I—" Ses gémissements ne sont pas sans rappeler ceux d’un môme qu’on aurait surpris à mouiller son lit.

De fait, sentant la honte et la frustration lui colorer les joues en cramoisi, il baisse les bras, hausse les épaules dans un soubresaut incontrôlé et secoue la tête de résignation. "Ugh, nevermind; you do you. And I know that it’s my own free will to be there, I know…" récite-t-il en bougonnant.
Il range la baguette dans sa canne et réajuste la boucle de sa cape. Il hésite quelques secondes à lui demander de ne pas répéter ce qu’elle avait vu à qui que ce soit. Mais, au dernier moment, il réalise que c’était la pire idée qui lui ait jamais traversé l’esprit. Aussi, si Isla le voit trépigner, il se ravise, un comportement plutôt familier, prouvant qu’il était de nouveau tout à fait lui, après tout.
"Uh— what are you going to do with that? Is Adhémar still collecting them all?" Il a vaguement l’air d’un adolescent voulant détendre l’atmosphère (alors qu’il était le seul tendu, qu’on se le dise, and you know, pas pour les bonnes raisons), parce qu’il essaierait de se débarrasser d’un embarrassant rendez-vous galant qu’il aurait lui-même initié (juste parce que sa copine avait voulu aller voir Massacre à la saint-Valentin au lieu de Valentine’s day).
"Or are you going to dissect it? se hasarde-t-il avec un peu plus d’assurance (c’est relatif, hein, la confiance en soi, chez Nils) en se dirigeant vers la sortie. Puis de continuer à grommeler, à mesure qu’il avance: But can you even dissect a boggart tho… it would take the shape of your fear while you dissect it… and if you fear dissection, how does it w— eeh whatever! Shall we?"