What the fuck is going on? La tête enfouie à l’intérieur de ses mains, Josephine essayait de comprendre l’incompréhensible. Le monde magique partait à la dérive, Blackpool, Londres, le ministère lui-même, quand est-ce que cela allait s’arrêter ? Elle avait tendu l’oreille ces derniers-jours espérant découvrir quelque chose qui serait susceptible d’intéresser l’ordre mais tout ce qu’elle avait récolté, c’étaient des bruits de couloir. Des rumeurs qu’elle préférait taire pour l’instant, le temps d’en apprendre plus, de démêler le vrai du faux de ce qu’elle entendait à propos du Lord et du N9. L’ambiance au Ministère de la magie était devenue difficilement supportable, l’atmosphère pesante, les murmures incessants. Chacun en allait de sa théorie, tout le monde cherchait à comprendre mais personne ne parvenait à saisir. Cela faisait plusieurs années que la sorcière travaillait au département des accidents et catastrophes magiques mais jamais elle ne s’était sentie aussi peu à l’aise de rejoindre son bureau. Pourtant, ironiquement, elle n’avait jamais eu autant de choses à faire, les dysfonctionnements se succédaient, les sortilèges Repousse-Moldu sautaient les uns après les autres, de façon totalement aléatoire et imprévisible. Elle avait passé la semaine précédente à transplaner d’une mission à l’autre, lorsqu’elle le pouvait ; elle était éreintée, le sommeil la fuyait et les choses n’étaient visiblement pas prêtes de s’arranger. De ça, Jo en était certaine, elle l’avait compris la veille, lorsqu’elle était rentrée chez elle avec l’espoir de se reposer mais qu’au lieu de ça, en allumant sa radio, elle avait entendu le flash de Rise FM. Le réseau téléphonique de l’Ordre était tombé, les communications étaient coupées, la résistance se retrouvait livrée à elle-même. Josephine avait immédiatement eu une pensée pour Susan, un pincement au cœur à l’idée de revivre la même histoire une seconde fois. Où était sa référente à l’heure actuelle ? Était-elle en lieu sûr ?

La jeune femme secoua la tête pour chasser ces dernières pensées et traversa le dernier couloir qui la séparait de son bureau. Elle avait beau être perdue dans ses pensées, elle ne pouvait s’empêcher de sentir le regard des autres sorciers se poser sur elle, comme s’ils savaient et qu’ils avaient toujours su. Comme s’ils voyaient à travers elle et à travers son jeu d’agent double. Tous ces récents événements avaient fait naître une certaine paranoïa au sein du ministère. Les œillades de travers, les regards insistants… La méfiance avait pris le pas sur le peu de confiance qui existait déjà. Et tout ce que Josephine pouvait faire, c’était feindre l’indifférence, paraître sûre d’elle, engagée dans la cause du gouvernement et ravie des idées de Voldemort alors qu’elle constatait jour après jour que des villes moldues étaient rayées de la carte. Sans toutefois réussir à concevoir la finalité de cette manœuvre.

Josephine s’immisça dans l’embrasure de la porte et prit soin de la refermer derrière elle, juste à temps pour apercevoir un mémo glisser dessous et aller se poser sur son bureau. Un soupir s’échappa de ses lèvres et elle s’approcha du papier afin de l’ouvrir.

Explosion at Albert Dock's. Unstable magic. Muggle witnesses.

Une nouvelle fois, la sorcière poussa un soupir. Liverpool. Elle ôta sa cape et fixa son esprit sur ce mot, sur cette destination, se remémorant la dernière fois qu’elle y avait mis les pieds, quelques mois auparavant : les bâtiments en briques rouges, les quais si reconnaissables. La blonde ferma les yeux et tourna sur elle-même sentant ses pieds perdre ancrage puis retrouver la terre ferme quelques secondes plus tard. Elle ouvrit les paupières et balaya les environs du regard, soulagée d'y trouver la grande roue, d'être au bon endroit et surtout, d’être encore entière. Transplaner vers une destination instable magiquement n’était pas vraiment l’idée du siècle mais le temps jouait contre elle. Il fallait qu’elle trouve ces moldus et qu’elle dissimule l’explosion aux yeux de tous avant que la nouvelle ne se répande comme une traînée de poudre. Elle connaissait suffisamment les non-sorciers pour savoir qu’ils raffolaient de ce genre de faits divers. Son regard tomba immédiatement sur un groupe de jeunes, tous vêtus d’un uniforme identique. La sorcière fronça légèrement les sourcils et avança vers ceux qui semblaient être des scouts. L’un d’entre eux levait le doigt dans la direction opposée et Josephine fit volte-face, observant la fumée s’échapper d’un bâtiment à quelques dizaines de mètres. « Ok Jo, hide the magic, obliviate the muggles, find the root of the explosion. » Elle chercha un coin à l'écart, prit une grande inspiration et sortit sa baguette de sa poche. « Then, go back to London. This is not rocket science. »

La veille il a reçu l’alerte, comme tous les résistants. Dans les laboratoires, ils se sont tous regardés, un peu incrédules. Se trouvant loin de l’action des autres planques, les scientifiques sont toujours laissés un peu en plan. Ils ont néanmoins fait ce qu’on leur demandait. On ne rigole pas avec le protocole 66. La nouvelle du confinement a plutôt irrité Jarod. Il sort rarement des docks, mais son petit business de vente de potions hallucinogènes risque d’en pâtir, sa clientèle risquant de lui tourner le dos. Il a l’impression de l’abandonner. Il sait très bien que certains comptent sur ses potions pour passer au travers d’une journée. Il appréhende leur réaction devant son absence et pire, lors de son retour. Il doit aussi trouver un moyen de prévenir Odalis qu’il ne peut pas passer voir Hazan pour les prochains jours. Il a eu une pensée pour sa sœur qu’il espère en sécurité. Il sait déjà que l’éloignement va vite l’emmerder, lui qui a l’habitude de lui parler tous les jours.  En espérant que tout soit réglé rapidement, bien qu’il ne connaisse pas l’étendu des dégâts et qu’il n’y aucun moyen de le savoir. Ils sont tous dans le néant quant à la situation.

Il a des commandes de potions à envoyer dans les planques, mais il se doute que personne ne va passer les prendre. Il en profite donc pour travailler sur son projet personnel qu’il a délaissé dernièrement. Le potionniste se retrouve dans une impasse dont il n’arrive pas à se sortir. Il a beau réviser ses notes et revoir ses croquis, il a du mal à trouver l’élément qui le fera bifurquer. L’absence de Lena, qui a quitté les labos pour de bon, se fait bien sentir. Elle parle beaucoup, le déconcentre plus qu’autre chose, mais elle a des bonnes idées et des bonnes réflexions. Jarod aurait bien besoin d’elle pour avancer. Découragé, il ferme les yeux et se laisse porter par la guitare de Moon, une rescapée de Gracefield avec qui il a pu discuter quelques fois. Elle gratte avec douceur et met une belle ambiance dans les laboratoires. Ça change du silence constant, surtout en ce temps plus trouble. Jarod lui a concocté des potions pour l’aider à dormir, sa façon à lui d’aider les survivants qu’il a pu croiser. Il ne sait pas si elle les a utilisées, il faudrait qu’il lui demande.

Il somnole lorsqu’il entend un collègue jurer dans une stalle à quelques mètres de lui. Une odeur bizarre lui chatouille les narines et il ouvre les yeux subitement. Il la reconnait et ce n’est pas bon du tout! "METTEZ-VOUS À L’ABRI!" Il a à peine le temps de se mettre au sol qu’il y a une énorme explosion qui le fait voler à plusieurs mètres de l’endroit où il se trouvait quelques secondes plus tôt. Lorsqu’il ouvre les yeux, il est envahi par le noir et la poussière. Il tente de se relever en grimaçant, mais sa jambe est coincée sous une poutre. Il arrive à se dégager péniblement, même si sa cheville est en compote. Il vérifie s’il a sa baguette, mais elle est restée sur sa table. Elle doit être fichue. Sans elle, il doit avaler sa douleur. Il y a plus important. C’est un vrai foutoir. Il ne voit rien, tousse, crache. Il aperçoit un collègue qui eu la brillante idée de se protéger d’un bouclier magique et il se sent con de ne pas y avoir pensé sur le moment. "David….*tousse* vérifie les protections…*tousse* "Il n’a pas l’habitude de donner des ordres ou de jouer au leader, mais il lui semble important de vérifier que l’explosion n’aille pas endommager les sortilèges qui rendent le hangar invisible aux autres. Il a de la difficulté à respirer et déchire son t-shirt pour l’apposer sur sa bouche. Il avance un peu à l’aveugle lorsqu’il trébuche sur un corps. Il plisse les yeux pour aider le malheureux. Plutôt la malheureuse qui s’éveille lentement à la suite du contact. Il reconnait rapidement la tignasse ébène de la chanteuse. "Moon? C’est Jarod. Est-ce que ça va?" En même temps, David revient, l’air nerveux. "L’entrepôt semble visible. Il y a un groupe de jeune qui s’est amassé devant." "Shit. Et aucun moyen de rejoindre Eimear." Cette explosion est arrivée au pire moment. "Il faut aider les autres et ceux qui peuvent, il faut préserver la salle des ingrédients le plus possible." C’est sa deuxième préoccupation dans l’immédiat : sauver leur inventaire. David, dans sa bulle protectrice, hoche la tête et va à la recherche des autres occupants de la planque. "On doit remettre les protections." se dit-il en étant pris d’une quinte de toux. Il revient à Moon. "Tu as mal quelque part?"