Quon est en train d'oublier quelque chose. Il le sait, il le sent, comme une fièvre qui s'installe sous sa peau et éveille tous ses nerfs, le rend malheureux et confus et plus sec que d'habitude. Il quitte l'appartement des Wang tôt le matin, ignorant le regard curieux de son frère Jie et celui, plus pénétrant encore, de son frère Mengwu. On ne lui pose pas la question d'où il va et de ce qu'il va faire, alors Quon n'a pas besoin de répondre, transplanant bien vite pour Diagon Alley sur des genoux tremblants.Il passe quelques heures au Leaking Cauldron, à siroter un café au lait qui ne calme ni son agitation, ni le début de la migraine qui commence à s'amonceller derrière son front. Il regarde de temps en temps sa main, qui tremble légèrement, ses doigts agités de frissons qu'il ne peut pas contrôler. Arrête, arrête, arrête, arrête...

C'est d'un mouvement brusque que Quon se lève finalement et s'engage dans Diagon Alley, enfonçant ses poings fermés dans les poches de son pantalon pour ne pas avoir à les regarde. Il est en train d'oublier quelque chose, quelque chose d'important, mais il n'oubliera jamais le chemin jusqu'à chez son apothicaire préféré. Il n'a pas vu Herbert depuis longtemps, il allait mieux après tout, et pour être honnête il avait trouvé un fournisseur de Pensspabête un poil moins cher et il n'y a pas de petites économies, chez les Wang. Et pour être encore plus honnête, après leur nuit partagée, Quon s'était senti un peu... bizarre? awkward? mal à l'aise? à l'idée de retourner chez le potionniste.

Mais ça fait longtemps, maintenant, et il a terriblement besoin d'aide, maintenant. Il est soulagé de voir que l'enseigne n'a pas fermé comme beaucoup d'autres échoppes de Diagon Alley, et il inspire profondément avant d'entrer dans la boutique, faisant tinter la clochette de l'entrée avec brusquerie. "Herbert?" Il n'attend même pas pour s'avancer et même pour passer derrière le comptoir, habitué à passer du temps dans l'arrière-boutique avec son ami extravagant en discutant. "Herbert, t'es où?!" Sa voix est tendue, son expression perdue et ses mouvements brusques et fébriles alors qu'il passe la porte de l'atelier, mais s'arrête net en croisant le regard de quelqu'un qui n'est décidément pas Herbert.

Il la connait. Il est sûr qu'il la connait. Mais il ne se souvient pas de son nom, et cette réalisation lui tord le ventre dans l'estomac et lui donne envie de hurler. "Hm." Il se passe une langue nerveuse sur les lèvres, regarde autour de la pièce. "Où est Herbert? J'ai vraiment besoin de lui."

Elle est entrain de mettre de l'ordre. Dans la boutique comme dans ses pensées. C'est que depuis quelques temps elle est perdue la belle Vera. Perdue entre son ancienne vie et ce nouveau monde dans lequel on l'a plongée tête la première. Elle a beau se dire qu'elle n'a rien à voir avec cette famille russe, qu'elle n'est là que pour satisfaire les deux parties, elle ne peut s'empêcher de ressentir une certaine curiosité envers cette drôle de famille. Mais ça l'épuise quelque peu. Voilà un mois qu'elle vie parmi les Strugatsky. Un mois de faux sourires et de stress permanent. Et si elle éprouve une certaine sympathie envers son mari, elle n'en reste pas moins sur ses gardes lorsqu'il s'agit d'être en présence de ses soeurs. Les complots ce n'est pas main courante chez les Slughorn... Par contre chez les sang pur en général... Alors elle se réfugie dans le travail et chaque minute de son temps libre elle les passent ici, dans la boutique d'Herbert. Sa boutique.

La jeune femme relève alors la tête et regarde un instant autour d'elle. Elle a du mal à croire que fut un temps, et pas si longtemps que cela, elle détestait cet endroit. Elle avait maudit ces murs après la disparition de son grand frère, leurs reprochant de devenir la prison qui l'empêcherai de réaliser ses rêves et aujourd'hui ? Aujourd'hui elle avait besoin de sa boutique, son chez elle, sa routine et ses clients qui la verrai toujours comme Vera Slughorn. C'était à cet instant vital et elle regrettai de ne pas avoir vu à quel point cette boutique était fabuleuse. A l'image de son père. A l'image de son frère.

Avec un mince sourire figé sur ses lippes elle se plonge à nouveau dans son inventaire. Voilà une semaine qu'elle n'a pas mit les pieds ici et elle n'a pas eut le temps de remettre de l'ordre dans son arrière boutique avant sa lune de miel en Russie, alors elle profite de l'accalmie de cette matinée pour se concentrer sur cette tâche. La rentrée des élèves à Poudlard approchant elle est consciente qu'elle risque de se faire dévaliser sous peu, alors c'est le moment ou jamais. Heureusement la jeune mariée connait ses étagères comme sa poche et la liste des éléments manquants ne tarde pas à être complétée. Fière d'elle, elle se relève et décide de se faire chauffer une tasse de thé; la 3eme déjà ce matin; afin de s'accorder une pose. Du moins c'est ce qu'elle comptait faire avant de se retrouver face à un homme à l'air alerte.

La belle ne réagit pas de suite à sa demande. Cligne deux trois fois des yeux. Herbert ? Mais... commence-t-elle. D'où est-ce qu'il sort celui-ci ? Quelques secondes encore et elle tente de mettre un nom sur son visage. Rien ne lui vient. Herbert... Herbert...Oui ! Si elle ne se trompe pas, Herbert lui a déjà parlé de lui... La potion Pensspabête ! Herbert n'est pas là... Je suis sa soeur Vera. Asseyez-vous sur ce fauteuil ... Calmez vous tout va bien, je vais m'occuper de vous.dit-elle d'une voix douce. Dites-moi en quoi puis-je vous aidez.continue-t-elle. Elle s'attend à sa réponse mais une erreur de jugement est vite arrivée. Après tout on ne sait jamais à quoi s'attendre avec les amis d'Herbert...

tw: anxiété

Herbert lui a parlé d'elle - Quon en est persuadé. Mais son nom, son âge, les détails, sa relation avec lui... tout ça lui échappe, douloureusement, ses pensées ricochant dans sa tête sans trouver leur cible, épluchant frénétiquement ce qu'il est certain de savoir en sentant les informations se désagréger d'elles-mêmes à chaque fois qu'il pense être en mesure de les cerner.

"Herbert ? Mais... - Il est où? J'ai besoin de lui," l'interrompt Quon, s'engageant un peu plus dans la pièce, les jambes tremblantes et les yeux écarquillés fouillant méthodiquement l'atelier à la recherche du sourire éclatant de son potioniste préféré. "Herbert n'est pas là... - Quoi? - Je suis sa soeur Vera. Asseyez-vous sur ce fauteuil ... Calmez vous tout va bien, je vais m'occuper de vous. - Mais non, je... j'ai besoin d'Herbert, il est où?" Le coeur de Quon bat la chamade dans sa poitrine, tapisse sa nuque d'une sueur froide. Vera, Vera, sa soeur, il ne lui a jamais parlé d'une soeur... si? Non. Si? Il ne se souvient pas, il ne se souvient plus - qu'a-t-il oublié de plus? Est-ce que sa confusion se voit sur son visage, alors qu'il se laisse entraîner vers le fauteuil et s'y laisse tomber comme une masse, comme si on venait de lui exploser les rotules?

"Dites-moi en quoi puis-je vous aidez. - J'ai besoin que vous alliez chercher Herbert, il sait, lui, j'ai besoin de la potion... vous savez, la Pensspabête... HERBERT?" il dit un peu plus fort, pour que sa voix porte jusqu'au petit appartement au dessus. Quon essaye déjà de se relever, de se diriger vers l'escalier, les yeux fous. "Allez, mec, j'ai pas le temps de déconner, là, j'ai besoin de toi..." Il ignore Vera, la prétendue soeur de son ami, et monte quatre à quatre les escaliers branlants jusqu'à la porte de l'appartement sur laquelle il se met à frapper avec force. Pas de réponse mais Quon ne s'arrête pas. "HERBERT, PUTAIN!" Tout son corps tremble, il a du mal à respirer, à formuler des pensées cohérentes, sa voix aussi se met à trembler. Il met son oreille contre le battant mais il n'entend rien au-dessus des battements de son coeur.

Il se laisse glisser contre la porte, s'assied sur le sol, porte sur Vera qui l'a rejoint des yeux hagards entre deux mèches de cheveux noirs de jais luisants de sueur. "Il est... il est vraiment pas là?"

Elle observe la dégénérescence s’éprendre de lui. Au départ ce n’est pas si évident que cela. On pourrait juste le prendre pour un mec bizarre traînant dans des ruelles louches. Mais le mal s’immisce en lui à une vitesse folle à mesure que la panique le gagne. Oh elle savait qu’un jour où l’autre elle devrait faire face à cette situation. Elle s’y était préparée, mais il n’était jamais venu. Pas depuis qu’elle avait repris la boutique. Pas depuis la disparition d’Herbert, non. Il ne sait pas qu’il a disparu… Ne s’en rappel probablement pas et malgré la panique qui gagne son interlocuteur, elle tente de garder un visage impassible. Elle ne doit pas l’affoler plus qu’il ne l’est déjà et pourtant, chaque mot qu’elle prononce tend à faire pencher la balance en sa défaveur. Elle inspire calmement, professionnelle. Il s’active à la recherche du potioniste. Les jambes tremblantes, les yeux écarquillés. Il fouille chaque recoin de la pièce, n’écoutant pas un mot de ce que peut vouloir lui dire la jeune femme. La crise fait mal. Alors, instinctivement elle prend les devants. Elle ne peut pas le laisser dans cet état, non. Elle le guide en bonne maîtresse des lieux vers un fauteuil, prend le temps de ne pas le brusquer. Surtout pas non. Sa voix se veut douce, lorsqu’elle tente de lui demander en quoi elle peut lui être utile.

Le ramener vers elle. Doucement mais sûrement. Elle est consciente de faire partie de ces visages qu’il ne connaît pas alors comment pourrait-elle prétendre le rassurer ? « J’ai besoin que vous alliez chercher Herbert, il sait lui, j’ai besoin de la potion… vous savez la Penspabête… HERBERT ?! » elle n’a pas le temps de dire un mot que voilà qu’il est déjà reparti. Fixé par son idée de trouver Herbert. Elle pince les lèvres alors qu’il se dirige vers les escaliers menant à l’appartement de son frère. Elle hoquète légèrement à l’idée de devoir gravir ces marches. Depuis la disparition de son frère, jamais Vera n’a voulu mettre les pieds là-haut. Elle ne veut pas penser à sa disparition. Elle ne veut pas se retrouver au milieu de ses affaires. Non. D’un geste vif, elle se tourne vers l’armoire à potion. Cherche du bout des doigts l’étiquette mentionnant la lettre « P ». « Allez mec, j'ai pas le temps de déconner là ! » crie-t-il alors que ses pas peu assurés résonnent dans les escaliers.

A chaque pas qu’il gravit, c'est le cœur de Vera qui loupe un battement. « Je te déteste Herbert… » souffle-t-elle. Elle le déteste d’avoir disparu alors que tant de personnes ont encore besoin de lui. La brune se mord doucement la lèvre alors qu’elle se saisit de la fiole contenant le graal. La potion entre les doigts elle file vers les escaliers alors que là-haut Quon tambourine déjà contre la porte. Il s’époumone à appeler son frère. Tremble de tous ses muscles qui semblent le faire souffrir par-dessus tout. Ses gestes sont brouillons. Son regard est fou. La crise atteint son paroxysme tandis qu’elle s’attend à ce qu’il enfonce la porte qui lui barre la route mais il s’écroule en portant un regard sur Vera qui lui arrache le cœur.  « Il est… Il est vraiment pas là ? » dit-il à bout de souffle, ses cheveux de jais luisant de sueur. C’est trop. Doucement elle s’approche de lui, prenant le risque qu’il la bazarde à travers les marches. Pose une main sur sa joue tandis que de l’autre elle débouchonne la fiole. Elle secoue la tête à la négative. Plonge son regard dans le sien avant de souffler « Penspabête. » dit-elle en lui montrant la fiole qu’elle verse doucement dans sa bouche. Et elle reste là. La main sur sa joue. Les yeux dans les yeux. « Je suis là moi. »