« Qu’est-ce que tu fais chier... » souffle Indiana en se levant de son assise, des vieux coussins défraîchis sur le banc en bois de sa caravane qui ont connu une meilleure époque. Son interlocuteur ricane tandis que la sorcière se verse son quatrième café (extrêmement serré et franchement dégueu) de l’après-midi. Soufflant sur la tasse fumante, elle en profite pour regarder par la fenêtre de sa caravane, toute en longueur, pour voir si les autres sont revenus de leur excursion à la con.

Conclusion, rien.
Par contre, elle a l’impression qu’il y a une caravane de plus, mais elle doit avoir des hallucinations, à trop regarder le motif en damier de leur échiquier. Elle hausse les épaules en grognant et puis revient à leur deuxième partie, que Cook est en train de gagner tranquillement, sans qu’elle arrive à lui faire un bon petit coup de pute de derrière les fagots.

« Bon, qu’est-ce que j’peux faire, maint’nant que t’as fait ça ? » maugrée Indie en soufflant avant de s’allumer une clope en attirant à elle la boîte d’allumettes et le cendrier posés sur le bar, derrière Cook. Se concentrant sur le plateau et les pièces qui pestent en attendant qu’on daigne les déplacer, elle lève la tête en reniflant l’air (allez savoir ce qu’elle sent à travers le nuage de tabac) et aboie à l’adresse d’une personne à l’extérieur de sa caravane : « QUOI ENCORE ?! »

La porte s’ouvre sans qu’on toque, parce qu’Indie la fait voler sur ses gonds à distance, d’un mouvement d’humeur. Derrière, Pug, qui semble s’être pris la porte dans son nez déjà aplati, se frotte le museau avant de chouiner, à l’adresse des deux adultes. « Caleb est trop méchant avec moi ! Moi je voulais savoir ce qu’il faisait avec Gy’, et puis, Caleb il m’a dit que j’étais grasse comme de la mayo sur les frites alors que je voulais jouer et- et- et- - Qu’est-ce que tu veux que ça me foute, Pug ? J’suis occupée, là, tu vois pas ? Porte fermée et le panneau « Keep out » ? Tu sais toujours pas lire, bordel ?! Va faire chier quelqu’un d’autre, va faire chier Phil, tiens ! Lâche-moi la grappe, tu m’emmerdes ! » Et Pug, du haut de ses neuf ans, qui voulait juste une figure adulte pour engueuler Caleb et la défendre un tant soit peu, qui part au quart de tour, prévisible : « PHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIL ! WYV ELLE A DIT QUE-  »

Un long soupir s’échappe d’entre les lèvres d’Indiana, qui coule un regard las à Cook, lâche un petit « Raincheck? » et finit par sortir de sa caravane, hésitant un instant à décrocher son lasso. Clope au bec, elle avance sur le sol boueux, avec ses vieilles rangers en cuir de dragon qui ont tout vu et fourre les mains dans ses poches En se retournant vers Cook. Soufflant dans la direction opposée une taffe de sa cigarette, elle propose un pari : « On parie que Phil l’envoie chier ? » et puis : « Il aurait pu éviter de l’envoyer chier alors qu’il y a quasi personne au camp, quand même... Elle va jouer au flipper avec nous, à aller de l’un vers l’autre pour espérer obtenir un soutien et on va y passer deux heures. » Et, voyant la silhouette de Phil sortir de la caravane où Pug était allée tambouriner, Wyv commente, finalement : « Remarque, ça nous occupera, pendant que les autres font leurs conneries... »

Caleb, il coupait le contact d'une main moite. Déjà parce qu'il savait pas bien conduire et qu'il avait faillit les tuer plusieurs fois sur la route. Mais qu'est ce qu'il y pouvait ?? Il allait pas faire transplaner un mobile home entier ?? Puis bon ok, il avait pas pensé au retour quand il était parti mais ils avaient été pourchassé par des mecs acariâtres et armés. Et les trous de balles sur la carlingue en étaient la preuve. Et il parlait pas de lui et Gy pour une fois.

Puis yavait le probleme de la vieille qui les insultait depuis qu'elle s'était réveillée. Et ca c'était la tuile. Il avait pas prénu de ramener une vieille connasse acariâtre au camp, yen avait déjà suffisamment. (no offense.) Aussi, il avait réussi après plusieurs essais et tout en conduisant à lui balancer un sort pour qu'elle puisse continuer à gueuler mais qu'au moins ils l'entendent plus et après avoir réussi à semer les gitans – qui s'étaient pas trop accrochés, probablement contents de se débarrasser de mémé, ben il avait mis le pied au plancher et ils avaient atterri dans le camp.

Le bruit avait attiré l'attention des gamins et Pug s'était jetée sur lui comme un affamé sur un bout de pain. Et si normalement, il aurait grogné sous le poids de la gamine, aurait déposé un bisou extrêmement baveux sur sa joue puis l'aurait écouté déblatérer sur sa journée et se plaindre comme une quadragénaire dans un café avec ses copines ou un directeur devant des syndicalistes.

Mais là ben, il devait gérer le probleme mémé. Gy était sorti pâteusement de là et était probablement déjà en train de dormir sur le corps voluptueux de Bertha. Alors ben il lui avait balancé un « T'es aussi collante que de la mayo sur des frites » et la gamine s'était barrée en braillant.

Et en la regardant partir, il s'était senti super mal et il avait essayé de l'appeler un peu misérablement à coup de « Pug ?? Pug... » mais elle avait rien entendu sous ses braillements qui feraient rougir de honte une sirène de pompier. Puis le pire, c'est que la gamine avait fait une ligne droite vers la caravane de Wyv' et il avait juste eu le temps de marmonner « Oh putain » et de se barricader avec la vieille dans le Mobile home.

Il la voyait balancer ses mains en l'air énervé et le montrer du doigt mais il entendait rien alors ca le faisait beaucoup rire. Mais le fait que Wyv pourrait se ramener avec la ptite Pug pour l'insulter et lui dire de s'occuper de la gamine pour plus qu'elle lui traîne dans les pattes, ça le faisait moins rire. Avait-il mentionner que la sorcière lui faisait tellement peur qu'il se serait couper une couille pour éviter d'avoir une confrontation avec elle ?

Alors, il se terrait dans le mobile home, ouvrant chaque placard pour essayer de trouver un peu d'alcool sous les coups de sac de mamy qu'il avait renoncé à esquiver. Puis il avait trouvé le luxe, un mini bar plein à craquer. Il avait filé une bouteille à la vieille qui l'avait attrapé goulûment et s'était vautrée sur une chaise et il avait commencé à s'enfiler lui-même une bouteille jusqu'à ce qu'il entende trois coups sur la porte.

Il avait pensé à faire le mort. Mais dépendant de qui était derrière la porte, la personne pouvait tout à fait le transformer en mort. Il était pas prêt. Alors emportant avec lui une autre bouteille, il avait sorti son cul en laissant le moins d'espace possible pour pas qu'on voit la vieille se torcher la tronche. Puis avec un sourire accidenté, il s'était tourné vers Wyv et Phil.

« Jpeux vous aider ?? Si c'est pour Pug, jsuis dés.... »

« T'as dit que j'étais aussi grosse qu'un morse » le coupe la gamine qui arrive en courant derrière Phil, sans doute à cause de ses ptites jambes. Et il la regarde bizarre pendant bien 30secondes parce qu'il sait pas comment elle en est arrivée là. Et félicitation à elle de connaître le mot « morse » parce qu'il l'en avait pas cru capable.

« Mais j'ai jamais dit ça morveuse ? Mais comme jdisais, jsuis quand même désolé » Qu'il lui dit en lui passant une main grasse et moite dans les cheveux. « Voyez tout est réglé, pas besoin de faire venir la cavalerie, tout va bien, bonne journée. » qu'il dilapide rapidement parce qu'il a vraiment besoin de trouver un moyen de régler son probleme avant que ce soit lui le probleme. Puis bon, bizarre que les deux se déplacent pour un si ptit truc. Il sait bien qu'aucun des deux le porte dans son cœur mais pas au point de venir le défoncer pour Pug, si ??

Ça puait.
Bon, de base, le campement des Greyback sentait pas spécialement la rose en général, mais c’était pas la même puanteur que d’habitude, si vous voyez ce que je veux dire. Clope toujours entre les lèvres, on pourrait croire que son odorat est limité par les effluves caractéristiques du tabac, mais Indiana la sent, cette odeur inhabituelle.
Elle est habituée à un paquet d’empreintes olfactives, et le fait d’être devenue une louve joue aussi sur la finesse de ses capteurs, mais celle qu’elle repère n’est pas familière du tout. Fronçant les sourcils et plissant le nez légèrement, elle échange un regard avec Cook, toujours pas loin, comme pour vérifier qu’elle est pas en train de se faire avoir par une illusion quelconque.

Et puis elle croise le regard de Phil, et il semble désormais évident qu’il y a un truc qui cloche dans le campement, et que c’est pas un nouveau truc qu’il s’est mis à fumer, par exemple. Pug à ses côtés essaie d’en placer une, en vain, et la taloche qu’elle obtient fait s’esquisser sur les fines lèvres de Wyvern un rictus un peu carnassier. Elle l’a pas volée, celle-là ! Mais les informations de Phil sont plus intéressantes que la tronche dépitée et vexée de la gamine, et Indie accroche ses yeux clairs sur le faux voyant, avant de laisser échapper un ricanement moqueur lorsque ce dernier ne fait pas dans la dentelle et la qualifie de vieille meuf. « Trop aimable, Phil. », répond-elle en hochant la tête brièvement.

Elle ne lui en tiendra pas rigueur parce qu’il faut bien le reconnaître : elle est plus vieille qu’eux tous, sauf peut-être Fenrir lui-même, et Nums (quoique ? Elle ne saurait pas dire, remarquez). En prime, disons que le responsable du pétage de câble de Pug attire davantage son attention parce qu’il sort de la caravane (nouvelle caravane ? Qu’est-ce qu’ils ont encore foutu avec Gy’ ?) et vient vers eux, avec un air franchement pas glorieux et sacrément emmerdé.
Wyv ne dit rien, au départ. Elle se contente d’observer, de le voir balbutier des excuses à l’égard de la mioche qui a depuis amplifié l’insulte dont il l’avait gratifiée et qui tire la gueule comme jamais. Dans un coin de sa caboche, ça carbure à plein pot, parce que ce que Phil leur a dit rend la situation moins légère qu’elle ne pourrait l’être. Il y a effectivement une odeur étrange qui suit le sillon du dernier arrivé dans la meute, et le ton de voix qu’il a, les mouvements qu’il esquisse, sont autant de signes qui montrent un truc : il cache quelque chose.

Les enfants d’Indie ont essayé plein de fois de cacher des choses à leur mère : autant dire que ça marchait une fois sur vingt, et que les dix-neuf autres fois ils avaient leur génitrice sur le dos pendant un bon bout de temps. Si bien que les yeux clairs de l’ancienne dracologue s’attardent sur le faciès de Caleb, et qu’elle fait le lien entre l’odeur bizarre qui traîne dans l’air et l’air coupable mal dissimulé de l’arnaqueur raté. Elle s’approche de deux pas à peine, en fronçant les sourcils et en reniflant, le nez plissé, les prunelles plantées sur Caleb, avant de se retourner vers Pug, Phil et Cook. À la gamine, la vieille assène un : « Bon, il s’est excusé, alors dégage, on a des trucs d’adultes à régler. » Pug la dévisage, choquée, mais Wyv n’en démord pas : « Allez, du balai, va jouer ailleurs avec tes crottes de nez ! » elle accompagne la parole du geste en désignant un autre coin du campement où sont généralement regroupés les plus jeunes, la mine assez sévère pour ne pas autoriser une quelconque protestation.

Et quand Pug cède enfin, Indiana la suit du regard jusqu’à être sure qu’elle ne va pas revenir dans leurs pattes, puis elle se retourne vers les autres adultes, aboie vaguement un « Quoi ?! », l’air de les mettre au défi de critiquer sa façon de traiter les gosses de la meute, avant d’ajouter à l’adresse de celui qui croit probablement s’être tiré d’affaire : « Dis donc Caleb, t’aurais pas volé un nouveau parfum ? Non parce que tu fouettes, là. » L’odorat du loup, ça trompe pas.

Indie a le nez fin, d’autant plus depuis qu’elle est passée lycanthrope. Bon, même avant, elle sentait quand même les entourloupes de loin. Certes, pendant une période de sa vie, elle avait mis un voile pudique sur ce sentiment d’arnaque global, mais maintenant qu’elle était avec les Greyback, fallait bien qu’elle surveille ses arrières ponctuellement. Et là, vu ce que ramenait Caleb comme odeur, Indiana était pas franchement rassurée. Elle scrute Caleb qui tente de la baratiner comme il peut, ne baissant absolument pas les yeux, sceptique quant à cet aplomb déclinant qu’il affiche alors qu’il essaie de l’entuber. La clope passe d’un coin à l’autre de la bouche, tandis que les billes claires de la louve s’ancrent sur le faciès un peu tordu de Caleb.

Franchement, pas bon en baratin. En tout cas, vachement moins bon que Phil, qui s’est éloigné avec la mioche. Indiana pince les lèvres, coule un regard pas convacinu à l’adresse de Cook, toujours dans les parages, qui n’a pas non plus l’air d’être confiant quant aux histoires de Caleb. À deux, ils observent leur collègue loup s’empêtrer dans des excuses fallacieuses dont la véracité est douteuse, à l’évidence. Entre son ton de voix, les battements de son cœur accélérés qu’elle entend sans trop se forcer, les mouvements nerveux qu’il esquisse, il ne les trompe guère.

Mais, fort heureusement, il finit par lâcher l’affaire, et avouer, penaud, alors qu’il s’écarte et tend son bras vers la caravane : « Bon... J'ai peut-être fait une connerie et j'ai peut-être besoin d'aide. » Elle grogne simplement un : « Qu’est-ce que t’as encore foutu, bordel… »

Et la réponse se révèle à elle assez vite dès lors qu’elle ouvre la porte de la caravane, baguette en main, prête à réagir au quart de tour, alors que Cook reste dehors, les bras croisés. Sauf qu’elle n’imaginait pas se prendre un coup de sac à main dans la gueule aussi sec, et la voilà qui sort d’un bond en arrière de la caravane, en portant sa main libre au niveau de son nez, que la vieille a sinon pété, au moins bien cogné, en rugissant un : « C’EST QUOI CETTE MERDE ?! » La vieille tente de sortir, mais un sortilège informulé (lancé par Cook), la projette de nouveau à l’intérieur de la caravane, puis referme la porte de la carlingue sans autre forme de procès, laissant le temps à Indiana d’essuyer le dos de sa main, rougie, contre son pantalon, et puis d’ordonner sèchement à Caleb de préciser les tenants et aboutissants de cette affaire : « T’as une minute pour m’expliquer pourquoi je viens de me prendre un coup de sac en croco de contrebande dans le pif, et surtout pourquoi je devrais pas te dénoncer à Fenrir et Fish dès qu’ils reviennent de leur balade champêtre. C'est qui, ta nouvelle meuf ? Et pourquoi elle fait pas de bruit ?! »