Il fait chaud à Londres, les hauts murs des bâtiments bloquent le passage de l’air et rendent la ville étouffante. Lucy donnerait beaucoup pour retourner à Tampa, profiter de la brise de la plage, revivre les départs en catastrophe alors que le ciel s’assombrit et qu’une pluie tropicale vient déchirer les nuages. Elle ne peut pas, elle est coincée ici, ses seuls contacts avec son père depuis des années ne sont plus que des lettres puisqu’on l’a empêchée de quitter le pays il y a bien longtemps. L’Angleterre ne veut pas des hybrides mais les retient de s’en aller, un joli paradoxe comme elle en voit tous les jours au ministère.

La blonde attache ses cheveux en queue de cheval alors qu’elle sort du ministère. Si elle se voyait d’un œil extérieur, elle jugerait son allure dépenaillée : elle sort d’une mission en extérieur, une de celles qui nécessitent de bouger quand le thermostat est bien trop haut. Lucy aime le sport, mais pas sous les chaleurs estivales. Elle jette un œil à sa montre, presse le pas ; après le couvre-feu qu’elle trouvait excessivement restrictif au vu de ses horaires de travail, les horaires dédiés aux courses des hybrides sont un boulet de plus qui la confinent au ministère ou chez elle, en Écosse. Pour un peu, elle disparaitrait presque de la circulation et c’est sans doute ce que le gouvernement souhaitait en l’instaurant.

Lucy n’a pas beaucoup de temps, seulement une petite heure pour se rendre chez l’herboriste et revenir au ministère pour la fin de la pause déjeuner. Comme elle a le chic pour tomber sur des handlers pète-sec et à cheval sur les horaires, un retard serait mal vu et elle est loin d’apprécier les leçons de moral perpétuelles.  

La blonde arrive devant la boutique, pousse la porte alors que son regard vert et scrutateur balaye les lieux. Cet endroit lui a toujours plu, il fleure bon les plantes et les herbes séchées et sa propriétaire est une amie avec qui Lucy aime discuter. Son odorat habitué à déceler la moindre effluve ne tarde pas à repérer la présence de Saejin malgré celle plus entêtantes de sa louve et des fleurs, Lucy s’approche du comptoir avec sa discrétion habituelle et ne tarde pas à la voir.

- Hey, lance-t-elle en esquissant un sourire.

Un bref coup d’œil par-dessus le comptoir et elle aperçoit la fourrure blanche de Winter – elle aimerait avoir cette couleur sous sa forme animal, elle sait pourtant de source sûre qu’elle n’a pas eu cette chance –

- I  hope I’m not disturbing you, reprend-t-elle  alors que ses iris passent de Saejin aux étagères.

Ses visites sont assez espacées et pourtant, pour un peu que l’herboriste ne change pas les emplacements de ses articles, Lucy saurait exactement où les retrouver en un instant, ainsi s’assure-t-elle que ce qu’elle cherche est bien en rayon alors qu’elle glisse sur le comptoir un morceau de papier déchiré, froissé et griffonné du nom de quelques herbes.

- I’m gonna need those please, dit-elle.

Il n’y a personne d’autre qu’elle dans la boutique, elle pourra sans doute se permettre de demander conseil à Saejin et de lui parler malgré son timing serré, tant mieux, elle a l’impression de ne pas l’avoir vu depuis des siècles.

- How are you by the way? You’re alone?

Elle n’entend pas de bruit à l’étage, rien que le souffle de Winter tout près ; ce n’est rien qu’une question rhétorique.