tw: sang, blessures

Comme tout le reste des étudiants assez âgés pour connaître et maîtriser quelques sorts, et volontaires évidemment pour aider l'Ordre, elle s'est retrouvée à écouter un rapide discours de la part d'un membre éminent de la résistance (elle ne se souvient pas de son nom) leur expliquer brièvement la nature de la mission de Gracefield.

Jusqu'au jour-même, la Fawkes a été délicatement épargnée de toutes les considérations du reste des l'Ordre, et si elle a pu voir quelques sorciers récupérer du matériel et des potions en toute hâte dans les réserves de l'école, elle n'a même pas chercher à comprendre de quoi il en retournait. Quand elle en a touché quelques mots à Cat par curiosité - traîné par Lee, semblerait-il, à la réunion extraordinaire d'il y a quelques mois -, il lui a répondu que lui-même n'en savait pas plus. Et même après le rapide discours, Obelia n'a pas eu l'impression de véritablement comprendre ce qu'on attendait d'eux.

C'est seulement quand les blessés ont commencé à arriver qu'elle a réalisé l'ampleur de cette opération. Obelia n'a jamais vu autant de sang de toute sa vie, autant de douleur aussi. D'abord paralysé, on a aboyé quelques ordres dans sa direction et elle s'est mise à courir à travers l'école pour récupérer ce qu'on demandait d'elle, sautant presque parfois au-dessus des lits de fortune pour ne pas être ralentie. Potions, onguents, gaze, bandages, concoctions en tous genres. Obelia a toujours aimé les potions - sa matière préférée à la Fawkes, elle a même discuté avec son professeur pour sauter une classe - et elle s'en sort plutôt bien.

Sauf que les blessés continuent d'arriver. Certains sont sonnés, d'autres sont sur le pas de la mort. Prisonniers, membres de l'Ordre, il y a aussi des gens qu'elle ne connait pas et que personne ne semble connaître. Elle n'y comprend rien. Ça parle de dragons, ça parle d'un feu ayant pris l'apparence d'un démon, ça parle d'un bateau, ça parle d'une bombe.

"Girl, come here, 'need a hand!" Elle s'arrête en pleine course pour prêter main-forte au sorcier qui vient de l'interpeller. Obelia l'aide à manipuler la jambe brisée d'un résistant alors qu'il remet l'os en place. L'os, qu'elle peut voir, blanc comme de l'ivoire à travers ses chairs déchirées.

Son estomac se retourne dans son ventre. Elle veut voir Noah. Elle a besoin de Noah. Où est-il? Il ne doit pas être loin mais, dans la tumulte, elle l'a perdu de vue. Elle a besoin de Noah, elle a envie d'une cigarette, elle n'est pas courageuse, elle est petite et lâche et jeune et stupide et elle veut Noah et les bras de Noah et les lèvres de Noah et leur lit et c'est tout.

Elle regarde le sorcier finir son soin comme à travers un voile, et ne se fait pas prier pour déguerpir dès qu'il a fini. Elle sait que c'est irresponsable mais, les jambes flageollantes, elle quitte le grand Hall où ont été rassemblés les blessés pour aller dehors. Là aussi c'est la cohue: d'autres résistants, en petits groupes, qui partagent des tasses de café ou de thé sans savoir ce qu'ils font là, sans comprendre, l'air hagard. Tout le monde n'a pas été blessé mais Obelia peut voir dans les regards des prisonniers de Gracefield qu'ils ont tous profondément été marqués par leurs expériences sur l'île.

Les doigts tremblants, elle sort une cigarette du paquet dans la poche de son jean et doit s'y reprendre à cinq fois avant de parvenir à l'allumer. La première bouffée lui fait du bien, jusqu'à ce qu'elle réalise que ses doigts sont couverts de sang, qu'elle en a sur la joue, du sang partout, partout, partout--

La porte s'ouvre et Obelia fait volte-face, tremblante, prête à s'enfuir dans l'autre sens comme une proie redoutant la présence d'un prédateur. Mais ce n'est que Luna. Obelia l'a rencontrée quelques heures plus tôt, c'est elle qui a été assignée comme étant sa responsable (ainsi que d'autres étudiants) pendant qu'ils accueillaient les blessés. "S-Sorry, I really- I really needed--" commence-t-elle à bredouiller. Luna n'a pas l'air d'être trop âgée (mais elle reste une adulte, une vraie) mais Obelia sait qu'elle a six cercles sur le poignet, et que c'est donc quelqu'un d'important. Elle retire la cigarette de sa bouche, à peine consumée, s'apprêtant à l'écraser pour retourner à l'intérieur malgré son teint plus que blême, ses membres tremblants, son estomac noué et la nausée lui enserrant la gorge. "I'm so- I'm so sorry." Elle est terrifiée à l'idée qu'on les jette dehors, Noah et elle, si quelqu'un apprenait qu'elle a fui face à tout ce sang.

tw: blessures, sang, ptsd
Luna n'a pas eu le droit d'aller avec les autres sauver les rescapés des Battues. Elle est trop précieuse paraît-il. Il y a déjà trop de membres du cercle 6 sur place, selon Sirius. Alors Neville et Luna sont restés sur place à attendre que la tempête passe. Ils étaient prêts à accueillir les premiers blessés, à aider n'importe qui. Luna n'aime pas rester les bras croisés mais elle comprend les ordres et ne cherche pas à les transgresser. Et puis, elle est avec Neville. Cela la rassure de le savoir à ses côtés, loin de ce champ de bataille et surtout loin de la mort. Au cas où, ils sont restés à St James alors que Ron et Hermione se trouvaient à la Fawkes. Luna n'avait jamais connu le manoir si calme, si silencieux.

Après avoir attendu des heures, et avoir failli s'endormir dans les bras de Neville, le premier message est arrivé via un Patronus. Aucune information sur le déroulé de la mission, sur l'état de santé de Ginny et des autres. On leur demande alors de se rendre à la Fawkes le plus vite possible via un Portoloin afin d'aider les blessés, qui arrivent en masse. Main dans la main, ils arrivent en un battement de cils à l'école. Autour d'eux, c'est le chaos. Il y a des cris, des pleurs, du sang, des corps abîmés. Luna serre fort la main de Neville, avant de se précipiter vers des blessés, en espérant ne pas tomber sur un visage connu. En tant que membre du Cercle 6, on lui attribue la charge de quelques membres plus jeunes. Luna essaye de les guider autant que possible, mais on a aussi besoin d'aide supplémentaire un peu partout. Elle s'agenouille à côté d'un sorcier bien trop jeune. ─ Don't worry. Everything will be fine. You're safe now. Elle aide ensuite la personne qui s'en occupe, en lui tenant des potions et autres bandages magiques. La vue du sang lui déplaît, mais Luna en a l'habitude désormais. Ce constat l'attriste. Elle devrait parcourir le monde pour découvrir de nouveaux animaux magiques, et non pas tenir la main d'une enfant en train de se vider de son sang.
Une fois les soins terminés, Luna va au chevet de quelqu'un d'autre. Elle en enchaîne plusieurs, croisant parfois le regard de Neville et lui adressant un sourire chaleureux. Luna aide aussi à la confection de quelques potions en urgence. Elle ne sait pas encore s'ils ont gagné ou non, s'ils ont pu libérer tous les prisonniers, s'il y a eu beaucoup de pertes dans les rangs de l'Ordre.

La nuit défile et la fatigue se fait ressentir. Les blessés arrivent de moins en moins souvent et le rythme se ralentie un peu. Luna est tâchée par du sang et des traces de potions réalisées trop vite. Elle relève ses cheveux blonds en une queue de cheval lâche et cherche les étudiants qu'on lui a assignés. Il en manque quelques-uns. Elle décide d'aller dehors, pour prendre l'air, peut-être tomber sur Ginny, mais aussi mettre la main sur les étudiants manquants. Luna pousse la porte principe et sursaute lorsqu'elle se retrouve à quelques centimères d'Obelia. La petite est couverte de sang. Ce n'est pas un spectacle qui la réjouit, au contraire. Cela lui retourne l'estomac. Elle ne met pas longtemps à comprendre ce qu'il s'est passé et les excuses tremblantes d'Obelia confirment sa théorie. ─ It's alright. You can finish your cigarette if you like, but I wouldn't really advise it. It's likely to fill your lungs with Raxes. Ils envahissent les poumons et empêchent ensuite quiconque de respirer correctement. Une vraie plaie. ─ Do you want to change clothes? Or maybe have a cup of tea? lui demande-t-elle, de ses grands yeux. ─ It's normal if you didn't feel you could do it.

Luna est quelqu'un d'important. Les chose ssont un peu floues pour Obelia, sur la hiérarchie de l'Ordre et son fonctionnement interne, mais elle a compris quelque chose de très pertinent: plus les gens ont des cercles au poignet, plus ils sont importants, et ceux qui en ont six le sont tout particulièrement. Luna est quelqu'un d'important, mais d'un peu bizarre, mais un bizarre plutôt cool, dans le genre à côté de la plaque qui a toujours un truc intéressant à dire (enfin, il paraît, parce qu'Obelia ne la connait que de très loin). Okay, peut-être que quand elle a appris l'existence du cercle six, elle est allée demander à McGo comment elle pourrait elle aussi y accéder - Obelia, après tout, se voit déjà forte d'une longue carrière dans l'Ordre du Phénix. La professeur de Métamorphoses s'est contentée de sourire d'un air placide. Obelia a eu la vague impression que soit elle se foutait de sa gueule, soit elle-même n'en avait pas la moindre idée...

Peu importe. Luna est quelqu'un d'important et Obelia s'attend à ce qu'elle lui crie dessus ou lui dise d'un ton ferme de retourner à l'intérieur; elle est donc complètement démunie face à la gentillesse qui déborde des yeux et de la bouche de Luna quand elle la rassure à mi-mot: "It's alright. You can finish your cigarette if you like, but I wouldn't really advise it." Obelia grimace légèrement, en s'attendant à la remarque habituelle à propos de ses poumons. "It's likely to fill your lungs with Raxes." Obelia cligne des yeux. "Oh, right," fait-elle d'un ton docte. "I heard about Raxes, yeah." Elle a trop honte de lui dire qu'elle est une née-moldue qui n'y connait rien à rien... elle a envie que Luna ait une bonne opinion d'elle. Obelia jette un regard désolé à sa pauvre cigarette (mais bon, pas trop, parce que celle-là, elle l'a piquée à Cat).

"Do you want to change clothes? Or maybe have a cup of tea?" Obelia ne veut même pas penser à l'état de ses vêtements. Ils lui collent désagréablement à la peau, et elle sait que ce n'est pas seulement à cause de la transpiration qui s'est accumulée à force de courir partout sans s'arrêter pendant des heures avec le coeur battant à cent à l'heure dans la poitrine. Ses mains, ses vêtements, ses cheveux... tout est poisseux de sang sur elle. "I don't... I mean, do we have time for that?" marmonne-t-elle d'une voix cassée, en laissant tristement tomber sa cigarette qu'elle écrase sous sa basket défoncée. "It's normal if you didn't feel you could do it." Obelia a l'impression qu'elle va se mettre à pleurer et renifle en détournant les yeux, levant la main vers son visage. Avec le talon de sa main qui est à peu près propre, elle appuie sur sa pommette comme si il y avait déjà des larmes. "I just, uh, you know, it's a lot, but I really want to be useful, and, I don't know, there's so much..." Cette fois, les larmes montent pour de vrai et sa voix se brise un peu, prend un accent plus grave qu'elle déteste: "there's so much pain, you know?"

tw: sang
En observant Obelia, Luna a l'impression de se regarder dans le miroir des années en arrière. Elle ne se sent pas suffisamment adulte pour avoir des étudiants sous sa responsabilité, mais les six cercles sur son poignet disent toute autre chose. Elle a souvent l'impression d'être entrée dans la vraie vie trop vite, trop abruptement. Il faut dire qu'elle a quitté Poudlard sans préavis et n'a jamais terminé sa scolarité. Elle ne sera jamais diplômée, mais après tout cela ne lui servirait à rien en pleine guerre. Luna n'a pas à chercher un travail, une maison, à fonder une famille. Tout ce qu'elle avait imaginé avant n'a plus d'intérêt maintenant. Les inquiétudes du passé ne sont plus vraiment d'actualité. Alors oui, Luna a le sentiment de se voir en Obelia. Et cela ne lui plaît pas particulièrement. Parce qu'elle ne devrait pas être ici, tâchée de sang, à aider des blessés pendant une guerre. Elle devrait être sur les bancs de Poudlard à étudier, à avoir de bonnes ou de mauvaises notes et à seulement se préoccuper du dîner à venir. Voir tous ses adolescents, parfois utilisés comme de la chair à canon, lui donne mal au ventre.

En ce sens, Luna a décidé de toujours tout faire pour les mettre à l'aise. Elle aurait préféré qu'ils ne soient pas présents au retour des équipes envoyées aux Battues, mais elle reconnaît qu'ils ont besoin de toute la main d'œuvre possible. Mais la nuit a été longue, et Obelia mérite un peu de repos.
Un sourire de fierté étire ses lèvres, lorsqu'elle voit la cigarette tomber sur le sol avant d'être écrasée. Ce n'est pas grand chose, mais Luna célèbre les moindres petites victoires. Les Raxes peuvent être de viles créatures. Obelia n'a pas besoin de ça.
Luna fait un pas vers elle, en voyant sa mine triste et son regard humide. Délicatement, elle pose une main sur son épaule, se mettant légèrement sur la pointe des pieds. La gamine est sur le point de faire un break down. ─ Come here, lui dit-elle tout en l'approchant d'elle pour la prendre dans ses bras quelques secondes sans parler. Une étreinte silencieuse vaut mieux que mille mots. Après un court instant, Luna se détache d'elle. ─ You were very helpful. You did great sunshine. Elle lui attrape le bras et l'emmène à l'intérieur, dans un recoin plus calme et loin de l'agitation encore brûlante. Luna laisse Obelia seule le temps d'aller chercher quelques affaires. ─ There you go love. Elle lui tend un gobelet de thé chaud et lui laisse une serviette sur le côté. ─ Pain is not infinite. It's only there for a moment. What matters is everything else. Joy and love and happiness and friendship. That's something they can't take from us. Même si c'est difficile, même si parfois ils ont tous envie d'abandonner et de perdre espoir, même s'il est plus facile de sombrer que de maintenir le cap. ─ Don't be so hard on yourself, Obelia.