Il y avait peu de gens pour avoir l’adresse précise d’Apollonia Vablatsky. Ses amis très proches, pour commencer évidemment. Son agent, bien sûr. L’agent immobilier qui lui avait vendu le bien, pour sûr. Pour le reste cela se voyait au détail — mais l’objectif était bien entendu d’éviter de se retrouver avec des adeptes un peu trop étranges collés sous ses fenêtres à réclamer leur avenir à grands cris comme des petits oisillons affamés. Ou d’éviter de se faire assassiner dans son sommeil par un homme désaxé — ça s’était déjà vu, elle avait entendu parlé d’un chanteur moldu, Jack Lemon, quelque chose comme ça, qui avait fini bien tristement dans comme ça. Donc elle ne prenait pas de risque, et son adresse était un sésame précieusement gardé.
Les enfants de… en revanche, sans faire partis de ses amis proches, étaient un de ces groupes qui avaient le droit de connaître son lieu de domicile. Pour la simple et bonne raison que certaines fêtes prenaient racine dans leur restaurant fétiche avant de finir parfois chez les uns ou les autres à des heures indus. Elle avait ainsi plus d’une fois accueilli la compagnie autour de quelques verres tirés de son bar encastré et dissimulé derrière un mur design de très bon goût.
Bref, rien d’étonnant donc dans ces rendez-vous qu’elle avait avec la plus jeune des illustres rejetons au sein même de son salon. Olympe avait d’abord fait froncer les sourcils d’Apollonia quand elle avait mis un pied dans le club mais la (pseudo)-voyante avait finalement réussi à cerner un peu mieux la jeune femme et à comprendre que cette dernière appréciait ses hot-take sur le futur. Les débuts avaient été un peu tâtonnants, Apollonia ne se permettait pas de foncer tête baissée et de jouer avec les pensées des gens comme ça au premier rapport — mais elle avait profité d’une des soirées où Olympe avait un taux d’alcool dans le sang suffisamment élevée pour s’immiscer dans son esprit et y tenter d’y voir plus clair. Oh, pas grand-chose, elle n’était pas là pour faire de la spéléologie, mais simplement de quoi étoffer ce qu’elle pouvait dire à la Bagshot lorsqu’elle venait en tant que cliente. C’est ainsi qu’elle découvrit un peu plus la fille rejetée et déçue qu’Olympe masquait derrière une moue bitchy qui lui allait très bien et une sacré tendance à aimer la discorde.
Apollonia n’était pas exempte de cœur ni d’une dose tout à fait saine de compassion. Olympe avait de quoi être attachante, vraiment. Mais cet attachement tout cordial ne l’empêchait pas de profiter de l’argent de cette dernière contre lequel elle lui faisait des prévision assez floue, qui tombait souvent juste pour la bonne et simple raison qu’elle ne prenait pas beaucoup de risques. Et quand l’heure n’était pas aux devinettes, elle se la jouait psychologue et expliquait bien doctement que telle ou telle mouvance céleste expliquait certainement les sentiments qu’elle éprouvait à un moment donné.
« Tu avais dis que je ferais une rencontre surprenante, et bien c’était vraiment surprenant pour le coup. — Ah tiens ? À ce point ? » L’étonnement était plus poli qu’autre chose, et le ton de la phrase réclamait d’en savoir plus, alors qu’elles buvaient toute deux leur café bien tranquillement. C’était le genre de potins que Polly aimait avoir. « Je ne peux pas te raconter, mais c’était vraiment inattendu. » Elle fronce les sourcils, repose sa tasse une moue légèrement mécontente d’être ainsi tenu loin des informations. Après Bagshot parlait peut-être d’une vieille connaissance de Hogwarts retrouvée au-delà d’une rue dans la Diagon Alley. Peut-être d’un garçon particulièrement cute qui lui serait tomber dessus dans un magasin et dont elle serait tombée raide amoureuse… C’était le genre de chose qui était facilement trouvable en réalité, rien qu’en frôlant brièvement son esprit (comme elle était en train d’y songer, l’idée devait affleurer à sa mémoire).
Un peu étrange qu’elle ne puisse lui en parler cependant. Olympe n’hésiterait pourtant pas à lui raconter par le menu les détails d’une rencontre amoureuse, imaginait-elle. Elle devait bien savoir que Polly était une safe-space en ce qui concernait les aventures amoureuses.
Elle se leva pour préparer son deck de tarot, recouvrir la table d’un petit tapis pour éviter que les cartes ne s’abîment sur le bois, alluma une bougie odorante afin d’aider un peu plus à l’ambiance. Elle battait les cartes distraitement, ses doigts agiles les courbant sans les abîmer, respectant un ordre précis, comme une danse savante. L’important en réalité était la coupe, mais les battre était plus visuel et elle avait l’habitude de le faire simplement pour en imposer un peu. « J’aimerais tellement avoir ton don, ça serait si pratique. » La remarque la fait lever les yeux vers Olympe, un sourire sur les lèvres. « Oh. C’est vrai que c’est pratique mais tu sais… beaucoup de travail. Les heures que j’ai passé à m’entraîner. » Des heures à s’entraîner pour bidonner le mieux possible, oui. Et dire qu’il y avait des voyants, qui voyaient les choses tranquillement, dans leur sommeil. Alors qu’elle devait se taper le trajet jusqu’à chez Spavin pour tenter d’avoir une miette d’information. C’était navrant. « Tu as beaucoup d’autres qualités pour palier à cette absence, ne t’inquiète pas. Je suis certaine qu’il existe de ces mystères incapable de te résister. » C’est qu’Olympe avait la réputation de connaître de ces secrets… si c’était vrai ou faux cependant, c’était bien là le problème. Inutile de dire que Polly donnerait beaucoup pour mettre la main sur certains de ces secrets, ça pourrait faire son beurre. « Tu as une idée de question que tu désirerais poser ? » Qu’elle ne s’aventure pas dans le flou complet en ce qui concernait ses prédictions. Les questions des clients amenaient souvent une réponse plus simple que simplement un et que va-t-il se passer ?.