Il n'arrive pas à dormir. Comme d'habitude. C'est devenu courant depuis ces dernières années - depuis son retour d'Azkaban. C'est à peine si il ose se regarder dans un miroir, honteux de ce qu'il est devenu et ce qu'il s’apprête à devenir. Une fois de plus, il s'est levé en sueur, bouillonnant de fièvre. Peter n'est pas malade. Seulement hanté par de vieux démons, de vieux fantômes, de vieilles actions qui lui pourrissent littéralement la vie.

Il ne mérite pas d'être en vie. Dans quelques heures, Pettigrew retrouve son fournisseur. Relation professionnelle qu'il n'admet pas à cœur ouvert, veillant à la sécurité du fils Goyle tout autant qu'à sa propre discrétion. Ça serait trop bon de dévoiler une de ses nouvelles faiblesses. Une fois lavé et habillé, le voilà qui s'avance hors du manoir Malfoy pour transplaner direction Knockturn Alley. Même si l'allée des embrumes n'est plus aussi sinistre qu'autrefois, elle reste l'endroit idéal pour faire des rencontres discrètes. Ils ont l'habitude de se donner rendez-vous au détour de la troisième ruelle derrière l'étrange boutique vaudou dont la réputation n'est plus à faire. Vieille boutique à l'intérieur beaucoup trop pimpant pour son emplacement, Peter n'a jamais apprécié passer devant et s'est toujours senti embarrassé en voyant la vieille dame qui tenait la boutique. Une grosse femme à la barbe aussi blanche que ses cheveux. Il n'est d'ailleurs pas certain qu'il s'agisse d'une femme. Dans tous les cas, ce n'est pas elle qui l'intéresse mais bel et bien le jeune Gregory. Ça fait déjà deux mois qu'ils se côtoient régulièrement ; toutes les deux semaines Peter vient récupérer sa petite commande dans l’anonymat le plus total, Goyle ne sait ni son nom, ni pourquoi a-t-il besoin d'une si grosse quantité de goutte du mort vivant. Tous ont des petits secrets, sauf cette tête de nœud au caractère bien trempé qui, aux yeux de Peter, est aussi simple à lire qu'un grimoire. C'est un sang-pur et de surcroît un Goyle, ne pas connaître l'identité du fils successeur d'Alfred relève de l'impossible. Tout porte à croire que sa famille est inscrite au fer rouge sur son front - non, pour ne pas mentir, Peter a découvert son identité à peine trois jours suite à leur première rencontre. Lors d'une réunion banale entre le Lord et certains individus, certaines grosses têtes loyales, à laquelle bien évidemment Peter n'a pas été pas invité. Il est tombé nez à nez ou plutôt oreille à discussion entre un homme plutôt âgé et le dénommé Alfred Goyle qui parlait de son fils aîné, Gregory, jeune death eater au service du Maître. Tout est devenu beaucoup plus clair pour Peter. Voici donc dans quoi traîne son morveux, du trafic de potions.

Une fois sur le lieu du rendez-vous, Peter s'adosse contre un mur aux pierres humides, enfonce ses mains dans les poches de sa longue veste, touchant du bout des doigts sa baguette. Il n'a plus confiance en personne et une explosion accompagnée de sa transformation sont désormais ses meilleurs amis - enfin, ça n'a jamais changé. Finalement, un gringalet débarque, fier, une démarche assurée.  « Toujours en retard. » Toujours la même chose. La voix est grave, pourrait déstabiliser ceux qui ont connu le petit nounours d'autrefois. Cernes sous les yeux. Rêve de retourner se coucher.

Spoiler:

Ca fait bientôt vingt-huit minutes, oui, je sais compter plus loin que les dix doigts de mes mains, que je fixe sans sourciller la flamme qui brûle et consume lentement, seconde après seconde, la bougie que j'ai allumé dans ma chambre. Je sais que je devrais déjà être dehors, ailleurs, avec le client du soir, mais j'attends que l'effet de l'alcool se disparaisse ou du moins, s'atténue. Les pupilles mi-closes, je fais tout mon possible pour ne pas m'endormir. A mes pieds, au bout du matelas sur lequel je suis étendu, se trouve une bouteille à moitié vide, à moitié pleine, peu m'importe, de firewhisky. Breuvage qui assèche et brûle la gorge, mais qui me permet d'oublier encore et toujours, ma misérable existence. Une vie que j'ai moi-même gâché en jouant les petits caïds et dont je paie le prix fort un peu plus chaque jour. Enfin, je ferme les yeux. Je ne sais pas combien de temps et je m'en moque à dire vrai. Je navigue, je vais et je viens ici et là. Les souvenirs prennent possession de moi et la torpeur m'assomme pour mon plus grand bien. Vincent. Sa chaleur, ses caresses, nos étreintes passionnées. Ce n'est plus rien, pas même un souvenir. Ce n'était qu'une illusion, un mirage dans le paysage que j'ai dégusté et que j'ai recraché, merci papa. Et pourtant, ça reste là, ancré en moi malgré mon souhait de m'en débarrasser, je n'arrive pas à m'en défaire. Je pourrai m'arracher la peau, déchirer mon corps pour retirer cette partie de lui en moi et je n'y arrive pas, saleté de parasite.
Quand je trouve enfin la force d'ouvrir à nouveau les yeux, la nuit est déjà reine et la bougie, entièrement consumée. La flamme s'est éteinte et la cire s'est figée. Lumos. D'un geste sec, je deviens la lumière et je me motive enfin à enfiler quelque chose pour sortir. Le client doit m'attendre. Je lâche un rire mesquin à cette pensée. Le client n'est autre que la vermine la plus basse que je peux connaître. Un traître et un lâche comme on en fait plus, mais celui-ci, il est tenace et dans le domaine de la survie, il est passé maître, si ce n'est roi, on devrait lui forger une couronne. Et ses mains sont sales, tâchées, souillées par le sang des nombreuses victimes qu'il a emporté avec lui pour pouvoir encore entendre aujourd'hui, son petit coeur battre et s'emballer, lui chatouiller la poitrine et émettre des sons imparfaits. Pettigrew.
Je ne sais pas exactement ce que je ressens quand je me tiens face à cet homme, ce fidèle de la première heure qui porte à son bras gauche, la marque du malin. Je ne peux pas le dire exactement, car c'est un mélange étrange d'admiration, de fascination, d'effroi et de mépris. Tout cela à la fois, c'est un cocktail explosif n'est ce pas ? Et tandis que mes pas m'entraînent vers de sombres allées aux pavées maculés, je laisse tomber sur le haut de mon crâne, la capuche du sweat gris que je porte. La baguette dans ma poche et dans l'autre, la commande du client. Quelques gouttes de mort vivant pour un repos mérité à celui qui a causé tant de maux. Mais peut-on mettre des mots sur les maux ? Les panser, certainement pas, les apaiser non plus, mais les faire taire oui, grâce à la mort. Je sors la fiole de ma poche pour l'observer un instant, tandis que j'arrive bientôt au point de rendez-vous. Du poison. Cette pensée me traverse l'esprit depuis un petit moment déjà. La liste de mes clients s'allonge et voici que je songe qu'il serait si aisé, trop même, d'empoisonner quelqu'un et de faire disparaître le corps. Si Pettigrew venait à boire par m’égare, du poison et à disparaître, qui viendrait pleurer sa dépouille ? Moi, même si je ne suis pas le plus aimé, je sais que mes parents et même ce crevard de petit frère lâcheront une larme, mais pour un vulgaire rat, qui viendrait pleurer ? On sabrerait plutôt une bonne bouteille.

Toujours en retard.
Sale vermine. Je fronce les sourcils, mais je ne réponds pas. Je n'ai pas envie de le froisser car il m'impressionne malgré tout, ce rat. Toujours charmant. Je m'essaie à l'ironie, mais je sens que ce n'est pas mon domaine de prédilection. Je chancelle un peu, l'alcool est toujours là, dans le sang et ça se sent rien qu'à mon haleine. Je garde ma capuche sur la tête et je tends la fiole. Inutile de faire durer le plaisir de ces retrouvailles nocturnes. Quinze galions et une dose pour le mois. J'ai besoin de cet or pour parier sur les prochains matchs à venir, je l'attends avec impatience, mais que Pettigrew ne pense pas que je lui en fais cadeau, mes prix sont bas, mais suffisant pour en sortir une marge confortable pour mes petites affaires. Vous avez une mine épouvantable ce soir, vous savez... ? Vous devriez... Oh je ne sais pas moi, boire un coup ou en tirer un, mais faire quelque chose pour vous. Je vais sans doute trop loin, je me permets trop de choses, l'alcool me fait oublier mon propre crédo, je me giflerai demain. Vous transpirez l’anxiété, ça me donne la nausée.