Callum avance d'une démarche assurée dans les grands couloirs du Ministère de la magie, sa cape s'envolant autour de son corps. Il ne s'arrête pas pour faire des petites conversations, se contentant d'un salut vague quand il croise une de ses connaissances ; Callum est pressé, il a un but. Cela fait plusieurs fois qu'un de ses proches collaborateurs lui murmure qu'un jeune diplômé du nom de Vincent Crabbe mériterait une attention particulière. Il semblerait que le sorcier se terre dans un recoin du ministère et s'enfonce dans de la paperasse inutile alors que ses capacités personnelles pourraient le prédestiner à de meilleurs desseins. Si la première fois, le langue-de-plomb a légèrement opiner du chef sans y penser à deux fois ; il a fini par se poser des questions à force d'entendre son nom prononcé plusieurs fois par les lèvres de son estimé collègue.

Maintenant, ce prénom ne le quitte plus et devient presque obsession. Callum a besoin de savoir si le jeune homme vaut vraiment le coup de s'y intéresser ; les cartes n'ont rien révélé de particulier à son égard lorsqu'il est allé voir sa voyante pour les interroger. Il y a autre chose qui le pousse dans la direction du Crabbe, ce n'est pas son nom de famille (qui n'est pas réellement mémorable) ni même le besoin de prendre sous son aile un disciple (Callum n'est peut-être pas le meilleur des professeurs bien qu'il serait capable d'affirmer le contraire) mais il a besoin de trouver un nouvel objectif. Ses recherches patinent dans la mauvaise direction, un regard neuf (à condition de trouver le bon) ne ferait certainement pas de mal au département des prophéties et permettrait de leur redonner un peu d'avance dans cette compétition centenaire entre les différents services du Département des Mystères. En outre, depuis la mort de Cornelia et ses nouvelles fiançailles, le mangemort est en recherche de diverses occupations qui le maintiendront loin de son domicile et des nombreuses pensées contradictoires et contreproductives qui l'assaillent.

Arrivé devant une petite porte d'un petit bureau qui ne paie pas de mine, le sang-pur cogne de trois coups brefs pour annoncer sa venue, puis entre sans attendre une invitation. D'un regard, il détaille le gaillard, il ne paie pas de mine mais soit, Callum a appris à ne pas juger les livres à partir de leur couverture. C'est le déroulement de la conversation qui lui dira si son ami avait raison et si le jeune Crabbe valait bien de perdre quelques précieuses minutes de son temps... ou non. "Goodmorning, are you Vincent Crabbe? le sorcier tend sa main. Callum Selwyn, I would very much like to speak with you, is now a good time?" Bien entendu, il ne s'attend pas à recevoir une autre réponse qu'un oui affirmatif. Et tout dans sa personne respire l'aisance et la confiance en soi alors qu'un sourire vient éclairer ses traits émaciés.

Vincent aimait la routine. C’était quelque chose dans lequel il s’était toujours retrouvé. Il aimait l’ordre, lorsque les choses étaient relativement bien cadrées. La routine lui apportait une paix d’esprit qu’il savait apprécier.
Vincent aimait aussi faire ce qu’il voulait, il aimait qu’on le laisse tranquille, il aimait correspondre à ce que les gens attendaient, de façon à ce que personne n’aille chercher plus loin, à ce que personne ne fouille un peu plus.

Il avait réussi à accomplir tout cela, depuis son entrée au ministère. Vincent s’y était dirigé assez naturellement, après Hogwarts. Il avait convenu avec lui-même qu’une carrière simple mais efficace était le chemin le plus propice à suivre, que ce qu’il allait faire de sa carrière n’avait pas besoin d’être extravagant, qu’il n’avait besoin que de confort, d’une sécurité qui le mènerait à pouvoir supporter sa famille. Point.

Parce qu’il appréciait tant l’ordre, il s’était dirigé vers le côté administratif des choses, il avait eu pour ambition, ou plutôt pour non-ambition, de finir avec un travail de bureau, dans lequel il pourrait trier, classer et mettre à jour, pas grand chose de plus. Il faisait donc ce qui était nécessaire pour cela, et si quelques éclairs de quelque chose de plus, d’une certaine forme d’intelligence lui avaient parfois échappé, ceux-ci n’avaient apporté que des regards curieux des formateurs, et plutôt désapprobateur de ses camarades. Alors il avait arrêté, ne se laissant aller que parfois lors de conversations plus privées, lorsqu’ils n’étaient pas tous réunis dans la même pièce, dans cet esprit de compétition qui était souvent malsain.

C’était ce qui l’avait mené là, dans un petit bureau d’un recoin du ministère où il était officiellement stagiaire sous la tutelle d’un homme qui semblait aussi sérieux qu’inintéressant. Vincent était content, il pouvait trier, classer et mettre à jour sans que personne ne le dérange.

Il était tellement habitué au calme et au silence, entrecoupé uniquement des pages qu’il tournait occasionnellement, qu’il avait presque sursauté lorsque quelques coups avaient retentis à la porte de son bureau. L’homme qui était entré ne semblait pas familier, Vincent imaginait qu’il l’avait sans doute croisé au sein du ministère, mais il ne semblait pas faire partie de l’office des portoloins. “Goodmorning, are you Vincent Crabbe?”, il dit après être entré. “Yes, this is me,” il lui répondit après une courte hésitation, serrant la main tendue de l’homme qui lui faisait face. “Callum Selwyn, I would very much like to speak with you, is now a good time?” Vincent connaissait les Selwyn, de nom, et il savait que leur spécialité était la voyance, pas les portoloins. “Nice to meet you,” il lui dit néanmoins, “of course, what can I do for you?” il dit avant de l’inviter à s'asseoir sur la chaise qui lui faisait face.

Le père de Callum lui a appris qu'on pouvait se faire une bonne idée de la personnalité d'un individu par une simple poignée de main. Et si le Selwyn n'est pas du genre à faire grand cas de tout ce que lui partage son père, il sait retenir les leçons qu'il juge pertinente ; c'est pourquoi il se présente toujours en serrant la main. Une poignée molle est signe d'une personnalité docile ou paresseuse, une poignée délicate peut montrer des élans d'affection ou bien une personnalité douce ou encore un signe d'une bonne éducation. Callum se fait un honneur d'adapter ce geste à chaque situation et de bien doser la main tendue. Celle que lui renvoie le Crabbe ne manque pas de fermeté ce qui n'est pas pour le déplaire et ce malgré l'apathie qu'il dégage, on peut déceler dans le fond un élan d'énergie qui  pourrait fonctionner.

Mais n'allons pas trop vite en besogne, il convient d'abord d'investiguer un peu les informations apportées et de se faire un avis en connaissance de cause. “of course, what can I do for you?” Callum s'asseoit sur la chaise qu'on lui indique et pose ses mains sur ses genoux un léger sourire se dessinant sur ses lèvres alors qu'il réfléchit à la meilleure manière d'aborder ce qui l'amène. Il ne peut pas de but en banc lui parler de sa profession sans éveiller peut-être des questions trop anticipées ou un intérêt qui serait simplement lié à l'idée de rejoindre les rangs très serrés et privilégiés des Langue-de-plombs. Il ne peut pas non plus prétexter un besoin pour les Portoloins alors qu'il n'en est rien. Non, Callum doit improviser et improviser il fera. "I won't beat around the bushes, but I heard about you from a colleague of mine, John Smith. He told me you were on an internship here and I wanted to make sure that everything was going smoothly." Une de ses mains vient rapidement glisser contre la labradorite qui pend à son oreille, geste inconscient du Selwyn. "How is this job treating you? Do you like it?" Cal tente de se montrer plus avenant qu'il ne l'est en réalité, malgré les relents sombres de son timbre de voix ainsi que l'aura qui se dégage de lui naturellement. Il attend une réponse particulière et se montre très intéressé par ce qui lui sera dit. Viendra ensuite le reste. Et peut-être enfin, Callum trouvera de quoi alimenter les longues journées au Département des Mystères et un esprit vif pour l'accompagner dans ses recherches.

Callum est un homme simple. Il ne demande pas grand chose de plus.

“I won't beat around the bushes, but I heard about you from a colleague of mine, John Smith. He told me you were on an internship here and I wanted to make sure that everything was going smoothly,” l’homme lui répondit simplement. Vincent était pratiquement certain que ni lui ni Smith n’officiaient au bureau des portoloins et il se demandait ce qui avait pu les mener jusqu’à lui. Peut-être était-ce encore une certaine méfiance qui régnait à l'égard des siens, peut-être que ceux qui, comme les Selwyn, faisaient partie des vingt-huit sacrés se demandaient encore si l’on pouvait faire confiance à un Crabbe. C’était aussi irritant que possible, et Vincent aurait presque dit quelque chose s’il ne savait pas qu’il vallait mieux présenter un visage parfaitement neutre.

“How is this job treating you? Do you like it?” Selwyn ajouta après quelques secondes. Vincent prit lui-même quelques instants avant de répondre. “It is good, yes,” il répondit. Good était mieux que fine, pas aussi bien que great, mais il n’était qu’un stagiaire de l’office des portoloins, rien qui mérite une quelconque idée de greatness. “I think it’s a right fit for me,” il se sentit presque obligé d’ajouter. Là encore, il ne pouvait pas dire que c’était le job rêvé, personne ne le croirait, parce que personne ne faisait ce genre de métier par réelle vocation. C’était confortable, simple, et pas bien plus haut que ce que les gens pouvaient s’attendre de lui. Il ne mentait pas lorsqu’il disait que c’était bien pour lui.

Vincent resta silencieux quelques instants. Il ne savait pas par quel bout prendre ce problème. Il se doutait que les motivations du Selwyn étaient ailleurs, car il n’y avait pas de raisons logiques pour qu'il se déplace et vienne lui poser une question si banale et sans intérêt. Il y avait forcément autre chose, une raison qu’il ne semblait pas enclin à dévoiler. Sa curiosité s’était éveillée et il avait envie de lui demander, avec toute la politesse dont il était capable, quelle était la réelle raison de sa visite, mais l’alternative de jouer l’idiot, de prétendre qu’il croyait ce que l’autre homme lui avait dit semblait plus sage. Il ne pouvait pas l’offenser s’il ne posait pas de questions, après tout. “I hope you won’t mind my asking but,” il commença lentement, “I’ve been introduced to what I thought was everyone in the office and no one has mentionned you, you don’t work in the portkey office, do you?” L’entre deux ne pouvait pas faire de mal.

Callum Selwyn ne pense pas grand chose des Crabbe, il avait appris à ses dépends que le nom ne faisait pas forcément le statut, bien qu’il appréciait encore se convaincre du contraire. Et s’il se considérait au-dessus de cette famille, il n’en restait pas moins prêt à donner de son temps et de son énergie pour le jeune sorcier si celui-ci s’en montrait digne. Si une certaine supériorité de classe était indéniable, notamment en ce qui concernait les impuretés de basses naissances ou pire encore pour les bas-fonds constitués d’hybride en tout genre, il ne restait pas moins que Callum croyait en une certaine forme de méritocratie. Toute propension gardée, bien entendu !

Il commence donc l’interview improvisée et secrète par une simple question. Rien qui ne saurait mettre à mal un esprit vif et même moins que cela. “It is good, yes,” réponse simple à une question qui l’est tout autant, Callum opine du chef. “I think it’s a right fit for me,” A cela il ne peut empêcher ses sourcils de se soulever. Lui aurait-on menti, est-ce au final qu’une perte de son sang ? Le jeune homme en face de lui fait-il preuve de prudence, d’intelligence ou bien d’un manque certain d’ambition en précisant de la sorte une telle ineptie ? Le service des portoloin n’a rien de très reluisant, et sûrement n’importe qui préfèrerait travailler ailleurs. “Do you now?” La question est posée avec une pointe d’amusement et de scepticisme, suffisamment pour montrer qu’il ne le croit qu’à moitié et que ce n’est pas la réponse qu’il est venu chercher sans pour autant en révéler bien plus.

Il laisse sciemment un temps couler, en profite pour tenter d’analyser ce qu’il se passe à l’intérieur du jeune stagiaire et impatient de savoir comment il va réagir face à une inquisition longue et silencieuse, à un manque d’informations certain. Va-t-il rester silencieux et se mettre à suer à grosses gouttes ou bien au contraire se montrera-t-il impertinent ? Heureusement pour lui, Vincent Crabbe ne choisit aucune des deux options précédemment citées. “I hope you won’t mind my asking but,” Poli et respectueux. Good. “I’ve been introduced to what I thought was everyone in the office and no one has mentionned you, you don’t work in the portkey office, do you?” Cette fois, un sourire placide s’étire sur ses lèvres, et la réponse ne se fait pas attendre. “Indeed. I work in another field far away from this delightful office. un geste vague de la main pour englober le service en question, et Callum reprend. What are your tasks here? Are they really fulfilling for a young wizard like yourself?” Son index se pose sur son menton en une posture songeuse, alors qu’il continue à poser les questions qui, il l’espère, lui permettront d’arriver à une conclusion satisfaisante d’ici la fin de la journée.

On n’a pas de temps à perdre dans son service et il se doit de recruter quelqu’un dont l’esprit est aussi affûté qu’une lame. S'il est encore trop tôt pour se faire un avis définitif, le jeune Crabbe marque des points. Il semble toutefois manquer d’une certaine envie de s’élever, mais cela peut toujours être façonné.