Love sea sick

Markila | Markus & Aquila

C'était un cauchemar, il ne pouvait pas en être autrement. Ce soir là, quand son père l'avait convoqué dans son bureau, Aquila n'en attendait rien. Cela faisait un moment qu'elle n'en attendait plus rien et son entrevue avec Aslan n'avait fait que renforcer la donne et son envie de fuir. Elle voulait vivre ailleurs, loin de ses parents, loin de sa famille peut-être ? Loin de tout. Corvus l'avait prévenu pourtant, depuis longtemps, pourquoi ne l'avait-elle pas écouté ? Sa colère grandissait avec les jours et ce soir-là, pour en revenir à cela, elle entrait dans le bureau sans qu'aucune émotion ne transparaisse. Il n'y avait même plus la peur de ce qu'elle avait déjà vu dans ce bureau. Non. Il ne s'agissait plus d'un doute, son père était bien le monstre que tout le monde avait vu sauf elle. Aslan avait renforcé ce sentiment, lui avait avoué sa version des faits, la raison de son départ et de façon étonnante, elle l'avait cru. Son regard avait toujours été d'une profondeur incroyable, elle s'y était accroché une nouvelle fois comme à une bouée dans un océan qui semble sans fin. Ce soir elle pensait à lui alors qu'elle se tenait droite devant son père et étrangement sa mère. Ce n'était pas tous les jours qu'Aquila était convoquée par ses deux parents et cela ne lui disait rien qui vaille. Et finalement le couperet retomba, comme la dernière fois, tout aussi violemment. "Nous t'avons trouvé un nouveau fiancé". Que la scène lui était familière.

Cette fois-ci cependant la nouvelle ne fut pas accueillie avec la même joie et le même enthousiasme. Souffrir une nouvelle fois comme elle avait pu souffrir de ses fiancailles avec Aslan ? La jeune femme revoyait ses cauchemars, cette sensation de solitude incroyable la nuit, la façon dont elle n'avait pas réussi à dormir pendant de longues semaines, s'interrogeant sur tout et n'importe quoi. L'idée de recommencer ne lui plaisait pas et visiblement, cela se lisait sur son visage puisque sa mère prit le relais pour la rassurer. Une bonne famille, on les connait et puis le fils est très bien, vous allez bien vous entendre. Ce n'était pas ce qui l'inquiétait, elle s'était effectivement très bien entendu avec Aslan, là n'était pas le problème. Elle ne fit pas de scandale, cela dit. La petite Travers se consolait par le fait qu'elle allait finir par trouver un moyen de fuir tout ça, d'être sa propre personne au delà du joug de son père. Ils voulaient la fiancer ? Très bien. Ce n'est pas comme si elle avait son mot à dire de toute façon.

Elle avait donc enfilé sa plus belle robe pour la soirée de ses fiancailles et s'était affublé de son plus beau sourire pour faire bonne impression à la famille Von Bäume. Sa future belle-famille, visiblement. Elle n'avait pas grand chose à en dire, savait mieux que personne les avantages de l'apparence et les secrets qu'elle pouvait dissimuler. Son fiancé, à ce propos, semblait parfaitement les maitriser. Il était évidemment d'une beauté à couper le souffle. Il maitrisait le verbe autant qu'il maitrisait la façon dont les gens le percevaient mais Aquila avait au moins autant confiance en lui qu'en le reste de sa famille. Théoriquement, le dénommé Markus ne lui avait rien fait et jusqu'ici il lui était très agréable. Savait-il seulement ce qu'il s'était passé avant son arrivée ? C'était fort probable, le scandale avait fait le tour des journaux alors. Pourtant il lui avait décroché un sourire quand, entre deux photos il lui avait glissé une proposition qui lui avait fait rosir les joues légèrement. Une invitation. Un rendez-vous, juste tous les deux, un moyen certainement de mieux se connaitre avant le jour fatidique. Allons bon, son fiancé arrangé portait visiblement un minimum d'importance à sa personne. Elle ne le disait pas mais cette idée lui avait fait battre le coeur un peu plus vite, l'espace d'un instant.


Ainsi, le soir où il était venu la chercher au Manoir Travers, le sourire d'Aquila n'avait pas été totalement feint. Il faut dire que toutes ses années de vie sur Terre, la métamorphomage n'avait jamais eu l'occasion d'être invité à un réel rendez-vous, tel que l'on peut les lire dans les livres. Elle n'avait d'ailleurs pas porté une réelle importance à l'amour et au romantisme, persuadée que sa vie amoureuse se terminerait de la même façon que celle de ses parents : dans un mariage arrangé qui n'a de mariage que le nom. Elle n'avait théoriquement pas eu vraiment tort mais n'avait pas imaginé qu'il pourrait y avoir la moindre place à la séduction dans cette affaire. Aussi était-elle un peu intimidée mais pour le moins impatiente. La soirée de leur fiancailles avait été...Intéressante, c'est certain mais ils n'avaient eu que peu d'occasion de se retrouver seul et après tout, cela restait un mariage. Elle attrapa donc son bras et se laissa mener, intriguée de trouver un port et un petit quai où les attend visiblement un bateau. Elle fait non de la tête en signe de négation quand il lui demande si elle a le mal de mer. Peut-être était-ce intéressant de s'en inquiéter avant d'y monter, effectivement.

« Et que tu sais conduire un voilier. »

« Dois-je comprendre que mon futur mari n'a pas la maitrise d'un voilier dans sa liste de compétence ? » répondit-elle, faussement outrée.

Elle avait évidemment fait ses petites recherches sur Markus, elle n'allait pas épouser quelqu'un dont elle ne savait absolument rien après tout (ces histoires de mariage arrangé le faisaient déjà parfaitement pour elle). Son curriculum vitae de futur mari était bien chargé et toutes ces lignes avaient éveillé sa curiosité bien plus qu'elle ne souhaiterait l'avouer. Il était fascinant, à n'en pas douter, avait un talent naturel pour les potions et était considéré comme un jeune homme extrêmement prometteur. Ses parents avaient effectivement fait un travail remarquable en le choisissant comme son futur mari. En s'installant sur le voilier, la jeune femme observa l'horizon, un petit sourire sur le visage. La liberté. Tout en cette soirée appelait à ce qu'elle n'avait pu avoir, à ce qu'elle avait cru obtenir avec Aslan. Elle secoua la tête, ne voulant pas y penser plus que de raison. Markus, jusqu'ici avait été parfaitement agréable et ne méritait pas la comparaison avec son ex-fiancé. Mais tout de même, elle ne se berçait pas d'illusions. Elle y avait cru, une fois, ne voulait pas y croire encore.

« Merci pour...tout ça. » Jusque là il ne s'était pas encore passé grand chose et c'est tout à fait ce qu'elle pouvait lire sur son visage, aussi se reprit-elle. « J'avais besoin de respirer un peu et le Manoir...N'est pas un exemple en termes de promenade au grand air ! »

Ainsi que d'intimité. Peut-être était-elle un peu paranoiaque mais elle avait l'impression que dans chacune des pièces son père savait où elle était, ce qu'elle faisait et avec qui.

« Et puis ce n'est pas la pire des façons de commencer des fiancailles ! » prononça-t-elle avant de sourire. D'un sourire doux. Et pour le coup, sincère. « Merci de m'avoir invité... ». Après tout, c'était la première fois.