Il avait prévu de passer la journée seul pour changer, de toute façon il avait soirée à vingt heures alors ce serait vite arrivé, il avait donc migré de sa forêt jusqu’à  un parc. La soleil cognait, il allait finir rouge écrevisse quand les arbres auraient pu lui servir de parasol, mais il avait beau ne pas vouloir causer pour le moment, ça n’empêchait pas qu’il n’était pas très à l’aise avec l’idée d’être seul seul. Au moins dans un parc, il y aurait du monde autour de lui, des gamins pour brailler dans les toboggans et des chiens qui couraient partout, ça allait être bien, il était ravi de son idée.

Il avait dans sa sacoche le tome un de Narnia piqué dans la bibliothèque de Bree sur les conseils de cette dernière, il avait actuellement lu trois pages alors c’était l’occasion d’avancer – il paraissait qu’il devait vraiment l'avoir lu alors il n’avait pas fait d’histoire quoiqu’il priait pour que ce bouquin-là remonte le niveau de Twilight. Il regrettait encore d’avoir lu ça quelques mois plus tôt. Le parc était bondé, Jo eut beau parcourir les allées, tous les bancs étaient occupés par des papis-mamies, des groupes d’ados ou des parents avec leurs poussettes, le brun allait finir par investir la pelouse comme la plupart des lycéens du coin quand il remarqua un banc sur lequel restait assez de place pour qu’il s’asseye. Pas d’hésitation, il s’y installa sans s’être vraiment attardé sur le profil de la fille qui y lisait déjà – il aurait croisé son regard qu’il lui aurait souri, ce n’était pas le cas alors il allait faire sa vie.

« Oh God, not you. » Occupé à sortir son livre de son sac, il releva la tête, plutôt très surpris d’être accueilli comme ça par … par qui ? Il dévisagea la fille, sourcils oscillant entre le haussé et le froncé. « Who are you ? » demanda-t-il sans vraiment d’animosité. Il n’aimait pas trop ça, qu’on lui saute dessus pour l’agresser, surtout quand il ne connaissait la fille ni d’Eve ni d’Adam. Quoique. « Go away. » A la voix, au ton, ça lui fit tilt, c’était cette espèce de furie qui lui criait dessus pour une raison qui lui était inconnue (quoique, il avait une petite idée, ça devait être l’effet uniforme) dès qu’il avait le malheur de croiser sa route. Il avait bien fallut qu’il s’asseye à son banc. « I don’t think so, » espace public, il y avait sa place, elle n’avait qu’à se barrer si elle n’était pas contente.  « What do you want ? » Le culot était ahurissant, il soutint son regard sans broncher avant de le détourner quand elle replongea dans son livre. « Read my book ? I don’t know, what would I want ? » Qu’elle l’ignore, il l’ignorerait, il était sûr que monsieur Tumnus était plus sympa qu’elle.

Un accueil comme il les aimait, chaleureux et aimable, avec un grand sourire. Sympa sympa, pour un peu il aurait boudé, mais il ne connaissait même pas la fille et les comportements de gamin étaient réservé à ses proches. Là il allait plutôt ignorer, la chien aboie la caravane passe ou autre connerie du genre, en plus il voulait avoir avancé son livre avant de revoir Bree, histoire de débriefer de la lecture, ce serait la faute de la fille s'il n'y arrivait pas. « Ugh. » Éloquent. Jo l’observa un instant d’un air scrutateur avant de s’en désintéresser. Il ne voyait pas le problème causé par sa présence, il ne faisait pas de bruit (pour une fois) et en plus il avait mis du parfum donc embaumait les lieux à trois mètres à la ronde – que demandait le peuple ? Qu’il s’en aille apparemment.

« My God, you're such a jerk. » Elle avait des soucis cette fille, il la regarda à nouveau en se demandant s’il avait déjà insulté ses ancêtres, à moins qu’il n’ait trouvé un autre moyen de lui causer du tort, mais il ne savait pas trop, de ce qu’il se souvenait, c’était plutôt elle qui l’enquiquinait à chaque fois qu’il avait le malheur de croiser sa route. « Thanks ? » Combien de fois on le lui avait dit à Hogwarts, et même après, il fallait croire que le sourire narquois lui donnait l’air con : c’était vrai, ça ne le vexait même plus si tant est que ça l’ait vexé un jour.

« Shouldn't you be working ? Go to the goddamn ministry. » A croire qu'il n'avait pas senti que sa présence était non désirée, elle en rajoutait une couche. Le brun garda un air très digne, l’observant avec les sourcils légèrement haussés dans une expression vaguement railleuse. « I don’t live over there and people tend to have days off, sadly today’s mine, » ce sur quoi il lui adressa son plus joli sourire pour la conforter dans son idée précédemment émise. Il ne savait pas trop ce qu’elle s’imaginait sur lui, mais en fait, il s’en moquait un peu (pas complètement, il avait tout de même une légère (non) tendance à vouloir plaire coute que coute) après tout, ce n’était qu’une parfaite inconnue dans un parc. « I'm not in the mood to fight, leave please. » Jo fronça le nez, déclarant : « You’re really weird. » C’était mort-archi mort, il n’irait pas s’asseoir dans l’herbe s’il y avait une place sur un banc. « You talked about fighting, » rétorqua-t-il. Pour une fois qu’il ne cherchait pas la merde, on aurait tout de même pu le féliciter. « Just read your book and don’t mind me I don’t know, » suggéra-t-il. Certes il était beau et sa conversation particulièrement intéressante [insérer une toux sceptique ici] mais ce n'était pas une raison pour chercher à attirer son attention par tous les moyens possibles et imaginables. D'ailleurs, pour illustrer son propos, il se détourna d’elle pour ouvrir son propre bouquin. Maintenant la situation était gênante, il ressentait beaucoup trop la présence hostile de la fille à côté de lui et il se sentait presque obligé de trouver un sujet de conversation parce que les blancs le mettaient mal à l’aise. C’était stupide, il ne la connaissait même pas donc n’avait pas à lui raconter quoique ce soit, et puis elle ne voulait sûrement pas jacasser Brighton & Hove Albion Football Club avec lui. « What's your problem by the way ? » Finalement il n'était pas fait pour les silences de plus de cinq secondes, aussi ses prunelles avaient-elles convergé à nouveau sur la sorcière. Vraiment, la réponse l'intéressait, ce n'était pas tous les jours qu'on essayait de le virer d'un banc public.

« Yeah, great. Anyway, you could've sat on another bench. And you still can, so I'll stop talking to you when you fucking leave ! – Fuck off! » rétorqua-t-il, haussant le ton à son tour puisqu’elle l’avait fait. Qui était-elle pour le virer de là où il était ? Personne aux yeux de Jo, du moins, rien qu’une gamine qui lui prenait la tête pour pas grand-chose et devait donc avoir une vie pire qu’ennuyeuse pour préférer s’énerver après lui quand elle pouvait juste l’ignorer.

« Oh yeah ? Well you're really an asshole. » Il lui jeta un regard noir, plus irrité que jamais par la tournure de la conversation. « Yes I am, whacha gonna do with that now ?! » Lui il allait vraisemblablement s’enfuir ; les conflits le faisaient chier et les prises de tête inutiles aussi, il n’était même pas d’humeur à se faire insulter pour une raison inconnue, ça ne le faisait pas rire. « No. I'm not gonna read my book while you're still there, so either you leave either I'm gonna keep talking to you. – What the fuck just grow up dude ! » Elle ferma son livre, lui la regarda faire d’un air excédé. S’il y avait un problème ici, ce n’était définitivement pas lui.

« My problem ? My goddamn problem is you. » Jo cilla, iris rivées à la brune. Il y avait forcément un truc, il avait ken sa sœur, fait enfermer son père, insulté sa mère – parce qu’elle était trop tenace pour que ce soit injustifié, pourtant il avait beau chercher il ne se souvenait pas de lui avoir jamais fait le moindre tort. « You’re fucking crazy I don’t even know you ! » Mais maintenant il avait un doute et le doute était l’ennemi, et la situation le stressait déjà depuis plusieurs minutes ce qu’il avait aisément fait passer pour l’agacement. Des jours qu’il accumulait les contrariétés, enchaînait les retrouvailles qui éprouvaient durement sa résistance à la pression et le faisaient douter de lui-même, maintenant on lui sautait à la gorge dans un parc et il avait envie de jeter son livre à la gueule de la fille pour la faire taire. « Go on speak your mind, ‘can’t wait to hear what you blame me for, » reprit-il, aboyant plus que parlant. Elle avait forcément un tas de choses à dire, peut-être une liste longue comme le bras de défauts à lui jeter à la figure ; ce n’était sûrement que des bêtises comme tout ce dont il avait été accusé par Elena et Vanessa les dernières fois qu’il les avait vues, ça ne rendait pas le tout plus facile à entendre.

cw. crude language

Elle souriait, elle osait lui faire un putain de sourire comme si le voir s’énerver était la chose la plus réjouissante de sa journée. Il la fusilla du regard, se demandant si crier plus fort lui ferait ravaler son rictus. Probablement pas, c’était juste une gamine en pleine gaminerie, lui était vieux et sage, il ne s’abaisserait pas à son niveau.

- Anw, you're mad ? Il grinça des dents, son regard menaça de la faire entrer en combustion spontanée. Go to hell.

La connasse. Il émit un claquement de langue purement excédé, respira un bon coup ; il était au dessus de ces bêtises, il allait lire et ne plus s’occuper d’elle, elle se lasserait la première.

- I don't know ? Keep annoying you ?

Définitivement il ne céderait pas, rien que pour le principe. Elle voulait jouer à la gamine capricieuse qui exigeait son départ, il allait fermement rester à sa place parce qu’il était un gamin encore plus capricieux et qu’il ne se pliait jamais à la volonté d’autrui si on le lui ordonnait.

- Go on, I’ll be right here, rétorqua-t-il en désignant l’endroit où il se tenait.

C’était son banc maintenant, elle pouvait toujours courir pour l’en déloger. Quitte à y faire un sitting jusqu’à ce que tous les deux meurent de soif, il restait.

- Yeah, no, sorry.

Il resta longtemps à la fixer, l’air un peu ébahi à tenter de calculer son âge. Vingt ans ? Et elle en était encore là ? Il jugeait. Non ce n’était pas culoté de sa part (un peu).

- You know, I will not follow you if you leave so you could just do that and I'll leave you alone...

- Yeah, no, sorry, la singea-t-il en prenant une moue vaguement désolée.

Et ça continuait, elle ne le lâchait pas et lui, il se lassait vite ; à trop lui taper sur les nerfs, on lui faisait péter un câble. Il avait carrément des throwback au temps de Poudlard maintenant, à l’époque ou c’était lui qui faisait chier son monde. Il en était presque au point d'adresser des excuses télépathiques aux personnes qu’il avait si longtemps soulées pour s’amuser maintenant qu’il ressentait le potentiel insupportable de la situation.

- C'mon, I'm not crazy - maybe just a bit. But it's your fault.

- My fault? MY FAULT? What the fuck, c'était un putain de gag et c'était moyennement drôle.

Il la dévisageait toujours, sourcils froncés comme s’il n’avait jamais entendu de bêtise pareille. Certes il était responsable de beaucoup de choses, mais de ça ? Il rejetait toute responsabilité.

- Well, I blame you for working to that fucking ministry, for being a goddamn asshole and for ruining my afternoon.

Et Jo se demandait toujours de quel droit elle tirait des conclusions pareilles, parce qu’ils ne se connaissaient pas et que de mémoire, il ne lui avait jamais rien fait pour être le connard qu’elle décrivait.

- People tend to do what they can for a living, gronda-t-il en retour.

Il sentait le jugement suinter de chacun de ses mots et pourtant elle n’avait pas la moindre idée de qui il était et de pourquoi il faisait ce qu’il faisait. Il ne lui demandait pas de chercher à savoir, ce n’était pas son problème, à cette fille, mais elle aurait pu faire l’effort de le considérer comme une personne comme elle, d’autant plus lorsqu’il ne portait pas son uniforme.

- Fuck you by the way, you’re ruining my afternoon.

Pour la peine, il boudait, il le montra en faisant mine d’ignorer la fille pour les bien moins agaçantes Chroniques de Narnia. Parfois il regrettait de ne pas avoir de baladeur pour pouvoir se mettre un casque sur les oreilles et ne plus entendre les chieurs.

cw. violence verbale

Si Jo avait une philosophie de vie, c’était bien vivre et laisser vivre ; autant il prenait un plaisir fou à embêter les gens qu’il aimait bien, autant l’idée d’aller chercher des poux à une fille qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam ne lui aurait pas traversé l’esprit. C’était pourtant exactement ce que sa voisine de banc faisait à lui servir un sourire satisfait comme si elle avait réussi son objectif de la semaine en le faisant monter dans les tours.

Jo avait beau être particulièrement facile à vivre et d’humeur constante, il y avait des jours sans où son irritabilité atteignait sa limite, ça semblait être l’un de ces jours où il était loin d’avoir envie de rire tandis que la fille crachait son venin comme si elle le haïssait personnellement. Ça n’avait aucun sens, il faisait justement tout pour que tout le monde l’aime, ce n’était pas pour qu’une gamine lui hurle dessus dans un parc pour dieu savait quelle raison elle avait pu inventer.

- Oh, come on ! Just take your ass of that bench !

Et elle était têtue en plus, à ne pas vouloir le croire quand il déclarait qu’il ne bougerait pas du banc. C’était une affaire d’égo maintenant, il n’était plus question qu’il cède sa place quand ça semblait déranger à ce point la fille qu’il reste tranquillement assis à côté d’elle. Faire l’inverse de ce que voulaient les gens était aussi quelque chose qu’il trouvait très satisfaisant.

- Lemme make it clear, il se pencha légèrement vers elle en prenant soin d’articuler la suite : N-O.

Il s’attacherait au banc comme les militants de Green Peace s’attachaient aux arbres à abattre s’il le fallait, mais jamais au grand jamais il ne cèderait au caprice d’une gamine mal élevée comme elle.

Alors que le ton montait, il la vit faire une drôle de tête – peut-être qu’elle avait enfin fini sa comédie. Ou pas.

- Don't you fucking dare to scream !

Jo la regarda d’un air blasé. Lui était très peu impressionné par les gens qui lui criaient dessus, non seulement il avait l’habitude mais en plus la fille était loin de lui faire peur.

- Or what?

Elle n’allait rien faire c’était évident, alors il allait continuer à faire exactement ce qu’il voulait même si elle n’était pas contente.

- And yes, it's all your fault.

- It’s not my fault if you act like a crazy person, rétorqua-t-il sèchement.

Ses traits s’étaient fermés, son visage fardé d’un air bougon qui lui était très inhabituel. Jo avait tendance à toujours éviter les confrontations, il fuyait les gens en colère parce qu’ils le mettaient mal à l’aise et il détestait par-dessus tout quand on s’en prenait à lui de manière injustifiée. Il était prêt à parier que la fille elle-même n’avait aucune idée de pourquoi elle lui criait dessus, sûrement qu’elle aussi s’était retrouvée coincée dans l’engrenage et ne pouvait plus arrêter sous peine de perdre leur duel ridicule. Grand bien lui fasse, elle n’avait continuer à s’agacer toute seule pendant que Jo faisait mine de l’ignorer.

Difficile à faire, elle lui tapait vraiment sur les nerfs et si l’envie de se barrer sans demander son reste pour retrouver la paix était forte, celle de la faire taire l’était encore plus.

- People tend to not be jerks like you.

- Hey I have a question, did they invent the word bitch for you?  rétorqua-t-il entre ses dents serrés, presque impressionné par la capacité de la gamine à être imbuvable.

Il y avait peu de gens qu’il n’appréciait pas, il tendait même plutôt à bien aimer tout le monde, mais elle ? Il n’avait jamais vu de peste pareille, sauf peut-être Izzie mais celle-ci trônait dans une autre catégorie.

- I don't even know how you can live with yourself. Aren't you ashamed of being such an idiot ?

Wow. Ça eut pour effet de souffler Jo qui en perdit sa répartie. Elle ne le connaissait pas et se permettait d’affirmer des choses pareilles, c’était audacieux et extrêmement injuste. La mâchoire du brun s’était contractée immédiatement alors qu’il dévisageait la fille avec un mépris à peine dissimulé.

- Don’t talk shit about what you don’t now, gronda-t-il.

La vérité était qu’il vivait mal avec lui-même, que tous les moyens étaient bons pour alléger sa conscience et apaiser l’anxiété étouffante qui se tapissait sous sa peau quand l’une de ses insécurités était réveillée par un facteur quelconque. Il préférait encore plonger dans la mare du parc que d’expliquer à la fille d’à côté pourquoi elle ferait mieux de ne pas parler de ce qu’elle ne connaissait pas, alors il se décala au plus loin d’elle et rouvrit son livre en espérant qu’elle disparaîtrait s’il ne lui portait plus d’attention. Ce n’était pas le cas.

- Fuck you too ! Fuck you and your goddamn colleagues. They ruined my fucking life.

La dernière phrase dite à mi-voix ne lui avait pas échappé, pourtant il se garda bien de se sentir concerné par les malheurs de Sophie ou whatever was her name. Jo avait perdu toute capacité à éprouver de l’empathie pour elle deux minutes plus tôt quand elle ne s’était pas demandé une seule seconde si elle ne franchissait pas une limite, ou peut-être qu’il l’avait perdue dès le début de la conversation quand elle avait clairement manifesté une volonté de le blesser. Peu importait, il n’en avait plus rien à foutre.

- Nooo, poor baby got her life ruined, geignit-il, le sarcasme suintant de sa voix. You deserved it no? reprit-il, mortellement plus sérieusement. You insult people till they lose their shit then cry when they get mad? Wake up girl, you are no one, I could ruin your life too.

Jo n’était pas méchant, il n'éprouvait pas la moindre satisfaction à blesser les gens en temps normal, or quand c’était lui qui se sentait attaqué, il ne savait jamais comment réagir sur l’instant autrement qu’en étant encore plus virulent que l’autre. Ses mots dépassaient largement sa pensée du fait qu’ils n’étaient prononcés qu’uniquement pour faire mal, aussi les regrettait-il toujours une fois qu’il était redescendu, ça attendrait tout de même quelques minutes, pour le moment, il était trop occupé à dévisager la fille avec dédain. Après un instant, il détourna les yeux comme si sa vue était devenue insupportable, ou qu’elle ne méritait même plus qu’on s’y attarde.