Sale temps pour tous, il semblait que la guerre ne voulait épargner personne et que chacun devait avoir son lot de souffrance. Au moins c’était équitable, de ce côté-là, on pouvait dire qu’il y avait justice, rien à voir avec toutes les autres situations où la justice (la justice terrestre, pas la divine qui envoyait le karma dans les gueules) condamnait des innocents à mort et faisait disparaître les preuves. Perdita avait fait son deuil depuis longtemps mais le souvenir était encore vif. Elle se souvenait comme si c’était hier de la lettre de sa sœur, puis de la visite impromptue de sbires du ministère venus présenter ce qui en apparence devait être des condoléances et une annonce mortuaire comme on en faisait aux familles de soldats tombés mais consistait surtout en un test dans lequel elle avait joué sa vie. Perry l’avait pourtant réussi, peut-être parce que la nouvelle du décès de ses parents l’avait dévastée et qu’elle n’avait rien laissé voir de plus que le plus grand des chagrins, ou alors c’était un dernier cadeau que lui faisait son père qui, au travers du sang de vélane qu’il lui avait transmis, l’avait protégée de la folie dévastatrice des envoyés ministériels qu’elle avait inconsciemment amadoué de ses charmes surnaturels. Mais c’était fini maintenant, pour elle du moins, en revanche, pour Rosaleen, le calvaire ne faisait que commencer.

Perdita avait appris pour l’enfermement puis le décès des parents de son amie, et depuis, elle s’arrangeait pour lui donner rendez-vous à chaque fois qu’elle avait une permission. Ce n’était pas facile, elle hésitait toujours à écrire aux membres de l’Ordre de peur de les compromettre et de se compromettre en même temps, mais Perry ne laissait pas tomber ses proches et elle se sentait à même d’aider Rose pour avoir vécu la même chose qu’elle deux ans plus tôt. Ce jour-là, Perdita avait réussi à infiltrer les cuisines de la DHS à grand renfort de battements de cils et de sourires dévoilant ses dents blanches. L’individu avait cédé, tout le monde dans l’école ayant compris qu’elle était têtue comme une mule et ses jolies risettes ayant en général raison de la volonté d’autrui. Elle avait donc préparé un gâteau, le plus simple de tous au vu des maigres ingrédients qu’elle avait trouvés, c’était donc avec un gâteau au yaourt un peu sec qu’elle avait retrouvé Rosaleen dans un parc moldu. « Hey sweetie, » dit-elle en approchant de la sorcière. « Ow I like your hair, » elle passa délicatement les doigts dans les cheveux bruns de son amie et s’assit sur le banc le plus proche. « I finally get into the kitchen so I bake this, it seems absolutely awful but I used to be a good cook so … maybe the inside will be better than the outside, » annonça-t-elle avec un sourire en sortant de son sac plastique le gâteau qu’elle avait préparé. « I hope you’re hungry ! I heard that the food isn’t that good in your camps. I wonder if it can compete with what is served at the DHS, that’s the worst meals I’ve ever ate, » reprit-elle de son entrain naturel, bien décidée à faire oublier à Rosa ses déboires en la bassinant de badinages.

Perdita avait été à la place de Rosa il n’y avait pas si longtemps que ça, elle s’était donc fait un devoir de la soutenir, parce que si le nouveau régime avait fait beaucoup d’orphelins, il devait y en avoir peu qui étaient prêts à apporter le soutient émotionnel que la jeune résistante avait besoin, et puis, Perdita avait ça dans le sang. Des années à jouer à la grande sœur, puis à la surveillante d’école, elle avait tout l’expérience qu’il fallait pour prendre soin des autres et le caractère qui allait avec, si bien que ça aurait été crime qu’elle cesse de faire ce qu’elle faisait : tenter de communiquer aux autres la joie de vivre qui ne cessait jamais de l’animer.

« Thank you so much, Perry... I like yours too ! » La sourire de la sorcière rayonna un peu plus, les compliments lui allant toujours droit au cœur, notamment parce qu’elle prenait soin de toujours être pimpante. « Thank you ! » ronronna-t-elle, sa voix haut perchée s’élevant un peu plus dans les aigus avec délice. Et elle pouvait maintenant présenter son gâteau qu’elle aurait pu appeler la Rosaleen puisqu’il avait spécialement été revisité pour elle, avec les ingrédients du bord (Perry avait donc dû procéder à quelques ajustements vu la radinerie flagrante du cuisinier de la DHS qui n’avait pas voulu la laisser utiliser les quantités prescrites sous prétexte qu’elle allait le dévaliser). « I'm sure it'll be very good, I know that you're a great cook. » Perdita hocha la tête (oui, elle était une excellente cuisinière) alors que ses iris cristallins quittaient son gâteau qui ne payait pas de mine pour observer Rosaleen. « Go on, take a bite ! » l’invita-t-elle en lui tendant le plat, grand sourire aux lèvres. Le sucre était le remède à tout, c’était du moins ce qu’affirmaient ses grands-parents qui lui refourguaient des bonbons en toutes circonstances autrefois : chagrin d’amour, genou écorché, mauvaise note ; ça ne ferait pas disparaître la douleur du deuil, mais ça pouvait l’apaiser quelques instants et c’était surtout la preuve que quelqu’un pensait à Rosa.

« I just ate before coming here so I'm not really hungry but I'm gonna take a bite. » Perdita laissa échappé un « oh » quelque peu déçu. « It's okay, you'll take it with you so you can eat it later, » ajouta-t-elle finalement. Il n'y avait pas de problèmes, que des solutions, d'ailleurs elle sourit avec reconnaissance en voyant Rosaleen attraper une des parts qu’elle avait découpées avant de venir. « Yeah, the food isn't really good at the camps but that's okay – Does it work like a flat-share with a schedule to decide who cooks or is someone appointed to the kitchen ? » s’enquit Perdita qui saisissait à son tour un morceau qu’elle s’empressa de croquer. « Oh my god it’s good – maybe a slight touch of lemon would’ve make it better but … » c’était meilleur que les autres repas qu'on lui servait et qu'elle laissait souvent de côté pour cause de viande flottant dans son assiette et répandant du sang sur le reste des aliments. La prochaine fois, elle ferait un gâteau pour les enfants. « So, how are you ? How is it at the DHS ? » Perry haussa les épaules. « Ugh, it’s you know – remember how it was to have Alecto Carrow as the handler ? Well same shit but this time it’s not even a school anymore, just a prison for children, » expliqua-t-elle. Ça devait être la quinzième fois qu’elle dépeignait l’atmosphère de la DHS, mais elle changeait au moins toujours de comparaison pour donner de l’attrait à sa description. « Whatever, I’m actually planning a big surprise for them since Halloween’s coming. I’m gonna turn old sheets into tinsels and buy pumpkins I’ll enchant so they can move their mouths and eyes, also with the kids we’re gonna cut paper out in ghost shapes and stick it in their dormitories, and I'm gonna read them fairytales 'till the curfew. It’s super cool, isn’t it ? » et elle avait parlé de tout son enthousiasme habituel, illustrant le propos à grands gestes alors que ses yeux brillaient à la perspective de faire plaisir aux enfants.

Perdita n’était pas psy, mais elle était une bonne oreille qui pouvait écouter longtemps. Elle aimait parler d’elle c’était certain, sa personne valait le détour et elle le savait, elle ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi les gens avaient autant de mal quand quelqu’un manifestait une confiance indéfectible en lui-même, mais pour ses ami.e.s qui avaient besoin d’une épaule pour pleurer, elle répondait présente.

En l’occurrence, Rosaleen n’allait pas bien, ça sautait aux yeux et l’empathie de Perry s’affolait de la voir aussi morose. C’était normal, elle était en plein deuil et on ne pouvait requérir d’elle plus d’entrain et d’optimisme, mais Perdita s’inquiétait beaucoup, elle ne pouvait laisser Rosa gérer ça toute seule.

- It's really good, Perry, I love it.

La sorcière lui offrit un grand sourire alors que ses iris tombaient discrètement sur le morceau de gâteau à peine entamé. Elle y touchait à peine, ce n’était pas bon signe pas vrai ? Ou peut-être qu’elle avait mangé avant de venir et n’avait plus faim. Perdita nota de vérifier sa théorie plus tard.

- Sorry... And, yeah, I'll eat it when I'll be at home !

Elle opina à nouveau, ravie de savoir que son gâteau profiterait à d’autres.

- It's more like a schedule to decide who cooks, yeah.

- Nice, commenta-t-elle. How are they, the people you live with ?

Elle aurait aimé avoir des colocataires, un peu comme ce qu’elle avait maintenant, mais en mieux ; les gens avec qui elle vivait étaient surtout des camarades de dortoir.

- It's already perfect, even without lemon.

- You’re so sweet, thank you!

Les compliments étaient une douce musique à ses oreilles, elle vivait presque pour elle, mais aussi pour les autres, c’était une des raisons pour laquelle dans son malheur, elle avait eu la chance d’intégrer la DHS. Pas comme enseignante certes, mais comme surveillante et elle se réjouissait de pouvoir au moins faire ça.

- Well, good luck with all that shit, girl. I'm here if you need anything, it must be hard to work there.

- No it’s okay actually, répondit-elle en haussant les épaules. At least I feel like I’m useful. I know people like me who just wash dishes for rich families. That’s what they make my sister do so I’m glad I can rather help children.

Et elle se lança dans le récit de ses prochains projets, parce que les gamins étaient devenus le centre de son monde maintenant que sa famille était séparée et qu’elle ne pouvait plus autant voir ses ami.e.s qu’avant. Son esprit bouillonnait d’idées lorsqu’il s’agissait de faciliter le quotidien monstrueux des enfants.

- Aww ! That's so cute ! I wish I could do this with you and the kids, they seem amazing.

- They are, dit-elle fièrement.

Elle avait parfois surpris des enfants mal se comporter les uns envers les autres, elle les avait séparés et avait essayé de les raisonner, mais dans l’adversité certains se tournaient vers la violence, elle n’y pouvait rien. Peut-être qu’elle se voilait un peu la face en choisissant de se concentrer uniquement sur le positif.

- You look so happy when you talk about the kids, it's really nice to see you like this.

Perdita sourit, elle était une people’s person, elle s’épanouissait auprès des autres.

- What about you? Do you have any projects? S’enquit-elle.