tw: blood, sexism, prostitution

Maggie était passablement agacée. C’était devenu une boutade récurrente, et certain.e.s de ses doves ne la croyaient pas lorsqu’elle assurait que c’était bien elle dans l’épisode. Bien sûr qu’elle avait joué dans Doctor Who, c’était si honteux de dénigrer sa participation avantageuse à la série. D’un mouvement démontrant son ressenti, ses ongles cognaient contre le bureau de bois, dans la grande pièce qui lui permettait d’accueillir ses invités, l’endroit probablement le plus propre du bordel : comme un sanctuaire, ici, les cris et les regards n’étaient pas aussi emprunts de luxure que dans le reste du bâtiment. Elle avait entrepris quelques travaux pour insonoriser cette pièce autrement que par un sortilège quotidien : en effet, lorsqu’elle menaçait de mort un collaborateur, les sonorités émanant des autres étages lui faisait perdre un peu de sa splendeur, elle paraissait tout de suite moins… Terrifiante. En travaillant quelques sortilèges et quelques ajouts de mousse au creux des murs, l’efficacité était à souligner.

Il semblait que le timing des travaux eut été parfait, mais il fallait reconnaître que la maîtresse d’ouvrage avait le sens de l’organisation. En effet, Margaret, de par son éducation d’un ancien temps, appréciait que les choses gardent un certain ordre, et que ses hôtes soient reçus décemment. Elle devenait professeure et cela la tracassait un peu : en effet, pour laisser à son étudiant la pratique de la légilimencie, cela signifiait qu’elle devait se livrer : très clairement, elle préférerait s’en passer. Mais encore frappée par les années de drames qu’elle avait vécues exilée, elle ne chercha pas trop de temps à contredire les demandes et autres réclamations. S’il fallait passer par là pour être protégée : soit. Et en soit, le bougre n’était pas désagréable, bien qu’un peu bourru, mais elle avait toujours un peu peur de laisser un homme entrer dans son bureau pour s’y enfermer avec lui, confidentialité oblige. Quoiqu’en soit, la logique voudrait qu’il soit terrifié et pas l’inverse.

Un de ses délicieux petits oiseaux l’interpella sur l'arrivée du visiteur, qu’il fut bien prestement invité à entrer. Telle la digne tenancière qu’elle était, elle se leva pour l’accueillir à sa façon de deux bises sur les joues. “Angus, come inside.” Maggie savait qu’il n’appréciait pas outre mesure être appelé ainsi. Mais les convenances de son temps faisaient qu’elle attendait d’être invitée à l’appeler autrement avant de lui affubler un surnom entendu entre deux portes (ou pour être plus exact, entre deux esprits.) “Please, take a seat.” L’invitant à s'installer, elle trouva à nouveau le confort de son siège de bureau immaculé, quand elle s’amusa à dépoussiérer des peluches imaginaires sur le bois massif face à elle. “May I offer you something to drink? Whisky, wine, not blood obviously, that’s for me!” Elle laissa échapper un petit rire, hésitant à se servir un verre de sang qui devait se cacher dans une poche, bien protégée par un tiroir de son bureau, mais certains de ses hôtes étaient particulièrement gênés par l’odeur. “Before we began, I need you to sign something. You’ll see some… Memories… And I don’t want anyone to know what you’ll see. Understood?” D’un coup de baguette, elle fit apparaître le formulaire et la plume. Plume bien intelligente, puisqu’il y signerait avec son sang. Histoire de les mettre en appétit.

tw : mention de maltraitance infantile, mort
"Where you off to?" Dans le reflet du miroir, Garfield remarque Odie appuyé contre le chambranle de la porte. Il l'observe brièvement avant de fixer de nouveau son attention sur la paire de ciseaux qu'il tenait grossièrement, et coupe subitement une nouvelle mèche de cheveux qui lui barrait les yeux. "Girls," qu'il marmonne, devinant de là l'insupportable sourire d'Odie s'étirer sur son visage. "Ah! At least one of us will have fun tonight!" qu'il chantonne, avant de retourner dans sa piaule -enfin, plus exactement, dans la piaule de Dog qu'il s'était arrogé pour la nuit. "Yeah, sure", grommelle Garfield en finissant de charcuter sa coupe de cheveux.

Pas sûr qu'il profite de sa nuit. Pourtant, le cadre et la compagnie s'y prêtaient. Il se rendait à l'Emporium, où il était parvenu à décrocher quelques instants dans la longue existence de Margaret Sowerberry. Il avait passé ces détails à son camarade de fortune, afin de ne pas risquer de s'attirer ses remarques désobligeantes (quoi que partagées) à l'égard de la splendide tenancière de l'établissement. Non, vraiment, il ne connaissait pas une seule personne qui aurait craché sur un tel programme. Et pourtant, malgré l'effort porté à sa tignasse (ou pas, le résultat était une catastrophe), il y allait à reculons.

Pourtant, c'était bien lui qui avait sollicité Maggie. C'était pour lui qu'elle avait déniché un trou dans son emploi du temps débordé. Pour lui et pour son esprit encombré de pensées sombres. Il faut dire que Garfield venait de filer un coton particulièrement mauvais, ces derniers jours. Ça faisait des mois qu'il rabattait des enfants abandonnés pour Duane et si, jusqu'à présent, ça n'avait pas été une mince affaire, il parvenait toujours à s'en tirer, au pire avec quelques griffures. C'est qu'il ne prenait pas de pincettes, avec les petits ; on eût dit de grossières parties de chasse pendant lesquelles il les coursait -pendant des heures s'il le fallait-, jusqu'à ce que, épuisé.e.s, les mômes finissent par se rendre. Et puis un jour -étonnant même que ça ne soit pas arrivé plus tôt-, ça a dégénéré : la petite fille qu'il traquait s'est faite renverser par une voiture. Une manière brutale d'échapper au sort encore plus funeste que les Warlocks leur réservaient. Mais jusqu'à présent, Garfield savait pas ce qui leur arrivait, aux mômes. Il avait que des bribes d'infos, rien de concret, rien de plus sale que ce qu'il avait lui-même subi. Alors, depuis, cet accident le hante ; les griffures autrefois bégnines se sont mises à le démanger ; dès qu'il croise le regard d'un enfant dans la rue, il a l'impression qu'on sait ce qu'il a fait, ce qu'il a raté.

Son arrivée est annoncé, et Maggie le reçoit aussitôt.
"Angus, come inside."
Elle est magnifique, Maggie. Elle doit le savoir, depuis le temps. Garfield sait pas exactement quel âge elle a, mais apparemment, c'est un âge complètement invraisemblable. Il s'en fout qu'elle soit vampire, pour lui, ça revient à être un sorcier, mais en un peu moins vegan. Et puis, s'il y a bien quelque chose qui l'intimide, chez Maggie, c'est pas tant la nature de son sang que le diamètre de sa poitrine. L'oeil qu'il traîne dessus ne trompe pas ; ça aussi, elle doit le savoir.

Il reste un peu interdit, après qu'elle lui ait fait cette impromptue bise. "Please, take a seat." Il obéit avec la docilité d'un môme, s'asseyant tout au bord de l'assise d'un fauteuil qu'il ne pensait jamais pouvoir se payer, à l'époque. "May I offer you something to drink? Whisky, wine, not blood obviously, that’s for me! - Whisky is fine." qu'il répond, plus au hasard qu'autre chose ; lui et les Dogs sont plutôt abonnés à la bière goût pisse de troll.

Inconfortable, il finit par se débarrasser de sa veste en cuir qu'il roule sur ses genoux, comme s'il n'osait pas s'étaler sur le luxueux mobilier, comme s'il était trop cheap pour avoir le droit de respirer l'air de cet endroit. Ça n'avait rien à voir avec les planques à Duane, et jusqu'à présent, il n'avait eu le droit qu'à de vagues récits de Dogs, repus et crevé de leurs soirées passées ici. "Before we began, I need you to sign something. You’ll see some… Memories… And I don’t want anyone to know what you’ll see. Understood?" A l'instar de ces bibelots moldus -des petits chiens en plastique qui dodelinaient constamment de la tête sur les plages avant des voitures-, Garfield hoche du chef, conscient qu'à ce stade, il n'était en droit de lui refuser absolument rien. "Yeh, sure... Bet you won't like what you'll see either..." qu'il coasse, le rictus de traviole, dans une tentative un peu déroutante de faire une blague. "Is it, like, a magic pact, or something?"

tw: blood, sexism, prostitution

Maggie ne s’offusque plus des regards alanguis le long de sa carcasse : au contraire, cela la flatte, preuve qu’elle n’est pas encore à envoyer à la casse. Si elle a peur qu’on la découpe en petit morceau parce qu’elle est devenue inutile, elle est souvent rassurée d’être caressée du regard par des hommes passants la porte de sa maison. Ca a le réconfort de ceux qui n’ont pas grand chose, mais assez tout de même pour garder les cuisses closes en échange d’un peu de monnaie. Est-ce vraiment mieux, que d’accepter de marchander d’autres ? La morale de Margaret est loin d’être blanche ou noire, mais sur cette question, elle prend le parti de clore les yeux.

Mais qui a-t-il de plus agréable que de voir un homme écouter docilement ?

Angus est un dog, et ce n’est pas pour rien. A son image, il écoute, et peut être que comme elle, il brûle de révolte. Dans ce cas, il le cache à la perfection, mais ça, Maggie ne tardera pas à le découvrir.

Elle sort deux verres, et s’amuse à piocher dans les différentes bouteilles entamées dans son tiroir : elle a quelques clients difficiles, aux préférences bien marquées, que cela soit en whisky comme en luxure. Pour chaque besoin, elle s’assurait de savoir y répondre, d’une façon ou d’une autre. D’une main habile, elle verse la même boisson dans les deux verres, et lui tend le breuvage, avant de l’inviter à trinquer. “Cheers. To our new partnership.” Le tintement la fit sourire, et elle laissa le liquide brûler sa gorge, comme lorsque la faim la dévorait. Elle avait bien fait de se nourrir le matin même pour éviter tout désagrément lors de la signature. Un sourire de convenance se dessine sur ces lèvres et elle retient une réplique lui rappelant son âge avancé. Rien, ou presque, ne la surprenait plus. “Sort of. You’ll see.” Les lippes qui s’étirent pour se montrer rassurantes, puisque rien ne les engage réellement. Seul le rappel gravé dans sa paume pour quelques jours serait magiquement là. “Don’t worry, nothing as permanent as an unbreakable vow.” Elle le regarda se saisir de l’objet, et se sentie obligée de préciser. “It might hurt a bit. Don’t be surprised.” Car bien au fond, Maggie s’en délectait.

Elle prit le temps de finir sa boisson en observant les traces naître sur l’épiderme du Dog. “Well, now, we can begin.” Elle se redresse un peu, se concentre sur ce qu’elle devait faire aujourd’hui. C’était loin d’être évident, d’enseigner l’art de pénétrer dans l’esprit d’un autre. “Like every other spell, you have to mean it. Have you ever practiced the crucio spell? Because it’s quite the same.” Elle lève sa baguette et lui montre le mouvement : une fois, rapidement, deux fois, doucement. “At this moment, you need to focus on my thoughts. You want to see what I think, why I make you sign something with your blood, maybe. You need to feel something : fear, anger, whatever, but a strong emotion. Can you do that?” Elle l’invite à lever sa baguette, et à répéter le sort. “You try, then I’ll show you how it works on you. Ready?” Vidant son esprit, elle se concentra sur une chose suffisamment incongrue pour voir s’il avait réellement réussi, ou s’il affabulait, si jamais il tentait de mentir.

Si besoin, le souvenir:

tw : mention de maltraitance infantile, mort
Garfield a tendance à renifler tout ce qui lui passe entre les pattes, en matière de bouffe. Le whisky de luxe ne déroge pas à la règle, même si ça lui donne l'allure d'un chien méfiant. Et pourtant, c'est dire si, pour une fois, celui qui donnait l'impression de ne jamais se préoccuper de son allure avait fourni un effort considérable en essayant de vaguement se couper les cheveux, juste avant son rendez-vous. Un effort réduit à néant donc, alors qu'il colle son nez dans son verre, tandis que Maggie trinque pour deux.
Il goûte, ne saurait formulé un avis autre qu'un benêt "ça pique". C'est sans doute bon, vu le prix que ça coûte. On pourrait même dire que ça goûte cher (il commence déjà inconsciemment à organiser sa tête comme un programme télévisé, ses goûts prenant l'aspect de spots publicitaires).

Par la suite, Maggie lui présente les formes du contrat ; s'il n'y pige pas grand chose, c'est parce qu'elle reste avare en explications. Il récupère la plume et le parchemin, s'étonne quelques secondes de l'absence d'encre. "You got any-" avant de comprendre, au sourire du vampire, qu'il n'en aura pas besoin. Il fronce les sourcils, anticipant la douleur, et écrit son nom d'une calligraphie à son image, bourrue et brouillonne, la tranche de sa main gauche venant même un peu baver sur la signature. Sans surprise, il constate que son nom s'est également gravé dans la paume de sa main et, sans grâce aucune, il l'essuie contre la cuisse de son pantalon.

"Well, now, we can begin." Il se rapproche du bureau, toujours plus au bord de son fauteuil. "Like every other spell, you have to mean it. Have you ever practiced the crucio spell? Because it’s quite the same. -I... I don't think so? Or like... one time?" grimace-t-il ; il était plus du genre à régler ses problèmes avec les poings ; pour lui, les Impardonnables relevaient davantage des Impratiquables, voire des Imprononçables... En plus de ça, sa baguette était capricieuse, ce qui ne rendait pas son utilisation évidente pour le mauvais élève qu'il avait pu être.
Mais en l'occurrence, l'enjeu était beaucoup plus important que l'issue d'un examen. Alors Garfield ne s'étale pas sur ses maigres capacités, et empoigne sa propre baguette.

Se concentrer sur les éventuelles pensées de Maggie, ça, il a pas trop de mal ; c'est que les questions qu'il aimerait lui formuler se bousculent dans sa propre tête, il a juste à les retourner, et à imaginer qu'elle puisse y répondre.
En revanche, le "you need to feel something, a strong emotion", ça prend moins bien. Il agite sa baguette une première fois, un "Legilimens" s'articulant dans sa bouche pâteuse de whisky. Il ébauche alors une émotion de colère, de frustration, à l'idée de ne pas réussir à réaliser ce sort. Ça ne prend pas du tout, Maggie n'a même pas à bloquer quoi que ce soit. Dans un grognement, il réajuste sa position, fait tomber une première barrière. Cette fois-ci, il s'essaye au chagrin ; pour la première fois depuis des années, il repense à ses parents, aux traitements qu'ils lui ont fait subir. Il répète le sortilège. Quelque chose se passe ; il entend une musique d'ambiance, lointaine, il sent des odeurs de tabac, d'alcool, il entend des rires. Sans trop savoir comment, il a fait un premier pas dans le souvenir de Maggie, éphémère, puisque le souvenir de son enfance, trop vieux, trop trouble, s'efface et l'éjecte hors de l'esprit de Maggie. "Ok, ok, I got this" qu'il assure, fébrile.

Son regard lourd s'accroche à celui de Maggie. Il va être obligé de penser à ça. De penser à eux. A elle. A la petite fille qui est morte entre ses mains. A tous ces enfants qu'il capture, et qu'il relâche entre les pattes de Duane. A l'époque, Garfield n'était pas encore en charge d'une planque, il n'en était pas encore arrivé au stade où il regardait la télé pour ne pas entendre les mômes hurler à la mort. Il les larguait, vivants, échaudés, et basta ; ce qu'ils allaient devenir ? That's not my department.
Jusqu'à présent, il n'avait jamais mis de mots, ni de pensées sur ces brefs instants où, avant de se séparer de l'enfant, ils échangeaient un regard, court, brûlant, comme une décharge électrique. Le môme savait pas ce qui allait lui arriver, mais il n'en nourrissait pas moins une idée vague, une idée douloureuse. Et Garfield, même s'il coupait court au contact visuel, il s'était imprégné de chacun de ses regards, parfois rouges de larmes, parfois éborgnés, parfois bleus, parfois vairons.

Alors Garfield, sans détacher son regard de Maggie, ni ses doigts de sa baguette, se laisse envahir par une peur incommensurable. Il se projette dans chacun de ses enfants, derrière chacun de leurs yeux, des horreurs qu'ils avaient vues, après qu'il soit parti.
Et cette fois-ci, c'est la bonne. Les odeurs et les bruits du cabaret lui explosent à la figure. Les gens autour de lui sont habillés comme sur les vieilles photos dans le bureau de Maggie. Et il y a Maggie, aussi, elle est comme maintenant, mais habillée différemment. Elle sourit, elle fait la belle ; elle parait moins responsable et pourtant déjà si puissante. Garfield sait pas s'il doit interagir, s'il peut interagir, personne n'a l'air de le remarquer. A l'instar d'un invité qui ne sait pas s'il a le droit de rentrer dans une pièce, il ne sait pas s'il peut, s'il doit ressortir, attendant, sans doute, que la belle s'en charge pour lui. "Hee, Mag'? Mag', you here?"

si besoin, le souvenir: