Élégante dans une longue robe fluide, elle avait ajouté à cela un chapeau et mis à Precious un collier de couleur assortie à sa tenue ; c’était un peu la fashion week tous les jours avec Pilar et rien n’était jamais laissé au hasard, elle travaillait après tout dans l’art donc se devait d’être une œuvre d’art elle-même, et la galerie était un endroit chic où elle ne pouvait pas faire tâche. Arrivée pile à l’heure comme d’habitude, elle glissa ses lunettes de soleil dans son col et prit sa chienne dans ses bras pour éviter qu’elle ne morde par inadvertance le mollet d’un client un peu trop audacieux. Comme quoi, Precious aurait pu être un bon chien de garde, bien meilleure que le molosse si soft de l’agent de sécurité.

Elle rôda dans la galerie, prunelles sombres s’attardant sur les pièces exposées et talons claquant sur le carrelage ; en croisant les visiteurs, elle esquissait des sourires affables et présentait quelques salutations. Elle n’était pas demandée dans l’immédiat, les périodes de vide où l’on avait pas besoin de ses services étaient habituelles et constituaient la raison pour laquelle elle ne se gênait pas pour accepter les requêtes de particuliers et se plonger dans des livres pour préparer des conférences à la LAAW. Elle avait d’ailleurs un ouvrage dans son sac à main, celui qui pendait à son coude alors qu’elle marquait une pause devant une œuvre, la dernière ajoutée à la collection, une de celles dont elle s’était assurée de la valeur. Elle reposa Precious sur le sol, enroulant la laisse autour de son poignet alors qu’elle croisait les bras, ses iris parcourant les moindres détails de l’œuvre pour les apprécier. Elle était sublime, une belle acquisition que ni Nicodemo ni Fausto ne regretteraient. « Oh. Bueno, eso explica por qué nadie quiere venir aquí en este momento. Your charming aura's scaring everyone away. » Le visage impassible uniquement troublé par ses lèvres légèrement retroussées en une mimique dédaigneuse, elle dévisagea l’intrus de haut en bas avant d’en revenir à ses yeux. Qu’est-ce qu’il lui voulait encore ? « Estas la persona que da miedo a los visitantes con tu Cerbero, » rétorqua-t-elle de son habituel ton sec. Elle tendit tout de même la main pour caresser Ferdi, c’est qu’elle aimait bien les animaux. « What is it ? » Elle jeta un regard suspicieux à Mascimiliano avant de répondre. « El trabajo de un joven artist, muy prometedor, » répondit-elle en glissant un coup d’œil vers Precious dont le calme était quelque peu soupçonneux. « Que quieres, encantador ? » reprit-elle, toujours aussi sèchement, ses ongles manucurés tapotant son biceps.

Qu’est-ce qu’il lui voulait le pouilleux, à venir embaumer son espace vital avec son parfum de luxe ? Pilar soutint le regard noir qu’il lui lança d’un regard tout aussi assassin, nullement impressionnée par ses airs de caïd en costume-cravate. Certes il pouvait la regarder de haut, mais elle, elle le faisait se sentir encore plus petit avec ses airs dédaigneux made in Torres-Lorca. « No es mi perro el que muerde las pantorrillas de todos y ladra todo el tiempo. » La brune tenta de le faire tomber raide mort en le fusillant de ses iris sombres, ça échoua, elle communiqua donc un maximum d’ondes à Precious pour l’envoyer attaquer les mollets du diffamateur. « No escuchale Preciosa, es un imbécil, » déclara-t-elle à l’attention de la chienne qui regardait d’un drôle d’œil Mascimiliano.

« Para bendecirte con mi presencia, princesa, por supuesto. » La brune plissa les paupières, reposant les yeux sur le vigile d’un air toujours aussi peu amène. « How lucky I am, » rétorqua-t-elle avec ironie. « Deberías ponerle un bozal. » Une expression furieuse lui fit froncer les sourcils alors qu’elle tirait sur la laisse pour écarter la chienne du monstre qui voulait la museler. « Amordazarla ? Are you crazy ? You’re gonna end up with a muzzle if you continue to annoy my dog, » gronda-t-elle, un ongle manucuré (de rouge) et orné d’une bague (en or, neuf carats) s’agitant devant le nez de Mascimiliano.

Et soudain, Precious se décida à venir à son secours en passant à l’attaque. Pilar esquissa un sourire satisfait et recroisa les bras, laissant autant de mou que nécessaire à la laisse pour que le fauve ait tout le loisir de faire ses crocs. Après tout, ça ne dérangeait personne, pas même Ferdi qui observait la scène de loin. « ¡Maldito perro estúpido! » Pilar se décida à récupérer la chienne qu’elle se pencha pour récupérer sous un bras. « Merecido, » décréta-t-elle, souriant toujours d’un air amusé. Precious s’était enfin calmée, quoiqu’elle continuait de lorgner le vigil d’un œil mauvais. Pilar lui caressa tête sans y faire attention, observant plutôt l’intrus d'un oeil critique alors qu'elle était toujours aussi peu impressionnée par son air peu amène. « ¿No puedes enseñarle a comportarse? ¿O es demasiado complicado para ti? » Sur qui haussait-il le ton ? Pour qui se prenait-il ? « No levanta la voz contra mí, » gronda-t-elle, à voix basse (pour le moment) pour prévenir toute esclandre qui ferait fuir les visiteurs. « Mi perro es educada, solo no te quieres, » reprit-elle, regard toujours assassin rivé à celui du brun. « Mire como esta adorable, claro que el problema es tu, » ronronna-t-elle finalement, le coin de ses lèvres étiré en un semblant de sourire mi-cynique mi-dédaigneux tandis qu’elle caressait toujours la douce Precious.

- You're stupid.

Le regard qu’elle lui jeta aurait fait pâlir Voldemort.

- Say it again??

Un mètre soixante ou pas elle lui foutait un coup de boule, c’était elle qui détenait le monopole des insultes ici. Et puis il avait commencé à l’embêter le premier en venant la voir alors qu’elle s’adonnait à la contemplation de son propre travail (de sélection) et maintenant la vue était gâchée. Enfin pas tellement mais son environnement sonore lui l’était pour sûr.

- The luckiest, not everyone can be blessed by my presence like you are muñeca.

Elle tourna vers lui un regard sceptique, le dévisagea de bas en haut avec un certain dédain. C’était fou de pouvoir dire autant de bêtises en si peu de mots.

- Is there a mute button on you? Se renseigna-t-elle l’air de rien.

Un sort de mutisme ferait l’affaire, elle en connaissait même plusieurs qui lui permettraient d’apprécier un peu plus son errance dans la galerie malgré la présence agaçante à côté d’elle.

- I know you would loooove to see me like that, amor, pero nunca va a suceder.

La brune roula des yeux, moitié amusée, moitié réprimant l’envie de lui mettre la tête dans le tableau (quoique ce serait une trop grande perte, on abîmait pas une œuvre ainsi).

- You sure? ronronna-t-elle, petit sourire en coin venant étirer le coin de ses lèvres alors qu’elle l’observait du coin de l’œil.

Et il ne fallut pas plus de trois secondes pour qu’il recommence à lui taper sur les nerfs à l’instant où il se mettait à redevenir supportable. C’était sans compter sur la capacité de Pilar à monter sur ses grands cheveux en un battement de cils et la vitesse à laquelle Precious passait à l’attaque.

- Bitch.

Elle allait le tuer.

- ¿O qué?

- ¡O me voy a matarte!

Ne l’insultait pas qui voulait et quiconque critiquait Precious risquait d’y perdre un œil, elle proposerait même un 1V1 à Mascimiliano sur le parking du Super U du coin pour rétablir sa réputation de gangster intouchable.

- Su perro es un demonio y no le gusta nadie.

La brune ne le détrompa pas, se contenta de hausser les épaules. C’était la vérité, mais ça s’appelait juste être sélectif, les gens qui aimaient tout le monde faisaient semblants, parole de capricorne.

- Yo no soy el problema. Eso no es adorable.

- What is it amor? Are you upset? susurra-t-elle, son sourire revenant se frayer un chemin sur ses lèvre maquillées de rouge.

- Ese es el problema, claramente no soy yo, nunca he sido un problema.

Vexé comme un poux même. Le sourire de Pilar s’étira alors qu’elle caressait toujours la tête de Precious dans ses bras. C’était fou ce que son égo se froissait vite, elle prenait des notes sur la manière la plus rapide d’y arriver.

- Do you want to talk about it cariño? Does your need to be loved come from a lack of affection from your parents?

Elle parlait avec suffisante et avec assez d’ironie pour ne pas avoir l’air de vraiment s’intéresser à la petite vie du bodyguard, et elle l’observait yeux plissés comme si elle tentait de percer les secrets de son âme. Dans une autre vie, elle avait été voyante.