Toutes ces questions qu'on ne pose pas. (Stan)

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« La nuit on n'dort pas, on danse, et quand on n'danse pas on pense
On cherche des réponses à toutes ces questions qu'on ne pose pas
La nuit on n'dort pas, un verre ou deux on verra bien » L.E.J.

Plusieurs fois, Lucrèce a essayé de défricher l'idée de se rendre au Filet du Diable. Mais bien vite, la germe est devenue un grand et magnifique baobab, impossible à déraciner et trop fastidieux à brûler complètement. Il lui a alors paru évident, de plus en plus évident, qu'il fallait désormais qu'elle s'y rende. Absolument. Presque compulsivement. Avec tout ce que l'entreprise implique de risque et de chaos... Et ce, bien que Lux n'ait, au final, aucune réelle idée du risque à proprement parler. Tout comme elle n'en sait pas plus sur les Warlocks, les Von Baüme, les dessous du Dancing Phoenix, ou ceux du Filet du Diable. Ce n'est pas faute d'avoir posé des questions. Subtilement. Peut-être trop.

Des Warlocks, de ceux qu'elle connaît en tant que tels (c'est-à-dire... Trois, et connaître est un grand mot), l'une a disparu, l'autre lui a formellement interdit de se rendre au Diable, et le troisième... Eh bien, le troisième, c'est Stan. Il a dit qu'il s'appelait Stan, en tous les cas. Il a dit, aussi, qu'il ne la laisserait pas y aller seul, quand elle posait des questions, justement. C'est bien. Ca la rassure. Un peu. Pas qu'elle soit morte de trouille à l'idée de s'y rendre non plus : on n'imagine rarement quelqu'un comme Lucrèce Harcourt fricoter avec la pègre, et elle n'a, de toute façon, aucun lien avec eux autre que l'énigmatique bienvenue de Carrie.

Et Paris. Surtout Paris.

Pas de nouvelles. Pas plus que lorsqu'elle était entrain de ramper devant Carrie. Mais ça, Lucrèce prend soin de le ranger sous clé. C'est trop douloureux. Trop toxique. Paris lui manque. Paris lui manque cruellement. Et Lux ne peut rien y faire. Attendre. S'occuper. Ne jamais rien faire. Car c'est dans ses grands moments de désœuvrement, dans son oisiveté la plus sublime, que les souvenirs l'étranglent le plus.

Peut-être que c'est pour ça, aussi, qu'elle se rend au Filet du Diable. Pour trouver un peu de Paris. Un peu de son monde. Ou un indice. Un seul.

Stan fait partie de son monde.

Et il est ponctuel. Pile au point de rendez-vous qu'ils ont convenu la veille. Avant Lucrèce, donc. Car Lucrèce a la sale habitude d'être toujours, toujours fashionably late. Vingt-et-une heures quarante sept. Deux petites minutes de retard.

« Allons-y, Stan. Fait-elle comme si elle sifflait son majordome. »

C'est un nom de majordome, Stan, non ? Elle attrape son bras d'un air trop enthousiaste pour l'attirer à l'intérieur du fameux Filet du Diable. Dos bien droit. Menton haut. Sourire plus radieux que dans une publicité de dentifrice. Dans un coin de sa tête, elle se fait la réflexion que, peut-être, Stan pourra, en bonus, répondre à quelques-unes de ses interrogations. Quelques-unes comme dans beaucoup d'interrogations.
Ses yeux traînent sur tous les murs, tous les visages, toutes les tables, toutes les alcôves. On dirait une enfant dans un magasin de friandises.

« C'est... Mieux que ce que j'imaginais. »

Ca ne pouvait être que mieux que ce qu'elle imaginait, parce qu'après que Carrie lui ait signifié que le Filet du Diable avait récemment été attaqué, Lucrèce anticipait vraiment la ruine. Le fait que l'endroit se situe du côté moldu de Londres ne sert pas non plus sa cause... Bref.

« Mieux que ce que Carrie laissait entendre, en tous les cas... »

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tw: mention de drogue et de manque, mention de prostitution
Stanislav est déjà agacé. Il ne s'est pas levé du bon pied. Il n'est pas du tout ravi à l'idée de devoir accompagner une princesse exécrable dans un lieu malfamé. Le scénario a tout de la catastrophe. Il ne connait Lucrèce Harcourt que de nom, et cela lui suffit largement. Les gosses de riche imbuvables qui passent leur temps à se plaindre, très peu pour lui. Peut-être est-ce une certaine jalousie déguisée, il n'en sait rien. Toujours utile qu'il n'a aucune envie d'être ici. Pourtant, c'est lui qui a proposé à Carrie d'accompagner la blonde. Ses Dogs lui ont rapporté quelques informations. On parlait d'une bourgeoise cherchant à se rentre au Filet du Diable. On parlait aussi de Paris. Alors il a cherché lui-même et a compris facilement le plan stupide de la Harcourt. Elle n'est pas vraiment discrète et vaut mieux éviter d'attirer trop l'attention sur les Warlocks en ce moment. Les tensions sont d'actualité, maintenant plus que jamais. C'est donc comme ça, qu'il a appris qu'elle était à la recherche de Paris et qu'elle avait osé demander de l'aide à Carrie. Stan doit bien reconnaître, qu'elle a plus de cran qu'il ne l'aurait imaginé. A dire vrai, il avait à peine remarqué l'absence de Paris. Maintenant qu'il y réfléchit, il est vrai qu'il n'a pas entendu sa voix agaçante ces derniers temps.
Et voilà comment il se retrouve devant le Filet du Diable, à attendre une pimbêche en retard. Evidemment. Stan est déjà à cran. Lui est arrivé en avance, pour repérer un peu les alentours et estimer les éventuels risques. Il n'a pas pris d'opium ce soir, et il a l'impression de ressentir le début d'un manque. Il fronce son regard et secoue sa tête. Impossible. Il ne fume pas comme avant. Ce n'est qu'un passe-temps, histoire de pouvoir dormir et de trouver la paix. L'heure tourne et la patience de Stan touche presque à sa fin. Il s'apprête à fumer une cigarette, lorsqu'il voit la blonde arriver. Impossible de la louper. Il a compris que beaucoup la trouve incroyablement belle. Il ne peut pas nier qu'elle a quelque chose, mais rien qui ne le transcende. Maintenant qu'il la voit de plus près, il la trouve basique. Tant mieux. Il ne sera pas tenté de quoi que ce soit.

Pas une excuse, pas un bonjour. Lucrèce se contente de le siffler et il serre ses dents. ─ Bonjour à toi aussi. Sans prévenir, elle attrape son bras et il lève les yeux au ciel. Cela s'annonce encore pire que prévu. Même si elle n'essaye pas, elle transpire la richesse et l'arrogance. Heureusement qu'elle n'est pas venue seule. Ils n'auraient fait qu'une bouchée d'elle. Lucrèce, fille de joie de luxe. Il payerait presque pour voir ça. Ils finissent par rentrer dans le bordel. Stan y est déjà venu, et rien n'a vraiment changé depuis la dernière fois. Lucrèce, en revanche, semble captivée par les lieux. Elle doit sûrement trouver ça pittoresque. Cela lui donne envie de vomir. La noblesse qui se mêle à la plèbe. Ça le dégoûte. Il se demande bien ce que Paris lui trouve à cette grande blonde. Visiblement Carrie avait pris le soin de lui parler de l'endroit. Pas si étonnant qu'elle soit surprise. Stan se demande même si la demi-vélane a déjà mis les pieds ici. ─ Désolé de te décevoir princesse. Ce n'est pas la Cour des Miracles ici. Tu t'attendais à trouver des rats et des déchets partout, peut-être ? Tu serais surprise de ce que l'on peut trouver dans les hautes sphères de la société. Ils sont souvent bien pires.
Stan lâche le bras de la Harcourt. Loin de lui l'envie d'avoir l'air d'être son amant pour ce soir. L'odeur du bordel lui rappelle de mauvais souvenirs, l'Emporium. Il a été à la place de ces hybrides, sorciers et autres. Il sait ce que ça fait. Il connaît les traumatismes qui en découle. Au moins, il espère qu'ici, ils ne sont pas biberonnés à l'opium et aux potions Glamour. ─ Reste près de moi, et évite de trop dire le nom de Carrie. Elle n'est pas vraiment la bienvenue ici, et nous non plus, lui murmure-t-il. Comme tout bordel qui se respecte, le Filet du Diable possède plusieurs petits salons privés, indépendant des chambres, ainsi qu'un grand hall avec un bar et de quoi s'installer pour discuter. Il se rend au comptoir, surveillant que la blonde le suit bien. ─ Deux Mermaid Tears. Il lance deux gallions juste après, laissant le barman préparer leurs verres. Il a hâte de voir la princesse boire cette alcool fort. ─ On va déjà essayer de savoir ce que le barman sait. Reste tranquille et arrête de te tenir aussi droite, tu fais tâches ici.

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TW : alcool

Nul besoin d'un troisième œil pour deviner que Stan n'a pas haute opinion d'elle. Pourquoi ? Sans doute pour toutes les raisons habituelles. Il faut dire qu'en dehors de son public, de ceux de qui elle espère tirer quelque chose, et des personnes qu'elle apprécie réellement (de la seule personne qu'elle apprécie, c'est-à-dire Paris -quoi qu'il y a aussi Hadrian), Lucrèce n'a pas ou peu le temps de s'appesantir des états d'âme d'autrui, pour ne pas dire qu'elle s'en fiche royalement. En fait, peut-être qu'elle préfère que ces gens-là soient justement francs. Comme Stan. Elle feint tout de même d'être blessée, par la remarque, oui, mais aussi parce qu'il lui lâche le bras.

« Oh, crois-moi, je sais. Se contente-t-elle de confirmer. »

Non que Lux ait assisté au pire, loin de là. Mais elle sait trop bien ce que l'impunité fait à l'humanité. Elle en est un maigre échantillon, après tout. Si elle tourne une fois ou deux sur elle-même pour s'imprégner de l'atmosphère, Lucrèce suit bien Stan jusqu'au bar.

« Quoi ? Tu as honte de moi ? »

Lucrèce ne le prend pas tellement comme une insulte, et même plutôt comme un compliment. Faire tâche, c'est sortir du lot, et c'est ce qu'elle cherche, non ? Qu'on la remarque. Qu'on se souvienne de son passage.

« Pourquoi ? Demande-t-elle énigmatique, avant de reprendre pour préciser. Pourquoi nous ne sommes pas la bienvenue ici ? »

Elle se garde de dire vous ou tu par décence. Cela dit, Lux se sent tout à fait la bienvenue, elle, à titre personnel. C'est une cliente comme une autre. Enfin, pas comme une autre, si on prend en compte que l'indice de sa fortune. Bref. Elle attrape directement un des verres déposés sur le comptoir devant eux, et siffle une gorgée qui lui tire à peine le tiers d'une grimace. C'est fort. Ca brûle la gorge. Mais avec l'historique de tout ce qu'elle ingère, Lucrèce est assez bien parée. Sans compter qu'elle pleure et sourit à la commande... A défaut de ne rien ressentir, elle peut parfaitement faire comme si.

« D'ailleurs, tu pourras peut-être m'éclairer... »

Lux pose un index pensif sur le bord de ses lèvres. Le bienvenue de Carrie lui trotte toujours dans la tête, et peut-être que Stan saura l'éclairer sur son fondement.

« Qu'est-ce qu'elle voulait dire par bienvenue... ? Chez les Warlocks. »

Elle n'est pas stupide au point de prononcer le nom des Warlocks ici, puisqu'ils ne sont apparemment pas les bienvenus. Pourquoi ? Une autre très bonne question à poser. Peut-être que Stan sera plus bavard que Carrie. Il ne l'apprécie pas, c'est sûr, mais il l'a quand même accompagnée ici, alors soit il n'a aucun intérêt à ce qu'elle meurt, soit il n'est pas si terrible qu'il veut bien le faire croire.
Lux a pris un air plus sérieux, quoiqu'elle n'a pas laissé tomber le sourire et le regard de biche. Il paraît que les gens (que les hommes) disent plus facilement oui à quelqu'un comme elle. Et aussi simplement que ça, voila que Stan passe dans la catégorie des gens de qui elle espère tirer quelque chose. Le verre dans la main, entrain de faire s'agiter les vagues dansantes du liquide bleuté, Lucrèce le balaye de haut en bas sans prendre la peine de se cacher. Il est beau. Objectivement beau.

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