Il faisait grand jour quand il ouvrit les yeux, de quoi le faire ciller alors qu’il fronçait les sourcils et roulait sur le dos. Son bras butta contre un objet non identifié, il sursauta, se retourna brusquement, lorgna la silhouette à côté de lui. « Fuck, » marmonna-t-il entre ses dents serrées alors que maintenant qu’il y pensait, il se rappelait bien de l’avoir emmené chez lui. Never more than ten times, dammit. Il s’extirpa du lit en passant par le bout, sortit des fringues propres de son armoire après qu’un bref examen olfactif de celles qui avaient passé la soirée ne lui ait appris qu’il avait passé trop de temps dans le fumoir, puis il entreprit de récupérer les vêtements qui n’étaient pas les siens et qui, chance pour lui, n’avaient pas pu aller bien loin vu la superficie de la caravane.

« Rise and shine, » déclara-t-il, sa voix résonnant entre les quatre murs trop étroits alors qu’il jetait les fringues sur le couvre-lit en espérant que le réveil en fanfare serait efficace pour sortir l’intrus de son sommeil dans son lit. « You’re up ? Can we talk right now ? » Il resta planté au milieu de la cuisine dans le jogging-T-shirt qui lui servaient couramment de pyjama, réfléchi deux secondes à ce que cela impliquait d’avoir encore passé la nuit avec la même personne. Pas qu’il n’aimait pas Fitz, au contraire, c'était son ami, il appréciait (sans doute un peu trop) de terminer ses soirées avec lui. C'était exactement le nœud du problème : cela faisait des semaines qu'il avait le choix de prendre quelqu'un d'autre, et il en revenait toujours au même. Inquiétant. « What is it, like the twentieth time ? » il s’étrangla un peu sur les comptes, lâcha un rire nerveux et croisa les bras sur sa poitrine pour se redonner un semblant de contenance alors qu’il s’était mis à angoisser légèrement. « It’s cool, I mean, you’re cool but – » c’était gênant, il esquissa un sourire crispé, chercha du regard une échappatoire quelconque. « Do you want some coffee ? » Alors il entreprit sa retraite, n’eut à faire que deux pas en arrière pour lancer la cafetière dans un bruit de marteau-piqueur. C’était la diversion qu’il fallait pour ne plus penser au garçon qui avait passé un peu trop de temps dans la caravane ces deux derniers mois.

Jo n’y avait pas fait attention au début, c’était souvent comme ça, jusqu’à ce que la peur ne lui retombe dessus. Une peur qui n’était pas raisonnable mais bien présente, et qui finissait toujours par lui rappeler que pour une personne de laquelle il s’entichait, c’était une personne qui risquait de claquer la porte et de le laisser seul, ou pire, de tout simplement disparaître. Évidemment, ce n'était rien que le résultat d'années d'auto persuasion et de lamentations sur son propre sort de presque-orphelin, il n'empêche que le sentiment était comme une bête tapie dans sa poitrine. Une bête qu'il ne voulait surtout pas réveiller.

Il tendit une tasse de café pleine à Fitz, ressortit en même temps son sourire quelque peu mécaniquement, porta sa propre boisson à ses lèvres. « Great night yesterday right ? » dit-il en guise de tentative de désamorcer la gêne. Pas très efficace sur sa personne, encore moins quand l'évocation de nuit lui rappela plus la période post arrivée chez lui que celle qui avait précédé au bar. Il fronça le nez.

december 2006 | @Joseph Jane
C'est un peu étonnant que t'aies dormi toute une nuit sans faire un cauchemar. Pas une fois. D'habitude, tu dors à peine à cause de ça, mais t'y es habitué et ça te dérange même plus. Y a juste des cernes sous tes yeux constamment, c'est tout. Et c'est vrai que d'temps en temps, ça fait du bien de passer une nuit tranquille. Tu vas pas te plaindre. Pendant ton sommeil, tu sens un truc qui heurte ton dos. Ça te fait simplement lâcher un petit grognement, puis tu bouges un peu dans le lit et te rendors juste après. « Rise and shine, » C'est pas sa voix qui te réveille, c'est plutôt les fringues qu'il te balance à la gueule qui le font. Le soleil te brûle les yeux quand t'essayes à peine de les ouvrir. Tu te souviens plus de ce qui s'est passé la veille. T'as oublié que t'es pas à Sweet River, et surtout que t'as passé la nuit avec lui.

« You’re up ? Can we talk right now ? » Le garçon t'agresse dès le matin, alors que t'es à peine réveillé. T'as du mal à  comprendre pourquoi il a l'air si paniqué. T'as qu'une envie, c'est d'refermer les yeux et de t'rendormir, sauf qu'apparemment ça ne va pas pas être possible. « What the — » Te frottant un peu les yeux, tu décides de finir par te redresser sur le lit. Puis c'est seulement là qu'en observant légèrement autour de toi, tu vois que  t'es pas du tout à Sweet River, qu'au contraire t'es encore chez Joseph. Fuck. « What is it, like the twentieth time ? » T'as finis par te lever du lit, et  enfiler tes vêtements. Déçu, puis un peu étonné. Tu passes tes mains sur ton visage, histoire de vérifier que t'es bien réveillé. C'est peut-être le début de l'un de tes cauchemars, mais ça n'en a vraiment pas l'air. Pendant ce temps, y a Jo qui a l'air de paniquer en face de toi, puis toi tu sais pas trop quoi lui dire. C'est rien qu'une nuit de plus, pas un truc bien grave. Enfin, c'est c'que tu te dis pour le moment. « Is there something wrong ? » Toujours cette incompréhension face au comportement du garçon. D'habitude,  c'est toi celui qui panique. « It’s cool, I mean, you’re cool but – » Peut-être que t'as fais quelque chose de mal, mais qu'il n'ose pas te le dire. Sauf que t'as aucune idée de la connerie que t'aurais pu faire - tu te souviens à peine de la veille, alors forcément.

« Do you want some coffee ? » Tu hoches la tête, alors que t'en as même pas vraiment envie. La situation est assez gênante comme ça, donc t'acceptes puis ça permettra sûrement de changer de sujet. Toi, t'as pas tellement remarqué que tu passais tant de temps que ça chez Joseph récemment, mais en y repensant, c'est vrai que ça pouvait porter à confusion. Jusqu'ici, ça n'avait dérangé aucun de vous deux que vous passiez autant de nuits ensemble, alors pourquoi ça changerait ?

Il te tend une tasse de café que tu prends entre tes mains, et t'en bois une gorgée. T'as jamais vraiment aimé ça, le café. « Great night yesterday right ? » Si c'était ça, sa tentative pour changer de sujet, alors c'était bien raté. Toi aussi, t'es gêné maintenant. « Uh... Yeah... » Y a un peu d'hésitation dans ta voix, mais c'est simplement parce que t'es complètement embarrassé par la situation - évidemment que t'as apprécié la nuit passée avec Jo. « Should I leave.. ? » Et tu reprends une petite gorgée de café, air un peu gêné, pendant que tu te  rassois sur le lit.

cw. mention de q partout

C’était ridicule, stupide, inapproprié, pourtant l’angoisse montait, montait, montait, bientôt il frôlait l’apoplexie parce qu’on était le matin et qu’il venait de se réveiller pour la 5154 fois à côté de la même personne, et qu’une puissance supérieure avait décidé que le jour de la prise de conscience était arrivé. Finir toutes ses soirées avec quelqu’un avec qui on était pas en couple, c’était à quel barreau sur l’échelle du gênant ? Jo calculait ça alors que son cerveau s’appliquait à lui prouver par A+B que si ça trouvait, Fitz attendait plus qu’un plan cul régulier, or Jo ne faisait pas ça, non, il était bien incapable de gérer une relation sérieuse.

Ce n’était pourtant pas compliqué à comprendre, plus c’était sérieux, plus l’autre partie risquait de revoir son avis sur sa personne et prendre la fuite, or Jo vivait très mal l’abandon et le rejet alors il avait passé des années à éviter toute situation susceptible de générer l’un ou l’autre. Simple, basique. Les plans culs étaient bien pour ça, ça protégeait les sentiments autant que faire se pouvait (il se mentait à lui-même, il finissait immanquablement par s’attacher un peu) et il ne fallait pas les laisser devenir plus. Comme avec Fitz avec qui, en soit, il ne se passait rien, mais quand même, maintenant Jo avait un doute et sortait nerveusement du lit la Belle au Bois Dormant. Vite hors de son plumard, vite hors de sa caravane comme ça il pourrait commencer à ghoster plus vite, la base pour chasser toute inquiétude concernant une personne. « Is there something wrong ? » C’était vrai ça, was there something wrong ? Absolument pas. Sauf dans la tête de Jo. « No, no, it’s fine, » assura-t-il avec un sourire vaguement de travers. Bien sûr que non ce n’était pas fine, il était complètement occupé à se demander s’il n’avait pas autant vu Fitz ses derniers temps parce qu’il avait des sentiments pour lui. Il n’en avait pas, le brun était seulement fort beau et sa compagnie fort agréable, mais Jo stressé réfléchissait très mal (plus que d'habitude) et était encore moins capable de savoir ce qu’il ressentait.

Il tendit une tasse de café brûlant à Fitz, porta la sienne à ses lèvres. Il n’aurait jamais dû faire ça, maintenant le gars s’attardait et Jo ne voulait pas qu’il s’attarde. Parfois il se maudissait. « Uh... Yeah... » Très bien, ils étaient sur la même longueur d’onde, les soirées passées ensemble étaient bien, mais c’était seulement parce qu’ils étaient potes right ? « Should I leave.. ? » Il disait ça en s’asseyant, Jo le prenait donc comme une question rhétorique ; il allait donc devoir continuer à sourire d’un air très peu naturel et guetter Fitz en tentant de savoir si l’attirance physique allait au-délà de ça. « Of course not, » assura-t-il. Immense mensonge, dixit le rire nerveux qui suivit. Il voulait s’enterrer.

Il s’adossa à la kitchenette, dévisageant allègrement le brun sur son lit. Il était charmant, il était beau, Jo s’amusait bien avec lui et les discussions n’étaient pas awkward (du moins, là si mais pas d’habitude), mais c’était tout. Sur ce constat final il se détendit imperceptiblement – la situation n’était en fait pas si terrible. « It’s just casual sex right ? » demanda-t-il tout de même, pour être sûr sûr. « I mean, you don’t want more ? » Il y avait eu une fille une fois, qui voulait définitivement plus. Jo avait paniqué, disparu, l’avait revue plusieurs fois et vu les regards qu’elle lui avait lancés, elle l’avait vraisemblablement mal pris. Le problème était qu’il n’aimait pas ne pas être apprécié, alors s’il pouvait régler la situation avant d’avoir à ghoster Fitz, ce serait pour le mieux.

december 2006 | @Joseph Jane
cw mention de q vite fait
D'habitude, ça n'est jamais aussi embarrassant les lendemains de soirées que vous passez ensemble. Pourtant, là, c'était le summum du gênant. Tu ne savais ni quoi dire, ni quoi faire. Un peu peur de faire quelque chose qu'il ne fallait pas, et de rendre la situation encore pire. La seule chose qui te semblait la plus logique à faire fut de te lever du lit pour enfiler tes vêtements, avant de te rasseoir, commençant à faire tourner tes doigts un peu dans tous les sens pour faire passer l'anxiété. Tu n'avais jamais vraiment réfléchi à toute cette situation qu'il y avait entre Jo et toi et au fait que vous finissiez un peu trop de nuits ensemble ces derniers temps. C'était juste pour s'amuser de temps en temps, non ? C'était comme ça depuis des semaines, alors pourquoi est-ce que Joseph se mettait soudainement à paniquer ? Aucune idée. Aucune envie de le savoir. Le stress qui monte doucement, parce qu'en réalité, tu sais très bien que t'as quand même fini par t'attacher un peu au garçon. « No, no, it’s fine, » Ça à tout sauf l'air d'être fine. Mais, tu n'ajoutes rien et continue simplement de stresser dans ton coin. Pinçant un peu tes lèvres, tu fais bien attention de ne pas poser ton regard sur Joseph, parce que ça serait beaucoup trop gênant. Et après quelques minutes dans le silence, tu te décides à demander s'il faut que tu t'en ailles, sauf qu'il te répond que « Of course not, » donc tu restes assis sur le lit. T'as voulu boire un peu de café, même si ce n'est pas quelque chose que tu affectionnes vraiment, sauf que c'était tellement chaud que ça t'a brûlé les lèvres à la seconde où t'as essayé d'en prendre quelques gorgées. Tout cela fait que, lui, il est debout en face du lit sans rien dire et que toi, t'es assis sur le lit sans rien dire non plus. Quelle ambiance.

C'est beaucoup trop gênant, et ça allait sûrement le rester puisque qu'aucun de vous deux ne se décidaient à parler. « It’s just casual sex right ? » Peut-être que le silence était mieux, finalement. « I mean, you don’t want more ? » Et là, c'est la panique. Plus seulement pour Joseph, mais pour toi aussi. C'est la question à laquelle tu n'avais ni envie de penser, ni envie de répondre. Parce qu'au fond, t'y avais jamais vraiment réfléchi, et maintenant qu'il fallait y répondre, bah t'en savais rien. C'est vrai que c'est un garçon sympa, Joseph, puis que c'est agréable de passer du temps avec lui. Mais est-ce que cela voulait dire que t'avais envie de plus qu'un plan cul régulier ? Non. Pas forcément. Ou peut-être que si. Ou peut-être que non. Fuck. « No ! I mean... no. Why would I want more ? It's great that way, isn't it ? » Gênant. Gênant. « Wait- You want more ? » C'est l'une des pensées qui vient te traverser l'esprit. Peut-être que lui voulais plus, ou peut-être que tu te faisais des films. Ou alors c'est toi qui voulait plus. Ça devenait trop compliqué dans ta tête. « Uh... I mean... You're cool and all but.. You know... » T'arrives même pas à formuler un semblant de paroles logiques, encore une fois, c'est bien trop embarrassant. Si tu pouvais, tu serais juste parti en courant pour fuir cette situation. Awkward as fuck.

Rires gênés et regards fuyants trahissaient sa gêne – même lui ne savait pas pourquoi il avait soulevé le sujet, maintenant qu’il y pensait, il se disait qu’il aurait juste dû réveiller Fitz et le mettre à la porte pour ne plus lui reparler pour une durée indéterminée (le temps que ça devienne obvious que Jo n’attendait absolument rien de plus que ce qu'ils avaient là). Sa tasse de café en guise d’occupation pour ses doigts qui auraient fini par battre une mesure silencieuse en l’absence de l’objet, il dévisageait le brun dans l’attente d’une réponse qui avec un peu de chance le ferait rire parce qu’il avait flippé pour rien et qu’il se faisait des films.

« No ! I mean... no. Why would I want more ? It's great that way, isn't it ? » Soulagement, la gêne se volatilisa presque, parler de cul avec un plan cul, c’était la routine, pas comme discuter relation sérieuse avec ce dernier. « Oh, great, I was kind of – Wait- You want more ? » Jo se noya presque dans sa gorgée de café, manqua la recracher par le nez. « Absolutely not, » rétorqua-t-il entre deux raclements de gorge. Quelle idée, comme si lui pouvait vouloir plus que s’amuser avec des gens qu’il aimait bien (mais sans plus, si jamais quelqu’un pouvait l’oublier). « Uh... I mean... You're cool and all but.. You know... » Voilà, ils étaient sur la même longueur d’onde, tout allait pour le mieux. « Sure, you too, we’re cool then, » dit-il, sourire soulagé venant étirer ses lèvres.

Plus de malentendu, c’était très bien, il termina son café et posa la tasse dans l’évier de la kitchenette. « It’s just, I don’t date people, » précisa-t-il au cas où, parce vexer les gens n’était pas dans son top dix des activités préférées, et que s’il ne voulait rien de plus avec Fitz, il ne pouvait pas prétendre ne pas l’apprécier. « But whatever, » éluda-t-il en s’approchant du frigo (c’était l’heure du petit dej tout de même). Il jeta un œil à l’intérieur, sortit le lait, attrapa les céréales sur l’étagère et un bol dans la foulée. « Want some ? » C’était important d’être un hôte de qualité si on voulait que les gens reviennent, lui en l’occurrence avait un maximum de nourriture sucrée qui traînait, de quoi faire les meilleurs petits déjeuners – si ça pouvait rattraper le malaise des secondes précédentes, il serait ravi.

december 2006 | @Joseph Jane
Ambiance toujours aussi gênante, alors que ça aurait pu être sympa si l'autre garçon n'avait pas commencé à paniquer. Il y a deux options qui s'offrent à Fitz maintenant, partir en courant ou rester là, assis sur le lit, avec l'envie de disparaître. Évidemment, il a choisi la deuxième option parce qu'il n'avait pas osé partir. Sauf que du coup, le garçon se retrouvait à devoir éviter le regard de Joseph en buvant du café, qui avait un goût vraiment weird. « Sure, you too, we’re cool then, » Inquiétude qui avait donc été parfaitement inutile, jetant seulement une bonne dose de gênance sur les deux garçons. Il aurait dû partir dès son réveil, comme ça il n'y aurait pas eu toute cette situation awkward. « It’s just, I don’t date people, » Il manque de s'étouffer, Fitz. Et il tousse seulement un peu, en finissant par jeter un regard vers Joseph, qui semble tout aussi embarrassé que lui. « Okay.. ? — But whatever, »  Puis après y a un gros blanc. Aucun des deux qui parlent, Fitz qui boit son café et Jo qui ouvre le frigo. Le brun regarde vers la porte de la caravane, en essayant de calculer si c'était possible qu'il ait le temps de fuir avant que Joseph ne puisse s'en rendre compte, finit par abandonner cette idée en continuant de boire le café qu'il a dans les mains, parce qu'il sait pas quoi faire d'autre. « Want some ? » Fitz, il s'était un peu perdu dans ses pensées et les paroles du garçon le font revenir à la réalité. Posant son regard sur le bol et les céréales que Jo a dans les mains, il hésite à répondre qu'il en veut bien un peu, se ravise en se levant du lit et en déposant la tasse de café sur la kitchenette de Joseph. « Thanks, but no, I should probably go. I'll see you. » Faudrait encore qu'il ait le courage de retourner voir Jo après ça, et pour le moment, ça n'était certainement pas prêt d'arriver. Pas après ce moment bien trop gênant. Ainsi, le garçon a vite mit ses chaussures, enfilé sa veste et jeté un regard en direction de Joseph, puis il a tourné les talons, ouvert la porte de la caravane et est rentré à Sweet River en transplanant, histoire de vite oublier tout ça.