Kamala, ces temps-ci, passe plus de temps dehors, à traquer les anciens Faces, qu'au Dancing Phoenix. Elle a laissé la majorité de ses tâches de maîtresse de maison à ses bras-droits, sans leur dire pour autant pourquoi elle était autant absente. Elle voit bien que ça en agace un ou deux, quand elle passe juste pour déposer des papiers ou donner des ordres avant de repartir aussi vite qu'elle est arrivée. Elle tient au cabaret et à ce que tout se passe bien dans cette nouvelle activité — mais rien n'est aussi important que l'annihilation des Faces. Elle se fiche bien de ce que les employés pensent, et si, d'aventure, l'un d'eux souhaitait se plaindre au chef des Warlocks, il ou elle serait accueilli par de l'indifférence. Le chef des Warlocks, elle l'a dans la poche depuis qu'elle a quinze ans, et surtout, il sait très bien ce qu'elle fait, contrairement aux autres. Elle a mis cartes sur table, quand ils se sont entraidés, il y a deux ans, pour faire tomber de concert les vieux Warlocks et les Faces britanniques, de concert : elle rejoignait les Warlocks, y embarquait les enfants perdus qui voulaient bien la suivre, mais Jin devait accepter qu'elle passerait encore une grosse partie de son temps à couper chaque tête des Faces qui oserait repousser sur le territoire.

Et une tête, elle pense en avoir trouvé une nouvelle. La piste sur laquelle elle est aujourd'hui, elle la travaille depuis des semaines. Elle a été bien plus compliquée à étudier que les autres... Peut-être parce que le temps passe, et que les Faces se font plus discrets, depuis qu'ils savent que la justice est à leurs trousses... Peut-être, aussi, tout simplement, qu'ils ne sont plus beaucoup au Royaume-Uni, et qu'elle commence à avoir fait le tour de tout ce qu'elle pouvait trouver rapidement. Dans les deux cas, Kamala a encore du challenge, et ça continue à la faire se lever le matin avec un objectif.

"Hey." C'est une jeune femme blanche, blonde aux yeux noisettes qui accoste l'homme au détour d'une rue où il semble être la seule âme qui vive. Cette apparence, Kamala l'aime bien. Elle a l'air si innocente, cette gamine dans le début de la vingtaine. On dirait une petite moldue qui sort de ses cours de médecine et va tranquillement rentrer chez elle dans son petit studio. C'est à mille lieues de ce qu'elle est. Peut-être un peu trop proche de ce qu'elle aurait aimé être, dans une autre vie : une fille normale avec une vie normale. "Est-ce que vous auriez une cigarette, par hasard ?" Elle est innocente, elle étudie la médecine mais! Scandale, elle fume. Elle serait trop parfaite, sinon — ce ne serait pas très crédible. "Désolée de vous déranger." s'excuse la petite blonde. "La journée a été longue, et je n'arrive pas à trouver quelqu'un avec une cigarette..." L'approche est classique, mais Kamala s'en fiche un peu, elle veut juste mettre le pied à l'étrier, et pour la suite, c'est de l'improvisation. Elle est souvent du genre à y aller sans hésitation, de manière un peu violente, mais récemment, elle tente d'autres choses — elle s'est rendue compte que ça lui permettait de glâner plus d'informations, de ne pas sortir les couteaux tout de suite. Les gens sont bêtes, parfois, quand ils sont face à des gens qu'ils ne soupçonnent pas. On pourrait croire que les Faces — entourés de métamorphomages — seraient plus attentifs ou méfiants que les autres... Mais Kamala a découvert que non, ils étaient bien comme les autres.

T’as encore un peu la tête qui tourne quand tu refous un pied dehors, bienheureux d’avoir tiré ton coup avec Tigresse84. Un truc de moldu, cherchez pas. C’est le genre de petite « course » que tu prétextes auprès de la meute, quand la moitié des loupiots sont sous les draps, ou quand y’a assez de bras pour les contenir quand t’es pas là. C’est que t’as beau être dévoué à la tâche, ça t’empêche pas d’avoir des petits moments à toi çà et là ; et parce que si tu les avais pas, tu serais le premier à filer sans crier gare.
T’es quand même bien conscient que ta vie c’est pas de la merde, enfin, ça l’est plus vraiment. Y’a des nuits où tu cauchemardes des Faces, de cette cuve remplie de pisse et d’essence dans laquelle on te plongeait la gueule parfois, même si c’est plus trop le cas aujourd’hui, y’a des fois où ça te reprend au pif, surtout quand t’as l’odeur du fuel qui empeste à cent mètres à la ronde. Ta seule combine, c’est de cloper — t’es pas sûr qu’entre noircir tes poumons, gagner la voix de bonhomme de Fish ou faire ton ouinouin en pleine nuit ce soit des risques équivalents, mais on va dire que t’as fait ton choix.

Tranquille, du coup, t’es sur le chemin du retour, à gambader comme un farfadet multicolore entre les ruelles moldues de la ville — c’est qu’il faudrait quand même pas que tu te fasses choper par le gouv, même dans une ville pas forcément hyper fréquentée d’Irlande là, t’as pas franchement envie de finir la laisse au cou. Il fait bon, même si c’est relatif, t’as chaud tout le temps, d’ailleurs t’as ta super veste moumoute longue indémodable en faux poils sur le dos, pas l’ombre d’un tee-shirt en dessous ; et un pantalon croco bleu bien trop skinny pour ne pas te comprimer le service trois pièces. T’es donc facilement repérable dans la smala, mais tu t’en fous un peu. La clope au bec, tu pianotes sur ton Nokia 3310 à coque rembourrée frénétiquement, regardant à peine dans quelle merde tu fous tes Doc Martens.

« Hey. » Tu l’entends à peine même si tu sens son odeur, t’es même pas sûr que ce soit pour toi. T’écris les dernières lignes de ton SMS à Val. Tu ve ke jte ramèn 1 truc bb? Jariv b1to k? xx « Est-ce que vous auriez une cigarette, par hasard ? — Hm? » Là, un peu qu’t’entends, et tu lèves le museau en baissant un peu tes lunettes de soleil en plastoc, ralentissant la cadence jusqu’à t’arrêter, tournant ta carcasse féline et à moitié oualpée vers la petite blonde bien rangée. Tu fronces un peu les sourcils, baisse un peu les yeux vers les pare-chocs avant — faut bien faire connaissance aussi avec eux au passage — et retourne chercher ses petits yeux de biche. Une biche qui sent pas la clope, même pas du matin ou de la veille, elle a des dents super blanches, wow, t’es jaloux de ouf. « Parce que tu fumes toi? » Que tu balances de but en blanc, poufottant, l’air assez surpris. Boarf. Ce serait pas un truc pour t’approcher ça ? Tu dirais pas non vu la guêpe, mais t’as quand même mieux à faire, genre faire une petite course pour Val, t’as envie qu’elle te tombe dans les bras en revenant au bercail et pas quelqu’un d’autre.

« Désolée de vous déranger. — Ça va, chill, » que tu fais en fouillant dans ta poche de manteau moumouté. T’es en transpi là-dessous, même si l’automne est bel et bien là autour de vous. « La journée a été longue, et je n’arrive pas à trouver quelqu’un avec une cigarette… » qu’elle te dit alors que tu pinces un peu plus fort ta clope à moitié finie entre tes lèvres, tirant le bras pour aller au fond de ta poche pour choper ton paquet. T’as une vague odeur de magie qui te monte aussi, la petite sorcière se balade elle aussi chez les moldus apparemment.

« T’sais tu peux l’dire si c’est ta première clope et que tu peux pas l’dire à papa maman, » que tu lui dis en glissant un clin d’œil charmeur. Faut pas t’la faire à toi, y’a ni l’odeur ni le reste qui coïncide avec le passif d’une petite fumeuse en puissance. Mais bon, si ça se trouve, c’est la première, ou elle fume trop occasionnellement pour que ça te saute au pif. « Tiens princesse. » Tu lui tends vers ses lèvres pour qu’elle puisse la réceptionner comme ça si elle en a envie, t’as l’habitude. « J’ai plus d’feu j’crois… » que tu ajoutes en fouillant dans ton autre poche, à la recherche du précieux sésame pour la lui griller en règle, la moindre des choses.