Les choses, au final, se sont bien goupillées - bien mieux que ce à quoi Rafaela s'attendait.

Ses parents ont halluciné en apprenant la nouvelle, son père poussant une rare gueulante et sa mère lui faisant répéter la chose cinq fois ("Malachi and I got married, Mum, no big deal,") avant de finalement se laisser tomber sur sa chaise d'un air défaitiste ("What? Mum, I thought you'd be happy... - I am! It's just... you're growing up so fast. And Ellie was not there and I always thought... you know. - Yeaaaaaaaaaah......"). Après ça les choses se sont enchaînées, et pour compenser son absence aux noces, son père a simplement offert de les placer dans un manoir à Potter's End qu'il était, de toutes façons, en train d'acheter pour le futur des Walsh - Rafaela a passé plusieurs jours à le convaincre que non, vraiment, Malachi et elle n'en avaient pas besoin, non, Papa je t'en prie. Le compromis a été un appartement dans le quartier sorcier de Cardiff, dans le centre-ville, à trente minutes à pied du studio qu'elle loue depuis des années. L'endroit est immense, ils ne vont même pas y rester à plein temps puisqu'ils ont leurs vies privées séparées et leurs autres appartements, et Rafaela n'a pas vraiment l'impression d'être chez elle à chaque fois qu'elle s'y rend.

Mais elle a l'impression d'être chez elle quand elle y est avec Malachi.

Cette idée n'était pas si mauvaise au final. Ils ont installé le minimum syndical, ont envoyé quelques faire-parts (complets avec une photo de leur mariage, d'une Raf extatique en train de sauter dans les bras d'un Malachi au sourire timide), ouvert quelques cadeaux et, surtout, installé un papier-peint animé représentant une ribambelle de dragons de toutes les couleurs partout dans la chambre.

Ils dorment dans leurs appartements respectifs, sauf ce soir, parce que Raf a demandé à Malachi de venir, parce que c'est la veille des Battues, des Battues et qu'en réalité, elle ignore véritablement de quoi demain sera fait.

Avec la volière de Cardiff, Raf a programmé un hibou pour Alicia, pour Kareem, pour quelques amis, et pour Romilda bien sûr. Elle a invité cette dernière à venir à l'appartement après-dîner. Pendaison de crémaillère, a-t-elle prétendu d'un ton enjoué, après être passée la voir au travail après sa journée. Promise me you'll come, Romi. Please.

Elle a été nerveuse et angoissée toute la journée. Elle doit leur dire, mais elle peut pas. Elle aimerait leur dire, mais elle a peur de leur réaction. Elle n'a pas le droit de leur dire, mais il le faut. Et--

La porte de l'entrée s'ouvre, l'arrachant à ses pensées tournant en boucle. "Kay? Welcome home!" s'écrie-t-elle d'une voix suraïgue, comme une bonne femme au foyer. Elle a pris son après-midi à la réserve, et s'est occupée de préparer un dîner sommaire qui a à moitié brûlé - Raf est certainement la seule personne au monde à pouvoir faire crâmer des pâtes en train de cuire dans de l'eau bouillante. Quand la silhouette de son géant de meilleur ami slash ami slash frère de coeur apparaît dans l'encadrement de la porte, Raf fait volte-face, cuillère en bois à la main, et réduit la distance les séparant de quelques pas nerveux. Elle se mord la lèvre, comme à chaque fois qu'elle garde un secret et se prépare à tout vomir d'une diatribe angoissée, porte un joli tablier à motif dragon, et ses immenses yeux noisette sautent un peu partout en absorbant un peu trop d'informations à la fin. "There's something that I need to tell you," fait-elle d'un ton un peu plus ferme que prévu, tapotant le torse de Malachi avec sa cuillère en bois humide. "But you have t-to promise that you'll listen to me, that you won't get mad and that you won't tell anyone. And I mean- I mean, anyone." Elle tape de nouveau sur son torse. "It's about t-the... you know, the things, Zabini's things." Elle a peur qu'il ne comprenne pas alors, nerveuse, elle continue: "I don't mean his testicles, Merlin, I wouldn't want to think about that, no, I mean, you know, the things, the Things, tomorrow night, it's- it's about that."

Le mariage n'a pas changé grand chose à la vie de Malachi, si ce n'est qu'il a pu annoncer la nouvelle à ses parents de but en blanc et avec un de ses rares sourires satisfaits sur le visage en étant aux premières loges pour observer leur ahurissement, leur dépitement puis leur abdiquation. Malachi avait été plus malin qu'eux, ils devaient bien le reconnaître. Et au moins, était-il marié à une femme au statut appréciable pour ceux qui ne voyaient que le sang et l'argent. Cela lui permettait de gagner quelques mois de répit avant la prochaine "responsabilité" qu'ils tenteraient bien de lui refourguer. En outre, il avait continué son travail, gardé son appartement et toutes ses habitudes d'avant. A part quelques tensions avec Luca, tout se déroulait comme prévu.

Ils avaient même trouvé un appartement dans le centre ville de Cardiff et y avaient installé quelques affaires, histoire d'aller jusqu'au bout de leur petite mascarade. C'était du reste un lieu parfait pour recevoir les amis, car bien plus grand que leurs studios respectifs et il était décoré à leur image avec des dragons, des dragons et encore des dragons. Ainsi que le tableau représentant leurs deux wyvernes dans un grand champs qu'il avait offert comme cadeau de mariage à sa meilleure amie et qui trônait maintenant dans le salon. Autrement, ils n'y dormaient pas sauf comme ce soir la veille des battues.

A la demande de Raf - qui avait pris son après-midi ce qui ne lui ressemblait pas - Malachi avait rejoint l'appartement sitôt sa journée terminée, il était passé par sa boutique de bonbons pour acheter quelques confiseries pour la soirée et s'était empressé de rejoindre leur "nid d'amour". Il fut accueilli par une odeur de brûlé, mais cela ne l'étonna pas, pas plus que la voix enjouée que prit Raf pour l'accueillir, comme une épouse modèle. Il s'attendait ensuite à ce qu'elle l'envoie préparer tout un tas de truc pour recevoir Romi qui devait apparemment les retrouver ici après le repas. Au lieu de cela, la brune se pose devant lui avec sa moue hésitante, tapotant le torse de Malachi avec une cuillère et enchaîne les phrases sans queue ni tête. "There's something that I need to tell you," "Okay..." C'est jamais bon signe ça. "But you have t-to promise that you'll listen to me, that you won't get mad and that you won't tell anyone. And I mean- I mean, anyone." Il ne dit rien et hoche simplement de la tête, les sourcils fronçés. What's going on.  "It's about t-the... you know, the things, Zabini's things." Il est tout autant perdu, même si Kay sait bien qu'elle ne parle pas des testicules de Zabini comme elle le précise après. "I don't mean his testicles, Merlin, I wouldn't want to think about that, no, I mean, you know, the things, the Things, tomorrow night, it's- it's about that." Une boule se coince dans sa gorge ; c'est que s'ils passent les lendemains de Gracefield ensemble, serrés l'un contre l'autre, il y a comme un accord implicite de ne jamais mentionner ce qu'il s'y passe, ce qu'ils y voient. Malachi n'est pas certain d'être très à l'aise avec ce genre de conversations sérieuses alors qu'il ne comprend pas ce qu'il pense de tout ça. On ne lui a jamais appris à penser par lui-même en dehors des cours et il a toujours l'impression de devoir faire un effort supplémentaire pour se faire sa propre idée sur un sujet.

Pourtant, le brun voit bien que Raf n'est pas bien, et si la conversation le met mal à l'aise, il n'y a rien de plus important pour lui qu'effacer les traces d'inquiétude sur son visage et dans sa voix. Il attrape la cuillère en bois en plein vol et la tire un peu jusqu'à atteindre la main de son amie. "Calm down Raf. And breathe." Il la serre entre ses doigts. "Take your time. But I, I don't understand. what about tomorrow?" Malachi ne sait clairement pas quoi penser de tout ce qui se passe. "I won't get mad. commence-t-il par la rassurer. And I won't tell anyone, my lips are sealed." Ses yeux restent fixés dans les éclats noisettes et troublés de Raf, il y voit beaucoup de choses et rien qui ne le rassure. Alors, il ajoute une petite pression sur la main qu'il serre et un sourire rempli de la promesse et de son attention. A l'intérieur, il s'inquiète déjà de ce qu'elle pourrait vouloir lui apprendre. Après la venue de son jumeau à leur mariage, plus rien ne pourrait la surprendre venant d'elle.

Raf se sent en train de faire une crise - ou en train de lentement glisser sur la pente menant à une crise. Juste une petite, mais une crise quand même, quand ses pensées s'entrechoquent trop vite et se sautent dessus et qu'elle n'arrive pas à communiquer - il n'y a que Elliott, dans ces moments-là, qui la comprend. Les mots lui échappent, leurs sens cessent d'exister, et tout s'embrouille dans sa tête comme des nuages dans un orage attirés par l'oeil du cyclone. Et puis il y a cette angoisse, électrique et poisseuse, qui court dans ses veines comme un circuit électronique - qui lui fait aligner deux yeux noisettes écarquillés et dilatés, la rend incapable de tenir en place, un spasme agitant sa cuisse alors qu'elle continue d'enfoncer la cuillère en bois dans la poitrine de Malachi.

Malachi, Malachi, Malachi - solide et indolent comme toujours, rassurant dans sa sérénité placide et sérieuse. Malachi, son ancre dans la tempête en absence d'Elliot, son meilleur ami, son époux. C'est seulement dans ces moments-là que Rafaela réalise l'ampleur de ce qu'ils ont fait dans le dos de leur parents en liant leurs magies. Ils s'appartient pour toujours, maintenant, sont un couple. Il sera là tous les jours de sa vie, auprès d'elle, pour la supporter et l'énerver et la guider et lui donner des mauvais conseils. Raf n'a jamais douté qu'elle et Malachi seraient amis pour la vie - mais maintenant, un véritable lien magique existe entre leurs deux existences.

Ça ne lui fait pas aussi peur que ça devrait.

Elle sait qu'il n'aime pas les conversations sérieuses, et elle a peur qu'il essaye de se dérober comme lui seul sait le faire, et donc ouvre la bouche pour répéter l'importance de la chose. Mais Malachi ne lui laisse pas le temps de faire quoique ce soit, attrapant plutôt la cuillère en bois et l'attirant à lui. Sa main immense se refermant sur celle de Rafaela apaise un peu les maux de cette dernière, même si elle sait que ce n'est que partie remise. "Calm down Raf. And breathe." Elle pince des lèvres, en pleurerait presque de frustration, mais hoche sèchement la tête. Elle inspire profondément, expire entre des lèvres tremblantes, hoche la tête de nouveau, fait rebondir son pied sur le sol. "Take your time." Raf hoche la tête encore, ferme brièvement les yeux, inspire, expire. "But I, I don't understand. what about tomorrow?" Son estomac se tord dans son ventre et elle rouvre les yeux, le regarde d'un air un peu perdu, hésitant.

Malachi est... un sang-pur, comme elle. Sauf qu'à bien des égards, ils sont différents. Elle est de sang-pur, lui est un sang-pur: il ne critique pas le gouvernement, n'y voit probablement pas de mal, et ne semble même pas affecté par toute l'horreur à laquelle ils sont confrontés tous les mois aux Battues. "I won't get mad. And I won't tell anyone, my lips are sealed."

Malachi est... Malachi, au final. Évidemment qu'il ne dira rien pour lui nuire, mais Raf a peur que partager son secret avec lui pourrait lui nuire à lui... Elle se mord la lèvre, un réflexe vieux comme le monde pour elle (détesté par Romi, lui rappelant constamment la santé de sa bouche et de ses jolies lèvres), symptome de sa nervosité qui revient de plus belle. Le sourire de Malachi est rassurant, son regard aussi, ses doigts sur sa main aussi, alors Raf se lance: "they're coming tomorrow," chuchote-t-elle. "The... the Order."

Elle sent une chaleur descendre dans sa gorge, se ficher dans son estomac, et sa main se referme sur celle de Malachi. Ses pensées voguent automatiquement vers sa baguette, posée sur le comptoir de la cuisine. Si il fait un mouvement pour transplaner et aller prévenir les autorités, aura-t-elle le temps de s'en emparer?

Et ensuite... quoi?

Elle les a prévenus, Romilda et lui, de la présence d'Elliott au mariage. Ils n'ont pas apprécié qu'elle les mette ainsi au pied du mur, et ils n'en ont pas reparlé. Mais là... c'est différent. C'est énorme. L'Ordre arrive, et l'Ordre va libérer les prisonniers. "I'm going to help them," murmure-t-elle d'une voix aïgue. "I... whatever happens tomorrow... I just want you to be safe, Kay, I--" Elle déglutit difficilement. "Please don't... you can't tell anyone, alright?"

Lorsqu'il entre dans l'appartement, Kay sait que la conversation qu'ils s'apprêtent à avoir sera dès plus sérieuses. Avant le mariage, il connaissait suffisamment sa meilleure amie pour faire le tri entre ses excès d'excitation, ses excès de joie et ses attaques de panique. Depuis qu'ils se sont liés l'un à l'autre à la vie à la mort, le sorcier a l'impression d'être beaucoup plus en phase avec son amie. Il ne saurait pas trop comment l'expliquer, personne ne lui a réellement demandé donc il n'a pas non plus cherché à approfondir cette idée. Mais c'est comme si ce besoin de protéger et défendre ses proches - la seule chose pour laquelle il serait capable de sérieusement s'investir en dehors des wyvernes - s'accentuait au contact de sa meilleure amie. Ou alors, n'est-ce qu'une impression marquée par une éducation à la Sang-Pur.

Il ne prend pas le temps de s'y attarder, tout occupé qu'il est à attraper la main de Raf et la caresser doucement avec son pouce en lui laissant le temps qu'il faut pour reprendre ses esprits. Kay n'aime pas les discussions sérieuses, surtout si celles-ci ont une possibilité de se terminer en conflit, mais l'heure est grave, il le sent. Alors, il fait tous les efforts du monde pour ne bouger et ne pas dévier la conversation. Non, c'est important qu'il l'écoute.

"they're coming tomorrow, the... the Order." "What??" Son sourire se fige. Et il a très bien entendu malgré le discret chuchotement qui a quitté les lèvres de son amie. Par réflexe mécanique, il tourne sa tête à gauche puis à droite ; comme si quelqu'un pouvait être dissimulé dans l'ombre de l'appartement ou derrière un rideau dans le seul but de rapporter cette conversation-ci à qui de droit.

"I'm going to help them," "What??" Cette fois c'est sa main qui rejoint le figement de ses lèvres. Malachi n'est pas certain de suivre tout ce qu'il se passe et il espère se tromper. Ses muscles ne lui obéissent plus, son corps ne réagit plus. Il y a que son cerveau qui s'accélère en répétant en boucle les deux phrases qu'elle vient de prononcer. Des petits mots tout simples aux conséquences énormes.
"Please don't... you can't tell anyone, alright?"Instinctivement, au lieu d'un mouvement de recul, il s'avance d'un tout petit pas vers Raf et serre un peu plus fort la main qu'il tient dans la sienne. "Please don't... you can't tell anyone, alright?" Il déglutit en ne trouvant pas les mots pour lui répondre. Quelque part tout au fond de lui Malachi a conscience qu'il ne fera jamais rien pour la mettre en danger ; tout comme pour son jumeau, il ne trahira pas la confiance qu'elle met en lui. Mais, il y a cette sensation intense qui se déplace dans sa colonne vertébrale, une sensation de danger. Une alarme qui s'enclenche dans son esprit. C'est dangereux. Raf va se mettre en danger et elle le met devant le fait accompli et s'il lui arrivait quelque chose ? Sans doute qu'il doit avoir une tête à faire peur là tout de suite, bien éloignée de son flegme légendaire, ses yeux qui partent dans tous les sens, ses mots qui ne veulent pas quitter le confort de sa gorge parce qu'il ne sait pas quoi dire ni comment formuler tout ce qui lui passe par la tête.

Malachi n'est pas un combattant, il n'a pas l'âme d'un révolutionnaire ; la plupart du temps le sorcier a déjà du mal à gérer sa propre vie de jeune adulte alors s'intéresser à des sujets qui ne le touchent pas, alors se battre pour des idéaux dans lesquels il n'est pas certain de croire. Et oui, peut-être qu'il sait que c'est mal moralement ce qu'ils font à leur travail. Et oui, peut-être qu'il apprécie de dormir aux côtés de sa meilleure amie les lendemains des battues pour ne pas avoir à penser. Mais de là à agir, à faire quelque chose de cette culpabilité qui parfois surgit dans sa tête comme une intruse, il y a tout un monde.

Sa main retombe à ses côtés alors qu'il finit par la dépasser pour rejoindre le salon "I-I need to sit down." et s'y installer en posant ses coudes sur ses genoux.  il évite le regard de Raf, avant d'ajouter comme s'il se souvenait seulement maintenant de sa dernière demande. "I won't tell, don't worry. I told you, my lips are sealed but ...." Sa main frotte le bas de son visage alors qu'il cherche ce qui doit venir après ce mais, Don't do that. why did you tell me that, I didn't want to know. et il ne peut pas désentendre ce qu'elle vient de lui dire. Et il ne peut pas non plus faire comme si cette conversation n'avait jamais eu lieu. "Why are you telling me this? Why now?" Why not before, Kay pense savoir la réponse à cette question alors il enchaîne en évitant de la regarder, ses yeux fixés sur le tableau qu'il lui a offert pour leur mariage. "And what about you? You won't be safe ... A-are ... fuck Raf," termine-t-il lamentablement sans réussir à aller au bout de sa pensée. Fait assez rare pour être souligné. S'il ne parle pas beaucoup le Goyle sait toujours quoi dire d'habitude quand il s'agit de ses amis. Pas ce soir. Pas alors que tout devient bien trop réel.

Malachi a toujours été désespérément placide. Un géant tendre mais parfois distant, en apparence du moins. Rafaela le connait par coeur et avec le temps, elle a appris à lire ses micro-expressions, et à deviner ses pensées derrière son visage impassible - mais ça n'a pas toujours été simple, et plus d'une fois ils se sont retrouvés embarqués dans des chamailleries et des disputes terribles parce qu'elle était incapable de deviner ce qu'il ne voulait pas dire, et incapable aussi de lire ce qu'il se passait dans ses grands yeux sombres et voilà.

Là, Malachi ne se ressemble pas. Ses yeux sont écarquillés et roulent dans leurs orbites avec angoisse, même si sa main s'est raffermit autour de la sienne et que Rafaela comprend qu'il ne va pas l'abandonner... ou pire, l'attaquer, aller la dénoncer, la jeter en pâture aux autorités.

Les yeux noisette de Rafaela fouillent son visage avec angoisse, essayent d'y déceler quelque chose de rassurant, de solide, comme Malachi seul sait si bien faire et êter, tout simplement. Mais elle ne voit que sa propre inquiétude dans son regard et son expression, et elle a ce mauvais pressentiment qui enfle dans son ventre comme un ballon de baudruche, qui explose lorsque Malachi relâche ses doigts et que sa main retombe le long de son corps. "Malachi, I-- - I-I need to sit down." Il la contourne et elle le suit, nerveuse. En arrivant dans le salon, Raf s'approche du coin cuiside machinalement, attrape sa baguette posée sur le comptoir. There is doing the right thing, and doing the right thing, lui a un jour dit Anthony, et elle n'a jamais véritablement compris l'importance de cette emphase jusqu'à maintenant.

Elle s'approche lentement de son mari en suivant, n'ose pas s'asseoir, n'ose pas le toucher, n'ose rien dire non plus - une Rafaela réduite au silence est une vision très rare. "I won't tell, don't worry. I told you, my lips are sealed but ...." Elle est soulagée, mais pas au moins d'expirer, de reposer sa baguette, ou de le lâcher des yeux. "Why are you telling me this? Why now?" Raf se mord la lèvre. "Kay..." murmure-t-elle sous sa respiration, mal à l'aise, l'estomac toujours aussi tordu comme une serpillière au fond du seau. "And what about you? You won't be safe ... A-are ... fuck Raf." Les lèvres de Raf s'enfoncent d'autant plus dans sa lèvre et elle s'approche à petit pas de son meilleur ami. "I... you know that... Kay, it's not right, what they do in there... we both know it." Elle devient blême et aimerait avoir le courage de poser la main sur son épaule, mais elle ignore comment il réagirait si elle le touchait.

À la place, elle pose un genou face à lui, pour le regarder d'en-bas et essayer d'accrocher son regard. "It's not right what they do everywhere," ajoute-t-elle après une profonde inspiration. "I've been in contact with them for years now." Sa voix est tendue et blanche, elle a peur de sa réaction et de ce qu'il va penser d'elle. "Sorry, I... I couldn't tell you, I mean..." I couldn't trust you. Elle mettrait volontiers sa main entre les mains de Malachi et Romilda sans la moindre hésitation - mais ce secret? Jamais. Jusqu'à maintenant. "Tomorrow I'm going to help them get onto the island and I just- I just want you to promise me that you'll be safe and that no matter what happens, you'll stay away from any fighting, alright? You- I'll be fine, I'll be just fine, but if anything happened to you, oh, Malachi, I just couldn't live with myself." Sa voix commence lentement à aller dans les aïgus, et à vriller légèrement. "I can't, I don't think I can, I mean, I can't just stand there idly forever. These people, it's... it's a fate worse than death. It's cruel, and inhuman, and unimaginable and... and... I'm sorry, Malachi, I'm so sorry, I don't know what's going to happen tomorrow, I can't promise you anything but...  I think I have to do this."

On croit connaître les gens, et pourtant ce n'est jamais le cas. Jamais complètement. Même après plus de dix ans d'une amitié forte, Malachi réalise pour la première fois qu'il y a tout un monde dans la tête de Rafaela qu'il n'a jamais pris le peine de découvrir, qu'elle n'a jamais souhaité partager avec lui. "It's not right what they do everywhere," Il déglutit en entendant ses paroles, ses yeux se fermant machinalement alors que son amie s'agenouille juste en face de lui sans pour autant le toucher. Il ne saurait l'expliquer, mais même si elle est toute proche de lui, il a l'impression qu'ils sont à des années-lumière l'un de l'autre.  "I've been in contact with them for years now." On ne connaît vraiment pas les gens. "Sorry, I... I couldn't tell you, I mean..." Et il entend dans ce qu'elle ne dit pas l'implication qui se cache derrière sa phrase avortée. En définitive, malgré tout ce qu'ils ont traversé en bien comme en mauvais, Raf ne pouvait pas lui faire confiance. Pas sur ce sujet-là en tout cas. Cette constatation laisse un goût amer dans sa gorge, le ramène à son statut de Goyle passif qui n'a jamais essayé de voir plus loin que son petit confort et qui a accepté les horreurs de Gracefield sans jamais élever la voix. Il ne peut pas garder les yeux fermés plus longtemps, aussi bien littéralement que figurativement parlant. Et ses iris noisettes se plongent dans ceux de son épouse.

Et il aimerait tellement lui en vouloir, l'accuser de ne pas avoir été honnête avec lui et bon sang pourquoi accepter de l'épouser alors qu'elle ne lui fait pas assez confiance ? C'est à n'y plus rien comprendre ... Mais même là, Malachi ne peut que ressentir une profonde apathie qui s'entremêle à de la tristesse. Il n'est pas à la hauteur de ses idéaux et alors que sa meilleure amie se lance dans un long monologue sur les souffrances et les injustices la seule pensée qui le traverse c'est qu'elle va se mettre en danger et qu'il n'y a rien qu'il puisse dire ou faire pour la faire changer d'avis. Une honte qu'il ne connaissait pas pointe le bout de son nez alors que Kay sait ne pouvoir lui apporter les mots qu'elle mériterait d'entendre. Il n'est pas prêt à se battre, et ne sait pas s'il le sera un jour. De ses mains, il attrape ses cheveux en baissant la tête, défait.

Il a trop honte pour affronter son regard plus longtemps.

"Your choice is made right? There's nothing I could ever say to make you reconsider your decision?" demande-t-il tout de même sans qu'aucun espoir ne perce dans son ton. il ne l'a peut-être jamais sentie aussi déterminée et Malachi n'est pas homme à enfermer quelqu'un simplement parce qu'il pense que c'est la meilleure chose à faire. Son cœur tambourine à toute allure et envahit tout son esprit embrouillé. "Fuck Raf. You-you'll have.. you'll have to be careful you hear me? you can't get yourself killed tomorrow..." Ce n'est sans doute pas ce qu'elle attend de lui. Peut-être qu'elle aurait aimé qu'il ait une épiphanie, une réalisation qui le fasse prendre sa wyverne et sa baguette demain pour combattre pour des Idéaux qui lui sont encore trop étrangers. Mais Malachi n'en a pas le courage.

Dans un geste las, sa tête se rabat sur l'avant jusqu'à atteindre l'épaule de son amie, de son épouse, de sa famille. Parce que s'il n'a jamais pu choisir ses origines et sa famille de sang, il a trouvé en Romi et en Raf plus que des amies. C'est pourquoi cela le brise d'autant plus d'être aussi inadapté à le montrer, incapable de le prouver par des actes. Il pousse un soupir étouffé par l'épaule de son amie avant de murmurer contre sa peau. "I'll be safe, but you have to promise me you won't be careless and-and then..." You'll come home, alors ils pourront faire ce qu'ils ont toujours fait au lendemain d'une battue, s'endormir l'un contre l'autre dans un silence bruyant. Sauf que Malachi ne peut prononcer ces mots qui paraissent si dérisoires et futiles et bien trop optimistes au vu de ce qu'elle s'apprête à entreprendre. Une trahison ou un acte héroïque, un peu des deux en fonction de comment on regarde les choses.

Sa main tremblante se referme autour de son amie alors qu'il tombe du canapé pour l'enlacer. Peut-être pour la dernière fois. Il n'est pas démonstratif, jamais complètement à l'aise avec ce genre d'effusions de sentiment, mais et si c'était la dernière fois ? Et s'il ne la revoyait plus jamais ? Et si .... Non, il ne veut pas y penser. the person who said that ignorance is bliss was maybe onto something...

Rafaela a peur. Elle a peur pour elle, et pour Malachi aussi, peur que ça lui retombe dessus tout comme ça pourrait retomber sur ses parents, sur ses amis, sur Alicia... mais sur Malachi, surtout. Si quelque chose arrive, si elle est vue en train d'aider les résistants, même par les autres éleveurs du centre... elle ose à peine imaginer ce qui pourrait lui arriver, que ses parents soient des Mangemorts ou non. Comme un deuxième coeur dans la poitrine, elle sent la magie de Malachi qui s'éveille sous sa peau, ce lien du mariage si étrange et auquel elle a encore du mal à s'habituer.

Ce qui lui fait encore plus mal, bizarrement, c'est l'espoir.

L'espoir de voir ce titan de Malachi être ému par ses mots. L'espoir de voir son visage qu'elle aime tant se fendre d'un sourire, se figer dans une expression sûre et certaine, et ses lèvres de s'ouvrir pour dire: don't worry, we got this. Parce que Malachi n'est pas quelqu'un de mauvais ou de cruel, au contraire, et Rafaela a toujours su qu'elle pouvait compter sur lui. Il sait que tout ceci est immoral, horrible, cruel... Lui aussi pourrait être ému au point de bouger, de réagir, faire quelque chose. Et pour être honnête, Rafaela aimerait que ce soit le cas. Elle n'a jamais été plus forte qu'à ses côtés, s'est souvent reposée sur lui dans des situations critiques - allant même vers Malachi, parfois, en la présence d'Elliott. Avec lui, elle peut tout faire...

Malachi esquive son regard et Rafaela sent son coeur chuter dans sa poitrine en comprenant qu'il ne va pas lui dire les mots qu'elle a envie d'entendre. "Your choice is made right? There's nothing I could ever say to make you reconsider your decision?" Raf sent les larmes lui monter aux yeux et elle renifle, portant elle aussi ses mains à son visage pour cacher les sanglots qui la menacent, hochant la tête frénétiquement et silencieusement. "Fuck Raf. You-you'll have.. you'll have to be careful you hear me? you can't get yourself killed tomorrow..." Les doigts de Rafaela glissent dans ses cheveux et elle continue d'hocher la tête, incapable de dire quoique ce soit. Elle aimerait s'énerver (ce serait injuste) ou rebrousser chemin (ce serait cruel). À la place, elle hoche la tête, et elle pleure.

Elle s'immobilise quand la puissante colonne de Malachi se courbe et que son front se pose sur son épaule. Pendant un instant, elle ne sait pas quoi faire, et puis ses bras finissent par entourer son visage, ses doigts tremblants à s'accrocher à ses cheveux, alors qu'elle le serre contre lui avec une force inattendue. "I will, I promise, I will," chuchote-t-elle d'une voix basse enrouée de larmes. Si ça se trouve, ils se retrouveront à l'aurore, ensemble, sains et saufs... mais en réalité, elle ne peut pas le lui promettre. Elle ignore de quoi demain sera fait. "I'll be safe, but you have to promise me you won't be careless and-and then... - I promise, Malachi, I promise."

Elle s'accroche à lui comme jamais, le tient contre elle comme si il ne faisait pas trois têtes de plus qu'elle, le câline et l'embrasse et fait courir ses doigts dans ses cheveux - mais rien de tout ça n'allège le poids sur sa poitrine ou desserre le noeud dans son estomac, et même l'arrivée de Romilda plus tard dans la soirée ne parvient pas à la débarasser de cette sinistre impression qu'elle est en train de commettre une grossière erreur.