Lexie savait bien avant de sortir de Hogwarts qu’elle voulait faire des études. Déjà parce qu’il n’était pas envisageable qu’elle finisse mariée tout juste majeure pour pondre des héritiers au sang-pur, et Merlin seul savait à quel point elle était reconnaissante que son père lui ait permis d’éviter aussi longtemps que possible un mariage sans amour. Et ensuite, et surtout, parce qu’elle aimait vraiment étudier, en bonne Ravenclaw qu’elle était. Ses études dans la célèbre école de sorcellerie l’illustraient parfaitement puisque Lexie avait mis un point d’honneur à exceller dans tous les cours afin de faire honneur à son nom. Pour cela, elle s’était plongée à corps perdu dans les études, dévorant les livres les uns après les autres, travaillant chaque sortilège jusqu’à la perfection et apprenant ses cours jusqu’à pouvoir les réciter par cœur. Ses longues heures de travail acharné lui avaient donné la ferme conviction que plus une matière était approfondie, plus elle devenait intéressante. Elle avait donc eu un peu de mal à décider quelle voie suivre. Si elle avait soigneusement étudié toutes les options qui s’offraient à elle avant de marcher sur les traces de sa famille et de se réfugier dans le giron familier de l’histoire, elle n’avait jamais vraiment imaginé se spécialiser dans l’étude des créatures magiques. En apprendre plus pour approfondir ses connaissances bien sûr, mais de là à en faire sa vie pas vraiment. Les choses n’avaient changé qu’après que Lexie ait été envoyée aux États-Unis par sa mère qui avait craint, à raison il fallait l’avouer, qu’elle soit prête à tout pour ne pas être séparée de son père suite à sa morsure. Étudier les créatures magiques avait alors été aussi bien sa façon de se rebeller contre l’autorité maternelle qu’un moyen d’apprendre tout ce qu’il était possible de savoir sur la lycanthropie qui accablait son père. Mais rapidement, intégrer le Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques était devenu une évidence, un but à suivre. La façon de réparer les torts qui avaient été fait à sa famille et particulièrement à son père tant aimé et admiré. La porte d’entrée dans un ministère qu’elle haïssait pour pouvoir le faire tomber de l’intérieur. Elle avait donc tout fait pour y accéder, y compris prendre une place de stagiaire auprès de l’une des personnes qu’elle détestait le plus au monde.

Néanmoins, dans ses longues planifications pour atteindre son but, la jeune Avery avait oublié de prendre une chose suffisamment en considération : travailler dans ce département était absolument horrible. Tous les jours, elle entendait les membres du ministère insulter les hybrides qui se présentaient chaque mois. Tous les jours, elle assistait à leurs moqueries assortis de leurs rires gras. Tous les jours, elle les voyait mépriser ceux qui n’étaient que des victimes d’un sort injuste. Tous les jours, elle les regardait traiter des êtres humains comme des bêtes qu’on garde tant qu’ils sont utiles puis dont on se débarrasse après. Chaque jour, elle était témoin de comportements qui lui donnaient la nausée et qui lui faisait pleurer des larmes de rage et de douleur une fois qu’elle était bien à l’abri dans le manoir familial trop vide. Savoir que son père avait subi tout ça pendant plus de deux ans et pire encore lui fendait le cœur. Elle était tellement soulagée que Joyce ait pu disparaître avant de subir ça et que son père ait trouvé le courage de tuer son handler pour s’enfuir et échapper à tout ça. Même si ça voulait dire qu’elle ne savait pas où ils étaient ni même s’ils allaient bien. Rien ne pouvait être pire que rester et faire face à ça chaque jour de sa vie. Même elle qui ne le subissait pas directement, elle en était tout bonnement malade.

Pourtant démissionner pour trouver un emploi qui ne lui donnait pas envie de se doucher à peine rentrée chez elle, comme si ça pouvait aider à la nettoyer de tout ça, était absolument exclu. Ce qu’elle avait été entrepris était trop important. Alors elle se raccrochait à toutes les petites choses qui pouvaient lui donner un peu de baume au cœur. Parmi elle se trouvait Zoya. Son amie d’enfance était tellement douce, tellement solaire qu’elle éclairait les journées les plus maussades. Exactement ce dont elle avait besoin après une semaine particulièrement frustrante puisqu’elle avait dû supporter une Umbridge qui avait bu plus que de raison un soir et qui s'était lancée dans un discours sur la communauté non magique d’une violence telle que Lexie était restée pantoise. Elle trépignait presque d’impatience sur son siège en attendant de pouvoir la retrouver, opinant du chef mécaniquement alors qu’un employé du ministère s’était lancé dans une diatribe à l’encontre de la NSFW qu’elle n’écoutait que distraitement. « Les résistants sont des terroristes. » lança-t-elle dans l’espoir de clore la conversation. Mais son interlocuteur n’en fut que plus galvanisé et un nouveau flot d’immondices haineuses s’échappa de sa bouche. Elle fut, heureusement, sauvée par un autre collègue qui entraîna le premier avec lui pour régler un problème sur un dossier. Elle les salua d’un bref « Longue vie au Lord » pour répondre au leur et elle se dépêcha de ranger le dossier sur lequel elle travaillait pour s’échapper en pause déjeuner.

Elle sortit tellement vite de son bureau qu’elle aurait presque pu s’envoler et se précipita dans les couloirs, évitant soigneusement tous ceux qui auraient pu lui parler. Elle n’avait qu’une hâte : retrouver Zoya. Heureusement, son amie travaillait ici aussi alors il ne lui fallut pas bien longtemps pour la retrouver dans le hall du ministère. Elle s’élança à sa rencontre en lui adressant un sourire rayonnant. « Zoya ! Si tu savais à quel point je suis contente de te revoir ! J’espère que je ne t’ai pas trop fait attendre. Comment tu vas ? » La joie sonnait dans sa voix alors que son sourire s’agrandissait encore face au visage familier de son amie.

Les derniers mois ont été plutôt mouvementés pour la plus jeune des Strugatsky. Entre le meurtre de la mère, les fiançailles de sa sœur avec celui qui lui était promis, ses propres fiançailles avec un homme de substitution qu’elle qualifie de plante verte, sa fugue, sa rencontre avec un étranger qui l’a chamboulé, les discussions électriques avec les membres de sa famille et son ombre, elle a eu son lot d’émotions pour le restant de l’année. Son stage au ministère est arrivé à point. Ses journées sont chargées avec ses différentes tâches administratives à accomplir, ses dossiers à rédiger, ses procès à assister, ses documents à lire et son supérieur chiant et pas très patient. Ce nouvel ajout à son horaire lui a donné un certain équilibre et une certaine routine qui l’ont remis sur les rails. Il empêche tout autre acte de rébellion. Il lui a permis de réfléchir et de reprendre son rôle au sérieux. De toute façon, Zoya n’a pas le temps pour une autre incartade. Dans le jour elle est l’assistante d’un haut-juge au Magenmagot, le soir, elle devient l’image scintillante et pétillante des Strugatsky lors des différents événements caritatifs. Aussi bien dire qu’elle n’a pas beaucoup de temps libre. N’importe qui serait au bout du rouleau, mais pas Zoya. La brune fait partie de ceux qui n’a pas besoin de beaucoup de repos pour performer et être d’attaque. Elle fait partie de ceux qui ont toujours la pêche et qui semblent toujours frais et dispo peu importe le moment de la journée. Mais courir partout, être demandée, aider, discuter, écouter, paperasser, résoudre, écrire, organiser, elle adore ça. Elle trouve son stage très enrichissant et elle sait qu’il lui sera très bénéfique dans le futur. Ce stage n’est pas complètement désintéressé. C’est une bonne occasion de rencontrer des gens d’influence et de faire bonne impression, de parler de sa famille et d’implanter des idées dans leur tête. Elle doit faire en sorte de laisser sa trace.

Les pauses sont toutefois grandement méritées et surtout les bienvenues. Après avoir assisté à une réunion interminable, continuer sa lecture ennuyante de l’énorme manuel sur les lois sorcières, préparer un dossier d’un procès à venir et avoir été cherché trois cafés à son patron, elle a besoin de s’asseoir et de prendre un petit latté bien apprécié. Ce qui est bien dans son stage au ministère, c’est qu’elle retrouve son amie d’enfance Alexandra Avery. Les dernières années ont fait qu’elles ont passé peu de temps ensemble, mais se retrouver au gouvernement est un réel plaisir. Avec Lexie, Zoya s’est toujours sentie bien et en confiance. Elle peut rire, potiner, se confier sans jugement, sans devoir être parfaite. Elle peut se relâcher. Avec Lexie, elle redevient une jeune adulte un peu immature qui n’a pas l’image et la réputation de sa famille sur les épaules. Tous les jours, les deux amies se retrouvent dans le hall le temps de quelques minutes pour décompresser et manger une bouchée. Zoya attend toujours les dernières minutes précédant sa pause avec impatience. Elle croise toujours mentalement les doigts pour ne pas qu’Anatolius surgisse subitement de son bureau pour lui demander quelque chose d’urgent. Quand ce n’est pas le cas, elle quitte sans demander son reste.

Elle se dirige vers la grosse statue, leur point de rencontre.  Facile de se retrouver et prendre la décision d’où elles iront manger. Arrivée au centre du hall, elle jette un regard aux alentours pour vérifier si la Avery n’est pas déjà là. Elle va s’accoter sur la pierre, vérifiant si elle n’a pas de message dans son cristal portable. Juste Rosemary qui lui dit de ne pas oublier son rendez-vous avec Hector. Zoya souffle une mèche de cheveu tombée devant son visage en soupirant. Son fiancé n’est pas même capable de s’en assurer lui-même, il a dix ans ou quoi? Lexie apparait ce moment-là et Zoya lui adresse un large sourire en remettant sa boule cristal dans son sac. "Contente de te voir aussi! Je n’en pouvais plus de cet avant-midi! Je vais bien et toi?" La Strugatsky que c’est assez difficile pour son amie de travailler dans le département de régulation et contrôle des créatures magiques, surtout quand on sait ce qui s’est passé pour son père et sa sœur. Zoya ne comprend pas pourquoi elle continue de s’affliger ça, alors qu’il y a tant d’autres endroits où elle peut se plaire. "Tu veux manger quoi ce midi?"