BIENVENUE SUR SMOKE & MIRRORS. Un forum Harry Potter alternatif qui diverge du canon à partir du tome 5 où Harry est capturé par les Death Eaters lors de la bataille du Département des Mystères. L'action se situe 12 ans après, en 2008, dans un Royaume-Uni gouverné par Lord Voldemort.

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MessageSujet: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyDim 21 Fév - 17:18
1684 — versailles

Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle.
Disclaimer : Nous ne sommes ni historiens ni spécialistes de cette période historique, et si nous faisons de notre mieux pour respecter la période, désolés d'avance pour les erreurs que nous feront.



Saviez-vous, mademoiselle, que l’on appelle le valet de carreau Hector en honneur du courage et de la loyauté de mon ancêtre, le chevalier Hector de Galard de Brassac ? Il a servi comme chevalier et chambellan pour Sa Majesté Louis XI lui-même, avant de devenir grand maréchal des logis de la cour ! C’est avec ce genre d’héritage que l’on peut trouver les véritables familles de haut rang, c’est quand on leur demande, voyez-vous, où étiez-vous sous Louis XI ? Et d’ailleurs, je n’ai pas pensé à vous demander, Mademoiselle, où était votre–
Le jeune fils de comte, Constant de Galard de Brassac de Béarn s’était finalement retourné vers son interlocutrice pour se retrouver face à un charmant petit buisson en fleurs, fort bien taillé au demeurant mais qui n’avait certainement pas eu de famille présente sous Louis XI.
Mademoiselle ? demanda bien piteusement le jeune homme à l’évidente solitude qui l’entourait.
Personne ne lui répondit.
Il eut un instant l’instinct de se retourner pour la chercher, mais s’arrêta au milieu de son mouvement, en se rendant compte qu’il était au beau milieu des jardins du palais, devant l’une des nombreuses fontaines qu’on avait fait surgir des marais spongieux de Versailles. On était au milieu de l’après-midi, le soleil tapait les ombrelles des gentes dames et la moitié de la cour était là à se balader. S’il se retournait maintenant on allait véritablement le remarquer, remarquer sa solitude, qu’il parlait seul et qu’une énième demoiselle avait préféré se désolidariser de sa présence plutôt que de l’écouter parler.
Constant avait cette maigre conscience sociale qui, sans l’empêcher de l’humilier, lui permettait de sentir lorsqu’il était en train de virer au ridicule.
Il ne termina donc pas son mouvement, rouge et honteux, les mains nerveuses devant lui alors qu’il se retournait de nouveau vers la charmante fontaine dont il avait commencé par complimenter les statues avant de subtilement transitionner vers l’histoire de sa famille. Son père, l’estimé comte de Brassac, Jean de Galard de Béarn, lui avait pourtant bien expliqué que l’histoire de leur famille, leur honorable héritage et la preuve de leur richesse seraient ses garants pour trouver une promise. De toute évidence, et une fois n’est pas coutume, son père s’était visiblement trompé sur ce point.

C’était la seule chose que Constant pouvait se dire pour ne pas avouer que toute cette affaire était une affreuse farce digne du dernier Molière qu’on avait décidé de rejouer au palais.
Toute cette malheureuse histoire avait commencé peu après l’anniversaire des vingt-trois ans du jeune Constant. Il vivait encore dans son immense château en Gascogne, avec ses chevaux et ses livres, à partager ses journées entre balades, études et prières, interrompu seulement par quelques événements sociaux et mondains avec des personnes connues depuis longtemps. Son quotidien était mortellement ennuyant et il l’adorait pour cela, parfaitement satisfait d’une vie de campagne complètement luxueuse, au sens où chaque jour se ressemblait et où il savait toujours quoi attendre de sa semaine. Cette charmante idylle avait été arrêtée net par le caprice, enfin, la décision fort respectable de son estimé Père.
Mon fils, tu es assez vieux pour trouver une épouse. Non, pas une Gasconne, vois-tu, toutes les jeunes filles dignes de mariage sont à Versailles dernièrement à espérer remplacer la marquise de Maintenon dans les faveurs du roi. Une honte, une farce, précisa au passage son père qui ne manquait pas une occasion privée d’accuser ce roi qui cherchait à le dominer et le contrôler, lui, comte de Brassac ! Enfin, il fallait que la famille se montre à Versailles, et pas seulement le jeune frère du Comte (l’oncle de Constant) mais bel et bien le futur Comte. Et non, Constant, on allait pas envoyer une de ses jeunes sœurs, hors de question de risquer leur innocence dans ce ramassis de vipères. On les enverrait plus tard, une fois leur grand frère installé, pour qu’il protéger leurs intérêts. Oui, Constant, protéger les intérêts de vos jeunes sœurs qui en ont grandement besoin. S’ensuivit un long discours sur le devoir familial, la présentation à la cour de Versailles, son propre refus de quitter ses terres, et la meilleure façon de charmer les jeunes femmes.
Constant n’avait jamais charmé la moindre jeune femme de toute son histoire de jeune homme. Pas même une domestique à qui il aurait trop souri.
Constant, tout le monde le savait dans les alentours du château de sa famille, était un garçon particulier, on le disait autant sensible que cruel, tantôt prétentieux et d’autres plus soumis qu’une jeune vierge. Dur à situer, le garçon, autrement qu’il dérangeait et que, peut-être, le comte espérait que son fils se forme un peu à devenir un homme à la cour. Et que, surtout, le Baron et oncle du jeune homme se chargerait de son éducation à la place de son père.

Constant n’était pas certain que la leçon lui soit profitable, ou à sa famille. Un mois qu’il tentait de s’habituer à un château qu’il devait partager. À une chambre minuscule où il n’avait pu ramener que son valet, dépendant du château pour le reste de la maisonnée. À partager des repas avec des inconnus trop bruyants, à ce qu’il doive préférer la musique aux livres et à ne pouvoir se balader à cheval sans devoir saluer une trentaine de personnes pour faire bonne mesure.
On le disait étrange, et même si on aimait l’étrange à Versailles, on aimait plus en parler que lui parler. Un niais, un campagnard, un naïf qui croyait que les jeunes femmes aimaient qu’on leur parle arbre généalogique et type de faune et flore trouvables en Gascogne. Certains disaient même qu’il avait un accent trop fort et qu’il lui faudrait parler « français » s’il souhaitait trouver sa place dans le coin.
Constant savait tout cela, avec plus ou moins de clarté, et ce fut en pensant à cela qu’il avisa du buisson qu’il avait pris pour une demoiselle. Doucement, il murmura :
Peut-être que, à ce stade, vous êtes ma plus sûre chance de mariage en ce château, mademoiselle.
Et il se permit un petit sourire, avant d’aviser de son reflet dans l’eau de la fontaine. Confronté à ses oreilles trop larges, son nez trop long, son sourire maladroit et ses joues rosies de honte, il fut une nouvelle fois frappé par l’envie brusque et violente de s’en retourner chez lui. Cette vie n’était pas pour lui.
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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyDim 21 Fév - 18:39
1684 — versailles

Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche,
la branche est attachée à l’arbre, qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes, les bons préceptes valent mieux que les belles paroles, les belles paroles se trouvent à la cour.


Disclaimer : Nous ne sommes ni historiens ni spécialistes de cette période historique, et si nous faisons de notre mieux pour respecter la période, désolés d'avance pour les erreurs que nous feront.



Quand on pensait que le roi, lui, avait besoin d’une heure et demi environ pour se lever ; d’un valet, de quelques chirurgiens, de garçons de chambre, d’un grand chambellan, d’une paire de grand-maîtres, de l’intendant, d’un barbier, d’un aumônier, de plusieurs ministres et d’une pincée de gentilhommes simplement là pour la décoration (on devait dire decorum) pour enfin ôter sa majestueuse personne du lit… Clairement Amédée aurait bien aimé naître Bourbon pour avoir ce plaisir-là. Mais né Martin, il n’était clairement pas le second en lice pour la couronne de France. Et le bel honneur d’être Amédée Martin, fils de Pierre Martin et petit-fils de Toussaint Martin lui valait de se lever aux aurores pour assister son père dans son travail. Gare à son cul s’il prenait plus de cinq minutes pour se tirer du lit et se chausser ; Pierre Martin était un bon chrétien quand venait l’heure de la messe mais la patience était une vertu qui lui passait bien loin au-dessus du crâne. Comme chez bon nombre de bourgeois de son genre, ce n’était pas la patience qui faisait rentrer l’argent dans la cassette.
On ne s’amusait pas à jouer avec la généalogie dans la famille Martin, mais Amédée savait que ses grands-parents avaient tous les quatre travaillés dans le commerce du théâtre, surtout les costumes. Drapiers ratés des deux côtés, Pierre se vengea du destin qui l’avait fait naître du côté des perdants en accumulant assez de richesses pour s’acheter, à la naissance de son fils, une charge de domestique au menus-plaisirs de la Maison du Roi. La charge consistait à organiser tout ce qui tournait autour des spectacles, ballets et autres représentations théâtrales pour le Roi-Soleil, sous la direction d’un intendant pointilleux. On restait dans le costume, mais dans le costume pour le plaisir du Roi s’il vous plaît. Excusez du peu. C’était tout de même autre chose que de simplement amuser une galerie populeuse avec des troupes traînes-misères.
C’était donc la course tous les matins, entre rue du Faubourg-Poissonnière où se tenait l’administration des menus-plaisirs et Versailles où il fallait bien évidemment se rendre de façon ponctuelle. Ces déplacements étaient ce qu’Amédée préférait dans son travail d’assistanat, la route n’était pas très agréable mais de découvrir les hauteurs du château derrière un tronçon de forêt avait quelque chose de magique qui ne le lassait pas malgré les répétitions. Tant qu’il se trouvait là-bas, au milieu des belles étoffes et des gentilhommes il oubliait son rang, son père, sa mère et sa jeune épouse qui l’attendait à la maison. Pendant quelques heures, après ses errances pour le travail, il pouvait se mêler à la foule, approcher des nobles qui n’iraient jamais baisser le regard vers lui autrement, proposait ses services et gagnait ainsi parfois un peu d’argent qu’il mettait de côté à la manière d’une fourmi.
Au fil du temps il avait compris que certains de ces nobles étaient de vrais paniers percés et qu’il était bien facile de leur prêter de l’argent pour s’acheter leur faveur si ce n’était leur amitié. Et de l’argent, Amédée en avait grâce à son père. Quelques noms étaient donc annotés à son carnet, à côté des sommes parfois conséquentes qu’Amédée avait consenti à leur emprunter — tandis qu’on lui assurait d’un prompt remboursement et surtout d’une amitié très profonde à son égard. Tant mieux tant mieux, c’était tout ce qu’il voulait. Se rapprocher encore un peu plus de cet endroit bruyant, mais immense, qui brillait autant qu’il puait et qui semblait fait sur mesure pour ses ambitions. Son père avait commencé à grimper l’échelle, Amédée était bien décidé à l’escalader un peu plus encore. Mais pour cela il allait falloir arrêter de prêter à des petits barons de rien, et peut-être commencer à scruter du côté des plus gros poissons qui, eux, étaient difficile à ferrer.
Or cela faisait quelques jours qu’il avait remarqué, lors de ses allers et venues au château, une nouvelle figure. Quelques renseignements vite glanés du côté des domestiques chargées de la maisonnée lui apprirent qu’il s’agissait d’un fils de Comte, rien que ça. Un Gascon, apparemment — au vu de l’accent et des manières — mais plutôt du genre distant et étrange. On insista sur ce point. Et un moucheur de chandelle rajouta même que le drôle était souvent à ennuyer les jeunes femmes plutôt que de les courtiser, ce qui était à la fois bien triste mais très amusant pour ceux qui l’observaient. Allons donc. Un jeune noble perdu à sauver donc : Amédée n’aurait pas pu rêver mieux et projeta de le harponner dès son prochain passage à Versailles.

Ce ne fut pas bien difficile de le trouver, une fois qu’il avait commencé à le chercher. Il commençait à connaître les jardins, et les gens avaient une certaine tendance à se tenir en meute alors repérer une silhouette solitaire était une affaire bien aisée. Il put même remarquer la robe virevoltante de la demoiselle qui s’était trouvé au côté du Monsieur s’éloigner du jeune homme. Il avait visiblement un don pour éloigner les dames, celui-là. Ce n’était pas si courant. Amédée se faufila jusqu’à la fontaine devant laquelle le comtiau se trouvait seu, époussetant un peu son pourpoint pour améliorer sa mise, faisant claquer ses talons l’un contre l’autre pour en retirer la boue avant de se rapprocher de lui. Il crut l’entendre parler… au buisson. Et comprit très rapidement pourquoi on l’avait assuré de l’étrangeté du monsieur. Eh bien soit, il pouvait bien bavarder avec des fleurs ou même des cailloux s’il était fils de comte après tout, Amédée ne faisait pas le difficile et se manifesta soudain à sa gauche avec un petit raclement de gorge, suivi d’une courbette respectueuse : « Monseigneur, si je puis me permettre je doute que ce buisson soit fait pour vous. » Il affichait un sourire de commercial fini, entre la servilité et la complicité. « Vous parliez avec Mademoiselle d’Andigné ? Je ne vous la recommande pas, son père n’est que Chevalier et elle a une terrible réputation, si vous voyez ce que je veux dire. » Il fit une nouvelle petite courbette, pour la forme, tout en détaillant du regard la mise du gentilhomme. Clairement quelqu’un de la campagne et très loin de la dernière mode. Il y avait moyen de lui tirer de l’argent, ou bien de lui en prêter facilement. Les deux convenaient à Amédée, du moment qu’il pouvait se vanter auprès de son père ou de sa femme Anne de commercer avec des hommes de qualité.
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1684 — versailles

Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle.
Constant avait la spécialité de ces longs et profonds soupirs qui, venant du cœur, irritaient l’humour de son Comte de père. Ils lui échappaient souvent et, dernièrement, tentait dans les retenir quand il les sentait monter dans une discussion mondaine. C’était que, parfois, Constant se retrouver entre autres nobles de la cour, et qui parlaient de choses mortellement ennuyeuses comme de politique ou de finance, et même si on n’attendait bien peu d’interventions du jeune campagnard on n’appréciait guère les soupirs profonds, malheureux, qui n’étaient pas sans rappeler les lamentations des chiens au cœur d’une journée d’ennui.
Cette fois-ci seul et bien malheureux, Constant s’accorda l’un de ces soupirs, avec la satisfaction de le sentir détendre ses muscles, chasser un peu de ses idées noirs, tromper un peu la solitude… Jusqu’à ce qu’on lui parle.
Le soupir étouffé et ravalé, le dos brusquement dressé (et pourtant déjà bien droit), le nez relevé et les grands yeux écarquillés pour mieux percevoir tout de l’intrus qui venait soudainement lui parler, Constant accueilli l’apparition auprès de lui avec sa grâce habituelle. Ébahi et abasourdi, il sourit en retard à la trace d’humour du jeune homme inconnu qui lui parlait. Sourire qui intervint donc quand on lui parla de Mademoiselle d’Andigné, et il se dit en retard que cela pourrait être pris pour du mépris pour la jeune femme. Mais quel goujat !
Enfin, n’était-ce pas elle qui s’était volatilisé en pleine discussion ?
Tout cette situation était fort gênante.
Et Constant, embarrassé, se retrouva encore plus perturbé par la suite de la discussion. Même pour lui, tout semblait être bien rapide. Et ce jeune homme n’avait pas l’air d’un noble, bien qu’il soit bien habillé, Constant était habitué à chercher les éléments clefs de sa caste et, clairement, celui-là n’en faisait pas partie. Au-delà de cela, si l’individu était grand bourgeois ou vulgaire domestique très bien habillé, le fils de comte n’en avait pas la moindre idée.
Je ne vois pas ce que vous voulez dire, malheureusement, et je suis certain que Mademoiselle d’Andigné est toute aussi respectable que sa famille.
La voix était trainante, chargée par l’accent, et par un certain dédain qu’il semblait mettre en toute chose sans même y faire attention. Sans le rose qui colorait encore ses joues et son évident malaise dans ses mains nerveuses, on aurait presque pu croire à un véritable calme.
Mais Constant n’était malheureusement pas calme du tout. Il était l’inverse de calme et, surtout, il était l’inverse de bien conseillé. De bien entouré. D’entouré, tout simplement. Et cette brusque arrivée lui offrait une compagne inespérée, un conseil inattendu, peut-être une aide salvatrice.
Mais j’avoue être bien peu éduqué en matière de cour et peut-être que des éléments m’ont échappé. Qui êtes-vous donc, monsieur, pour en savoir autant sur elle ?
Car il semblait bien au courant de choses, celui-là, et il avait ce sourire charmant et entendu de celui qui en savait encore bien plus.
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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptySam 20 Mar - 15:49
1684 — versailles

Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche,
la branche est attachée à l’arbre, qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes, les bons préceptes valent mieux que les belles paroles, les belles paroles se trouvent à la cour.


Pierre Martin, son estimé père, n’apprécierait pas d’apprendre comment Amédée se faisait de l’argent sur son temps libre, sur le dos et la naïveté des nobliaux de campagne qui venaient se casser les dents sur le gros morceau de marbre qu’était Versailles et sa Cour. N’apprécierait pas plus d’apprendre que cet argent n’était pas le moins du monde investi honnêtement mais plutôt aussi reprêté à ces mêmes nobles, avec intérêt cordiaux, pour qu’un petit rien comme Amédée puisse se targuer d’avoir des amis dans la Haute. Amédée avait dix ans lorsque Molière avait fait jouer pour la première fois Le Bourgeois Gentilhomme et s’il s’était bien tapé les genoux de rire devant le ridicule du bonhomme, il ne s’était pas dit qu’il en serait presque là, moins d’une quinzaine d’année plus tard.
Il ne rêvait pas de titre cependant, mais simplement d’argent, d’aisance et de la reconnaissance que l’on pouvait obtenir à travers elles. À travers les beaux vêtements, les beaux tissus brodés, les souliers à la dernières modes et ce port de tête que les aristocrates semblaient avoir naturellement. Il se jugeait donc de fait un peu moins ridicule et parvenait à ne pas prendre pour lui les travers de ce bourgeois dont la pièce se moquait lorsqu’il devait aider son père costumier à habiller les comédiens qui devaient la jouer.
Et toute cette reconnaissance, c’était bien les gens comme ce monsieur-là qui pouvaient la lui apporter. Avec son air perdu, gauche, endimanché mais de la plus maladroite des façons, et ses yeux un peu trop battus pour pouvoir intéresser ceux d’une dame. Et quand il l’entendit parler, Amédée prit conscience encore davantage de l’étendue du problème. L’accent. Même si on ne l’avait pas prévenu que le nouveau était Gascon, il l’aurait remarqué bien assez vite à sa manière étrange de marquer les sonorités et de dire ce nom là d’Andigné en marquant les n comme une troupe bat le pas de charge. Et bien évidemment ce ton, en arrière-plan, qui n’était pas simplement de Gascogne, mais de toute la noblesse en générale. Celui qui signifiait qu’ils étaient bien dérangés de devoir parler à quelqu’un comme lui. Qu’importe, le ton finissait toujours par changer.
Amédée, redressé après sa courbette, étouffa visiblement un rire quand on l’assura de la respectabilité de la demoiselle donc, ainsi que de la famille à laquelle elle était rattachée. Un nouveau, vraiment, et qui n’était pas du style à attraper facilement les ragots donc. Amédée, qui traînait avec les courtisans et les domestiques savait très vite beaucoup de choses, il suffisait de croiser les informations. « Mais j’avoue être bien peu éduqué en matière de cour et peut-être que des éléments m’ont échappé. » Amédée ne fit qu’acquiescer en hochant une simple fois la nuque en avant, avec autant de respect qu’il pouvait en mettre. « Qui êtes-vous donc, monsieur, pour en savoir autant sur elle ? » Le sourire d’Amédée s’accentua de voir que l’on réclamait ainsi une présentation. Il ôta son couvre-chef pour le tenir entre ses deux mains : « Amédée Martin, monseigneur. À votre service. Je travaille aux menus-plaisirs, pour le Roi. Et cette place de choix, ainsi que… mon amitié avec certains messieurs bien vus en Cour font que je sais… certaines choses que d’autres ignorent, dira-t-on. » Et comme s’il avait vu une invitation dans la question du noble, il se rapproche de lui d’un pas : « Vous êtes nouveau ici monseigneur, vous ignorez donc que Mademoiselle d’Andigné a déjà eu l’honneur d’avoir un amant. Elle cherche à se marier bien vite et moi je plains son futur mari qui se retrouvera plus vite que prévu avec un bâtard à élever sur les bras. » À bon entendeur… « Versailles peut être rude, pour les nouveaux arrivants. Mais si vous avez besoin… Je puis vous guider, et vous conseiller. Vous m’avez l’air d’être un homme de qualité tant par le nom que par l’esprit et je vous suis déjà tout dévoué. » Ce discours était plus réchauffé que le scénario des f arces italiennes, mais faisait normalement son effet.

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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyDim 28 Mar - 19:23
1684 — versailles

Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle.
Dans toute cette sombre et ridicule affaire, on avait pas jugé bon de s’enquérir des goûts de Constant en matière de jeune femme. Monseigneur son Père n’était pas le genre d’homme à se laisser arrêter à cela et, devant ce qu’il prenait pour de la simplicité, il s’était résolu à être intransigeant envers son fils. Il trouvera. Et pour lui simplifier la tâche lui avait donné une liste de critères, plus ou moins importants, sur laquelle Constant avait bien demandé des précisions mais qu’on avait pas voulu préciser. Qu’était-ce donc que des « hanches assez larges pour faciliter l’accouchement » ? Son père avait eu l’air de trouver la question ridicule et les hommes nobles de Versailles absolument hilarante. On lui avait, aussi, donné une échelle de ce qui était attendu pour la dot mais la dernière jeune femme s’était cruellement vexée quand il lui avait demandé à combien s’élevait la sienne. Comment le savoir s’il ne pouvait pas demander ? Parmi les précisions familiales, historiques, de caractère, de culture, sur la qualité des dents (pour cela fallait-il réussir à les faire sourire), il y avait quelques lignes sur leur beauté. Sauf que Constant trouvait beaucoup de jeunes femmes jolies, il n’était pas bien difficilement tant qu’on était aimable et souriant envers lui et, avant d’arriver à Versailles, il n’avait pas manqué d’être charmé par des jeunes filles à qui il n’adressait pas la parole. Rarement des personnes de son rang. Aucune qui intéresse son père.
À la fin de la liste, son père avait précisé qu’une brune serait préférable, pour la cohérence familiale, et les blondes étaient de santé plus fragile et supportaient moins le soleil de Gascogne. De quoi finir de perdre Constant.
Et alors que cet Amédée Martin se décoiffait et lui souriait avec gentillesse, Constant ne put s’empêcher de remarquer qu’il n’était pas blond, à faut d’être résolument brun.
Ça le fit sourire un peu, rêveur, oubliant de prêter attention au discours qu’on lui servait pour regarder les cheveux s’agiter au rythme des gestes de ce qui semblait maintenant être un bourgeois très bien placé.

Ce ne fut que lorsqu’on s’approcha de lui qu’il reprit pied à terre et chassa le sourire un peu niais pour affecter l’air sérieux des choses importantes. Masque qui vola en éclat quand on lui déclara un amant à Mademoiselle d’Andigné :
Comment ? Un amant ? Enfin, vous devez vous tromper !
La suite était encore plus horrible et une main affectée atteint les lèvres de Constant, sans se rendre compte qu’il avait subtilisé le geste aux femmes mêmes qu’il essayait de charmer.
Un bâtard ? s’horrifia-t-il en murmure. Mais non, enfin, ce serait absurde, elle avait l’air si… parfaitement… enfin je suppose qu’elle était…
Il bafouilla encore un petit peu, à la recherche d’un compliment qui ne venait pas, alors même qu’il avait toutes les peines du monde à croire ce qu’on lui disait.
Je suppose qu’elle possède les hanches adéquates à la conception d’un enfant mais… Enfin je ne peux vous croire.
Et alors même qu’il lui disait cela, rouge de honte, sans se rendre compte de ce qu’il pouvait dire, ce Monsieur Martin lui proposait son aide. Une aide dont Constant avait en effet cruellement besoin. Et qui était attirante. L’aide, attirante, enfin, appréciable et, bienvenue, pourrait-on dire. Une aide bienvenue, voilà ce qu’était cette aide, si Constant devait la définir après avoir entendu si facilement le jeune bourgeois se dévouer à lui de façon si… aimable.
Bien entendu, je n’aurais pas l’audace, enfin l’impolitesse de refuser un homme aussi bien intentionné que vous, particulièrement dans ma situation qui, je dois vous l’avouer, est un petit peu délicate.
Il n’avait pas conscience lui-même d’à quel point la chose était évidente.
Mais si ce que vous dites est vrai, ce dont je doute fortement pour tout dire, si cela est vrai… Ne devrait-on pas prévenir sa famille ? Son père ? Voire même, le père de l’enfant ? Je suis sûr que c’est un homme respectable qui, certainement, n’a fait là qu’une grossière erreur qu’il voudrait réparer, en gentilhomme ?
Inutile de préciser que, en effet, Constant qu’une très vague et très fausse idée de comment les enfants pourraient arriver en ce monde.
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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyDim 28 Mar - 21:14
1684 — versailles

Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche,
la branche est attachée à l’arbre, qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes, les bons préceptes valent mieux que les belles paroles, les belles paroles se trouvent à la cour.


Amédée était un hypocrite fini, comme il fallait l’être pour survivre sur ce genre de territoire — qui pouvait le blâmer pour ça ? Il n’était pas un gentilhomme si suffisamment fortuné pour pouvoir se permettre d’avoir des ennemis, alors il était de cette race de personne qui souriait à tout le monde et qui changeait de personnalité en fonction de la personne à qui il parlait. Si cela pouvait lui apporter du bon, pourquoi s’en priver ? Mais là, après ses courbettes et ses propos servis tout réchauffés sur un plateau, il lui fallut le plus grand contrôle du monde pour ne pas totalement tomber des nues devant le jeune noble qu’il avait sous les yeux : ses propos d’abord, sa façon de parler qui ressemblait plus à celle des… son mouvement de main qu’il apporte à sa bouche achève de faire comprendre à Amédée que ce gentilhomme là avait un peu trop pompé ses manières aux précieuses (ridicules) ce qui ne correspondait pas du tout à sa garde-robe. Un homme pouvait être un extravaguant mais que si les vêtements suivaient le mouvement. Là, on avait l’impression d’avoir affaire à une triste pitrerie.
Il y avait de quoi faire.
Et il continuait de s’horrifier sur la mention du bâtard, parlant peut-être un peu trop haut pour le bien commun (mais fort heureusement personne n’était proche d’eux, comme si on s’était donné le mot pour éviter l’étranger gascon un peu trop prompt à indisposer les dames). Puis la remarque que la demoiselle, enfin sur ses hanches même, qui finalement arrache un sourire sincère à Amédée, qui trouve cela fort cocasse. « Je suppose qu’en effet… elle est euh… adaptée. Mais enfin faut-il qu’elle puisse le porter à terme. Ce qui n’arrivera pas si elle ne peut trouver de mari pour l’endosser. » Il y avait des dames dans Paris qui offraient leur aide aux jeunes demoiselles qui se trouvaient chargées d’un trop gros poids pour leurs épaules. On n’en réchappait pas toujours mais… c’était le prix à payer pour avoir eu le toupet de naître avec un utérus sans doute. « Enfin je ne peux vous croire.Je ne me permettrais jamais de mentir sur des sujets si graves monseigneur vous pouvez me croire, » rajouta-t-il rapidement, presqu’inquiet à l’idée qu’on vienne l’accuser de calomnie. Ça ne ferait pas ses affaires.
Mais finalement, on ne s’indigne pas outre mesure, et on accepte même son aide proposée si servilement et généreusement. Amédée se permet un nouveau sourire plein d’indulgence quand le gentilhomme mentionne sa situation délicate. Il ne savait pas grand-chose de la situation de Comtiau mais il imaginait sans peine qu’elle ne devait pas être facile à vivre, il avait l’air d’être un animal sauvage tout juste attrapé par un montreur d’animaux de foire. « Ce serait un véritable honneur pour moi que de vous donner quelques… conseils. » Ou de l’argent. Ou de vous prendre de l’argent. Tout lui allait pourvu qu’il puisse gagner un nom à faire danser devant d’autres yeux.
Puis il évoqua de nouveau la condition de la demoiselle qui venait de le quitter tristement, vraiment l’air de ne pas y croire et de chercher cependant d’étrange solution. D’en parler à son père d’abord, ce qui fit ouvrir de grand yeux à Amédée — vraiment pas la bonne solution, non. Sauf si on voulait assister à un meurtre, ou bien un duel. Puis parler de réparation. De grossière erreur. Amédée eut un petit rire, peut-être pas très chrétien avant de rajouter : « C’est au-delà de l’erreur si vous voulez mon avis, et le seul moyen de réparer celle-là pour le père est d’épouser la demoiselle. Mais je doute que sa famille accepte qu’elle ne se retrouve mariée à un fils de menuisier. Oups. » Petite interjection qu’il rajoute, comme pour dire qu’il était tout aussi choqué qu’on pouvait l’être de la situation, alors qu’il s’en délectait tout à fait. « Mais vous n’avez pas à vous inquiéter pour cela, simplement à ne pas vous risquer à demander sa main. Il y en a quelques autres dans son genre ici à la Cour, mais je puis vous les désigner afin de vous éviter une bien mauvaise fortune. » Avant de le regarder, de haut en bas, avec tout le respect qu’un tel mouvement d’yeux pouvait permettre. « Vous venez de Gascogne n’est-ce pas ? J’ai reconnu l’accent de cette belle région. » Il n’avait jamais collé un seul pied en Gascogne et n’avait aucune idée d’à quoi pouvait bien ressembler l’endroit, savait tout juste que c’était au sud mais n’irait pas se risquer à le placer sur une carte. « Si vous avez besoin de conseil en mode parisienne… j’ai quelques connaissances sur le sujet dû à mon travail. » Et une nouvelle pirouette pour s’incliner en avant, très rapidement, avec toute la souplesse qu’on pouvait développer pour ce genre de choses quand on faisait son travail. Face au gentilhomme tout rigide, il donnait l’impression d’être monté sur ressort, sans doute.
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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyMar 30 Mar - 21:47
1684 — versailles

Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle.
Ce jeune Monsieur Martin était incroyablement assuré pour un homme de son âge et de son statut. Constant pouvait entendre distinctement la voix de son très cher père prononcer ces mots, avec ce petit air méprisant et cette crispation du visage que Constant imitait parfois sans s’imaginer comme cela le rendait insupportable. Et que si on pardonnait aux Comtes vieillissants et autoritaires ce genre de grimace, cela ne passait pas avec les petits Comtiaux qui n’avaient jamais rien prouvé à personne, excepté leurs leçons à leurs professeurs qui n’étaient malheureusement pas là pour faire leur éloge à la cour de Versailles.
Peut-être que l’envoyer avec un professeur ou deux n’auraient pas fait de mal au jeune homme, plutôt de le confier à un oncle désintéressé et incrédule des lacunes de son neveu. Constant avait toujours eu beaucoup de respect et d’admiration pour ses professeurs sitôt qu’ils avaient compris comment le prendre. Constant aimait les défis, aimait être félicité, et n’était pas dérangé par les choses les plus ennuyeuses tant qu’elle piquait son intérêt. C’était ainsi qu’il avait récolté toutes ces informations fort importantes mais peu divertissantes sur son pays (la Gascogne), leurs terres, leurs plantations et leurs coutumes, jusqu’à l’histoire des différents prieurés entourant le domaine familial. Plusieurs jeunes femmes avaient déjà fait les frais de ces exposés qui ne ravissaient que lui.
Constant, malgré les apparences (vite trompées), n’était pas quelqu’un d’assuré. De buté, d’aveugle, de résolu, mais pas d’assuré. Il se perdait, parfois, dans des exposés complexes et profonds qui le coupait du monde mais, finalement, se décomposait si on lui signifiait trop fort son désintérêt.
Monsieur Martin, lui, ne semblait pas avoir ce genre de problème.
Constant se demanda si quelqu’un s’était déjà ennuyé en sa compagnie, si des jeunes femmes avaient parfois préféré quitter la conversation sans un mot plutôt que de l’écouter. Sûrement pas. Constant, en tout cas, n’en avait pas la moindre envie à l’écouter, avec des « Oh ! » et des « Ah ! » lui expliquer le détail de cette terrible histoire.
Cette pauvre Mademoiselle d’Andigné.
Quelle sordide petite affaire, réagit-il avec une formulation empruntée à sa mère.
Il ne voyait pas comment réagir autrement tout semblait trop gros, trop absurde, et il ne savait pas si c’était lui qui était loin du monde, ou Versailles qui n’était pas comme les autres villes. Pour une fois, c’était un petit peu des deux.
Il hocha la tête quand on lui dit de ne pas s’inquiéter, de ne pas chercher à l’épouser… De toute évidence, même lui comprenait que le départ de la demoiselle valait refus. Il n’irait pas la solliciter de sitôt. C’était juste que la liste de jeunes femmes se réduisait de jour en jour et Constant avait chaque jour davantage l’impression de devoir trouver une femme de son espèce. Seule une campagnarde tout nouvellement arrivée, inconsciente des affaires de cours, en recherche d’un jeune mari pas trop cruel pourrait le vouloir. Il lui faudrait se fondre aux murs et attendre cette promise inespérée.
Ou, il se rendait compte à présent, s’en remettre aux conseils du très avisé et très assuré Amédée Martin.
Oh vous connaissez la Gascogne ? s’émerveilla-t-il brusquement avec un large sourire enjoué. Sitôt que l’on abordait sa terre natale, la transformation était immédiate et d’une autruche mal lunée se transformait en un jeune chiot enthousiaste et volontaire. Vous ne savez pas comme cela me rassure, aimer la Gascogne, célébrer sa beauté, cela vaut presque foi de gentilhomme pour moi.
Et même si la formulation était de ces petites blagues qu’il faisait parfois, elle n’était pas si loin de la vérité. Avec cette simple phrase, Amédée le persuadait de rencontrer quelqu’un qui ne lui était pas complètement aliéné. Un ami de son pays. Qui avait dû y aller et reconnaître ses qualités. Être touché de la Gascogne, n’était-ce pas comme être touché de Dieu ?
Ainsi se trouva-t-il fort disposé à écouter ses remarques sur ses vêtements avec de grands yeux de hibou ahuri.
En mode parisienne ? Mais pourquoi voudrais-je me faire passer pour un parisien ? demanda-t-il innocemment avant de se souvenir d’autres formulations… Ah, vous voulez dire à la mode, monsieur ? Cela le fit rire. L’idée même… Ah oui, fort cocasse. J’ai peur de n’être un cas désespéré, cher ami, et je me contente d’être sobre pour ne pas avoir ce ridicule-là.
Et il rit de nouveau, comme il le faisait souvent après s’être déprécié. C’était que, vraiment, il n’avait pas envie de recréer une scène de Molière qu’on appellerait Le Comtiau ridicule.
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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyJeu 22 Avr - 10:13
1684 — versailles

Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche,
la branche est attachée à l’arbre, qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes, les bons préceptes valent mieux que les belles paroles, les belles paroles se trouvent à la cour.


Et tandis qu’Amédée expliquait de façon plus ou moins détournées (plutôt moins que plus) les nuances exactes des problèmes de la demoiselle en perdition, le comtiau réagissait avec toute la candeur d’une jeune fille et le jugement d’une chaperonne. Un beau spécimen, vraiment, Amédée aurait presque honte de venir se mêler de la vie d’un homme qui avait l’air déjà autant perdu dans le bouillon de la Cour — presque étant ici le mot clé. On devait bien faire ce qui fallait être fait, et après tout il n’avait jamais conduit quiconque à la ruine, et n’avait fait que conseiller et aider de forts nobles gentilhommes. Ce n’était pas le Seigneur, qui les enjoignait à être charitable, qui allait lui reprocher ça tout de même.
Mais si l’énergumène avait l’air absolument dépassé par toutes ces histoires de tromperies, coucheries pré-maritales (Seigneur !) et petit bâtard à gérer, duel et réparation… son visage s’éclaira et pas qu’un peu lorsqu’Amédée se permit son avancée sur la Gascogne. C’était pour être sympathique, pour lui obtenir son amitié un peu plus vite — il avait compris à quel point les nobliau de campagne étaient attachés à leurs terres d’où ils tiraient leur nom, titre et richesse. Alors mieux valait feindre l’admiration également ; il ne pensait pas trop s’avancer en disant que la région était belle, de toute manière un Comte pourrait vivre sur un tas de fumier et décréter que c’était le plus bel endroit du monde pourvu que ça soit son tas de fumier. Mais vraiment, ce gentilhomme-là… « Oh vous connaissez la Gascogne ?Euuh… Mmh… » On ne lui demanda fort heureusement pas de faire un petit détail de son amour pour la terre gasconne (c’est sans doute vert et… plat ? de belles forêts oui oui monseigneur) (et de jolis gentilhommes, haha) parce que son interlocuteur sembla se conforter dans la simple remarque d’Amédée, sans avoir besoin de plus. « Vous ne savez pas comment cela me rassure, aimer la Gascogne, célébrer sa beauté, cela vaut presque foi de gentilhomme pour moi. » Ah ben tudieu… il venait de passer de petit bourgeois à presque gentilhomme en une seule parole, vraiment c’était l’euphorie sociale la plus brusque qu’il n’ait jamais ressenti et pendant un moment Amédée oublia qu’il n’avait jamais était au-delà de Versailles à l’ouest et de Paris à l’Est, gonfla sa poitrine d’une inspiration de fierté. Oubliant qu’il n’avait rien d’un Pline mais tout d’un sot.
Un sot qui avait quelques notions de modes, et qui les proposa fort galamment pour se retrouver, après l’épanchement gascon, devant de nouvelles difficultés de compréhension. « J’ai peur d’être un cas désespéré, cher ami, et je me contente d’être sobre pour ne pas avoir ce ridicule-là. » Sans mentir, Amédée eut bien du mal à entendre la remarque dans son entièreté, tout concentré sur ce cher ami qu’on venait de lui donner avec une simplicité déconcertante. Cher ami d’un gentilhomme. Très bien, un noble de campagne, mais un Comte (ou fils de Comte) à ce qu’il paraissait ! Soit, un gentilhomme qui n’avait pas de manière ni de goûts en habits mais cela se changeait. Un nom, toutefois, une famille et la puissance qu’elle apportait, c’était gravé dans le marbre. Et il y avait quelque chose de touchant à sentir chez ce seigneur la crainte d’être ridicule alors que c’était bien Amédée et ses rêves de grandeur inadaptés qui prêtait à rire.
« Mais non monseigneur. Enfin, nul désespoir en ces lieux. Vous êtes à Versailles, rien n’est jamais trop coloré et si vous étiez même cent fois moins sobre que vous ne l’êtes maintenant vous resterez tout de même moins pimpants et extravagants que certains courtisans. Enfin, vous avez vu Monsieur ? » Il avait baissé le ton, mais nul jugement dans son ton, Monsieur était celui qui faisait et défaisant une mode, le genre d’homme qui mettait des étoiles dans les yeux d’Amédée par sa prestance, son pouvoir, ce qu’il pouvait se permettre de faire. « Mais croyez-moi, la sobriété ne vous amènera nulle part. Vous n’avez pas envie que l’on vous confonde avec les valets, monseigneur ! Même si… évidemment, on ne saurait s’y méprendre, à votre visage, votre maintien… » Il était tellement habitué à parler ainsi qu’il n’y prenait même plus garde, ne se rendait même pas compte que c’était sans doute inutile avec un tel interlocuteur en face de lui. « Enfin, si un jour vous désirez essayer de vous mêler un peu plus à la Cour, vous pourrez venir me trouver. J’ai pour vous une forte inclinaison et je serais capable d’oublier mes travaux pour vous conseiller. » Il reprend un instant son souffle, sans parler vite, il parlait tout de même beaucoup. « Et sur d’autres sujets également. Les jeunes demoiselles par exemple. » Et de lui lancer un sourire qu’il ne se serait pas permis avec un gentilhomme plus vieux, mais qui semblait approprié maintenant qu’on l’avait appelé cher ami.
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MessageSujet: Re: (ZEST) This is Versailles   (ZEST) This is Versailles EmptyDim 30 Mai - 15:09
chapitre 2 : la réponse

1684 — versailles
Ah ! qu'avec peu d'effet on entend la raison,
Quand le cœur est atteint d'un si charmant poison!
Et lorsque le malade aime sa maladie,
Qu'il a peine à souffrir que l'on y remédie !

Le jour de leur rencontre, Constant avait offert son amitié et Amédée avait proposé son aide. Les deux respectèrent cette promesse dans les jours qui suivirent. Après s’être mortellement embarrassé devant le jeune homme, Constant avait d’abord eu l’envie de se cacher à jamais dans sa minuscule chambre versaillaise pour y dépérir de honte. Tout ce qu’il avait pu dire devant un fils d’artisan… La gêne incroyable… Les aveux humiliants… Non, jamais il ne pourrait adresser de nouveau la parole à cet individu et, de fait, se sentait prêt à revenir à pied et les mains vides jusqu’en Gascogne plutôt que de l’affronter de nouveau.
Il ne releva pas de lui-même l’étrangeté de cette honte incroyable qui lui tombait dessus alors que l’humiliation de ces dernières semaines n’avait fait que l’embarrasser sans l’écraser de la sorte. Il ne s’interrogea sur pourquoi l’opinion de ce quasi-inconnu de basse classe lui importait plus que d’une gente dame qui l’avait littéralement abandonné en pleine discussion. Ces questions-là ne se posaient pas. Constant avait l’habitude de s’aveugler de la sorte et, l’effondrement passé, il décida de ne tout simplement plus penser à l’accident.
Après une demi-journée de lamentation et de souffrance à refuser toute sortie et toute nourriture, le jeune Constant sortit finalement pour le souper, les joues légèrement roses et les yeux baissés mais au moins présent. Tout le monde apprécia un repas quasi-silencieux où il ne fit aucune remarque et ne posa aucune question.

Le lendemain, ce fut par hasard qu’il recroisa le jeune Amédée Martin. En tout cas ce qui lui sembla du hasard. Il s’embarrassa encore, piteusement, mais finalement réussit à tenir une conversation avec le bourgeois qui se chargea en premier lieu de lui conseiller quelques vêtements. Fasciné mais absolument néophyte, Constant se laissa traîner et instruire avec de grands yeux émerveillés. Son regard écarquillé s’attardait plus souvent sur son interlocuteur que sur les tissus qu’on lui montrait, cependant, et cela était pour mieux suivre ce qu’il lui expliquait car il n’y connaissait rien. C’était pour la même raison qu’il lui demanda encore plus conseil alors même qu’Amédée devait retourner au travail, et qu’on donna cette fois-ci rendez-vous pour le lendemain.
Cette fois-ci il y eut non seulement mais aussi la question de la conversation et surtout la conversation avec les gentes demoiselles. En de nombreuses fois Constant se sentit furieusement rougir, car Amédée avait cette audace, cette indécence toute bourgeoise de ces gens qui parlaient des choses du couple sans atours. Ou avec certainement moins de ramifications que ce que se permettait Constant. Plusieurs fois, il s’indigna, se refusa des intentions vulgaires, rappela ses critères :
Le désir de vivre en campagne avant tout, l’appréciation de la Gascogne en supplément (quiconque la visitait en tomberait forcément amoureux à ses yeux naïfs), la capacité non-réfutée d’enfanter, un âge approchant du sien, peut-être un certain esprit. Femme de noblesse, bien entendu. Il nia chercher une femme particulièrement belle et complimenta la beauté intrinsèque de toute femme sous le sourcil haussé de son ami. Avoua qu’il préfèrerait bien s’entendre avec elle, sous le rire d’Amédée qui le gêna étrangement. Toute cette discussion se révéla fort fatigante et se conclut par le résultat de l’analyse savante d’Amédée Martin :
Il lui faudrait écrire des lettres.
Constant eut honte de ne pas y avoir réfléchi plus avant. Dans le même temps, il se souvint d’avoir considéré l’idée puis de s’être senti fondre d’avance de honte à l’idée qu’il se ridiculise et qu’on garde sur papier la preuve de sa naïveté. Qu’on s’amuse à lire ses vers dans quelque salon et que la foule ne s’amuse de lui. Il avait déjà vu la chose. Il savait.
La question était heureusement différente avec Amédée présent pour le seconder et Constant vint ainsi plusieurs fois par jour l’interroger sur son dernier brouillon, interroger sur des tournures de phrases. Fasciné, il l’écouta lui expliquer comment charmer quelqu’un, quelle tournure plaisait et surtout lesquelles déplaisaient.
Plusieurs fois, Constant se fit la remarque que Mme Martin devait avoir bien de la chance.

Il fallut trois rondes semaines avant que le miracle d’une réponse n’atteigne les mains tremblantes de Constant, depuis les mains bien pressées d’un petit page coursier fort pressé. Il eut à peine le temps de le remercier et de le payer avant qu’il ne s’échappe, laissant le comtiau dans tous ses états.
Elle s’appelait Hélène, Hélène de Ludes, fraichement arrivée de Champagne et encore ignorante des choses de la cour. Il ne lui avait jamais parlé mais avant échangé quelques regards avec elle avant de demander conseil à Amédée qui l’avait trouvée parfaite cible. Après quelques échecs cuisants ils fallait bien un peu de chance dans toute cette histoire, et quelqu’un qui n’avait jamais parlé à Constant était, visiblement, la meilleur des occasions. Hélène était lettrée, aimait ses poètes et ses pièces de théâtre, appréciait les balades en forêt et la musique. On la disait moins belle que sa sœur, déjà mariée, mais Constant lui la trouvait charmante. La lettre à quatre mains avait été envoyée deux jours auparavant et la réponse était là, entre ses doigts.
Et il ne savait qu’en faire.
L’ouvrir ? Non, il ne saurait. Peut-être la lettre était couverte d’insultes et de refus, lui demandait de ne plus jamais le contacter, le chassait ou lui annonçait une alliance déjà promise à un homme extrêmement jaloux qui tuerait le pauvre comtiau s’il venait à l’apprendre. Non, Constant ne saurait l’ouvrir. L’idée qu’elle puisse le répondre positivement, gentiment, amicalement, l’effrayait d’ailleurs presque autant. Il ne saurait tout simplement comment réagir.
Ce fut dans ses nouveaux vêtements colorés de jeune noble habitué à la cour qu’il arpenta le château, alternant entre marche rapide sur les couloirs habités et petite course sur les moments solitaires (bien rares dans le palais bondé). Finalement il aperçu l’habit, la coiffure, finalement le regard :
Amédée ! Mon ami, attendez !
Il le rattrapa finalement, les joues rosies par l’effort et la respiration encore un peu rapide, sans qu’il sache si cela était causé par l’émotion ou la course.
Elle m’a répondu… j’ai besoin de vous.
Constant avait très peu conscience des limitations que pouvaient imposer un métier. Pour lui, si l’on n’était pas en réunion important ou en entretien d’urgence, alors on pouvait parler et sociabiliser. À ses yeux, d’ailleurs, prendre soin des nobles était une partie de l’emploi d’Amédée. Où il se situait exactement, entre le domestique, l’artisan et le bourgeois lui échappait complètement. On voyait dernièrement des riches commerciaux se parer de titres de noblesse et quand des familles ancestrales finissaient à la rue, vraiment, le monde marchait sur la tête et plus rien n’avait de sens.
Il ne prêta donc pas attention aux personnes entourant et, visiblement, parlant à Amédée. Lui tendant plutôt la lettre, toujours fermée, dans l’attente qu’il s’en saisisse et le libère.
Je n’ose l’ouvrir, précisa-t-il en toute évidence.
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