Feodora était là, il y a deux minutes, et à présent, Yelena se retrouve seule. Elle fronce son regard, pas vraiment ravie, d'avoir perdu la trace de sa cousine. C'est elle, qui a tenu à l'emmener aux Battues. Elle connaît leur existence, depuis quelques temps déjà, ayant un mari, une cousine et un cousin mangemorts. Cela aide. Et puis, cela fait des années depuis son incident. Tout le monde commence doucement à oublier, cette douloureuse année 2001. Feodora lui a dit, qu'elle devait absolument participer au moins à une partie des Battues, en souvenir du bon vieux temps en Russie. Yelena n'a pas su dire non. Elle n'a pas jamais été une grande fan de chasse, sauf quand elle pouvait prendre possession d'un loup. Ici, impossible. Il n'y en a même pas en Angleterre. Son plus grand regret. Elle ne peut pas utiliser son don. Mais, son père lui a dit de garder ça pour elle. Le Gouvernement n'a pas besoin de tout savoir, surtout pas un secret transmis de génération en génération. A ça, elle a seulement répondu par un haussement d'épaules. Après tout, en Angleterre, son don ne lui est d'aucune utilité. Alors bon...
La partie avait plutôt bien commencé. Il faut dire, que la russe est une sorcière talentueuse. Elle l'a toujours été. Elle se rappelle, de sa scolarité couronnée de succès. Toutes les portes lui étaient ouvertes. Aujourd'hui, elle passe ses journées à errer dans les couloirs du Ministère, et à assister à des réunions ennuyantes, où elle se contente de traduire l'anglais en russe. Après toutes ces années, Yelena aimerait bien retrouver un poste un peu plus prestigieux. Mais, Polina a dit non. Polina, qui maîtrise sa vie d'une main de fer. Alors, Yelena se contente de hoche de la tête, et de se pincer la lèvre. Elle est incapable de dire non à sa mère. D'ailleurs, celle-ci ignore sa présence aux Battues. Elle risque de ne pas apprécier du tout. Polina ne cesse de répéter, que sa fille est fragile. Mais, ça n'est pas vrai.
Alors, même si elle n'est pas une fan des parties de chasse, Yelena a accepté, histoire de sortir un peu des quatre murs de l'hôtel. Et puis, passer du temps avec Feodora lui fait plaisir. Sa cousine lui a terriblement manquée, durant toutes ces années où l'une était en Russie, et l'autre en Angleterre. Elle est bien plus intéressante, que son frère, ou sa soeur.
Il s'avère, que chasser des prisonniers, des traîtres, est bien plus excitant, que de chasser des ours ou du gibier. Yelena se dégourdit enfin, et retrouve pleinement sa baguette. Sentir sa magie dans son corps, sous sa peau, jusqu'au bout de ses doigts, est un plaisir incommensurable. Elle sait bien, que la fin ici ne sera pas la même, que dans les forêts de Sibérie. Ils ne peuvent pas tuer, juste blesser. Mais, cela lui suffit amplement.  

Après, quelques heures bien remplies, Yelena se retrouve donc seule. Exaspérée, elle soupire et lève ses yeux au ciel. Rapidement, elle voit d'autres sorciers pourchasser des prisonniers. Ancrée dans le sol, elle cherche toujours sa cousine, du regard. Mais rien. Elle a sûrement dû suivre une piste intéressante. Yelena reprend un rythme plus léger. Elle se contente de marcher, sa baguette fermement serrée entre ses doigts. La sorcière reste vigilante. On l'a prévenu, qu'ici, certains sont prêts à tout par désespoir. Avançant dans les bois, elle n'entend pas le craquement des feuilles mortes sur le sol. ─ Yelena? Ce n'est, que lorsqu'une voix se fait entendre, qu'elle se retourne précipitamment, sa baguette pointée vers l'inconnue. La brune n'est finalement, pas si inconnue que ça. Son visage se dessine doucement, et les traits deviennent familiers. Ceux d'une autre vie. Ceux d'un monstre. Yelena se raidit. Personne ne lui avait dit, ce qu'il était advenu, de celle qui lui avait tout pris. Elle était donc ici, depuis tout ce temps. ─ You... Sa baguette est toujours pointée dans sa direction, par mesure de précaution. Pourtant, aucun sort n'a encore été jeté. ─ It's been a long time. I didn't think I would ever see you again. Son estomac se serre, et la colère monte doucement. ─ If I ever knew you were here, I would have come faster. I would have killed you myself.

Gemma n'est pas résignée. Cela fait des années, pourtant, qu'elle est coincée ici. Avec le temps, elle aurait juste pu arrêter de courir et attendre que la mort vienne la cueillir comme elle a cueilli d'autres avant elle. Bien sûr, on permet aux prisonniers des battues de survivre, en leur offrant le minimum pour se soigner et se remettre un minimum, mais ça ne suffit pas toujours. Elle a vu certains de ses camarades mourir, et à chaque fois, elle s'est demandée pourquoi eux, et pas elle ? Pourquoi eux, alors qu'elle est particulièrement chassée, parmi ceux qui ont atterri ici ? Pourquoi eux, alors que certains étaient là depuis moins de temps qu'elle ? Gemma est partagée : une part d'elle a envie de croire que peut-être, c'est un signe du destin, qui lui dit qu'elle a encore trop à vivre pour mourir ici — mais cela reviendrait à dire que ses camarades disparus, eux, n'avaient plus rien qui les attendaient, et ça, elle ne peut pas se permettre d'y croire.

Gemma n'est pas résignée. Elle ne sait pas si elle a un futur, mais elle sait que si elle en a un, elle aura de quoi l'occuper. Elle a envie de vivre, parce qu'elle a quelqu'un à retrouver, une vie à reconstruire, un gouvernement à faire tomber. Elle doit tout reprendre à zéro et même après six ans de course et d'horreur, elle sait qu'elle aura l'énergie pour ça, elle sait qu'elle aura l'énergie pour retrouver ce qu'on lui a arraché.

Gemma n'est pas résignée, mais avec le temps, elle a accepté que la mort pouvait survenir n'importe quand et surtout, elle a décidé qu'elle préférait mourir que de participer à la mort d'autres prisonniers. Elle ne parvient pas toujours à le faire — parce que ceux qui l'aiment ici connaissent ses habitudes — mais ce soir, elle est parvenue à se défaire de ses camarades, et des membres de sa meute, pour s'enfoncer dans la forêt, seule. Dans les bois obscurs, elle attend Callum, en priorité. Son père, peut-être. Neith, pourquoi pas... Et n'importe quel autre chasseur qui l'estimerait responsable de la majorité de ses malheurs. Ça la rassure, d'être seule : elle n'a pas à s'assurer que quelqu'un prend un sortilège de la part d'un chasseur qui s'intéressait uniquement à elle, à la base. Il faut qu'elle parvienne à rester seule le plus longtemps possible, même si ça veut dire voir le soleil se lever avec une couche de rouge sur les iris, accrochée à ses cils.

Au loin, elle entend les cris, elle entend toutes sortes de bruits qui ont cessé de lui faire froid dans le dos, un peu malgré elle. Adossée à un arbre, elle attend, prie un dieu auquel elle ne croit pas pour que Callum ne la trouve pas, ou la trouve suffisamment tard dans la nuit pour que la confrontation ne soit pas interminable.

Un craquement. Gemma se raidit, penche un peu la tête, essaie de discerner une silhouette, un visage. Ce sont des cheveux blonds qui accrochent son regard. Pendant une demi-seconde, elle pense Feodora. Les chevelures de ce blond-là ne sont pas si nombreuses, parmi les chasseurs. Mais très vite, et parce qu'on n'oublie jamais les choses qu'on aime, le visage de Gemma se décompose. Elle reconnaît l'allure avant même de voir le visage, familière avec la carrure qui s'avance dans l'obscurité. Impossible. C'est ce qu'elle pense — ils ne l'auraient pas emmenée ici, si ? Gemma ne veut pas y croire — peut-être n'est-ce qu'un mirage.

Tant pis si elle doit se mettre en danger, elle doit avoir le cœur net. Elle quitte son arbre, le cœur battant jusqu'à ses tempes, et avec l'impression que le monde entier s'est fait silencieux autour d'elle. "Yelena?" La silhouette se retourne, et Gemma sent sa respiration se couper. C'est bien sa femme, toujours aussi saisissante de beauté. C'est elle, il n'y a pas de doute. Mais Yelena n'a pas la lueur... de Yelena dans les yeux. Sa baguette est pointée sur Gemma, menaçante. ─ You... It's been a long time. I didn't think I would ever see you again. Gemma déglutit avec difficulté, tente de chercher une pointe de soulagement, une pointe de joie dans les yeux de sa femme. Mais il n'y a rien d'autre que du dégoût, de la peur, et de la colère. Les salauds. ─ If I ever knew you were here, I would have come faster. I would have killed you myself. Gemma ne devrait pas, mais malgré elle, elle esquisse un sourire. "At least you didn't lose your fire. I'm relieved." dit-elle. Elle reste sur ses gardes, mais se prend à observer un peu plus sa femme — elle lui semble irréelle, à la lueur de la lune. "My brother really didn't tell you I was there? Mmmh. What was he afraid of?" dit-elle d'une voix qui ne perd pas en douceur malgré la violence qui émane du regard de Yelena. "That you would kill me first..." Elle fait un pas, prudent, en avant. "or that you wouldn't be able to kill me at all?" Elle penche légèrement la tête sur le côté. "You're so beautiful." lâche-t-elle, se sentant sûrement bien plus confiante qu'elle devrait l'être. Naturellement, elle se sent safe auprès de Yelena — peut-être est-ce les relents de leur lien magique, ou les habitudes de leurs corps évoluant dans un même espace.

Yelena est en colère. Elle est énervée de ne pas avoir été mise dans la confidence. Pendant toutes ces années, Gemma Selwyn était donc là. Cette femme hante ses pensées depuis le scandale. Manipulée par elle, Yel a bien failli tout perdre. Sa réputation en a pris un gros coup, et heureusement que Conrad a été compréhensif. Elle a été faible pendant des années, loin de sa famille, loin de son pays. Gemma en a profité. Elle a fait d'elle son pantin et à cause d'elle, Yelena fait des cauchemars. Il ne se passe pas un jour sans qu'elle ne repense à cette traitresse à son sang. La rage monte doucement en elle, et la Dolohova regrette de ne pas avoir de loup à proximité pour laisser ses pulsions meurtrières s'évader.
Sa baguette est toujours pointée dans sa direction. Elle n'hésitera pas à lui lancer un sort. Elle pourrait même la tuer et au diable les conséquences. Personne ne lui en voudra d'avoir mis fin aux jours de celle qui l'a détruite. Sa mère règlera ça comme elle le fait toujours. Elle pense chacun de ses mots. Sa famille lui a cachée la présence de la Selwyn aux Battues, mais il n'est jamais trop tard. Elle remerciera Feodora plus tard pour ce cadeau qu'elle lui fait.

La brune lui sourit, et elle serre un peu plus fort sa baguette. Comment ose-t-elle ? Yelena serre les dents puis mord sa lèvre inférieure. Elle est sur ses gardes. Malgré tout, elle oublie un peu tout ce qui se passe autour. Elle oublie qu'elle est à Gracefield. Elle oublie qu'un autre prisonnier peut surgir à tout moment. Il n'y a plus qu'elle et la traitresse. La première remarque de la Selwyn l'agace. ─ Shut up! You don't know me. You only know the one you manipulated. Son regard se durcit. Elle va le faire. Elle peut le faire. ─ Your brother is the least of my worries. I am better off away from your family, dit-elle en la coupant. Callum Selwyn est véritablement le dernier de ses soucis. Elle ne l'a d'ailleurs vu que très peu de fois et c'est mieux ainsi. Il est peut-être un mangemort, il reste le frère de cette traitresse. Yelena est mieux loin d'eux. Polina est d'accord avec ça. Les mots de Gemma continuent à pulluler. Son coeur bat à tout rompre. ─ I would not give your brother the honour of killing you. I am quite capable of doing it myself. Elle appuie bien sur le dernier mot.
La dernière remarque de Gemma la met hors d'elle. Encore maintenant, elle essaye de la manipuler, de jouer sur des pseudo-sentiments. ─ Do not change the subject! Ses mots résonnent dans la forêt vide. ─ I forbid you to say that. You're not going to manipulate me anymore, Gemma, it's over. Sa main tremble légèrement mais elle se ressaisit rapidement. ─ I hope you have enjoyed your years here. It's time to end it,. To end everything.