« Mais qu'est-ce que je fous là ? » soupire Morrigan, alors qu'elle se stoppe au point de rendez-vous désigné, quelque part dans le Londres moldu. Ce soir, elle est partie pour une soirée en tête à tête avec Ivan Lebedev, rien que ça. Et surtout un parfait idiot, imbu de sa personne et arrogant au possible. Le parfait petit con prétentieux. Un imbécile, certes mais surtout l'un des chefs des gangs du Syndicat. Le genre d'homme avec qui il vaut mieux éviter de se brouiller, d'autant plus quand on est la nièce - et l'apprentie - de l'un des capitaines Black Hands. Elle a tenté pourtant, de faire la sourde oreille, de feindre d'avoir raté ses messages en espérant que le bougre finisse par se lasser ... sans succès. Ce Russe semble aussi accroché à l'idée de la séduire qu'une moule à son rocher ... Et après des semaines, la Farrow n'a rien trouvé de mieux que d'accepter un rendez-vous avec lui.

Et là voilà, attendant comme une idiote dans la rue. Wear something sexy qu'il lui avait sorti, ce con. Mais pour qui il se prend ? Rien que par provocation, elle aurait aimé s'y pointer vête de la façon la plus négligée possible, songeant même à arborer une vieille polaire en pilou-pilou - comme disent les moldus. Mais bon, le but n'était pas de créer un accident diplomatique entre les deux gangs - pas sur que Lance apprécierait. Néanmoins, pas question de sortir le grand jeu non plus ! Morrigan s'est ainsi  contentée d'une petite noire toute simple avec des talons. Histoire de ne pas trop avoir l'air de faire des efforts sans pour autant avoir trop désintéressée. Tout une histoire.

Et soudain, le vrombissement d'une voiture se fait entendre, alors qu'un véhicule sombre s'engage dans la rue. Le genre de bagnole très m'as-tu vu, si vous voulez l'avis de Morrigan. « Par Merlin, me dites pas que c'est lui ... » Et voilà que la voiture s'immobilise juste devant la jeune femme, et bien entedu à contre-sens, histoire de bien en rajouter dans l'attitude. Morrigan perds rapidement espoir, alors que ne se révèle le jeune homme, tout sourire. Et c'est pile comme l'avait craint la Farrow. Tout l'attirail semble être présent, pire encore que ce qu'elle avait imaginé.

Voiture de kéké, check.
Costume de kéké, check.
Bagouses de kéké, check.

On se serait presque cru dans un de ces clips de rap adulés par les ados moldus, tant il en est risible, le parfait cliché du kéké gangster. « Embarque, chérie » (accroche de kéké, check). Un instant la Farrox reste interdite, hésitant entre éclater de rire (pas très engageant comme attitude), ou bien fuir à toutes jambes (non plus). « Bonsoir, Ivan ... jolie voiture. » C'est tout ce qui lui vient à l'esprit, alors qu'elle monte à bord aux côtés du sorcier russe. « C'est ... original. » Bon sang, la soirée promets d'être longue. Mais bon sang, dans quel traquenard s'est elle encore fourrée ?

@Ivan Lebedev

« Meilleure façon de déplacement, après moto » Ouais, si tu le dis. C'est parti pour le date de la loose, songe Morrigan alors que le russe démarre en trombe son véhicule. Cela sans attendre que la jeune femme ne soit attachée, bien-sûr, ce serait trop con. Et les voilà partis, à fond de train dans ce bolide des plus m'as-tu-vu. Et une chose est sûre, Ivan Lebedev ne semble pas vraiment au fait des règles basiques du code de la route. Et voilà qu'il grille un feu, coupe une priorité. Sans parler de la vitesse. Morrigan est loin d'être une petite nature, et ne se formalise que peu pour un non-respect de quelques règles. Mais la sécurité, c'est sacré quand même. Et plus d'une fois, la magpie se retient de pousser un cri alors que la voiture manque de renverser un passant ou bien frôle d'un peu trop prêt un autre véhicule. « Tu es très jolie » Morrigan se contente de sourire devant le compliment, regrettant un instant de ne pas avoir mis sa première idée à exécution en se pointant au rendez-vous avec sa polaire du dimanche. Mais elle doute sérieusement du sens de l'humour de ce bougre, et pas sûre qu'oncle Lance apprécie un accident diplomatique avec la Bratva. Non, ça aurait été une mauvaise idée.

Le véhicule s'engage dans plusieurs rues de Londres, manquant de tuer une bonne dizaine de personnes, sans compter le clébard qui n'a échappé que de justesse à la conduite plus qu'approximative du russe. Et enfin, voilà qu'il l'entraine dans un quartier moldu que Morrigan connait assez peu. « Je veux que tu as faim Meilleur restaurant de Londongrad avec meilleure table, et après, balade, tu pourras me montrer le mieux. » Ouais si tu veux, coco. « Meilleure vodka, aussi. Tu aimeras. » Ah, là on commence à causer. Un instant, Morrigan se dit qu'une fois un peu enivrée, la soirée serait déjà plus sympa avant de songer à sa dernière soirée arrosée. Outre le mal de crâne conséquent, et l'enchainement de paroles des plus gênantes, elle se rappelait surtout le réveil dans les bras d'un immonde inconnu semblant plus prêt du coyote que de l'être humain. Sans parler de l'odeur. Non. On va faire attention avec la vodka hein, l'idée serait pas de donner trop d'espoir à ce beauf de russe non plus.

« En voilà une bonne idée, je meurs de faim. » C'est bien Moe, t'es polie. Lance serait fier d'elle, pour une fois qu'elle tournes sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. « D'accord, je te ferais la guide touristique avec plaisir. » Réponds-elle, se demandant si perdre le bougre au beau milieu de l'allée des embrumes, seul avec sa richesse affichée ainsi serait un bon plan. Mais elle se ravise. Diplomatie, Morrigan. Diplomatie. se répète-elle en boucle, imaginant un Lance furieux après qu'elle ai causé la première guerre entre les Black Hands et le gang russe. « Alors, dans quel resto comptes-tu m'emmener ? » Quitte à passer la soirée avec ce bougre, si au moins la bouffe pouvait être à la hauteur. Après tout, c'est pas non plus tous les jours qu'on sort avec un richissime chef de gang, autant en profiter pour bien manger. Son regard se pose sur le sorcier, observant son air si sur de lui et l'éclat scintillant des bijoux qu'il porte ostensiblement. Et à vrai dire, elle se retient pour ne pas rire.

Cette soirée va être longue.

@Ivan Lebedev

Elle lève les yeux au ciel Morrigan, avant de regarder d'un air distrait le paysage qui défile - trop vite - au travers la vitre du bolide. Et dire qu'elle aurait pu être au chaudron baveur, en train de se pinter en compagnie de sa bande de potes des Black Hands, comme bien souvent. Et non. Alors que ses amis étaient certainement en train de bien rigoler en imaginant la détresse de la Magpie. Et là voilà coincée ici, dans cette voiture ridicule avec un Russe qui pourrait représenter à lui seul toute l'expression "beauf". Le bolide continue de foncer dans le dédale des rues de Londres, semblant ignorer les notions pourtant simples de sécurité. Ou encore de code de la route, tout ça.

Et soudain, voilà que la Buggatti s'arrête dans une rue que Morrigan ne connait guère, visiblement le quartier Russe de la capitale. Le Russe lui désigne un restaurant aux allures de forteresse. « Le Кремль. Nourriture aussi bien qu’à Moscou » Morrigan hausse un sourcil, ouvrant la bouche pour répondre avant de la refermer, ne trouvant guère de mot. Le restaurant ne semble guère avenant, et en cet instant elle regrette la chaleur des devantures des restaurants du coeur de Londres. Le Lebedev sort de la voiture, ouvrant la portière à la jeune femme. Et alors qu'elle descend du véhicule, elle sent le bras d'Ivan se glisser autour de sa taille. Eurk pense-elle, se contentant d'un sourire. Zen, Moe. Zen, pense aux Black Hands c'est pas vraiment le moment d'envoyer balader l'héritier du clan rival. Ça non.

Entrainée par le jeune homme, Morrigan pénètre dans un restaurant à l'image d'Ivan. Tout n'est qu'arrogance et ostentation. Des dorures, partout. Des clients semblant tout droit sortis d'un film sur la mafia, et du Russe qui résonne à tout va. «« Wooow » murmure la Farrow, d'un ton mêlant surprise et ironie. Ah ouais, il déconne pas, le Russe. On peut pas dire qu'il fait les choses à moitié. Et évidemment, il l'amène dans un coin un peu à l'écart, histoire d'être tranquilles. Merveilleux. Songe-elle avec ironie. Tous deux s'installent à la table, l'un en face de l'autre. « Je choisis pour toi, tu choisis alcool. Je faire confiance à toi, Morrigan. » Elle se contente de sourire, la Farrow. Se pinter la gueule ? L'idée lui traverse l'esprit. Peut-être que ça l'aidera à mieux supporter son insupportable rencard. Non. Mauvais plan. De un, c'est pas prudent. De deux, t'es plutôt du genre facile quand t'es bourrée. De trois, garde l'esprit clair, bon sang. « Je suppose qu'en Russie, tout tourne autour de la vodka ? » Elle lance un nouveau regard avant de se tourner vers le serveur. « On va prendre deux shots de votre meilleure vodka, et une bouteille de vin, votre meilleur cru.  » Quitte à passer une soirée de merde, autant que le vin soit soit bon. Après tout, c'est au frais de la Bratva, on va pas se gêner. « J'ai jamais mangé Russe, c'est une première.  » lance-elle, jouant négligemment avec sa fourchette. « C'est donc ici, le QG où la Bratva aime à se restaurer ?  » Sois polie, fais la conversation. Et vivement que la bouffe arrive, quand même.




@Ivan Lebedev

Elle en a vécu, des rencards foireux, Morrigan. Des tas et des tas, tellement qu'elle pourrait en écrire la liste sur la longueur de son bras. Elle se rappelle par exemple cette soirée passée dans un restaurant moldu puant le graillon à plein nez, un fast-food qu'ils disent. Le gars - rencontré la veille dans un pub obscur du chemin de traverse - était un véritable radin doublé d'un piètre amant. Puis il y a eu cette fille, ancienne collègue. Sympathique, mais incapable de parler d'autre chose que de sa petite personne. Moi je, et moi. Un jour j'ai. Ah oui, comme moi. Et bla bla bla. Une horreur. Ou encore - un de ses préférés - celui qui était arrivé complètement pinté au rendez-vous. Incapable d'aligner deux mots cohérents. Et il y en avait bien d'autres ... Des histoires plus foireuses les unes que les autres qui alimentaient par la suite les soirées de Morrigan avec Becca. Fallait bien en rire, après tout. Mais alors ce rendez-vous, il entrerait à coup sur dans le top 3. Elle entendait déjà la réaction de Becca quand elle lui raconterait.

Enfin, le serveur revient avec le vin et la vodka. L'idéal pour faire passer cette soirée de l'angoisse un peu plus vite. Sans abuser, néanmoins. « À ce soir » qu'il scande, en trinquant avec Morrigan avec l'un des shots de vodka. À ce soir, oui. À cette merveilleuse soirée. Morrigan se contente de trinquer du bout des lèvres, avant d'avaler à son tour la rasade d'alcool. Le gout est fort, et froid. Elle se sent frissonner et doit certainement faire une légère grimace, un brin surprise par le goût prononcé. Décidément, ça vaut pas une bonne bierraubeurre, ou même une bière tout court. « Hum, c'est très bon. » Tu parles. Elle aurait même préféré siroter l'un des cocktails outrageusement sucrés de chez de Madame Pieddodu - Un autre date foireux tiens. Mais elle fait bonne figure, au moins il y a du vin. « Pour la jolie fille et moi » qu'il rajoute, avec un clin d'oeil appuyé. Par Merlin, ce mec sait ce que c'est la subtilité ?

Alors que le serveur s'éloigne chercher la commande demandée par Ivan, le voilà qui sert un nouveau shot. « Que fais-tu ? Tu fais que les Hands, avec ton père ? Je veux te connaître, raconte-moi. » La question est un brin alambiquée, mais Morrigan croit saisir l'idée. C'est drôle, qu'il pense que Lance soit son père. Il faut dire que depuis pas mal de temps déjà, elle passe plus de temps avec son oncle qu'avec son paternel. « Lance n'est pas mon père, c'est mon oncle. Comme tu le sans, il a un poste important au sein de l'organisation et il ... m'apprends le métier, dirons-nous. » Inutile non plus de balancer trop d'infos sur leurs missions. Lance la tuerait. Littéralement. Elle décide donc de parler de son autre métier, moins risqué. « Autrement, je suis journaliste. Je travaille au Daily Prophet, tu connais ? » Elle prends le temps de siroter une gorgée de vin, décidément bien meilleur que cette vodka. Vivement que la bouffe arrive, en espérant que ce soit meilleur que la boisson phare.

@Ivan Lebedev

Spoiler:

Morrigan balaie le restaurant du regard, comme si elle cherchait une distraction dans cet enfer. C'est long. Très long. Trop long. « Ça, je comprends bien. » Oui. Ça elle peut bien le reconnaître, Ivan et elle ont certains points communs. Lui aussi, il a grandi dans un clan dont il se doit d'arborer l'étendard. Et de l'honorer. Quel dommage qu'à côté de ça, le russe soit aussi imbu de lui-même. « Je lis un peu. Mais nouvelles pas intéressantes, c’est toujours Voldemort. Je lis surtout journaux moldus. » Des journaux moldus. Pour n'importe quel sorcier, cela semblerait étrange mais pas pour Morrigan. Quand on fait partie d'une organisation criminelle, spécialisée dans le trafic d'objets qui plus est, on sait bien que la presse moldue peut regorger d'informations utiles. Elle se contente d'acquiescer légèrement, sirotant une nouvelle gorgée de vin. Enfin, les premiers plats sont servis. On dirait des espèces de pancakes salés, assez épais, recouverts de crème fraîche avec du saumon et une espèce de masse de petits oeufs noirs que la Farrow devine être du caviar, bien qu'elle n'y ait jamais gouté. Un truc de riche, à ce qu'il parait. Décidément, il ne s'emmerde pas. Ah bah en parlant de pas s'emmerder, voilà qu'il lui sert à nouveau un shot de vodka.

« Moi aussi j’ai appris avec mon père. Toute ma famille est dans le crime. Mon père est tsar, en Russie, Je peux te comprendre, Morrigan. Pas toujours facile. Les attentes. » Un instant, elle semble discerner quelque chose de différents dans la voix d'Ivan. Une faille dans la muraille d'arrogance qu'il a érigée. Ce n'est pas grand-chose, une variation à peine perceptible dans sa voix emplie de suffisance. Et portant, Morrigan parvient à le discerner. Après tout, elle le comprends. Porter un nom comme les leurs, c'est une fierté. Un honneur. Mais aussi une responsabilité. Et ça, ça peut être un fardeau, parfois. Elle est fière, Morrigan. Fière d'être l'héritière du clan. Fière d'arborer ce patronyme glorieux, de représenter le clan. Quand Lance l'avait choisie pour la prendre sous son aile, elle avait senti une joie immense, et un sentiment de fierté exacerbée. Pourtant, elle ne cessait de douter, se craindre de ne pas se sentir à la hauteur des attentes.

« Tu écris quoi ? Les entrevues ? » La question tire Morrigan de ses pensées. Elle met quelques secondes à répondre, prenant le temps de découper et de manger un bout de cette espèce de pancake avec du caviar - pas mauvais, d'ailleurs. « Un peu de tout. Je suis à la rubrique faits-divers. Parfois ça va être des interviews, des reportages ... ça dépend. » Elle marque une pause, buvant une nouvelle gorgée de vin. L'alcool commence doucement à lui monter à la tête, la rendant plus loquace. « Mon dernier article était sur un type qui a fait pousser un filet du diable dans sa cave. Un grand malade. » Bon sang. Heureusement que la vodka et le vin sont là, et que la bouffe est pas mauvaise. « Et alors, comment tu le vis ? Tu sais, le poids des attentes ? » Quitte à meubler les blancs, autant que ce soit sur un sujet qu'ils partagent.

@Ivan Lebedev