((MUSIQUE))

Une, deux… Trois… Quatre… Et demi. Que tu énumères silencieusement, songeur. Les sphères telles des onyx, vitreuses de tout ce rogomme biberonné, s’aventurent d’une tête à l’autre. Par intermittence, un fessier. À d’autres instants sur un décolleté pigeonnant. Tu n’es pas non plus très regardant sur ce qu’il se trouve dans le pantalon des uns ou des autres. Tout est prétexte à s’amuser. Autant dans la longueur que la profondeur. Sur cette pensée, un rictus feint de tordre ton minois apathique. Méli-mélo bon enfant. Tu t’élances sans crier gare dans la cohue effrénée. Jouant des coudes, ta carcasse compressée par la myriade de courbes déshydratées par l’excès. Sur le chemin, ta mâchoire est empoignée pour un baiser dérobé. Là, sur la commissure. Tu ne sais trop de qui. Peu importe. Cela ne fait qu’accroître ton sourire bousillé par l’irrégularité de dents qui se chevauchent. Au bout du compte, ça plaît pas mal. Preuve en est. Alors tu continues, à t’enfoncer davantage, dans la jungle de sudation. Ce n’est là que le préambule d’une nuit mémorable. Escale obligatoire dans les toilettes. Une étape existentielle à tout fêtard qui se respecte. Déjà pour te remettre d’aplomb à coup de SMILES, mais aussi pour soulager ta vessie criant au martyre.

À ça de te faire dégueuler dessus dès que tu en sors. Ah, les affres de l’alcool. Un jeu à double tranchant. Tu y retournes, donc. Dans la foule. Junkie des regards. Ne pas te faire voir une minute de plus te provoquerait limite de l’urticaire. Tu souhaiterais tous te les accaparer. Et la pêche semble bonne puisque débarque de nulle part Miss Doherty qui s’enquiert de ton bien être. « C’est moi ou ton verre est vide ? » Bien vu, Sherlock. Sans même que tu n’aies le temps de piper mot, la voilà en train de prendre les devants. Soit. L’ultime question s’ensuit. « Tu t’amuses bien ?! » Soumis au mutisme. Tu la dardes de toute ta hauteur, l’iris peignant les arabesques de son visage délicat. À nouveau, tes lippes s’étirent jusqu’aux oreilles. « Autant que toi, il semblerait. » Crevant sans hésitation ton silence jusque-là imposé. Tu la laisses faire son manège, à prendre ses aises, s’accordant même un brin d’altitude juchée sur sa chaise haute. En revanche, toi, tu restes debout. Ta paume soutenant la plénitude de ta joue alors que tu t’accoudes face à Jules, avachi contre le comptoir. « T'sais que j'en suis à ma cinquième soirée ? Et on est même pas mercredi. C'est pas facile tous les jours la vie de reporter, mais bon on fait avec. Puis l'jeu en vaut la chandelle, hein. D'ailleurs, merci pour l'invit'. » Lâches-tu de but-en-blanc, lui assénant même un coup d’épaule histoire de te rapprocher un peu plus. Vieux rapace que tu es.

Et d'une traite, tu vides le verre qui vient tout juste de t'être servi.

« Un autre s'il vous plaît. Plus corsé cette fois. »