Ce matin, tu avais passé un long moment à brosser tes cheveux. D'ordinaire, tu n'en avais guère le temps. Trop occupée à gérer l'école, l'ordre et ta famille. Malgré tout, tu tenais à garder long tes épais cheveux roux, comme un dernier signe de ce que tu associais à la féminité. Une lueur dans la nuit, un dernier vestige de ta jeunesse envolée. Balayée par la guerre, par les deuils et par la détresse qui hante tes nuits. Et à vrai dire, le mouvement répétitif de la brosse dans ta chevelure avait quelque chose d'apaisant. Un geste routinier, répétitif, que tu n'avais guère l'occasion d'effectuer. D'ordinaire, d'un chignon rapide où un coup de baguette magique suffisait, mais aujourd'hui, c'était une journée spéciale. Importante. Et bien que tu avais toujours relégué ton apparence au second plan, aujourd'hui tu avais fait un effort. Qu'on ne se méprenne pas, tu n'étais jamais négligée. Mais avec sept enfants, une école à gérer et un ordre à mener, tu préférais le pratique à l'élégant. Toujours propre bien sûr, et avec une touche de parfum. Mais rarement plus.

Aujourd'hui, c'était différent. Une sorte de tournant, une de ces journée où tout semble se jouer, et - surement pour te rassurer - tu avais fait un effort. Rien d'extravagant, ce n'était guère ton genre, mais tu avais revêtu d'une robe bleu marine et avait arrangé tes cheveux dans un chignon un peu plus travaillé que d'ordinaire. Par ailleurs, tu avais dû ajuster ta robe d'un coup de baguette magique. Le vêtement dormait dans un placard depuis très longtemps et aujourd'hui tu flottais dedans. Les épreuves traversées avaient fait fondre tes chairs, creusant tes joues et te faisant paraître plus agée et fatiguée que tu ne l'étais réellement.  Tu quittes la salle de bain attenante à la chambre que tu occupes à la Fawkes, croisant Arthur. Comme à chaque fois, cette même sensation dans ta poitrine quand tu le croises. Des années après, cette petite flamme qui s'allume dans ta poitrine n'a guère disparue, et tu chéris cette sensation.

Malgré la certitude de tes sentiments, rien n'est facile ni gagné d'avance. Et les épreuves traversées ces dernières années ont ébranlées votre couple. Tu en as pleinement conscience. « Ah tu es là. » Tu tentes un sourire malgré tout. Te ne pensais pas le croiser avant ton départ. « Je ne vais pas tarder à partir. » Les derniers jours furent éprouvants pour l'ordre, et depuis les révélations de Lee, l'Ordre est sur le sentier de la guerre. Mais Arthur semble ne pas vouloir prendre part à ce combat. Et ça, tu as du mal à le comprendre. Malgré vos idéaux, vous n'avez plus la même façon de voir les choses. Et ce combat semble vous éloigner plus qu'il ne vous rapproche. Alors que tu tentes de garder la tête hors de l'eau, te jetant à corps perdu dans l'ordre et son combat pour ne pas flancher, tu as parfois l'impression qu'Arthur a laissé tomber, et ça tu as du mal à l'accepter. « Tu es sûr de ne vouloir m'accompagner ? L'enjeu est important, j'aurais espéré que tu nous apportes ton soutien. »

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Tu n’étais pas de ces sorciers de sang-pur qui avaient besoin d’exhiber leur grandeur pour se sentir exister. Tu avais toujours su te contenter de peu, de ce que tu avais tout simplement. Tu étais doté de cette surprenante capacité à trouver de la beauté dans chaque chose, à t’émerveiller des plaisirs simples de la vie. Tu étais bien du genre à t’estimer heureux de n’avoir jamais eu à croiser le chemin des redoutables détraqueurs. Car toi, plus que quiconque, avais eu l’immense chance de réunir un nombre incalculable de précieux souvenirs. Là était ta plus grande richesse. Et en ces temps si obscurs, tu te raccrochais à la moindre bribe de joie qu’il te restait en mémoire, comme si c’était la dernière que tu possédais encore. Les drames qui s’étaient abattus sur votre famille comme sur tant d’autres innocents t’avaient profondément bouleversé, changé, marqué à jamais. Et pourtant, tu t’étais promis, qu’ils n’auraient pas la force d’effacer ce que Molly et toi étiez parvenus à construire au fil de votre mariage. Cette union avait su prouver à tous qu’elle était aussi solide que les hauts murs d’Azkaban, qu’elle était elle aussi capable de résister aux vents et marées. Molly et Arthur, vous deux seuls contre le monde. Aujourd’hui encore, tu repensais avec tendresse à cette fable qui avait bercé vos jeunes années. Malgré la guerre, malgré la perte de Harry, malgré la mort de Fred, malgré tout, Molly était encore à tes côtés. Mais bien des choses avaient changé.

Lorsque ton épouse sortit de la salle de bain, tu lui adressas un doux sourire, comme à ton habitude. Elle avait passé plus de temps à se préparer que d’ordinaire, et cela se voyait indubitablement. Tu ne comprenais pas bien pourquoi elle éprouvait le besoin de tant s’apprêter pour se rendre à une réunion de l’Ordre, mais tu gardas ces amères pensées pour toi. Malgré tout, tu demeurais Arthur Weasley, l’époux aimant et respectueux, auquel elle avait succombé. “Tu es très élégante.” Si tu le penses sincèrement, l’annonce de son départ imminent suffit à faire faner ton sourire. Tu hoches simplement la tête, sans rien dire de plus. Tu ne t’attends alors pas à ce que Molly s’attarde dans les environs, et pourtant les mots qui s’échappent d’entre ses lippes et sonnent comme un reproche à tes oreilles, ne t’étonnent pas pour autant. Tu sais parfaitement à quel point ta femme peut se montrer oppiniâtre, et c’est justement l’un de ces traits de caractère qui t’avait séduit chez elle. Mais tu avais l’impression d’avoir déjà affronté cette conversation plus que de raison et tu avais osé espérer que le sujet était clos. Pour toujours. Tu n’avais plus l’envie, plus la force non plus. De te battre aux côtés de l’Ordre, de te quereller avec Molly. Alors tu réponds d’abord avec une certaine douceur dans la voix. “Tu sais bien que tu auras toujours mon soutien, Molly. C’est bien pour cela que j’ai accepté d’enseigner ici.” Alors que tu aurais mille fois préféré te terrer au beau milieu de nulle part, loin de tous ces élèves dont la moitié te rappelait Fred. “Mais je te prierais de bien vouloir respecter ma décision. L’Ordre c’est ta raison de vivre, mais plus la mienne.” Ces dernières paroles semblaient plus dures que tu ne l’aurais voulu, mais comment lui faire comprendre que tu n’en pouvais plus, que tu avais atteint tes limites ? Malgré tout ce que tu avais pu lui dire, ton épouse n’avait toujours pas renoncé à faire de toi ce que tu n’étais plus. “J’écouterai volontiers ton compte-rendu à ton retour, y compris tes plaintes à l’encontre de Sirius ou Kingsley.” Une fine touche d’humour pour apaiser l’atmosphère que tu sentais se raidir. Tu ne voulais pas que Molly soit encore en colère au moment venu de te quitter.

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Tu te rappelles de chaque moment passé avec Arthur, de vos premiers regards échangés à la plus sensuelle de vos étreintes. Chaque mot, chaque geste s'est imprégné dans tes chairs, si bien que l'on peut dire qu'il fait partie de toi. Une âme soeur, liée à la tienne par un serment bien plus profond que celui du mariage. Car le coeur est plus fort que les mots d'un contrat. Et c'est grâce à lui qu'aujourd'hui, vous tenez bon. Malgré le temps, malgré les épreuves. Vos corps changent, se plissent, se creusent, grisonnent. Mais vos âmes restent celles des deux adolescents qui ont cru à cette histoire, malgré les adultes condescendants qui vous répétaient que ce n'était qu'une amourette d'enfants trop impatients. Tu crois en cela, en la force des sentiments qui vous unissent. Envers et contre tous.

Tu y crois, et tu t'y accroches comme à une bouée de sauvetage.
Pour vous sauver du naufrage.

Un frisson parcoure ton échine quand le sourire d'Arthur s'envole. Tu le connais assez pour en connaître la raison. Tu serres les lèvres. Il est bien loin ce jour où vous étiez tous les deux fiers d'appartenir à l'Ordre du Phoenix. Vous partagiez les mêmes idéaux, la même combattivité, et vous aviez le même but. Aujourd'hui, votre but est le même mais vous n'êtes plus d'accord sur la façon d'y parvenir. Cela t'effraye, car alors que les années de mariage s'accumulent, tu as le sentiment que vous vous éloignez. Tu observes ton époux un moment. Tout comme toi, il a beaucoup changé ces dernières années. La mort de Fred, la disparition de Harry, vos disputes et ses désillusions comme autant de marques sur un visage épuisé, lassé. Ton Arthur, celui qui avait toujours le mot pour rire et dont les yeux brillaient devant les bizarreries mordues qu'il se plaisait à accumuler.

Sa dernière touche d'humour, légère, te fait sourire malgré tout. « Tu pourrais écrire un roman avec toutes les plaintes que tu as du supporter ces dernières années. Et sans jamais te plaindre, je t'admire. Quand j'en parles aux enfants ils trouvent toujours une excuse pour s'échapper. » Tu t'assois sur le lit, laissant ton regard se perdre dans les motifs de la parure.  « Détrompe-toi Arthur, l'ordre n'est pas ma raison de vivre. Tu crois vraiment que c'est pour l'héritage de Dumbledore que je me bats ? Ou de mes frères ? Bien sûr que ça compte, mais ça reste un symbole. » Albus, Maugrey, Gideon, Fabian, Harry, Fred. Tant de morts, de disparus sous l'étendard du Phoenix. Tant de souffrances et de larmes versées. Tant de moment où tu as cru que la guerre était perdue, où tu as cru sentir le sol s'effondrer sous tes pieds.

À quoi bon ?

Toi-même il t'arrive de te poser la question. Surtout ces derniers mois où l'Ordre semble se chercher, partir dans des directions dans lesquelles tu ne te reconnais plus. Tu gardes la foi, l'espoir. « Ma raison de vivre, c'est toi. C'est les enfants. C'est notre famille. Et je reste persuadée que l'Ordre peut nous sauver, et protéger ma raison de vivre. Je respecte ta décision, enfin j'essaye. Mais je ne la comprends pas. Je te jure que j'essaye. » Tu soupires, braquant de nouveau tes yeux dans les siens. « C'est quoi la suite Arthur ? Que veux-tu faire, quitter l'ordre ? Te battre seul ? Ou tout simplement cesser de te battre ? »

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Tu savais bien que tôt ou tard cette conversation surgirait. Et si tu la redoutais à ce point, cela n’avait rien d’anodin. Des années durant, tu avais été le pilier de cette famille, le seul membre à se confronter à la sombre et cruelle réalité qui frappait en dehors des murs de Poudlard ou de la chaleur du Terrier. Tu en avais gardé des secrets, des histoires sordides que la Gazette se refusait à mentionner, et tout ça pour quoi ? Pour épargner les tiens, pour éviter les sujets que tu savais sensibles et qui te retournaient les entrailles. Tu n’étais pas de ceux qui se complaisent dans le malheur et le chaos, toute ta vie durant, tu avais cherché à éviter les drames. Mais la vie, justement, avait fini par te rattraper. Alors que tu t’étais laissé sombrer, Molly était tout naturellement venu assumer ton rôle et le sien. “N’en veux pas aux enfants. Je sais qu’ils te donnent parfois du fil à retordre et que vos avis divergent trop souvent, mais tu comptes tellement pour eux, ne l’oublie jamais.” Tu savais à quel point chaque dispute avec Ginny, Bill, Percy, Ron ou George avait le pouvoir de blesser Molly. Avant d’être l’un des membres les plus influents du dernier cercle, ton épouse était avant tout une mère dévouée, qui donnerait sa vie pour sa progéniture. Tu en étais persuadé aujourd’hui encore, alors que Molly passait le plus clair de son temps à se battre dans le vent. Ils étaient loin les idéaux de Dumbledore, de ce valeureux sorcier qui était parvenu à vous rallier à sa cause pour le meilleur et surtout pour le pire. Et voilà qu’aujourd’hui, Molly se décidait finalement à venir te demander des comptes. Mais qu’étais-tu censé lui dire, que voulait-elle entendre de toi ? Tu savais qu’elle ne te laisserait aucun répit jusqu’à tu aies accepté d’aller dans son sens. Mais cette fois, tu ne pouvais te résoudre à lui donner raison pour échapper à une dispute inévitable. Cette fois, tu allais devoir foncer tête baissée dans le conflit, et Merlin sait que tu détestais cela. “Excuse-moi d’avoir perdu la foi en un combat qui s’enlise dans les conflits internes plutôt que de chercher à s’en prendre au véritable cœur du problème. Excuse-moi d’avoir peur de voir mes enfants tomber un par un et rejoindre leur frère pour une cause qui n’est plus dominée que par les égos surdimensionnés du cercle sept.” Le ton est dur mais tu ne peux prétendre que les mots dépassent ta pensée. Pour la première fois depuis bien des années, tu ne cherches plus à épargner Molly, à lui cacher ces états d’âme qui te rongent de l’intérieur. “La vérité, c’est que j’ai peur pour ma famille, et que je préfèrerais prendre la fuite avec vous tous, plutôt que de rester dans un pays où il n’y a plus rien pour nous, en dehors de la mort.” Ton regard azur s’assombrit à mesure que les mots s’échappent d’entre tes lèvres. Tu ne contrôles plus le flot de ces paroles que tu retiens depuis fort longtemps. Tu irais bien t’asseoir à côté de Molly pour la prendre dans tes bras et mettre un terme à cette discussion, mais rester debout semblait te donner le courage de continuer. “Chaque fois que tu passes la porte de cette chambre, c’est comme l’effet d’un déchirement pour moi. J’ai l’impression que l’on m’arrache une partie de moi, sans savoir si on va me la rendre ou non. Je ne supporte plus de voir cette fichue pendule indiquer que l’ensemble de ma famille est en danger.” D’un air furieux, tu pointes du doigt l’horloge accrochée au mur, l’un des seuls vestiges qui vous rappelle encore la douce vie que vous meniez au Terrier. “Pardonne-moi de ne pas être l’époux que tu attends, mais maintenant tu connais mes raisons.”

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Il a changé Arthur. Ton Arthur. Souvent, l'image de celui qu'il était quand tu l'as épousé te revient en mémoire. Vous étiez si jeunes, la tête pleine de rêves, indifférents à ce qui pouvait vous séparer. La tête pleine de rêves et le cœur empli de bons sentiments. Tu te rappelles chaque minute, chaque seconde. De tes angoisses avant de t'avancer vers l'autel à l'aplomb de ton "je le veux". De vos rires entremêlés à tes larmes de joie. Le premier jour du reste de ta vie, de votre vie. Ça te paraît si loin aujourd'hui. Quand tu contemples ton reflet, tu as le sentiment d'être une fleur que l'on a laissé flétrir, et dont les pétales menacent de chuter. Quant à Arthur, il te fait penser à un chêne en proie à un hiver qui ne veut laisser place au printemps. Il reste là, ancré au sol par ses profondes racines mais le vent a balayé ses atours et il ne reste que ses branches nues qui tentent de toucher le ciel. Son visage s'est creusé, et sous ses yeux se sont invitées des cernes qui refusent de partir, comme les rides de l'écorce qui marquent l'arbre pour le reste de sa longue vie. L'hiver s'éternise et tu réalises que tu as renoncé à espérer de revoir un jour le printemps.

Après la pluie vient le beau temps.
Qui a dit ça ? Sûrement un fou idéaliste.

Après la pluie, il y a l'orage. Et lors que tu as enfin achevé ta diatribe, tu as le sentiment d'être en pleine tempête. Tu as l'impression d'avoir passé la ligne interdite, le point de non-retour. L'abcès est percé, et vous ne pouvez plus vous échapper. Tu inspires un grand coup, comme pour te préparer aux mots d'Arthur. Quand l'orange gronde, c'est toujours en deux temps. D'abord l'éclair, qui déchire le ciel. Puis le tonnerre, qui résonne jusque dans ta poitrine. Les paroles d'Arthur te font cette impression.  Elles sont assourdissantes, violentes. À tel point que tu fermes un moment les yeux, comme aveuglée par l'éclair qui déchire le ciel. Incapable de le regarder en face. Est-ce à lui ou à la vérité qui te saute à la gorge que tu cherches à fuir ?

Après la pluie, l'orage.
Après l'orage, la tempête.

Tu ouvres les yeux, que tu braques dans ceux d'Arthur. Prête à affronter la tempête. Peut-on trop aimer ? La question t'a souvent trotté dans la tête. Plus jeune, tu étais persuadée que non, car l'amour était un si beau sentiment que l'on ne pourra jamais trop aimer. Mais quand on aime si fort, que ça fait mal, est-ce toujours le cas ? Tu n'en sais rien. À vrai dire, tu ne sais plus vraiment ce que tu ressens. Peur, souffrance, colère, rancœur. Et aujourd'hui, ce sont ces sentiments qui guident tes mots. « C'est donc ainsi que tu me vois désormais ? Une femme dont l'ego surdimensionné met en danger la vie de ses enfants ? Sérieusement Arthur ? » Tu hausses le ton sans vraiment t'en rendre compte. Guidée par la blessure que les mots d'Arthur ont gravé dans tes chairs. « J'ai peut-être un égo surdimensionné, mais au moins j'essaye de faire bouger les choses. Cette pendule, je n'arrive même plus à la regarder. Parce que je ne supporte pas de voir l'aiguille de Fred désespérément fixe. Et tu sais quoi ? Je fais tout ce que je peux pour que les autres ne la rejoignent pas. Et toi, ta solution c'est quoi ? Fuir ?  À quoi bon ? » Tu fais les cents pas autour du lit, passant nerveusement ta main dans tes cheveux. Tes mots dépassent-ils ta pensée ou tes pensées tes mots ? Tu ne le sais pas, mais tu sais que la tempête laissera ses traces. Comme les arbres calcinés après que la foudre les ai frappés. « Non tu n'es pas l'époux que j'attendais. En tout cas tu ne l'es plus. Parce que mon Arthur, celui dont je suis fière de porter le nom n'est pas un lâche. »

Et après la tempête ?

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Molly et Arthur. Véritables inséparables, qui n’allaient jamais l’un sans l’autre. Des décennies s’étaient écoulées durant lesquelles votre amour avait été plus fort que tout. Des disputes, tous les couples en surmontaient, mais les vôtres étaient toujours de courte durée. Personne ne criait, personne ne manquait de respect à l’autre. On s’expliquait et puis on tournait la page, et voilà tout. Ils étaient vite balayés, oubliés, les conflits qui vous opposaient de temps à autre. Mais ça, c’était le passé. Aujourd’hui, vous aviez pris l’habitude de vous fuir pour éviter l’affrontement. Et il faut dire que ce n’était pas si compliqué avec Molly qui courrait sans cesse de Saint-James à la Fawkes, où elle ne passait plus qu’en coups de vent. Les moments partagés à deux étaient devenus si rares que l’on préférait les apprécier silencieusement plutôt que de perdre ce temps si précieux à s’échanger des reproches amers. Oh bien sûr que ce n’était pas la solution, mais tu avais fini par t’en contenter. Mieux valait se voiler la face plutôt que se déchirer comme des amants maudits. Tu n’aimes guère voir ton épouse monter sur ses grands chevaux et s’emballer pour quelque chose qui n’en vaut pas la moindre peine. “Molly, n’essaie pas de détourner mes propos. Ce n’est pas à ton égo que je faisais allusion. Tu as toujours su rester la même au cours de ton ascension. Tu es certainement la sorcière la plus méritante et la plus modeste que l’Ordre a la chance de compter dans ses rangs.” Toujours là pour essayer de tempérer, de ramener de l’ordre et du calme avant que l’orage ne gronde pour de bon. Mais Molly s’emballe de plus belle, elle paraît vouloir que la tempête se déchaine une bonne fois pour toute. Elle poursuit sur sa lancée, te crachant toujours plus d’amertume au visage. “J’ai bien conscience que fuir n’est pas la solution la plus noble. Mais qu’importe le courage face à la mort. Je préfère être un lâche entouré de sa famille plutôt qu’un homme seul et téméraire.” Ton regard se pose inévitablement sur l’aiguille de Fred qui a cessé de bouger depuis déjà bien trop longtemps. C’est comme si votre mariage s’était arrêté tout aussi net. Qui serait le prochain ? Pas un seul jour ne passait sans que tu te poses cette question dévastatrice dès l’instant où tu ouvrais les paupières. Les paroles de Molly te faisaient mal, elles te dévoraient la chair pour mieux t’atteindre en plein cœur. On t’avait traité de bien des choses au cours de ta vie, traître à ton sang était sans doute l’insulte qui revenait le plus souvent. Et pourtant, rien ne saurait être plus douloureux que d’entendre Molly te qualifier de lâche. “Je regrette que tu aies une telle opinion de moi, vraiment. Tu vois, notre mariage et notre famille ont toujours été ce qui compte le plus à mes yeux. J’ai longtemps cru que nous partagions cette vision des choses. Mais ces derniers temps, j’ai l’impression que tes priorités sont ailleurs, que tu préfères te battre contre un ennemi qui est partout et nulle part à la fois, plutôt que d’essayer de sauver les liens qui nous unissent encore.” Si tu parlais de votre mariage en premier lieu, tu n’en excluais pas pour autant votre famille. Les relations que Molly entretenait avec les enfants se faisaient de plus en plus conflictuelles à mesure que le temps s’écoulait. Tu avais beau essayer de jouer les médiateurs, tu étais bien contraint d’assister au déchirement inéluctable de ton clan. Et tout ça pour quoi ? Pour une cause qui n’en valait plus la peine.

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Si on devait t'associer un élément, ce serait sans conteste le feu. Ardent, sauvage et dont les flammes ravagent tout sur leur passage. Arthur, quant à lui, tu l'as toujours imaginé associé à la terre. L'élément le plus stable de tous, celui dans lequel les arbres plantent leurs racines, celui qui nourrit le monde. Des quatre éléments, il est souvent le plus sous estimé, alors que finalement, eau, feu et air ne peuvent détruire la terre. Arthur est comme ça. Stable, solide. Inébranlable. Toi le fei, lui la terre. Depuis toujours, il savait trouver les mots pour t'apaiser, la plaisanterie qui allait te faire rire aux éclats quand tu allais pleurer. Ta lumière dans la nuit. Enfin jusqu'alors il était. Alors qu'autour de vous, le monde se déchire tout semble vouloir vous séparer. Tu as l'impression de ne plus pouvoir l'atteindre, comme s'il était derrière une vitre sans tain, incapable de te voir, de t'entendre. Si proche, et pourtant si loin. Là où tes paroles, telles des flammes, sont violentes et dures, Arthur s'exprime d'un ton calme, posé. Et à tes yeux, c'en est presque plus violent. Tu ne le comprends pas. Tu ne le comprends plus. Comment peut-il penser que tes priorités sont ailleurs alors que tu fais tout pour sauver les tiens ? Que tu donnerais corps et âme pour protéger ta famille ? Pourquoi par Merlin est-il incapable de comprendre ? « Mais pour moi aussi Arthur ! Vous êtes ma priorité. Toi, nous, les enfants. » Tu insistes sur le "nous", en réponse à la pique envoyée par Arthur sur votre mariage. Si une personne peut avoir plus d'un amour dans sa vie, tu es persuadée qu'elle a qu'une seule âme sœur. Et tu sais qu'Arthur l'est. Il ne peut en être autrement, sinon comment expliquer cette certitude que vous aviez quand, adolescents on considérait votre histoire comme une simple amourette due aux hormones de jeunes qui se découvrent ? Alors que personne ne vous prenait au sérieux, vous saviez, vous sentiez la puissance de ce qui vous unissait. Et dès lors, tu n'en as jamais douté.

Jusqu'à aujourd'hui. Alors que vous vous regardez sans vous comprendre, tu te demandes où est passée votre complicité. Sans pour autant te remettre en question, ce n'est pas dans ton caractère. Surtout comme quand aujourd'hui, tu es persuadée d'avoir raison. « Tu sais quoi ? Je préfère que mes enfants me haïssent mais qu'ils restent en vie. Je préfère que tu me haïsses que de pleurer sur ton corps. Parce que j'aime mes enfants du plus profond de mes chairs, parce que je t'aime du plus profond de mon âme. Par Merlin Arthur, pourquoi tu ne veux pas comprendre ? » Tu cesses ta ronde agitée autour du lit pour te tourner vers la fenêtre, dos à Arthur. Devant toi, la forêt se dessine. Un paysage dont tu ne parviens pas à admirer la beauté, tant les douces collines qui entouraient le terrier te manquent. Aujourd'hui plus que jamais. « Qu'est-ce que tu attends de moi ? Que je plaque tout ? Que je dise fuck Kingsley et que laisse l'Ordre courir à sa perte ? Si cela pouvait permettre de tous vous protéger, je le ferai sans hésiter. Seulement, je reste convaincue que me battre est la meilleure manière de vous protéger. » Tu croises les bras, comme pour te protéger d'une menace invisible. Ou comme pour sentir quelque chose contre ton corps, alors que les vôtres s'éloignent comme vos idéaux. Quelques années plus tôt, tu aurais sans doute fondu en larmes. Mais pas aujourd'hui. Trop de larmes ont déjà coulées, et tu te sens tarie. Épuisée. Mais pas abattue, pas encore. « Tu es un bon père Arthur, et un mari exceptionnel. Si tu n'as plus la force de te battre, je suis prête à me battre pour nous deux. Mais j'ai besoin de savoir qu'une part de toi croit encore en moi, en nous. Je veux que tu me croies quand je te dis que c'est pour nous que je me bats, et pas pour une institution qui n'en vaut pas la peine. Ce que je veux, c'est que ma petite-fille grandisse avec ses parents, ses oncles et tantes, dans un monde où elle pourra s'épanouir sans se soucier de ce qu'elle est ou de la valeur de son sang. Et ce que je veux, c'est que tu me soutiennes. Que tu croies en moi. »

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La tension est plus palpable que jamais. Il doit bien s’agir là de la plus terrible de vos disputes. Molly fait les quatre cent pas à travers la pièce, certainement dans le but de calmer ses nerfs, en vain. Tu la laisses patiemment t’exposer sa fureur. Tu n’es pas de ceux qui interrompent sans cesse leurs interlocuteurs dans le but de les clouer au silence avec véhémence. Ton épouse, tu la respectes bien trop pour lui interdire de s’exprimer, quand bien ses paroles dépassent sa pensée. Mais en cet instant, tu es contraint de reconnaître que Molly est parfaitement maîtresse de ses émotions. Les reproches qu’elle fustige à ton encontre ne font que refléter l’amertume qu’elle a sur le coeur. Par ta faute, par ton manque cruel d’implication dans les projets de l’Ordre. “Quoiqu’il arrive, je ne pourrais jamais te haïr Molly. Je sais à quel point tu aimes tes enfants et tu te bats pour être une mère exceptionnelle. Je n’oublierai jamais tout ce que tu as fait pour notre famille pendant toutes ces années.” Le ton de ta voix est parfaitement calme, et si tu n’étais pas aussi peiné par ce que tu venais d’entendre, tu aurais pu insuffler une once de douceur à tes paroles. “Mais j’ai l’impression que c’est toi qui refuses de comprendre. Si tu veux continuer à te donner corps et âme pour l’Ordre, c’est ta décision, et je n’ai en aucun cas la légitimité de la remettre en question.” Tu finis par te lever à ton tour, pour venir te planter face à Molly, dans l’espoir de stopper ses aller et retour saccadés. “J’aimerais simplement que tu acceptes enfin que ma contribution à l’Ordre du Phénix ne s’apparente désormais plus qu’aux cours que je donne à la Fawkes. Je ne veux pas être mêlé à vos décisions, et je n’ai plus rien à faire à vos réunions. Et s’il se passe quelque chose d’assez important, je suis certain que tu m’en feras part, car j’ai confiance en toi. ” Comme pour renforcer la véracité de tes propos, tu viens délicatement poser une main sur l’avant-bras de ton épouse. Même à travers les vêtements, tu peux sentir la chaleur qui émane de son corps, et qui n’est autre que le résultat de la colère qui l’anime. “Moi aussi je veux de ce monde-là pour ma petite-fille et pour le reste de ma famille, sois-en certaine. Je dis simplement que je n’ai pas envie de voir mes enfants se sacrifier pour sauver un pays qui se rapproche désormais plus d’une version décuplée d’Azkaban. Partir loin d’ici n’est peut-être pas chose aisée, mais ce n’est certainement pas impossible.” Vous pourriez emprunter la voie moldue et vous frayer un chemin vers des contrées moins hostiles. Mais bien sûr tout ceci n’était réalisable que dans tes rêveries éveillées, dans tes contes fantaisistes dont tu te berçais lorsque le monde qui t’entourait commençait à t’opresser plus que de raison. “Je sais bien que c’est une décision que je ne peux prendre seul. Et tant que tu ne seras pas de mon avis, je n’aurais d’autre choix que de me résigner à poursuivre cette existence sordide.” Parce que tu ne pouvais te résoudre à tout quitter et à laisser les tiens derrière toi. Parce que ce n’est pas pour ta vie à toi que tu craignais le plus, mais bel et bien pour celle de tes proches.

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La tension qui émane de vos diatribes est presque palpable, comme une brume qui vous entoure et vous enserre. Cette sensation qui effleure votre échine et déclenche un frisson qui vient parcourir votre corps. C'est étrange, car bien que vous n'ayez échangé que peu de peu de cris ou de hurlements, ou en tout cas pas plus que d'ordinaire, tu as le sentiment que cette dispute est la plus violente d'entre toutes. Pas par les cris, mais par la profondeur des ressentis que vous vous crachez au visage. Aujourd'hui, vos mots échangés sont emplis d'amertume et pire encore : de lassitude. Vous êtes fatigués, las. Et, alors que vous allez toujours plus loin dans votre échange, que vous creusez petit à petit vers le point de non-retour. Comme on creuse sa propre tombe. Ou celle de votre amour. « Quoiqu’il arrive, je ne pourrais jamais te haïr Molly. » Il y a quelques années, il t'aurait simplement soufflé un je t'aime. Au creux de ton oreille, son souffle allant caresser ta gorge avant d'y déposer un baiser. Un geste, une danse mille fois répétée, mais dont chaque étape te manque atrocement. Au lieu de ça, une diatribe sans émotions, vide comme l'est ton cœur alors qu'il refuse d'y reposer. « Car j'ai confiance en toi. » Vraiment ? Alors pourquoi refuse-t-il de te suivre ? Pourquoi s'oppose-t-il inlassablement à toi ? À tes idéaux ? Tu as l'impression que vous suivez maintenant une route parallèle, sans plus vous croiser. L'espace d'un instant, tu réfléchis à ce qui pourrait se passer si tu le suivais, si ensemble vous quittiez votre terre bien aimée pour vous exiler. Cela vous permettrait-il de vous retrouver ? L'un et l'autre, l'un pour l'autre ? Ou alors le point de non-retour est-il déjà franchi. Sans retour en arrière possible. « Partir ? En laissant ici nos amis ? Les laissant crever sans nous retourner ? Je m'y refuse. Et soyons honnêtes, tu crois vraiment que nos enfants nous suivront ? Ils nous prendraient pour des lâches, et ça je m'y refuse. » Sordide. Rien que ça. Le mot pique. Tu sens les frissons parcourir ton corps comme l'onde de douleur qui suit un coup de poignard. « Tu ne me hais pas. Mais tu es déçu n'est-ce pas ? Tu parles de ce que tu n'oublieras pas, comme si tu parlais de nous au passé. Comme s'il n'y avait plus de futur. » Les mots s'échappent sans que tu ne les contrôle vraiment. Quelques années plus tôt, les larmes les auraient accompagné, mais pas aujourd'hui. Trop de fois elles sont coulé, que tu es comme un fleuve tari, une fleur flétrie.

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Les gens disaient parfois qu’une fois le point de non retour atteint, il n’y avait plus rien à faire pour tenter de sauver une relation qui en valait la peine. Mais toi, tu n’étais pas de cet avis. Toi, tu pensais que ce fameux point de non retour n’était autre qu’une légende, qu’une malédiction réservée aux couples maudits. Mais Molly et toi étiez des âmes sœurs, depuis la toute première fois où vos regards s’étaient croisés. Rien ni personne n’était en mesure de vous séparer. Des disputes, il y en avait eu et il y en aurait d’autres, c’était inévitable. Et si jusqu’ici votre relation n’avait jamais véritablement traversé la moindre tempête, tu demeurais persuadé que vous surmonteriez celle-ci d’une façon ou d’une autre. Parce qu’il y avait toujours de la lumière à l’autre bout du tunnel, même lorsque l’on se trouvait encore dans l'obscurité la plus totale. “Oui, Molly, j’ai bien saisi que tu considérais ma vision des choses comme de la lâcheté. Inutile de passer par des moyens détournés ou d’utiliser les enfants pour me le faire comprendre.” L’amertume est présente, vivace, entretenue par les reproches de Molly. Sa détermination à vouloir te faire reconnaître ta lâcheté ne fait que galvaniser ta colère. Tu sens une ire empreinte de chagrin naître en toi. Ton cœur se serre, ton regard s’assombrit et alors que tu reprends la parole, le ton monte et s’emballe. “Qu’ont fait tes amis du cercle sept lorsque Fred a été assassiné, Molly ? Qu’ont-ils fait pour nous et notre famille ? Si ce n’est mettre le reste de nos enfants en danger, tout ça pour les envoyer en première ligne de missions jugées trop dangereuses pour l’élite de l’Ordre !” C’est la toute première fois que tu cries devant Molly, la toute première fois que tu es rongé par le sentiment d’être allé trop loin. Tu n’avais pas le droit d’évoquer la mort de Fred, pas comme ça, pas à des fins aussi vengeresses. La mort de Fred, Molly l’avait elle aussi subi de plein fouet. Et tu n’avais en aucun cas le monopole de la douleur, Arthur. Alors tu baisses la tête, honteux, et évites le regard de ton épouse durant quelques secondes. Tu fermes les yeux et te concentres sur ta respiration, comme pour faire retomber la tension qui t’anime. “Ce n’est pas de la déception. C’est de la lassitude, certainement liée à de la tristesse aussi. Tu as trouvé un moyen de surmonter le deuil qui nous a été imposé. Et je suis soulagé pour toi. Mais dis-toi, que moi, je lutte encore pour vivre avec cette horreur jour après jour. Je n’arrive pas à trouver la moindre cause dans laquelle me jeter corps et âme.” Le constat est on ne peut plus limpide. En un sens, tu as l’impression d’être quelque peu soulagé d’avoir prononcé ces mots que tu gardais pour toi depuis toutes ces années. Alors tu relèves la tête vers Molly, et cette fois-ci, tu plantes tes pupilles bleutées dans les siennes. “Pour le meilleur et pour le pire. Jusqu’à la fin de nos jours. Je ne fais jamais de promesse en l’air, Molly. Mais j’ai encore besoin de temps. Alors je t’en supplie, ne me condamne pas tout de suite.”

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